octobre 2021

Carnets | octobre 2021

Pareidolie

Je crois que tout a commencé après la mort de Flip, le chien loup que mon père avait rapporté à la maison, un soir d'hiver 1965 ou 66. Mon frère et moi allions régulièrement au fond du jardin nous agenouiller devant le tas de fumier où il avait été enterré. Nous inventions des prières bizarres la plupart du temps car je n'étais pas encore entré au catéchisme. Ensuite on regardait en l'air pour tenter d'apercevoir le chien courir dans le ciel. Il suffisait de pas grand chose alors, un cumulus ou un nimbus et tout à coup, en plissant bien les yeux, on le voyait comme je vous vois. Il avait l'air heureux et ça nous rassurait. Parce que c'est le vétérinaire qui avait tué Flip avec une piqure le jour où il avait presque crevé un œil à mon frère. Nous avions pleuré comme des Madeleines, puis peu à peu nous étions passés à autre chose. Mais on se réservait toujours un petit quart d'heure par ci par là pour aller voir nos morts. Sous le tas de fumier il y avait aussi la dépouille de Poupougne un cocker qui avait fait long feu. A peine arrivé qu'une maladie étrange l'avait emporté. Il y avait aussi des animaux sans nom que nous ramassions dans les allées du jardin. Des insectes, des oiseaux, et même quelques salamandres, lézard et musaraignes. Mon frère était beaucoup plus jeune que moi et nous avions un mal de chien à jouer ensemble. Sérieusement, Il avait une concentration de poisson rouge si vous voyez ce que je veux dire. Au bout du compte on a finit par prendre de la distance lui et moi. A jouer chacun dans notre coin. Alors c'était aussi une façon de se réunir une fois ou deux par semaine, on se recueillait dans tous les sens du terme. Je crois que nous pensions énormément à la mort, bien plus que ce qu'imaginent généralement les adultes lorsqu'ils considèrent les préoccupations des enfants. De temps en temps notre mère se rendait au fond du jardin pour tuer un lapin et, lorsqu'elle nous apercevait agenouillés devant le tas de fumier , elle haussait les épaules en soupirant. Puis elle m'interpellait en disant : Louis ce sont des vêtements propres n'allez pas vous salir je te désigne responsable alors gare si tout est taché ce soir. Et le soir assez souvent comme elle était fatiguée elle s'emportait un bon coup comme pour se vider de tout un tas de choses désagréables. J'avais fini par m'habituer au rythme de cette vie là, de toutes façons je n'avais pas vraiment le choix, je ne connaissais rien d'autre. Des années lumières plus tard Bertrand un copain me fera rentrer chez lui et je découvrirai que toutes les familles n'étaient pas comme la mienne. J'ai toujours tenté de trouver des raisons, du sens à tout, surtout lorsque de toute évidence et pour tout le monde ce tout c'était l'insensé. On me traitait de beaucoup de choses dans l'enfance sans doute parce que j'avais les épaules pour le supporter. Le bon Dieu ne t'en mettra pas plus sur le dos que tu ne peux en supporter disait grand-mère et je crois qu'elle avait raison, même si je doute que tout cela vienne du bon Dieu évidemment. On me disait aussi que j'avais le diable dans la peau, je dis "on" pour ne pas prononcer le mot maman parce que ça ne va plus tellement bien ensemble dans mon idée, une mère qui rabâche ça à son enfant vous voyez. J'ai passé des heures caché dans les toilettes à cause de cette phrase. Je me disais que tout de même le diable, s'il existait, aurait un peu de respect, qu'il me laisserait un moment de répit aux cabinets avant de me retomber sur le paletot sitôt que j'aurai tiré la chasse. Et puis finalement le diable est plus probablement à l'intérieur de chacun de nous que n'importe où ailleurs. Il faut s'y faire et discuter avec lui de temps à autre parce qu'il n'y a rien de pire que l'ignorance en toutes choses disait mon arrière grand père instituteur. Sans doute est ce probablement ce que j'imaginais alors être mon diable intérieur qui me faisait voir des chiens courir dans le ciel, ou des chevaux. J'ai toujours rêvé d'avoir un cheval à cette époque de ma vie, avoir un ami véritable ça ne pouvait être qu'un animal et surtout un cheval. J'en apercevait partout sur les murs, dans la boue, dans la forme des nuages mais j'ai vite renoncé à le dire aux autres. A part à mon jeune frère qui sans doute par fraternité daignait me croire tout simplement. Les années ont passé par la suite et nous n'en avons jamais plus reparlé. D'ailleurs je me sentirais probablement gêné de lui en reparler désormais à plus de 60 ans passés. Ca ne voudrait plus rien dire du tout. D'ailleurs on ne se parle pas beaucoup. On se voit une fois l'an et on parle de choses sans importance véritable, de son job, de sa maison, de ses maladies et puis c'est tout. Des conversations comme on peut en avoir avec tout le monde en fait. Ce phénomène de voir des choses lorsqu'il n'y a rien pour la plupart des gens j'ai appris avec le temps qu'il portait un nom : la pareidolie. Ne dirait t'on pas le nom d'une maladie ? Généralement on l'utilise pour des sortes d'hallucinations visuelles. Mais je crois que j'ai du en abuser et m'exercer énormément à le développer à l'aide du diable et je crois aussi que le but ultime recherché était par ce biais de tomber un jour sur le bon Dieu. C'était bien mon genre de logique. Il y a même une période où ça gazait tellement, vers la cinquantaine, que j'aurais pu entrer dans les ordres, tout lâcher pour devenir moine. Je m'étais mis à voir des anges un peu partout et lorsque je levais les yeux pour regarder les arbres et leurs feuillages j'avais le sentiment d'être face aux vitraux des cathédrales à lire toutes les histoires du monde. J'aurais pu sans doute continuer à voir toutes ces choses si à un moment quelqu'un à la radio ou à la télé n'avait pas parlé de cette faculté qui peut se transformer en maladie. A un moment j'ai eu un peu d'espoir parce certains trouvent le moyen d'utiliser à bon escient la pareidolie. Il deviennent artistes, et leurs visions sont acceptées comme étant des œuvres d'art que les gens ensuite achètent. C'est vraiment épatant. C'est simplement dommage de n'avoir pu y penser plus tôt , de ne pas m'être renseigné et de considérer ce phénomène comme une tare, un défaut, l'œuvre de ce diable collectivement placé tout au fond de moi.|couper{180}

Carnets | octobre 2021

Les iles de la Tranquillité.

Soudain je me penchai sur cet art qui consiste à porter une attention particulière à la plus petite peccadille afin de s'entrainer à célébrer. On laisse filer tellement de choses par inattention. On les regarde sans les voir. Ou alors on les regarde pour en retenir quelque chose à profit, avec intérêt dans un espoir d'en recevoir des dividendes. L'attention commandée par l'intérêt sans doute. Mais cette attention là, celle dont je suis en ce moment même en train de vous parler, elle n'enlève pas les doutes. Elle en fait une matière, que l'on peut déposer dans un creuset. C'est au travers d'elle en la chauffant d'innombrables fois à la flamme du doute, de l'hésitation que l'on parvient enfin à percer sa gangue confuse, boueuse. C'est alors que la croute se fendille, qu'elle laisse échapper quelques étincelles de clarté, et dont on ne sait la plupart du temps que faire tant qu'on est jeune et inexpérimenté dans cet art. L'ultime étape est donc d'installer une estrade, de la décorer de lampions, voire de jolis bouquets, asperger le tout ensuite d'un brin de vétiver, Enfin, mettez vos plus beaux atours et grimpez ensuite au beau milieu ! Une fois tout cela effectué plus ou moins dans le bon ordre, essayez vous à célébrer. Sans doute n'y parviendrez vous pas du premier coup, peut-être aurez vous un ton trop perché, des tremblements dans la glotte, des sueurs froides, ou serez vous pris d'ivresse et déblatérez des bêtises aussi grosses que vous. Ce n'est pas grave du tout ! Osez célébrer. Pour un oui et pour un non. Célébrer un instant c'est tirer le fil ténu de l'étincelle pour extraire un soleil, une étoile. Il faut savoir le doute comme la nuit, ces nids. Et après des années, un jour sans doute, accepter que quelque chose prenne son envol, sans regret. l'accompagner ainsi à l'aide d'une pierre blanche, marquer le coup. Oh on s'intéresse aux grands faits d'armes, à l'extraordinaire inventé par l'ennui pour se distraire de l'ordinaire. Essayer l'infime peut aérer l'esprit. Et surtout améliorer le ton le timbre des discours Et vous verrez, en célébrant ainsi mille petites choses que la magie existe, qu'elles vous le rendront mille fois ! Vous croyez que c'est encore trop peu ? vous dites : temps perdu ... tout cela parce que vous croyez posséder le temps alors que ce n'est que l'illusion qui souvent vous possède. Le résultat de cet art n'est pas visible à l'œil, il est sans tapage, ni fanfare. Cette estrade est évidemment intérieure. C'est là qu'en tant que capitaine vous dirigerez au mieux le navire. Fendant l'ennui, la paresse, toute l'apparente médiocrité des jours, pour atteindre de plus en plus souvent les îles de la Tranquillité. Je ne dis pas que c'est facile, ni difficile. Je vous dis juste : essayez persévérez et vous verrez !|couper{180}

carnet de fiction

Carnets | octobre 2021

Encore une tentative de discours. ( note pour le vernissage de l’exposition)

En tant que peintre il faut que je me souvienne d'une chose importante, tout comme un commerçant devrait encore s'en souvenir aujourd'hui : Le public comme le client est roi ! C'est à dire qu'il peut régner un instant sur ma notoriété, mon prestige, et même pour me le prouver parfois m'acheter quelques œuvres comme cela s'est déjà produit , et j'espère bien que cela arrivera encore. Mais tout roi qu'il est il ne règne pas sur la source de cette peinture, j'ai mis un certain temps à comprendre le mot liberté. Je ne suis pas obsédé par la notoriété, pas plus que par le prestige, et mon travail de professeur me permettant de vivre je ne cours pas non plus outre mesure vers le "chaland" Ce qui me préoccupe souvent en revanche c'est de trouver dans le particulier de ma propre vie, dans l'extraordinaire comme dans la banalité de ma propre vie quelque chose pouvant se décliner de façon universelle. Dans une époque où l'humanisme n'a plus vraiment le vent en poupe c'est assez gonflé je vous l'accorde. Ce soir c'est le vernissage de cette exposition que j'ai voulu nommer "voyage intérieur". Et si j'ai des doutes ils ne portent que sur la qualité de cette transmission du particulier vers l'universel, cet universel qui s'incarne en toi ( public chéri) venu malgré la pluie voir mes tableaux. Peut-être parlera t'on d'esthétique, de composition, de beau et de laid, de force ou de faiblesse, ce ne sera comme d'habitude que le brouhaha naturel accompagnant tout vernissage. Je ne me réjouis pas plus que je ne m'offusque . .et certainement j'essaierai de faire attention à la qualité de silence sous ce brouhaha, pour savoir si c'est un silence paisible ou autre chose. Car c'est à partir de ce silence que la musique, l'harmonie, peut naitre ou pas. Que dire vraiment à haute voix d'un tableau ? Comment dire l'intime ? C'est pour cela que la plupart d'entre nous utilisions les termes j'aime ou je n'aime pas, c'est beau, c'est moche. Quelque chose nous touche en bien ou en mal et nous avons souvent du mal à l'exprimer autrement qu'ainsi. Il n'est pas question pour moi de juger ce brouhaha, ni de me l'approprier en bien ou en mal, c'est l'émanation de cet universel tel qu'il arrive au monde par l'intermédiaire des personnes réunies dans une pièce face à un événement. Car c'est un événement, en tous cas pour moi que de montrer mon travail ici, au centre culturel de Champvillard, à Irigny. C'est un événement pour moi de montrer quelques étapes de ce voyage intérieur qu'est ma vie de peintre, ma vie tout simplement. Je prépare cette exposition depuis longtemps et je l'imaginais exhaustive comme une espèce de rétrospective tant cela me tient à cœur de partager enfin toutes ces découvertes , ces difficultés, ces écueils aussi. C'était évidemment exagéré. C'est là un défaut majeur de cette volonté de partage et probablement aussi des mes doutes perpétuels que de vouloir tout expliquer dans le menu. Ma compagne résume cela beaucoup plus simplement d'habitude , elle me donne un coup de coude discret accompagné d'un "arrête d'en faire des tonnes." J'ai rédigé de nombreux textes depuis plus de deux ans désormais autour de ce moment sans pour autant parvenir à la satisfaction de toucher vraiment au but par les mots. Et c'est normal finalement puisque je passe plus de temps à peindre qu'à écrire. Parmi toutes ces tentatives qui forment à elles seules un voyage intérieur du même tonneau que ce travail de peinture, je retiens un moment tout particulier : les retrouvailles avec l'Estonie, les retrouvailles avec ma mère, les retrouvailles avec cette branche de la famille, maternelle, que je tais parce que je sens, et je ne sais pas si c'est à tort ou raison, que c'est une patate chaude qui arrive de très loin, de bien avant ma naissance. Cette sensibilité exacerbée, l'effusion tout comme la profusion d'amabilité, de gentillesse, la gesticulation font partie de la culture de mes ancêtres baltes tels que je les imagine pour le meilleur et le pire à partir de bribes d'informations reçues dans l'enfance. Sans doute auront ils exagéré en arrivant sur le sol français parce que l'exagération leur permettait à ce moment là de mieux estimer la distance à parcourir avec la langue française, tellement riche de sens, de subtilité, de précision pour accompagner la clarté dans le mouvement de la pensée. Sans doute qu'à un moment donné en auront ils fait eux aussi des tonnes pour trouver leur place ici dans notre beau pays. Ce pays qui fait rêver tous ceux qui décident de voyager vers lui, de tout quitter pour aller vers lui. Ce pays qui se désigne encore comme le pays des droits de l'homme malgré tout ce que l'on peut en dire. Ce pays qui est une idée formidable tellement forte encore malgré le marasme qu'il traverserait et que l'on ne cesse de nous décrire. C'est en ayant à nommer mes tableaux pour des raisons d'assurance, ici même, au centre culturel d'Irigny, que j'ai eu cette idée de trouver des titres en estonien. Car d'ordinaire les titres que je donne à mes tableaux pour les classer sont arides, je n'éprouve pas la nécessité d'orienter vers un sens par un titre. je voudrais toujours que le tableau se suffise à lui-même. Encore une vanité de peintre certainement. Mais je me suis prêté à l'exercice de bonne volonté. Et d'ailleurs lorsqu'en français il faut parfois quatre mots, une phrase pour dire quelque chose, je me suis aperçu grâce au traducteur de Google qu'en Estonien il n'en nécessitait que 1 ou 2. Autant dire que tout à coup je suis tombé sur un paradoxe. Comment un peuple qui réduit autant le nombre de mots pour dire une idée peut il être aussi extraverti ? Puis je me suis souvenu que la seule véritablement extravertie était ma mère. Ma grand mère que j'ai connue lorsque j'étais enfant était une taiseuse, elle avait beaucoup de difficultés à s'exprimer en français. Par contre avait t'elle soudain l'occasion de s'exprimer en estonien elle possédait aussitôt le même débit qu'une italienne. Elle devenait soudain intarissable. Une fois aussi je l'ai vue parler en allemand, et en russe, avec une aisance que je n'aurais jamais pu soupçonner. Ce fut une question importante autrefois de comprendre pourquoi une femme ayant autant d'aptitudes à parler plusieurs langues était récalcitrante à s'exprimer dans la mienne. Je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante à cette question non plus. Peut-être parce que la question se suffit à elle-même, parce qu'elle m'aura entrainé à m'interroger sur cette grand-mère bizarre et c'est déjà formidable. Il ne faut pas que mon discours soit trop long pour répondre aux règles de l'élégance à la française. il faut que je conserve cette contrainte dans un petit coin de ma tête. Mes tableaux parlent exactement de ça pour résumer, de cette question essentielle : comment dire quelque chose qui ne soit pas trop pesant, ou ridicule, ou qui ne soit pas seulement dans l'emphase, la séduction. Je veux dire quelque chose qui parte du cœur pour rejoindre le cœur et si possible simplement. Il faudrait que je sois poète pour y parvenir ce qui est loin d'être le cas. Parfois je trouvais ma grand-mère peu chaleureuse en comparaison de ma mère. Elle n'exprimait pas ses sentiments et je crois que j'ai mis un certain temps à saisir que ce n'était pas parce qu'elle n'en avait pas à notre égard mon frère et moi, mais parce que sans doute les dire en français, pour elle n'aurait pas signifié la même chose qu'en estonien. il devait y avoir quelque chose de l'ordre de l'à quoi bon pour elle à user du français pour parler de sentiment. Ce qui est aussi la preuve d'une grande intelligence de sa part envers notre langue. Je n'ai pas pu tout mettre, le hasard qui fait toujours très bien les choses se sera servi d'une confusion pour que, dans l'urgence, j'ai encore à tout retrier le jour de l'accrochage. Car une exposition c'est aussi un langage que l'on construit, c'est un choix de vocabulaire, de syntaxe, de conjugaison. Je n'ai pas pu tout dire tout montrer j'ai du refaire un choix dans l'urgence et lorsque j'y pense c'est une chance. Une centaine de tableaux aurait été de trop, et même aujourd'hui que je revisite en pensée cette expo après avoir élagué la moitié c'est encore excessif. Je ne dis pas ça à la légère ou par effet de style. J'écris ce discours comme je peins. D'une façon résolument brouillonne pour me venger des annotations dans la marge d'autrefois aussi. Elève brouillon. je peux bien en sourire aussi désormais que je comprends d'où provient la majeure partie de la confusion dans laquelle je résidais à l'école, notamment en Français. J'ai donc résumé un résumé. Exercice difficile de par le renoncement et l'humilité qu'il faut dans la hâte réunir. Dans ce que j'avais préparé je voulais montrer un parcours qui s'étend depuis cette immense confusion, ce besoin d'amour, de reconnaissance, qui n'appartiennent pas qu'à moi mais à ceux qui un jour dans ma famille ont du tout quitter pour essayer de se faire accepter ici. Je voulais parler de mes débuts, de mes errances en usant de la séduction, de l'exagération comme de la performance en peinture, pour parvenir à la fin à quelque chose de plus brut mais de plus sincère. De plus humble aussi. Quelque chose qui m'appartienne vraiment. Ce voyage intérieur parle aussi d'identité, pas seulement de la mienne, mais de ce que peut être l'identité en général, de façon universelle, et qui n'a rien à voir avec l'identique. En même temps cette exposition n'est pas la première que je fais, j'allais sans doute refaire les mêmes erreurs qu'habituellement, parce qu'il est difficile d'exposer des œuvres, de les défendre lorsqu'elles ont été peintes il y a longtemps, que l'on est passé à autre chose. Le dédain ou la honte voilà aussi ce qui fabrique certaines habitudes par facilité. Mais l'accident a du bon et grâce à celui-ci non seulement je renoue avec l'Estonie mais aussi je découvre toute une poétique associée à mon travail. Ce voyage de peintre au travers la peinture je crois que chacun le vit dans son travail quel qu'il soit, j'en suis persuadé depuis toujours, depuis les murs que j'ai élevés sur les chantiers dans ma jeunesse, depuis la vie de bureau à laquelle j'ai participé. Mais tout cela s'évanouit presque aussitôt que c'est vécu, on en ressort souvent comme un étranger comme si cela avait été une sorte de rêve. Le seul avantage c'est qu'avec la peinture on en garde une trace, on peut l'accrocher au mur. On peut sentir la justesse et l'écart et avec l'expérience développer un instinct, une intuition et pourquoi pas au final de l'inspiration. Ce n'est rien d'autre que cela ce voyage intérieur : un voyage qui démarre dans le cliché, ce que j'appelle la séduction, l'égotisme de tout individu qui se perd dans un miroir aux alouettes par instinct grégaire le plus souvent. Puis qui fatigué se mettrait alors à glisser vers l'insolite, à s'éloigner des reflets pour parvenir à cet extérieur, ce dehors souvent par maladresse, par accident. Le dépaysement. Dont l'attention à la maladresse à l'accident comme au banal s'aiguiserait au fil du temps. Ce voyage est un dépaysement finalement qui ramène au pays. J'avais déjà compris cela il y a longtemps lorsque jeune homme j'étais parti avec mon appareil photo en Iran, puis au Pakistan, en Afghanistan, déjà en guerre à l'époque. Ma peinture parle de ce dépaysement de cet écart par rapport au confort d'une habitude d'habiter de ce manque d'attention nécessaire pour s'engouffrer dans ce confort qui finit par couter cher, qui coute même parfois la vie toute entière. Et à la fin j'ai de plus en plus la sensation que ce voyage intérieur, même réduit à sa plus simple expression constitue un pays, Le dépaysement aura été le ciment tout comme l'exploration de la maladresse de l'accident, et du hasard. C'est désormais un pays tranquille, bienveillant , un pays où nous avons décidé qu'il faisait bon vivre.|couper{180}

peinture
Encore une tentative de discours. ( note pour le vernissage de l'exposition)

Carnets | octobre 2021

Les temps sont en train de changer.

Réveil de bonne heure avec arrière gout de splif. Une remontée bizarre puisque cela fait bien 25 ans que je ne touche plus à rien. Est-ce qu'on peut avoir des hallucinations aussi de ce coté là… ? bizarre bizarre et cette chanson qui tourne en boucle pour accompagner l'odeur de cannabis comme il se doit : “The Times They Are A-Changin" de Bob. Les temps sont en train de changer. Est ce le temps qui change ou bien les êtres ?, on pourrait se poser la question. Si j'avais du temps à perdre comme on dilapide un héritage. Mais non j'ai un tas de choses "à faire", il faudrait que je m'y mette de toute urgence. Et c'est justement à cause de ça que je m'installe devant mon clavier pour écrire ma bafouille matinale. C'est toujours comme ça, l'urgence crée la résistance. Sans urgence, sans menace, personnellement je ne ferais probablement pas grand chose en dehors des clous. Je crois que je vivrais "au ralenti" comme une marmotte sous la neige. Le danger m'oppresse et en même temps m'inspire. Et évidemment tout cela influe terriblement sur la perception du temps, cela donne même parfois l'impression de le contrôler. Mais je n'ai pas envie de contrôler le temps pas plus que d'être contrôlé par celui-ci. Alors si les temps doivent vraiment changer c'est justement sur la perception que nous en avons, pas vraiment sur quoi que ce soit d'autre. Je pense à tout ça en triant des photos de mes tableaux, ce qui me plonge dans une multiplicité de moments justement à chaque fois. Ces tableaux peints à différents moments de ma vie, je leur trouve une unité désormais alors qu'auparavant je cherchais cette notion d'unité à l'extérieur de moi-même. C'est à dire que je ne me posais pas la question vraiment de savoir ce que pouvait représenter cette unité pour moi. Je faisais confiance à la notion d'unité collective comme on faisait confiance à un médecin qui diagnostique un cancer. vous savez suivant le médecin les chances de s'en sortir peuvent varier de 1 à 600... c'est dire comment on nous a pris et comment on nous prend encore pour des couillons. Rien qu'un exemple, ma mère, son généraliste lui avait dit d'avaler du charbon car elle se plaignait de flatulences à répétitions. Cela a duré quelques années comme ça jusqu'à ce que finalement elle ose aller voir un autre toubib qui lui n'a pas lésiné sur les examens. Au final on lui a diagnostiqué un cancer du colon au stade 4. Autant dire qu'elle n'avait plus la moindre chance d'en sortir indemne. Au delà de la colère on peut réfléchir sur cette confiance aveugle que l'on accorde aux mots comme à certains experts. C'est en cela que les temps sont en train de changer aussi je crois. Grâce à internet notamment. Attention je ne parle pas des réseaux sociaux et des mille et un avis de tout à chacun sur une pandémie. Non je parle d'un accès libre à un savoir véritable. Doctissimo, Wikipédia pour ne citer qu'eux voilà ce qui va probablement provoquer des changements, qui les provoque déjà. L'ordre des médecins, comme tous les ordres du même acabit, c'est à dire les lobbies n'ont plus qu'à bien se tenir. internet, c'est le dernier bastion de la démocratie. N'importe qui peut accéder au savoir désormais quasiment gratuitement, n'importe qui peut prendre la parole et s'exprimer, donner son avis. Tout le monde est au même niveau sur internet. Tu peux dire que ce restaurant est dégueulasse dans un avis, que le pain de cette boulangerie est fabuleux, tu peux dire que ce médecin est un charlatan ou qu'il est excellent. Ton avis compte au même titre que n'importe quel compte d'entreprise. A condition de savoir comment faire évidemment, mais cela aussi s'apprend gratuitement. En France par contre donner son avis c'est souvent dire que ça ne va pas si on remarque bien. Parfois je me dis que je suis pareil, je vois les choses en noir, en négatif, mais ce n'est pas moi seul c'est toute la population française je crois qui adore se baigner dans la fange des critiques. On doit avoir ça dans le sang comme un cancer qui nous ronge petit à petit. Du coup c'est ainsi qu'on a inventé le minitel tandis que les autres pariaient sur internet.... Parce que des ingénieurs avaient eu une idée de génie, des experts en qui on faisait une confiance aveugle. 3615 Domina évidemment y avait de quoi casser 3 pattes à un canard. Du coup on a pris un peu de retard à force de se regarder le nombril évidemment. Je suis descendu me resservir une tasse de café, machinalement je mets la radio.... Bla bla bla les élections, le chômage, il faut créer des emplois, l'écologie va tous nous sauver et caetera. Le boniment des camelots de la foire d'empoigne. Je ne crois plus vraiment à l'emploi. Je crois qu'il va y en avoir de moins en moins des emplois. Quelqu'un a déjà inventé l'aqueduc qui mettra un terme au métier de porteur d'eau. Comme Uber met un terme à la profession de chauffeur de taxi. C'est comme ça c'est la vie. Les temps sont en train de changer. Les mentalités avec. Cela a toujours été ainsi et on pousse des cris d'orfraie à chaque fois. ça doit venir du cerveau pas de doute, tu sais , le truc qui existe entre les deux oreilles et qui ne sert à rien pour la plupart des gens parce qu'ils l'ont remplacé par l'habitude, la routine, le train train. Lorsque ça déraille ça fait mal. Tôle froissée, pleurs d'enfants, sans compter la clameur des camelots qui se fait d'autant plus forte que le silence après l'accident est insupportable. https://youtu.be/90WD_ats6eE|couper{180}