L’invention de l’équipe.
Souvenir d’enfance acrylique sur panneau de bois 20x20 cm
Hier dans le temps me revoici comme professeur face à un petit groupe d’élèves. Etonnamment le groupe est limité. Quatre personnes seulement. Aussitôt le programme de culpabilité et de mésestime se met en marche.
C’est de ma faute forcément si certains ne sont pas là. Je ne suis pas un bon prof, ce que je propose est trop abstrait. Je suis beaucoup trop exigeant. Je ne pense qu’à moi et à ma vision de la peinture, bref j’emmerde pas mal de gens qui viennent ici seulement pour prendre un peu de bon temps.
Quand j’observe le tsunami des reproches que je m’effectue à moi-même, je sors fumer une cigarette sur le perron.
Temps mort.
Puis je reprends mes esprits, je me fie à ce qui me traverse.
Bien aujourd’hui nous allons travailler sur le thème de l’accumulation.
Regardez autour de vous et en vous comment les choses finissent par s’accumuler, nous envahir, nous étouffons. Explorons ça. Evidemment j’ai oublié d’apporter de la documentation mais c’est assez simple vous n’avez qu’à fermer les yeux et observer.
Il y a deux choses importantes dans ce thème. Prendre conscience de l’accumulation est une chose, puis trouver des relations entre les objets, les formes accumulées sur la feuille de papier. Et c’est en établissant ces relations que de nouvelles formes pourrons se laisser entrevoir.
Alors s’opère un travail de "vidage". On épure tout ce qui parasite cette nouvelle image entrevue grâce à la relation crée entre des objets apparemment hétéroclites.
De façon pratique on ne travaillera qu’en noir et blanc pour la première partie puis avec une seule couleur pour la seconde phase. On n’utilisera le blanc et le noir comme additif à la couleur qu’à la fin si besoin.
Le médium c’est l’eau. Créez des valeurs seulement avec du pigment de l’eau, travaillez par couches fines, accumulez les couches successivement pour atteindre l’intensité souhaitée ou nécessaire.
Ces mots je ne fais que les restituer aussitôt qu’ils arrivent à l’esprit.
Le temps semble suspendu.
Tout le monde se met au travail avec les quelques indications fournies. je suis là pour donner des conseils, je vais de l’un à l’autre, encourage, guide, propose.
Je m’aperçois que certaines choses ne sont pas encore comprises. La notion de contraste, de valeurs, de plan.
Pourtant je l’explique à chaque stage, à chaque cours... Est-ce que cela vient de moi ? Est-ce que j’explique si mal que ça ?
C’est J.M qui me réveille de ma torpeur culpabilisante.
— C’est drôle ce que tu dis, parce que tu le dis à chaque fois mais j’ai l’impression de n’en comprendre qu’une toute petite partie à chaque fois. ça ne vient pas de toi, je sais que ça vient de moi.
Un autre dit c’est vrai pour moi c’est pareil. Et un autre encore.
En fait tous sont d’accord pour déclarer qu’ils n’arrivent pas à saisir tout d’un seul coup, que c’est comme une prise de conscience progressive. Et tous disent ça vient plus de nous que de toi.
Ce qui me rassure bien sur. Et m’interroge aussi.
Je peux percevoir tous leurs blocages. Intuitivement je sais ce qui cloche. Je peux guider, conseiller, débloquer en indiquant. Mais je n’ai pas le pouvoir d’accélérer le temps de la compréhension, le temps de la connaissance.
Méta position.
Je suis un élément parmi d’autres. Nous formons une équipe. Peu importe que j’ai dans cet événement le rôle de prof. tout le monde est logé à la même enseigne quand il s’agit du mystère.
J’ai donc moi aussi quelque chose à apprendre par le fait même que j’ai le rôle d’enseigner.
Apprendre surtout à trouver les bons mots, les métaphores, les flèches qui "en même temps" atteindront toutes les cibles.
Le cœur de l’équipe.
Comment l’équipe prend t’elle conscience d’être une équipe ?
En dessinant et peignant nous échangeons sur les événements de l’actualité. Le covid qui repart, les élections pestilentielles, la guerre en Ukraine. Nous avons tout cela à vider, toute cette accumulation de calamités.
Le fait que nous ayons cette envie de peindre pour nous vider aussi l’esprit n’est pas quelque chose à prendre à la légère.
A un moment je ne peux pas me retenir de dire que de grandes choses se préparent. Je suis presque horrifié de me l’entendre dire, mais comme pour la peinture je ne m’oppose pas.
Une grande flotte extraterrestre est en marche je dis.
Je pense qu’ils vont éclater de rire. Pas du tout. Et je m’aperçois que tout à coup les langues se délient, tous plus ou moins ont le même genre d’intuition. Ce qui n’aurait pas pu arriver si le groupe habituel avait été au complet car on aurait botté en touche, plaisanté, et finalement nous serions revenu à des discussions classiques, de celles que l’on rencontre dans ce genre de stage habituellement.
Il y a eut un échange véritable, et tous nous avons été surpris par le fait que le temps nous manquait. Pourtant nous avons passé 4 heures ensemble.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}