Autofiction et Introspection

Habiter n’est pas impossible, mais c’est un vrai problème pour le narrateur. Il occupe des lieux sans jamais vraiment y entrer. Maison, atelier, villes traversées : ils existent, mais restent comme à distance. Il imagine que peindre ou écrire l’aidera à habiter autrement, à investir un espace intérieur qui compenserait l’absence d’ancrage. Mais cela demeure du côté du fantasme. Le réel, lui, continue de glisser, indifférent.

C’est de ce décalage que naissent ces fragments. Écrire pour traverser l’évidence, pour examiner ce qui ne s’examine pas. Écrire comme tentative d’habiter, sans garantie d’y parvenir.

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Carnets | septembre 2025

24 septembre 2025

Lyon. E. montre ses mains. Blanches, veineuses. Aux doigts, un rouge écaillé, résidu d’une semaine. La peau laisse voir l’os. Elle ne mange presque plus. Une demi-quenelle, pas davantage. Mais la crème à la vanille, un pot entier. Elle minaude, puis avale. Si maigre qu’un souffle pourrait l’emporter. S. s’énerve. Leur lien, c’est ça : colère et miroir. Quand je pars, elles se calment. Sans observateur, le flux circule. Comme en physique : absence qui libère les ondes. Je lis Koltès. Le mot or s’impose. Or donc. Or ni car. Souvenir scolaire. Certains mots collent, détonnent, comme des vols. Alors, pourquoi pas une langue de voleur ? Mais voler, pour moi, c’était décoller du sol. Quelques secondes. Retomber. Repartir. Vol de poulet. Dans le rêve, je savais la faille, mais je n’y changeais rien. L’enfer est peut-être ça : voir l’erreur, et malgré tout recommencer. idée d'histoire à partir de : Pendant les trois jours de noirceur, il n'y aura plus de démons en enfer. Ils seront tous sur terre. Ces trois jours seront si noirs que quelqu'un ne pourra voir ses propres mains. Ceux qui ne seront pas en état de grâce mourront de frayeur provoquée par la vue d'horribles démons ou bien ils mourront de démence. Un soir la nuit a décidé de rester. Plus de soleil. Plus d’électricité. On ne voit pas sa main. On ferme les volets, on tire les rideaux, on allume des bougies qui saignent leur petite cire. La maison devient îlot. On écoute : dehors, ça crie et ça chante des voix qu’on reconnaît. Une voix d’enfant. Une voix qu’on aimait. Elles raclent les portes. Elles supplient qu’on ouvre. Ils savent imiter. Ils savent appeler les noms. Ils savent parler comme si rien n’avait changé. On entend des doigts gratter le bois, des langues lèchent la serrure. La compassion, ici, pèse comme une pierre. Ouvrir, c’est donner sa chair. Rester, c’est laisser l’autre hurler. On attend. On compte les gouttes de cire. On boit à petites lames de thé. On s’apprend des mensonges : ce n’est pas réel, ce n’est pas réel. Mais la nuit a densité, elle colle, elle entre par les fissures. Elle trouve des oreilles. Et puis la pensée débarque, absurde, aiguë : nous qui parlons d’humanité, nous qui croquons du poulet, du bœuf, du poisson — ne sommes-nous pas nous-mêmes des prédateurs ? Sous nos doigts graisseux, n’avons-nous pas l’œil d’un autre, la faim d’une entité ? Si la compassion ouvre la porte, la voracité la creuse de l’intérieur. Un enfant appelle. Sa voix est exactement la voix de l’enfant qu’on a aimé. On regarde la poignée. La main tremble. On a sur la langue le goût du blanc de poulet, le souvenir salé d’un repas. Un petit rire, mécanique, s’exhale de la nuit. On lâche la poignée. On recule. La bougie vacille. La nuit rit. La garrulité rôde derrière ces deux textes, ne lui ouvre pas la porte. illustration : Main rouge levée, Egon Shiele 1910|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

23 septembre 2025

Koltès. Dès lors et pour un temps. La phrase s’enclenche comme une machine administrative. Vide. On administre. Une correction aussi, dans la chair. L’automne tombe d’un coup. Froid, pluie. Mais le climat n’est plus une excuse. Ni gai ni triste. Entre deux. Plus simple de se dire : je ne sais rien. Réécrire, c’est me démembrer. Puis voir surgir un texte qui n’est pas moi, pas l’autre. J’aime ce déplacement. Écrire ici, c’est ça : rien chercher, juste laisser venir. À l’étage, au-dessus de l'atelier, tout est resté comme il y a dix ans. Meubles paternels, cartons, vieilles toiles. Et le bois. Tas de bois énorme. Peur de jeter, fantasme du « ça peut servir ». Défaut de confiance en l’avenir. Dès lors et pour un temps. Il faudrait apprendre à jeter. Ou au moins lever la main, la laisser tomber.|couper{180}

Auteurs littéraires Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

22 septembre 2025

Cette étrange mentalité, aristocratique plus que petite-bourgeoise, cette maladie obstinée qui persiste à considérer l’argent comme de la merde et, dans le même mouvement, à se complaire dans son absence, comme si le manque lui-même devenait une forme de distinction, tout en caressant malgré soi l’idée — vague, honteuse, presque interdite — qu’un jour, par un retournement aussi imprévisible qu’espéré sans vraiment l’être, la roue se décidera à tourner et que l’on retrouvera alors son rang, sa noblesse, non par le travail ni par l’effort ni par la patience, mais au terme d’une suite d’opérations hasardeuses, hasardeuses au point d’en être risibles, qu’on s’empressera aussitôt, pour se préserver, pour sauver la façade, de rebaptiser d’un nom plus digne, plus acceptable, presque solennel : Providence, cette mentalité enfantine — peut-être, à ce stade, le doute est-il encore permis — mais le doute, à l’instar du manque, n’est-il pas du même ordre, inversé, dont tu te sers depuis toujours pour t’expliquer à toi-même, surtout cette obsession d’indigence chronique, miroir parfait de cette autre obsession, celle d’une abondance dont tu ne saurais que faire parce que le verbe t’évoque cette chose sombre, souterraine, abjecte et répugnante, ce fer dont on se sert pour imposer sa force, son pouvoir en écrasant l’autre d’un point à l’autre de la planète, ce fer qui pénètre les chairs, qui détruit des vies, qui ruine les projets modestes bâtis de père en fils, ce fer dans la paume de qui domine parce qu’il possède, lui, l’argent, le choix, la décision de t’anéantir quand bon lui semble, et cette rage — cette folie qu’apporte cette rage, exactement semblable à la folie du pouvoir — que tu ne pourras jamais, toi, montrer vraiment parce que la loi, bien sûr, règne désormais dans ton crâne, émissaire bouffon de ceux qui possèdent cet argent, ce pouvoir, cette même folie que la tienne mais par cooptation, par association, par malignité et supercherie, et qui ne te renvoient jamais que devant le même mur, ce mur de la honte que tu reconnais aussitôt, que tu avais déjà rencontré, que tu retrouves encore et contre lequel tu t’appuies d’abord pour tenir puis pour céder, jusqu’à n’avoir plus de front, plus de mots, seulement ce martèlement sourd — ta plainte, ta colère, ta honte — mais cela aussi fait partie du procédé : t’occuper ainsi, te laisser dans ce trépignement tandis qu’ils s’engraissent encore et encore en se moquant de toi et de ton trépignement, et qu’ils refondent ainsi toute une échelle de valeurs dont tu seras l’exclu, parce que pour eux être c’est exclure, parce que pour eux être c’est avoir, et qu’ils passent le plus clair de leur temps à t’avoir — regarde, regarde comme ils t’ont, ils t’ont comme ils ont eu ton père et tous les autres avant, et probablement tous ceux qui viendront après, et ça n’aura jamais de cesse, tu le sais à présent, ça ne s’arrêtera qu’au terme de tous les génocides, quand ils seront seuls les uns face aux autres, tous ceux de la même caste, et qu’ils découvriront que leur haine de l’autre n’est que haine d’eux-mêmes, et qu’ils s’entretueront une dernière fois encore, sous la voûte étoilée, devant le regard des étoiles indifférentes, d’un univers qui ignore leur existence et qui, la connaîtrait-il, resterait muet, incapable du moindre jugement — et c’est alors, dans ce silence cosmique, que tu sens l’amertume descendre déjà dans ton corps comme une coulée souterraine, et qu’elle s’installe, patiente, dans tes veines jusqu’à devenir ce poids qui te fait vieux d’un coup, qui te fatigue, qui t’éteint dans cette surdité volontaire face à leur bruit comme au tien, car les cris et les pleurs n’y changeront rien, tout cela est au programme de la perte de temps décidée en amont, et si par ce que tu nommes encore hasard l’idée te prenait de te lever pour marcher vers eux et les détruire jusqu’au dernier, les derniers seraient aussitôt remplacés par d’autres dont tu ne saurais même pas que tu fais partie — et quel effroi soudain de t’apercevoir que tu en fais partie, indéniablement tu en fais partie, comme chacun de nous, diront-ils dans leur dernier souffle en ricanant, fiers d’avoir renversé leur échelle pour bâtir le gouffre, et dans ce gouffre tu tombes, tu tomberas avec eux.|couper{180}

Autofiction et Introspection dispositif Narration et Expérimentation

Carnets | septembre 2025

21 septembre 2025

Ne plus rien voir, ne plus rien entendre : juste l’élan nu d’aller jusqu’aux limites, les franchir d’un pas sec, sans se retourner. Une pulsion de coupure, avant les mots, pour éprouver si le vide peut tenir lieu de monde. Cette épidémie de solitude qui frappe l'humanité est sans précédent. Il fallait qu'elle advienne dans une époque marquée par la communication à outrance. Communiquer ce n'est pas créer une chapelle, une église, encore moins une "religion". à moins que si justement, ce ne soit précisément que cela. Le bourdonnement d'une mouche je m'éfforce de ne pas l'entendre. Idem pour ce moteur dans le voisinage. Idem pour l'avertissement diffusé par les hauts parleurs, ceux de la gare proche, poussés par le vent. Idem pour tout ce qui rumine en moi, tout au fond de moi. S'efforcer est-il le bon mot, je ne crois pas. Non, j'écris et en même temps que j'écris tout cela je franchis cette frontière. Me voici dans mon propre désert soudain, je m'en rends compte à présent. Illustration Etat-d'âme-Les-adieux-2-Boccioni , 1911|couper{180}

Autofiction et Introspection dispositif peintres

Carnets | septembre 2025

20 septembre 2025

Quelques efforts physiques. Fini de débarrasser la cave : j’y ai remonté huit carcasses d’ordinateur, emballées dans du plastique. J’avais déjà récupéré pas mal de composants — disques durs, mémoire, un ou deux ventilateurs, quelques alimentations. Que faire de ces carcasses ? Les emporter à la déchèterie, certainement. Dire adieu à quelque chose que je ne sais pas définir. Je n’ai pas envie de le définir. Toujours une grande tristesse de jeter tout ça, puis ce drôle de soulagement, physique, d’être allégé d’un poids. Un poids de quoi ? Peu importe. J’écris pour moi. Si je me dis que j’écris pour d’autres, ça ne marche pas. Les poses. Cette horreur de la pose m’est venue d’un seul coup. La pose, dans tout, m’horripile — bien au-delà du paragraphe, du moment présent. En même temps il faut poser, faire semblant. Sinon tu n’as pas d’élèves, ils partent. Tu ne peux rien faire sans poser. Pas de révélation argentique sans ce foutu temps de pose. Ne laisse pas traîner les épreuves trop longtemps dans le fixateur. Ensuite il y a pose et pose : l’amabilité, le calcul de la bonne distance. Mais quelle énergie ça demande. Plus ça va, moins j’ai envie de dépenser cette énergie. En tout cas pas partout, pas avec n’importe qui. De toute façon mon principal client, c’est moi : j’arrive à me pomper sans vergogne. Le prix à payer : nuits d’insomnie, sensation d’être un singleton perdu dans l’espace intersidéral, surtout celle d’être vieux, faible, vulnérable. Me dire « ça suffit, relève-toi, bouge » ne me convainc plus. Ça ne m’a jamais convaincu, sans doute. Une sorte de mantra qui ne marche plus. Comme toutes ces choses inventées pour ne pas s’effondrer en pleine rue. Elles ne marchent plus. On tient malgré tout, je ne sais pas comment. Bien en peine de le dire aussi. Du charabia. Tu pourrais l’effacer, ça ne changerait rien. Il s’est installé, il suce la moelle. N’attends pas d’ordre. Laisse aller le charabia. Je tiens dans le verbe tenir, replié en lui, transporté en lui, comme dans un ventre.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

19 septembre 2025

Réveil à 00h15. Peut-être mon imagination (ma folie ?) : impression persistante de déconnexion. Comme si j’avais traversé des voiles de réel pour me retrouver en terre inconnue. Je ne reconnais plus rien. Les mots qu’on me dit, les injonctions, les mots d’ordre : je les repère aussitôt pour ce qu’ils sont mais ils n’ont aucune prise sur ma volonté. Je les entends, je ne les écoute pas. En faire qu’à sa tête, disait-on autrefois. Comme si ces injonctions s’adressaient à un double — celui qui vit dans cette fréquence nommée réalité par la plupart de ceux que je côtoie. Je ne suis pas dupe. C’est une anomalie de ne pas l’être. Une anomalie que je paie cher, sans en être responsable. J’ai multiplié les efforts pour appartenir à cette réalité, tenaces, réguliers, mais tout s’est toujours soldé par un effondrement. Alors je me retrouve projeté à des années-lumière de cette fameuse réalité, dans un no man’s land devenu presque un chez soi. Et si ce que nous appelons rationnel, raisonnable n’était que la plus monstrueuse des fictions ? Aussitôt mes frayeurs d’enfant reviennent. Des squelettes dévalent l’escalier du grenier derrière la porte de la chambre. Le rideau rouge de la penderie s’entrouvre : la Bête du Gévaudan surgit avec un rictus abominable, tentative grotesque de compassion. Recouché à 4 h, après une nuit de code. En filigrane : une pensée insistante — s’enfoncer de plus en plus profondément, vers quoi ? J’avais déjà connu cette sensation enfant ; je m’étais évanoui. Et si j’inventais le monde autour de moi ? Dans ce cas, qui suis-je ? C’est à la fois répugnant et attirant. L’aspect répugnant prime, et c’est pour cela qu’il m’attire. Enfin en avoir le cœur net. Dans mes cauchemars, je les voyais : des créatures toxiques. Leur toxicité ne venait pas d’un jugement moral mais du fait qu’elles me pompaient une énergie inouïe. C’était leur nature. Ceci expliquant en partie mon impossibilité d’avoir des enfants. J’avais déjà cette cohorte aux basques à six ans, et cette obligation de responsabilité envers elle. J'étais le père de mon père, le père de mon grand-père, le père de tous mes aïeux — chargé de tenir, à bout de bras, les enfants qui n'allaient jamais naître.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

18 septembre 2025

Depuis 2019 la faille est béante. Avant je pouvais me dire que tout finirait par s’arranger ; ce mensonge ne tient plus. Le temps s’est arrêté, nous vivons le présent d’une répétition infernale. Quelque chose s’est creusé alors — un tunnel vers le plus pourri du cœur des hommes — notamment le mien, j'imagine ; et les démons s’en servent d’ascenseur : ils remontent du ciel infernal vers notre sous-sol terrestre. Depuis 2019 tout est inversé. Je ne le savais pas. Je l’apprends aujourd’hui, à demi-mot, par une IA. Les modes d’emploi me désespèrent, surtout pour l’écriture : opercule à percer, deux minutes au micro-ondes, régalez-vous ! . J’y ai cru autrefois. Face à la feuille blanche on est tellement con. J’ai failli souhaiter bon anniversaire à J.O. J’ai failli le souhaiter à F.B. Puis je me suis souvenu que ma seule relation avec eux est celle d’un lecteur. Donc non. Un pacte ne se brise pas sous couvert de bonnes intentions. Depuis 2019, les bonnes intentions s’effondrent comme des soufflets à peine montés — un monde sans elles n’est pas seulement irrespirable : on y étoufferait, assassiné par nos vieux mensonges. Avant 2019 je me torturais : je prenais la fausseté pour une faute personnelle. Aujourd’hui je sais que la justesse est circonstancielle — un lieu, un instant, ou rien du tout. Peut-être le savais-je toujours ; il aura fallu 2019 pour que je veuille l’admettre. Le fait que je m’enfouisse dans le code comme dans un labyrinthe. On n’en sortirait jamais. On peut toujours faire “mieux”. Ce mensonge utile aussi, la petite poire pour la soif. Hier j’ai encore retouché la carte interactive : j’ai ajouté aux points géolocalisés des listes d’articles sous forme d’info-bulles. C’est parti d’une question : combien de fois sur ce site ai-je écrit ce mot, cette ville, ce lieu ? Chaque article relié à un point, et tout à coup apparaissent des index étonnants. Mais ça ne suffisait toujours pas. Je me suis dirigé vers les diagrammes de Voronoi, de manière à proposer une vue plus graphique des groupes de mots-clés du site, mais trop années 80, je me suis orienté vers la graph-view d'Obsidian que je suis parvenu à intégrer dans les descriptifs des principaux mots clés. Au final ce site devient un objet littéraire. Un ovni. Si des livres s'en échappent ce ne seront guère plus que des stolons.|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | septembre 2025

16 septembre 2025

J’écoute la télévision comme on écoute une machine à broyer : ces experts qui parlent avec aplomb, toujours sur le ton de l’évidence, font glisser la science vers la dérision. Le geste est précis — sourire programmé, main qui ponctue la phrase — et je me demande si ce n’est pas voulu, si l’on ne cherche pas à nous dégoûter de toute expertise pour mieux nous rendre disponibles à la fable. Je me sens presque coupable d’y penser, comme si dire cela avait quelque chose de complotiste ; la sensation, pourtant, est tactile : une supercherie à la surface du réel, qui devient plus dense au fil des années. Malgré tout, je continue de m’appuyer sur le peu de raison que j’ai cultivé. Cette raison, parfois, me paraît bientôt inutile devant les monstruosités qui remontent — des bouts de vérité enfouis, des gestes anciens mis au jour — et alors croire devient un pari instable : je peux croire à tout et à rien, à la fois. Entre deux paragraphes de code, j’installe TCPDF pour générer des PDF depuis SPIP — un petit ordre technique qui calme —, j’aperçois un atelier d’écriture en gestation (BOOST 2) que je veux suivre sans l’exposer, je réponds oui à l’association qui propose une élève handicapée. Une odeur d’essence traverse la rue et, comme une clé, ramène des visages et des lieux que j’avais cru effacés : ils reviennent sans prévenir, précis et étrangement intacts.|couper{180}

Autofiction et Introspection Technologies et Postmodernité

Carnets | septembre 2025

15 septembre 2025

Hier soir, en rentrant de V., j’ai ouvert Ténèbres en terres froides de Charles Juliet. Ce qui m’a frappé, c’est cette radicalité : une ou deux phrases suffisent à marquer une journée. Une telle économie de mots me trouble, comme une gifle. La veille, je n’avais moi-même écrit qu’une seule phrase. Tout au long de la journée suivante, j’ai senti ce vide me peser, une impression de ne pas avoir écrit vraiment. Alors, le soir, pour compenser, je me suis jeté sur deux longs textes préparés : Peuples fabuleux, Lieux fabuleux. Rien de personnel, seulement des dossiers, de la documentation, de quoi remplir. J’ai cru me satisfaire de ce leurre. Mais en reprenant Juliet, la question s’est imposée : écrit-il vraiment si peu ? Ou bien prélève-t-il ces phrases dans des fleuves d’écriture invisibles ? J’ai senti monter une indignation absurde : si c’était le cas, alors son livre me paraissait mensonger. Cette pensée m’a accompagné dans la nuit, nourrissant des cauchemars dont il ne reste que l’ambiance : solitude, monde sinistre, espace clos où nul autre que moi ne peut ni survivre ni vivre.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

14 septembre 2025

la présentation exige sa mise en forme, une mise à mort. C’est la seule raison pour laquelle continuer d’écrire. Pousser l’informe à l’extrême. Jusqu’au dégoût.|couper{180}

Autofiction et Introspection

Carnets | septembre 2025

13 septembre 2025

Je n’habiterai pas mon nom. Ceci en réaction à la lecture de notes récoltées. À la lecture du Pléiade de S-J.P. J’ai toujours refusé de prendre un pseudonyme. J’ai préféré gommer ce nom. N’utiliser que des initiales. Le Dibbouk n’est pas mon nom. C’est un emprunt. La comparaison s’arrête là. Saugrenue. Reste cette phrase ininterrompue qui continue de tracer son chemin. Je m’appuie sur la ponctuation pour ne pas céder. Des phrases brèves. Je m’interroge encore sur la pertinence d’une infolettre. Rien n’est arrêté. Chaque jour d’écriture en tient lieu. Le vent les emporte. Le van les égrène. (En Van de paille sur leur erre.) Séparer le bon grain de l’ivraie. Le dispositif à deux colonnes m’attire. De l’autre côté je remplis un nouveau vault Obsidian : réécritures, versions, reprises. Creuser, c’est descendre dans une galerie. Poser des étais. Ne pas savoir ce que je cherche au fond. Chaque idée, chaque désir attire un instant l’attention, puis elle s’en dégage, reprise par une force de renoncement familière. C’est elle qui m’interroge désormais. Pas son vrai nom. Peut-être plutôt une attraction du choix. Le magnétisme qu’exerce la nécessité de choisir sur mon refus obstiné. Un mouvement répété : m’élancer, renoncer, recommencer. Trop long, pas assez. Envie brute que ce soit interminable. Et puis cette pudeur, cette conscience du ridicule. Il me manque la place. Sur la toile comme dans l’éditeur. Toujours la peur de manquer de place. Ou de temps. Mais je crois que c’est la même chose.|couper{180}

Auteurs littéraires Autofiction et Introspection dispositif

Carnets | septembre 2025

10 septembre 2025

Je imite. Copier. Singer. Fort pour ça. Pas pour descendre seul. Caves. Glisser. Tomber. Égouts. Renifler. Vomir. Puanteur. Ceux qui savent, mettez-les au trou. Pleurer. Gémir. Je pas ils. Je spécial. L’ère du peer to peer. Plus rien à télécharger. Cliquer. Attendre. Lire. Je lit. Devient il. L’instituteur dit : nul. En grammaire. Bien sûr. Lui aussi je. Veille. Préparer. Avaler. Lavement. Un litre et demi de produit. Verser. Gober. Un litre et demi d’eau. Nuit courte. Tourner. Retourner. Le lendemain. Quatre heures. Réveil. Rebelote. Encore. Un demi-litre. Regarder l’heure. Rater. Partir. Bouchons. Hôpital. Attendre. Signer. Gentillesse suspecte. Neuf heures trente. Explorer. Fouiller. Si envie, ne pas retenir. Lâcher. Couler. Le doc. Jeune. Déjà vu. 2020. Retirer. Découper. Polypes. Bénin. Dire : pas de cancer. Répondre : alors tout va bien. Merde. C’est le cas. Le caca, si j’ose. Retour. Manger. Bouffer. Baffrer. Combler. Vide. Soir. Changer. Remplacer. Bonneteau. Bayrou dehors. Le ministre désarmé dedans. Avaler plus rien. Plus d’appétit. Aujourd’hui. Dire : révolution. Crier. Promettre. J’y crois pas. Faire un pas de côté. Voir le coup monté. Programme. Tromper. Faire croire. Tout change. Rien. Bonneteau. Les mêmes. Revenir. Repasser. L’ère des mèmes. Partager. Copier. Coller. Gueuler. Chanter. Dans l’hygiaphone.|couper{180}

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