Technologies et Postmodernité

cette association n’est pas là pour théoriser l’époque, ni pour en faire le procès. La catégorie regroupe des textes écrits dans la postmodernité, depuis les marges poreuses de ses dispositifs. Des textes où le téléphone reste allumé même pendant les rêves, où le "je" doute de son propre corps, où les voix semblent filtrées par une interface invisible.

Ce sont des fragments où l’on sent que le monde est devenu technique, pas seulement dans ses objets, mais dans ses rythmes, ses langages, ses logiques relationnelles. L’angoisse ne vient pas d’une déconnexion, mais d’un excès de connexions : trop de signaux, trop de profils, trop d’images, pas assez de silence.

Il y est parfois question d’écran, d’intelligence artificielle, de surveillance, de réseaux sociaux — mais ces éléments ne sont jamais centraux. Ce qui est central, c’est le rapport affecté à soi, aux autres, au réel que ces technologies induisent, transforment ou effacent.

Ce mot-clé, finalement, désigne un climat plus qu’un thème. Une manière d’habiter le contemporain, sans certitude, mais avec la sensation que quelque chose, là, s’est déplacé définitivement.

compilation de tous les articles du mot-clé

articles associés

Carnets | mars 2023

Simulation

Et si c’était une simulation. Genre Matrix. L’obsolescence s’expliquerait par l’usure des composants, l’absence de désir par l’entropie des puces, des capteurs, des plugs, branchements, tuyaux et sondes. Je me suis réveillé d’un rêve pour aussitôt tomber dans un autre. L’alternance de rêves et de cauchemars, comme un courant alternatif. L’attirance et la répulsion, pas d’autre alternative dans la simulation. Quand tu simules au sein d’une simulation, est-ce que c’est comme en maths, ++ = - ? Mais je n’ai jamais rien compris aux maths. -+- = + On peut aussi ne comprendre que ce que l’on veut comprendre. Mais d’où provient la résistance ? Fait-elle aussi partie du programme, de la simulation ? Parfois, cette impression de vivre ailleurs, sur plusieurs plans distincts, alors que sur ce plan-ci on se retrouve le dindon de la farce. Des avatars chanceux s’enrichiraient sur le dos du pauvre idiot de cette dimension, précisément. Est-ce que la roue tourne ? Est-ce que les derniers deviennent les premiers et vice versa ? La notion de déjà-vu, un bug informatique ? Dans la cuisine, en pleine nuit, rester debout et calme, écouter tous les bruits des machines qui vivent ici et qu’on n’entend jamais, car on se dit que ce sont seulement des machines. La chaudière, le réfrigérateur, la cafetière qui crachote et aurait encore besoin d’un bon détartrage. Soudain, regarder une prise électrique et se demander par quelle diablerie le courant arrive jusqu’ici. Sortir de la grotte Chauvet après avoir regardé les ancêtres vêtus de peaux dans le blanc de l’œil et se retrouver dans cette cuisine intemporelle, comme dans une scène de Kubrick. Comme dans les jeux vidéo, des choses à faire, des quêtes totalement débiles, pour gagner quoi ? Une vie supplémentaire... L’intelligence artificielle possède-t-elle une âme ? Et sommes-nous dans le même questionnement quand nous ne nous rendons pas compte que nous sommes aussi des robots ? Comme dans l’histoire de la poule et de l’œuf : qui vient en premier, l’IA ou l’être humain ? Combien y a-t-il de planètes habitables dans l’univers et de races intelligentes ? Et si on compte en plus tous les univers parallèles, on se sent de plus en plus insignifiant. En viendra-t-on à regretter le temps où la Terre était plate ? Où le soleil tournait autour de la Terre ? Les Saoudiens, dans leur projet de ville du futur, fabriquent déjà une lune artificielle. La lune que mon arrière-grand-père a connue n’est plus la même que celle que je connais. Il est possible qu’elle ne soit qu’un énorme satellite artificiel créé par une race extraterrestre. Est-ce que les extraterrestres, tout comme les intraterrestres, font partie de la simulation générale ? Est-il possible de s’évader de cette simulation ou bien le désir de s’en évader fait-il partie intégrante de celle-ci ? Est-ce que mourir, c’est sortir de la simulation ? Et comment sait-on qu’on ne parvient pas alors dans une autre, et ainsi de suite ? La raison sur laquelle nous nous appuyons n’est-elle qu’un programme, au même titre que la folie en est un ? Peut-on abattre les parois de la simulation en chantant, en criant, en hurlant, ou au contraire en se taisant profondément ? Le rêve de passe-muraille qui revient à période régulière est-il lui aussi un programme implanté ? Est-ce que si je persévère, je pourrai traverser les murs ? Est-ce qu’au moment où je laisse tomber cette idée ou ce désir, je traverse les murs sans y penser, naturellement, sans le moindre effort ? Écrire fait-il partie du programme ? L’écriture est-elle une issue ? Ou bien au contraire, l’écriture renforce-t-elle plus encore la simulation dans son ensemble ? Est-ce qu’on peut s’évader de la simulation par l’humour ? Est-ce qu’on peut devenir à un tel point indifférent à tout qu’être ou non dans une simulation n’a aucune espèce d’importance ? Est-ce que cette indifférence est programmée d’avance ? N’est-elle pas un virus ? L’humanité, victime de l’indifférence, passe de 8 milliards d’individus à une poignée de bobos nantis qui fabriquent des piscines en plein désert. Est-ce que tout est déjà dit dans Pinocchio ou les Simpsons ? Est-ce que Pinocchio et les Simpsons sont des capsules temporelles envoyées par des résistants du futur ? Est-ce qu’il suffit de ne pas dormir pour se sentir éveillé et voir la simulation dans son entièreté ? Y a-t-il des niveaux d’éveil selon le type de quêtes réussies ou pas ? Que gagne-t-on, à part des ennuis, à découvrir la supercherie magistrale ? Est-ce que la notion de complot est comme la fumée, le diable existe-t-il vraiment ? Le feu est-il une vérité ? Est-ce que le CERN honore les chèvres parce qu’en Suisse la chèvre est sacrée ? Est-ce que le portail vers l’Enfer est ouvert dans le Gothard ?|couper{180}

idées Technologies et Postmodernité

Carnets | mars 2023

Idolâtres

Parvenir tout à coup dans le pays des idolâtres. Qui ne sont pas des adorateurs de l’âtre, du foyer, dans lequel on peut parfois encore suspendre un chaudron rempli de soupe, qui mijote, dans le fin fond de nos campagnes. Arrivée en terre idolâtre. Ne rien comprendre à tous ces salamalecs qui sont, le dit-on au café du coin, pour la plupart — et forte ignorance — confondus souvent avec hypocrisie, confusion liée pour sa plus grande part à la bêtise ainsi qu’aux miroirs. Idolâtres contre iconoclastes, ne pas se tenir au milieu. Le veau d’or, j’adore l’or, est-il halal ? Parce que je le veau bien, pas volée celle-ci, la vache. Arrivée en terre idolâtre. Comprendre les règles peut prendre un certain temps. Se laver les mains, se brosser les dents, ne pas cracher par terre à tout bout de champ (de chant ?), se peigner, se pommader, se farder, avec khôl (pas Émile) et faux cils, jabots de dentelles (qui est à l’origine un lieu de stockage, une poche dans l’œsophage de certains volatiles où séjourne le manger) et toute une collection de frivoles fanfreluches qui garnissent de façon légère le grand vide intersidéral des cervelles, situé entre les deux esgourdes des gourdes comme des gourdins. Il existe une grande variété d’idolâtres, mais aucun index ni corpus à ce jour n’a été tenu suffisamment à jour (depuis Rabelais) pour qu’on puisse se repérer convenablement dans l’idolâtrie en général. Il se peut même que de tous, la pire catégorie soit les idolâtres de la raison, sur lesquels la vie, quand elle touche leur front, fait un bruit de gong, ou de bol tibétain, mais mal manié par un gros bêta. Car la raison n’est-elle pas la religion à la mode, comme le bœuf le fut en des temps reculés ? Ou les tripes, quand on les cuit à Caen, ou les andouilles à Guémené (situé en Morbihan). On peut être idolâtre avec raison, ou conscience, enfin se rendre compte, mais continuer malgré tout pour ne pas devenir paria. En tout idolâtre qui s’éveille demeure un paria qui sommeille. Les idoles sont nombreuses et souvent on oublie que ce sont des idoles. On peut trouver des idoles à tous les coins de rue. Certaines sectes s’arrêtent désormais à des feux rouges, qui sont un peu semblables à des totems indiens. D’autres à des panneaux ronds comme des queues de pelle nommés STOP. L’enseigne du bordel comme celle du boucher, du magasin de pompes funèbres, autant de signes s’il en faut encore pour prouver que nous voici arrivés en terre idolâtre. Et quid de ces billets, de ces pièces dont il faut se munir pour payer son plaisir, sa viande, son cercueil ? Idolâtrer l’argent est le passe-temps des idolâtres. L’art des gens d’ici, c’est de gagner des pépètes, du flouze, du pognon, du jonc. À la sueur de leur front pour le plus grand nombre. Ce qui est complètement con, aucune humeur salée de ce style n’a jamais produit un kopeck, c’est encore une de ces foutues images dont les idolâtres se servent pour communiquer ou se niquer eux-mêmes ou les uns les autres, enfin bref entre eux. "Heu heu, je gagne ma vie à la sueur de mon front." Eh ben, si ça peut te faire plaisir, continue. On peut gagner sa vie de tant de façons ridicules qu’on n’est plus à ça près, n’est-ce pas ? L’idolâtre, pour vivre, a surtout besoin d’idoles. Et si soudain on coupait le courant, ah ! Que se passerait-il en Idolâtrie comme partout ailleurs ? Ah !|couper{180}

Technologies et Postmodernité

Carnets | mars 2023

Simulacres

En dehors des simulacres, que reste-t-il ? Possible que si on ôtait la capacité de simulacre à l’Homme, il disparaîtrait. Les gorilles se frappent la poitrine, font des mines terribles, mais la plupart du temps, ce ne sont que des simulacres. Il suffit d’un ou deux simulacres pour faire croire à une vérité. L’idée qu’en plus de tous ces simulacres, nous vivions dans une simulation, n’est-elle pas risible ? Simulacre d’information, simulacre d’élection, simulacre de bienveillance, simulacre de justice, simulacre de politesse, simulacre d’amour, simulacre d’orgasme, simulacre de plaisir, simulacre de douleur, simulacre d’ennui, simulacre d’intérêt, simulacre d’éducation, simulacre de simulacre. Il y a de la tête de mule dans le simulacre. Sans sauce gribiche. Il n’y a pas de fumée âcre sans le feu du simulacre. Ma tante, cette mule, possédait quelque part du côté de Perpignan une propriété de plusieurs acres. (J’ai souvenir de 100, ce qui donne environ 40 hectares, mais je ne suis pas plus avancé pour autant.) Un simulacre de mémoire. Un simulacre de biographie. Un simulacre d’existence. L’alacrité n’est bien souvent qu’une imitation exagérée de la joie, un simulacre censé, par sa vivacité, nous y conduire. Pour se mettre en train, il n’était pas rare qu’elle simule de façon grossière, exagérée, et en premier lieu seule devant sa glace, l’extase d’une nonne frappée par la Grâce. Il est possible d’accéder au fin mot de cette histoire en revenant sur chaque erreur, chaque mensonge, en mettant au jour tous les simulacres qui l’ont constituée. Six mulets dans un plat, ce ne peut être que des poissons, pas des ânes. Si Mu, le continent perdu, ressurgissait tout à coup, on serait bien embêté. Si mue le serpent de peau, il ne change pas d’esprit. Elle pouvait changer de peau, de poils, de plumes, simuler ainsi toute une basse-cour. Le dindon de la farce, lui, était toujours le même. "L’aide à la création ou à la reprise d’une entreprise (ACRE) consiste en une exonération partielle de charges sociales, dite exonération de début d’activité, et un accompagnement pendant les premières années d’activité. Elle permet aussi à certains bénéficiaires de prétendre à d’autres formes d’aides." Simulacre d’aide, simulacre d’accompagnement, simulacre de bénéfice, simulacre de prétention, simulacre d’aides. La démagogie, ce simulacre de gouvernement des démocraties. D’un autre côté, si on change de point de vue, il n’y a pas que les singes qui simulent. Que dire des phasmes, passés maîtres dans l’art de simuler les brindilles ? Et de tout un tas d’animalcules étonnants, si on prend le temps de se munir d’un microscope, évidemment. /md>|couper{180}

Technologies et Postmodernité

Carnets | avril 2022

Notule 18

Je regarde mon compte Instagram pro, ça fait un bail que je ne poste plus rien. Sur cette plateforme aussi faut pas être dupe. Je te like tu me like etc. Mais parfois je vais jeter un œil, comme on va sortir la poubelle. Les influenceurs, ceuses... ça me la coupe. toujours pimpants, souriants pas de mèche rebelle ou alors vraiment hyper bien calculée, au petit poil. Et des bisous et des chatons et de l'amour qui déborde de partout j'avoue que j'ai un peu de mal. voir que je suis à deux doigts de dégobiller à chaque fois. Pour la peinture c'est pareil. Vais demander d'avoir l'air d'une poupée Barbie dans ma prochaine incarnation. Klosie Barbie of course. Un truc qu'il faudra que je me trouve c'est un genre de baromètre pour accrocher au mur de ce bureau. Prévoir l'humeur de chien ( pourquoi de chien d'ailleurs on se demande ) Et les élans d'amour universel aussi, on ne sait jamais. Ne sortir que lorsque l'aiguille est bien calée entre les deux. Ou la boucler aussi. Ne rien dire, rien écrire, attendre que la force magnétique m'oublie un moment.|couper{180}

réflexions sur l’art Technologies et Postmodernité

Carnets | décembre

12 décembre 2018

Le mot "algorithme" nous vient d'Al-Khwârizmî, mathématicien persan du IXᵉ siècle dont les travaux introduisirent l'algèbre en Europe. Dans les "maisons de la sagesse" de Bagdad, où se mêlaient mathématiques, astronomie et poésie, il œuvrait sous les califes abbassides. Un algorithme est cette panacée capable de résoudre une multitude de problèmes, pourvu qu'on les découpe en instances - comme on couperait les cheveux en quatre. Le verbe "résoudre" lui-même possède cette triple dimension : décider, décomposer, trouver. Cette approche rejoint la vision soufie, que j'admire chez Omar Khayyâm - à la fois astronome et poète, qui écrivait : « Au printemps, je vais quelques fois m'asseoir à la lisière d'un champ fleuri. Lorsqu'une belle jeune fille m'apporte une coupe de vin, je ne pense guère à mon salut. Si j'avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu'un chien. » La question devient alors : quel filtre appliquer à l'information ? Dans le monde de l'avoir, c'est l'ajustement aux variables du client. Dans l'art, ce fut longtemps la beauté. Dans l'être, ne devrait-ce pas être la simple justesse ? Ce qui m'amène à "readiness" - cet état de disponibilité à l'instant qui m'a toujours caractérisé. Enfant, je saluais avec empressement chaque personne croisée, jusqu'au jour où mon père me demanda si je les connaissais toutes. La réponse négative fit naître en lui une déception visible. Sur son bureau trônaient les trois singes de la sagesse - ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire. Emblème s'opposant à mon empressement naturel. Notre malentendu dura longtemps, mais depuis, dans chaque regard rencontré, je perçois cette lueur mystérieuse, simiesque, et j'entends encore le rire de mon père.|couper{180}

Technologies et Postmodernité