Narration et Expérimentation

Il ne s’agissait pas d’inventer des histoires, mais de chercher ce que la narration permet encore d’ouvrir. Ces textes n’ont pas toujours de personnages, ni de dénouement, ni même de tension narrative classique. Ils cherchent une manière de dire autrement.

Parfois cela passe par une voix intérieure décrochée du réel. Parfois par des ruptures de ton, des changements de format, des fragments qui tiennent sans structure. Parfois encore, c’est la langue elle-même qui se met à vaciller : on interroge ce qu’un "je" peut encore dire, ou ce qu’un "tu" fait au lecteur.

Ce mot-clé regroupe des formes où la narration devient elle-même une expérience : pas un outil pour faire passer un contenu, mais un lieu où quelque chose se tente. Une voix, une distance, un silence, une fatigue, une colère, un rien — tout peut faire récit, si l’on accepte de perdre un peu les repères.

Il n’y a pas d’esthétique fixe ici, seulement cette volonté de creuser : que peut encore un texte, quand on ne lui impose plus d’être un récit, mais qu’on le laisse chercher sa propre forme ?

Livre à feuilleter

articles associés

Photographie

Une femme à la fenêtre

Grande Rambla de Barcelone. Du monde, beaucoup de monde, et du soleil, écrasant. Une fête de toute évidence. Avec toutes les caractéristiques détestables de la fête. Le bruit, l'agitation, une violence joyeuse. Soudain j'entends une voix qui dépasse les autres. Elle vient d'en haut. Je lève la tête. Je fais la photographie. Elle est restée longtemps dans mes disques durs. Je ne l'ai même pas revue depuis que j'ai pris cette image. C'était en 2005. L'été 2005. Je venais de passer une année entière à Remiremont dans les Vosges pour suivre une formation de technicien supérieur en réseaux et télécommunications qui ne me fera jamais payer mon loyer. Des milliers de CV envoyés. Des humiliations reçues, de toutes sortes. Avec votre expérience pensez bien qu'on ne peut pas... qu'on ne peut pas ça. C'était trop bizarre de voir un type de quarante-cinq ans, cadre, qui soudain veut devenir tech. Même s'il demande de démarrer au bas de l'échelle. C'est encore bien plus bizarre. C'est à bout de souffle que j'étais entré dans cette formation, c'est à bout de souffle que je sortirai de Pôle Emploi, de l'APEC. C'est à ce moment-là que j'ai décidé de tout laisser tomber. L'entreprise, la soumission, l'hypocrisie. J'ai ouvert un cours de peinture, j'ai distribué des prospectus, c'était pas Byzance. Quelle importance. Donc j'appuie sur le déclencheur et je suis emporté par la foule, là-bas au loin tout en haut de la grande Rambla. Nous logions dans une rue perpendiculaire. L'image de cette femme qui chantait ne me lâchait pas. J'avais beau avoir tenté de l'enfermer dans un fichier numérique, elle était encore vivace. C'était exactement la même sensation qui revenait encore et encore. Une image de l'hystérie croisée très tôt dans l'enfance. La nuit alors que je me réveillais déjà dans la chambre de l'appartement rue Jobbé Duval. J'écartais le rideau et je la voyais, en chemise de nuit, blafarde, éclairée par la pleine lune peut-être, la folle qui s'époumonait. Elle ne chantait pas. Elle hurlait. Je m'étais étonné d'être le seul à l'entendre la nuit. Rambla in Barcelona. Crowds, heavy crowds, and sun, crushing. A festival, clearly. With all the detestable characteristics of festivals. Noise, agitation, a joyful violence. Suddenly I hear a voice rising above the others. It comes from above. I look up. I make the photograph. It remained for a long time in my hard drives. I haven't even looked at it again since I took this image. It was 2005. Summer 2005. I had just spent an entire year in Remiremont in the Vosges following a training program for senior technician in networks and telecommunications that would never pay my rent. Thousands of CVs sent. Humiliations received, of all kinds. With your experience, surely you understand we can't... we can't do that. It was too strange to see a forty-five-year-old guy, an executive, who suddenly wants to become a tech. Even if he asks to start at the bottom of the ladder. That's even stranger. It was breathless that I had entered this training, it was breathless that I would leave Pôle Emploi, the APEC. It was at that moment that I decided to let everything go. The enterprise, the submission, the hypocrisy. I opened a painting class, I distributed flyers, it wasn't Byzantium. What did it matter. So I press the shutter and I am carried away by the crowd, there in the distance at the top of the great Rambla. We were staying in a perpendicular street. The image of this woman who was singing would not let me go. Even though I had tried to lock her away in a digital file, she remained vivid. It was exactly the same sensation that came back again and again. An image of hysteria encountered very early in childhood. At night when I would wake up already in the bedroom of the apartment on rue Jobbé Duval. I would part the curtain and see her, in her nightgown, pallid, lit by the full moon perhaps, the madwoman who was screaming her lungs out. She wasn't singing. She was howling. I had been surprised to be the only one to hear her at night. (Translation in Teju Cole's style by AI)|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation photographie

Carnets | avril 2023

04 avril 2023

Lecture de Rabelais, souvenir de Musil, pensée du chat maigre et digestion lente du désastre : ce journal du 3 avril explore la perte de repères, la fragmentation, le doute, avec l’humour grave d’un homme à l’écoute du monde — même quand il est en miettes.|couper{180}

Auteurs littéraires Narration et Expérimentation poésie du quotidien

Carnets | mai 2025

15 mai 2025

S. ronflait. C’était une impression bizarre que d’essayer de me concentrer sur la lecture de Knausgaard tout en voulant faire abstraction de ce bruit sourd, rythmé, comme une machine qui s'emballe puis ralentit. La tension s’installait dans ma nuque, une raideur sourde qui, en un éclair, me fit comprendre pourquoi cette vie me pesait tant. Mais c’était rapide, trop rapide, un de ces éclats d’intuition qui surgissent puis s'évaporent sans prévenir, comme quand on tente de rattraper le fil d’un rêve juste après le réveil. Peut-être que l'agacement n'était pas vraiment dû au ronflement mais à ce passage du livre, une phrase précise qui aurait résonné trop fort, trop vrai. À moins que ce ne soit cette chaleur dérangeante elle aussi , les jambes dehors, la couette coincée sous moi. Il faisait trop chaud dans la chambre, je le réalisai d’un coup. Nous n’avions pas encore changé la couette, c'était encore celle d’hiver. Le corps — mon corps — s’était assis sur le bord du lit, comme une entité à part entière, échappée du sommeil. J’ai regardé l’heure. Les chiffres rouges du réveil indiquaient 23:48. Je ressentis un désir vif de lire encore, au moins une petite heure, pour essayer de reconstituer puis de savourer ce moment si intime qu'est la lecture d'un bon livre, avant que le lendemain n’efface tout. Je craignais de m’endormir. Le lendemain serait jeudi, et ces jours qui passent de plus en plus vite me font peur. À vrai dire, à part lire et écrire, tout me fait peur et m’agace. Comme si mon corps réagissait quand moi je suis incapable de le faire. Et puis, sans savoir vraiment pourquoi, j’avais dû me lever, marcher à tâtons vers la chambre d’amis, emportant l'IPad et le fichier Epub de l'Etoile du matin, comme un talisman contre le sommeil. Quand je me suis réveillé à 4h, le noir était complet. J'ai tourné la tête pour chercher l'heure, mais aucune lueur rouge cette fois. Juste le silence, sans le ronflement, mais sans l’assurance non plus d’être exactement là où je pensais être. Ce matin, la fatigue avait une texture particulière. Les muscles semblaient plus lourds, les articulations moins souples. Je m’étais levé avec cette impression de peser plus que d’habitude, comme si le corps, même après une nuit de sommeil, refusait de se délier. J’ai cherché mes lunettes qui avaient glissé de mon nez dans l'obscurité. L'Ipad était là et j'ai senti la fraîcheur de la dalle du plat de la main. Machinalement, j'ai tapoté dessus et l'invitation à entrer le mot de passe est apparue. Mais je n'avais plus envie de lire. Ou bien cette histoire de mot de passe m'agaça. Cet agacement se rattacha à celui de la veille. Le bruit des ronflements, la tension dans la nuque. Peut-être même le livre de Knausgaard qui n’apaisait rien. Cette jalousie en lisant certains auteurs, me disant que j'aurais très bien pu m'y coller avec des si jusqu'à l'infini... Je pensais que la lecture calmerait quelque chose, mais c’était l’inverse : tout semblait s’imbriquer pour créer ce nœud intérieur. Et cette fatigue, cette lourdeur dans les bras, me rappelait les jours où je me levais à cinq heures pour attraper le bus. Ces boulots que je trouvais par l’intérim, manutentionnaire, préparateur de commandes. Des journées à soulever des caisses de conserves, à empiler des cartons jusqu’au plafond. J’avais choisi ces boulots parce que je ne voulais pas être fatigué intellectuellement. Ce n'était pas par hasard même si à cette époque je n'utilisais pas le terme choisir. J’écrivais le soir, et je ne voulais pas épuiser ma cervelle dans un travail plus exigeant. La journée, c’était les bras, les jambes, les reins qui travaillaient, la tête restait en arrière, comme en hibernation. La vraie vie commençait le soir, quand la fatigue du corps n’empêchait pas encore les mots de venir. Mais souvent, la lassitude s’incrustait. Souvent dans le métro, dans le RER, et aussi dans tous ces trains de banlieue que j'ai empruntés. Je m’imaginais écrire une phrase, puis je m’endormais en rêvant que cette phrase se diluait dans le sommeil. Le lendemain, il ne restait que des bribes, une sensation de quelque chose d’inachevé. Cette raideur est sans doute l’héritage de cette époque ancienne. L'empreinte qu'aura laissée l'apparente absence de choix, de projet de vie. La trace de cette résistance farouche à m'engager dans n'importe quel projet de vie. Comme si le corps, même libéré des tâches physiques, conservait en lui une trace de cette lutte contre la fatigue. Une résistance qui, avec le temps, s'érode. Je me suis soudain mis à penser aux falaises d'Étretat, en Normandie, dont j'ai appris récemment que le calcaire qui les constitue est en réalité un agglomérat de milliards de minuscules organismes. J'ai pensé à toute cette vie qui s’est déposée là inexorablement, prodiguant ainsi comme une idée de patience à la falaise même. Patience qui, de nos jours, poussée sans doute à bout par l'érosion des pluies acides, s'écroule par pans entiers. Et encore maintenant, à ce moment même, en faisant un travail tellement différent, enseigner, il arrive que l’épuisement surgisse d’un coup, sans prévenir, comme une réminiscence de ces années où je portais plus que je n’écrivais.|couper{180}

Auteurs littéraires Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation rêves traces

Lectures

Écrire l’étrange : entre réflexion et passage à l’acte

« Le véritable conte étrange à quelque chose de plus qu'un meurtre secret, des os ensanglantés ou une forme drapée faisant claquer des chaînes selon la règle. Il s'agit bien plus d'un récit qui évoque une terreur profonde face à l’inconnu, souvent en suggérant des réalités cachées qui dépassent l’entendement humain. » Ainsi s’exprimait H. P. Lovecraft en 1933 dans Guide pour écrire des histoires bizarres. Cette définition, loin des artifices du surnaturel de pacotille, pose la question de l’étrange comme un mouvement subtil dans le récit, une tension plus qu’un simple dispositif. Face à cette réflexion, l’envie d’écrire des fictions étranges révèle un besoin profond. Pourquoi sommes-nous fascinés par ce qui dépasse la norme ? Pourquoi cherchons-nous à explorer d’autres réalités par le biais de la fiction ? En appliquant la méthode japonaise des 5 pourquoi, qui consiste à remonter aux causes profondes d'un questionnement, on peut identifier les racines du désir d’écrire des fictions étranges : Parce que j’aime créer des histoires qui perturbent la perception du réel. Parce que je suis fasciné par l’inexplicable et le mystérieux. Parce que cela me donne une sensation unique d’émerveillement. Parce que le monde me semble souvent trop rationnel et limité. Parce que cela me permet de remettre en question la normalité et de jouer avec l’inconnu. La conclusion ? J’écris des fictions bizarres pour repousser les limites du réel et explorer l’inconnu, là où la normalité n’a plus de prise. Mais alors, qu'est-ce qui empêche d'écrire ? Ce n'est pas le manque d'idées — le bizarre est partout — mais bien la difficulté à trouver un véhicule narratif pour le porter vers l'autre. L’écriture de l’étrange ne repose pas sur l’accumulation d’éléments surnaturels ou d’images spectaculaires, mais sur la manière dont le texte amène le lecteur à sentir un glissement insidieux du réel vers l’anomalie. Ce basculement peut se faire par des variations stylistiques, des structures narratives décalées, une perception faussée du narrateur. C'est un curieux problème que celui de l'étrange en littérature. On voudrait le capturer, l'analyser, comme une bête indocile. On le soupèse, on le soupçonne, on tente d’en cerner les contours, mais il résiste, se faufile, toujours à la lisière du réel. On écrit sur lui, et pourtant, il nous échappe. Prenons cette baguette de pain. Tiède en sortant de la boulangerie, elle refroidit, naturellement. Mais pourquoi donc cet homme presse-t-il le pas, l'air inquiet, tandis que la vapeur s'échappe encore de la croûte dorée ? Est-ce la baguette qui change ou bien l’air autour ? Lui-même ne saurait le dire. La scène est ordinaire, bien sûr. C’est un trottoir de Paris, un dimanche matin, il fait un peu gris, et le sol brille encore de l’averse nocturne. Rien d’extraordinaire, rien à signaler. Mais cette baguette. Ah, cette baguette. Et ce chat. Où est-il ? Sur le fauteuil, naturellement, sa place habituelle. Mais lorsque les autres entrent dans la pièce, ils froncent les sourcils. « Quel chat ? » Il caresse le vide, pourtant il sent sous ses doigts la tiédeur de son pelage. Un instant, il pense qu’ils plaisantent. Puis il voit leurs visages, crispés, interrogateurs. Il n’y a pas de chat. Alors il secoue la tête, passe à autre chose. Après tout, on a vu plus étrange. On a toujours vu plus étrange. Un puits. On ne tombe pas dans un puits, en ville, pas dans un arrondissement comme celui-ci. Mais le sol s’est dérobé sous lui, et maintenant, il chute. Plutôt lentement, à vrai dire. Il se redresse un peu, s'ajuste comme on s’installerait plus confortablement dans un fauteuil trop profond. Il observe les parois, la texture de la pierre, s’amuse du détail de quelques racines qui osent un geste vers lui. Il suppose qu’il finira par s’arrêter. Ou peut-être pas. Mais pour le moment, il chute. Alors, quand commence-t-on à écrire ? Peut-être quand on accepte d’abandonner la peur de l’imperfection, quand on cesse d’attendre une idée « parfaite » et que l’on se met à tester, à jouer avec la langue et les structures. L’étrange, après tout, ne se manifeste pas par un grand fracas, mais par un léger déplacement, une rupture presque imperceptible dans la trame du quotidien. C’est ce jeu subtil entre le réel et l’irréel qui donne à l’écriture de l’étrange toute sa puissance. Ainsi, plutôt que de remettre l’acte d’écrire à plus tard, pourquoi ne pas se prêter dès maintenant à un exercice ? Pourquoi ne pas capturer un moment anodin de votre journée et y injecter une anomalie ? Une légère dissonance. Une tension sourde. Car c’est là que réside la force de l’étrange : non pas dans l’attente du moment idéal, mais dans l’acceptation de son intrusion insidieuse, discrète, dans notre perception du monde. Musique Miles Davis : Ascenceur pour l'échafaud|couper{180}

Auteurs littéraires Le basculement du quotidien vers le fantastique Lovecraft Narration et Expérimentation

Carnets | février 2025

23 février 2025

Puis il arriva que je me mette à lui imaginer des peurs. Mais sur quelle base, quelle référence, quel modèle ? À part les miennes, et encore. Car assez vite, je me rendis compte que j’étais tout aussi incapable de poser des mots sur mes propres peurs que sur celles de X. Comme si tout un pan du vocabulaire au sujet de la peur, de nos peurs, s’était évanoui. Nous vivions désormais dans un monde sans peur, et donc nous n’avions plus besoin de mots pour la désigner. Ce que nous éprouvions n’avait plus rien à voir avec la peur. Même la peur, on nous l’avait volée. Nous n’avions plus droit qu’au malaise, à la gêne, à l’angoisse, au stress, à l’inquiétude, à l’intranquillité. Mais admettons. Admettons que X ait eu peur, un jour, au siècle dernier, dans son enfance. Il faudrait alors rechercher les caractéristiques primales de cette peur. L’invisible, l’inéluctable, l’abandon : ces vieux termes remonteraient à sa mémoire comme un dépôt enseveli depuis des millénaires sur un fond marin. Tous les enfants ont eu peur un jour, une nuit, au siècle dernier. C’était courant. Si désormais, on ne leur laisse plus le temps d’avoir vraiment peur. La tablette, la télé, les téléphones portables diffusent des craintes bien encadrées, contrôlables aisément par les parents, faciles à expliquer, accompagnées de tout un arsenal de combines pour les éluder. Admettons que l’invisible ne soit plus vraiment une valeur sûre. Du moins, l’invisible tel qu’en parlaient Maupassant, Edgar Poe, Lovecraft et tant d’autres avant eux. Comme si le modernisme, avec l’électricité, puis plus tard les néons et les LED, avait fait disparaître ce que recouvrait auparavant l’invisible. Un jeu de bonneteau. L’invisible d’hier encore était là, on change la donne, on appuie sur l’interrupteur, on rallume, où est-il ? Peut-être logé dans des mots tout neufs, sous blister : complot, fake news, lanceur d’alerte, État profond, Davos. Admettons alors qu’on puisse changer d’éléments de langage aussi aisément que l’on modifie notre perception de la réalité. Admettons que X, au siècle dernier, ait éprouvé tout un pan des peurs ataviques de l’humanité et qu’il ait été témoin de ce cambriolage. Du fait qu’en changeant la fréquence de ce qu’avait été, depuis l’origine des temps, l’invisible – aussi facilement qu’on change de station de radio – on ait modifié, en quelque sorte, le génome humain. Ce ne serait pas totalement sot de songer que certains eussent pratiqué ce sport à profit. Pour faire toujours plus de pognon, évidemment. Puisqu’il n’y a plus que cela qui compte. Admettons que ce genre de chose soit également inéluctable. Qu’il ne faille pas s’illusionner, que les époques précédentes aient été mieux équipées en vocabulaire pour s’effrayer ou se rassurer sur ces phénomènes électriques, magiques, que sont nos émotions, nos pulsions. Rester sans voix devant la peur. En être ébahi, ébaubi, tout autant que devant le désir. On comprend presque aussitôt ce lien entre la peur et le désir dans l’imaginaire des bibliothèques. À la fois la peur de l’immensité du contenu d’une bibliothèque et l’inéluctable qui en découle presque en même temps : se dire qu’on ne pourra jamais tout lire. On ne le pourra plus. L’universalisme aussi est un mot caduque, lié à une certaine idée que les êtres se faisaient, ou plutôt ne se faisaient pas, de l’inéluctable. On pouvait hier encore s’imaginer posséder une connaissance totale d’un sujet, voire même de plusieurs, sans doute grâce à une transversalité du savoir. Ou encore par analogie. Ce que X éprouva, il s’en était ouvert un jour à Y, avec beaucoup de nostalgie. Admettons aussi que c’est cette nostalgie de toute une époque envers l’universalisme qui aura engendré la nôtre. Une époque prônant l’oubli, le carpe diem, la méditation pleine conscience, les théories fumeuses sur la sérendipité, l’instant présent. Par paresse, par facilité. Ce qui autrefois nécessitait de lire, de s’interroger, de questionner le monde nous intéresse moins que des réponses toutes faites, destinées à créer l’égrégore d’une nouvelle matrice rassurante. Admettons que, de toutes les peurs qui auront disparu, l’abandon seul subsiste encore. Dieu nous a abandonnés avec Nietzsche. Que nous reste-t-il après cela, qui puisse ne pas se désagréger sous nos yeux fatigués ? La réalité. Une idée de réalité nous abandonne, laissant la place à un théâtre d’ombres, à un spectacle grotesque, ubuesque. La foi en l’humanité nous quitte réciproquement à celle que nous avions placée dans nos institutions. Qu’en est-il de la peur de X, à présent, de son désir, et des nôtres ? Les mots me manquent cruellement pour les exprimer. C’est ce que je voulais dire. Musique Arvo Pärt-Fratres|couper{180}

Lovecraft Narration et Expérimentation

Carnets | février 2025

5 février 2025

Elle lui dit « Tu as le diable dans la peau. » Il la croit parce qu’elle le dit. Mais il comprend que c’est son propre cauchemar à elle qu’elle projette en lui. Le diable ne vient pas de lui, il circule entre les corps, de l’un à l’autre.|couper{180}

Auteurs littéraires Narration et Expérimentation oeuvres littéraires

Carnets | septembre 2024

Habiter l’inhabitable

Des chambres d’hôtel. Trop de chambres. Barbès, Château Rouge, Goutte d’Or. Endroits fatigués. Draps humides. Odeur de moisi et de parfums sans nom. Des lieux de passage. Pas faits pour rester. Et pourtant, j’y reviens. L’habitude s’installe. Je reconnais le sol qui grince, les heures de lumière, les cris de la rue. Je sais où poser mes affaires. Ce qui m’avait semblé inhabitable devient vivable. Pas confortable. Vivable. Je me surprends à m’y sentir presque chez moi. L’inhabituel devient un décor. Une routine. Je ne cherche plus à décorer, juste à survivre. Et parfois, au petit matin, une lumière douce. Un silence rare. Quelques secondes d’apaisement. Suffisantes pour tenir. Je ne hais plus ces chambres. J’y dépose des souvenirs sans le vouloir. J’habite sans y croire. Mais j’habite quand même. Et c’est peut-être ça, habiter l’inhabitable. Ne plus fuir. S’adosser à ce qu’on a. Même si c’est gris, froid, temporaire. Parce que dans le pire, on finit par trouver un détail qui retient. Une lueur. Un appui.|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation

Carnets | septembre 2024

14 septembre 2024

Assis dans un café ou lors de réunions de famille, l’auteur se sent étranger au monde qui l’entoure. La solitude ne s’efface jamais, même en compagnie. Cette réflexion sur le vide des répétitions, le poids des premières fois et l'anonymat derrière les sourires, mène à une introspection sur la condition humaine et le sens de l’écriture comme tentative de comprendre et d’échapper à cet isolement intérieur.|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation

Carnets | septembre 2024

09 septembre 2024

L’auteur nous emmène dans une série de rêveries nocturnes et de réflexions diurnes, où la frontière entre le songe et la réalité s’estompe. À travers des événements ordinaires — un marché, un rêve, un souvenir — il explore la question de l’errance mentale et du changement permanent, sur fond d’une quête personnelle de sens et d’authenticité.|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation

Carnets | septembre 2024

8 septembre 2024

À travers des rêveries nocturnes et des rencontres au marché, l’auteur oscille entre l’oubli et la mémoire. Entre l’Atlantide qui sombre, le mythe de Cassandre, et les réflexions sur l’immortalité, c’est une plongée dans l’esprit, où chaque geste et chaque souvenir renvoient à une réalité en constante métamorphose.|couper{180}

Autofiction et Introspection Narration et Expérimentation

Carnets | septembre 2024

07 septembre 2024

À travers une réflexion inspirée par la notion de « dilapidation de la parole », l’auteur aborde la vanité de la condition humaine, vue à travers le prisme littéraire. Entre la gestion des mots et leur usage excessif, se pose la question de la résistance à une parole dominante et uniforme, offrant ainsi une critique poétique et théâtrale de l'existence.|couper{180}

Autofiction et Introspection bistrot de la Bérézina écriture fragmentaire Narration et Expérimentation

Carnets | septembre 2024

1er septembre 2024

La fatigue et le dégoût deviennent des révélateurs d'une vérité plus profonde dans ce texte introspectif. À travers des souvenirs d'enfance liés à la nourriture et à la vie familiale, l'auteur explore le lien entre la faim, le dégoût et la recherche de sens dans un monde où la course au quotidien semble sans fin. Que reste-t-il de cette quête une fois la fatigue installée ?|couper{180}

Autofiction et Introspection Essai sur la fatigue Narration et Expérimentation