Notule 27

Tenir. C’est tellement tentant de lâcher. De laisser libre cours à tout et n’importe quoi. Et pourquoi pas de temps en temps se payer une bonne colère, une bonne crise de sanglots, une bonne baston, une bonne baise ? Il suffit de regarder dans sa tirelire. Est-ce que j’ai suffisamment de pièces jaunes ? Exploser le cochon et y aller, advienne que pourra.
Il n’y a pas de raison de tenir face à la tempête. Ca ne vient pas de la tête. Ce n’est pas une affaire de sagesse non plus. Aujourd’hui être sage c’est être fou tout le monde le sait. Tout est désormais dans le contraire et l’inverse.
Ainsi je contemple les éléments qui peu à peu s’agrègent. Je comprends ce genre d’agrégat très tôt en contemplant l’eau. L’étonnante attraction qu’exercent les déchets, les détritus entre eux.
Du coup évidemment je redeviens pécheur à voir le bouchon filer à la surface du Cher.
Il faut extirper tous ces mots d’ordre à la con concernant la pèche et les poissons, ne pas avoir honte de dire
—merde j’aime la pèche, je suis un véritable pécheur et de plus je vous emmerde.
J’aime la pèche pour tout ce qu’elle représente du mouvement de la pensée inconsciente qui surgit à la conscience.
Regarde, souviens-toi, tu avais installé ce prétexte de rapporter du poisson pour midi. Pour faire comme papa. Pour être acclamé doucement par les yeux de maman. Mais, tout ça c’était la part jetée aux fauves n’est-ce pas.
En vrai ce n’est pas pour ça que tu allais t’asseoir au bord de l’eau, pas du tout.
suivre de l’œil le bouchon, le transformer en point fixe, lancer et relancer la ligne de nombreuses fois pour pouvoir à nouveau s’attacher durant une durée à ce point fixe dans le courant.
Soudain il plonge et rejaillit. Cela ne dure qu’une fraction de seconde parfois. Mais c’est suffisant pour créer une rupture dans la continuité. S’éveiller à un autre plan des choses courantes.
Ferrer ne vient pas de la tête non plus.
Ferrer c’est être en adéquation avec le moment.
Le poids au bout de la ligne, la résistance et soudain l’argent qui jaillit de l’eau. Gerbe !
En peinture je fais la même chose très exactement que lorsque j’étais enfant au bord de l’eau.
Le bouchon c’est le mouvement répétitif du pinceau sur la toile, une hypnose dans la réalisation des fonds notamment.
Puis le geste change imperceptiblement comme si le pinceau était taquiné par une envie mordante de traits
Du coup je trace.
Je trace des lignes sur le fond sans penser à rien comme lorsque je relançais la ligne jadis.
Avec la vague idée d’attraper quelque chose, je ne sais pas quoi, un gardon, une perche, un trésor englouti, une lampe d’Aladin avec un génie, ou bien rien.
Ou bien rien.
Ce rien finalement qui se loge sous toutes les apparences dont on essaie de le recouvrir.
Un rien tellement puissant qu’il peut créer toutes ces choses dont on pense être maitre afin de le revêtir.
C’est absurde car nous aussi ne sommes que des riens déguisés en quelque chose.
Le retour à la maison avec la friture dans la bourriche.
C’est toi qui t’en occupe dit maman moi je n’y touche pas.
Donc j’écaille, j’étête, j’éventre je fais deux tas. D’un coté le mangeable de l’autre les déchets. Le tout sur la Montagne le journal du coin.
Ainsi s’effectue cette pèche dans la médiation, dans l’éveil, puis dans l’aspect pratique qui découle de toutes les actions menées en amont. Se nourrir.
Il me semble que le gout de ces poissons avaient un petit quelque chose de plus que ceux achetés désormais dans le commerce.
Ce gout provenait d’un accord trouvé enfant entre la nature des choses et comment j’éprouvais le plaisir de m’y livrer pour l’explorer.
Je ne pèche plus guère, qu’à de rares moments où les petits enfants viennent nous voir. J’ai voulu transmettre ce gout de la pèche. Mais ils n’y trouvent pas de plaisir, pas d’intérêt je crois que pour eux le poisson est de forme carrée ou rectangulaire. Géométrique certainement. D’une géométrie hallucinante si je peux dire provenant de cette folie qu’on appelle la raison qui crée les temples en forme de supermarché..
Et que cette géométrie s’agrège à d’autres pour constituer un funeste égrégore c’est ce que je vois de plus en plus.
Il y a quelque chose d’obstiné en moi qui me pousse à tenir droit comme un arbre d’autrefois dans ma foret de Tronçais, ces vieux chênes multi centenaires. Et pour acquérir cette volonté de droiture j’ai du passer par une myriade de contorsions, trouver ma verticalité tout seul.
Tenir comme un arbre sans y penser traverser les saisons dans l’accueil et l’ouverture, tisser des liens souterrains avec mes proches qu’eux mêmes ne voient pas, n’analysent pas pas plus que moi je n’ai vues les racines antérieures que j’ai tétées en toute inconscience.
Comme on pèche ou peint, Tenir tout en acceptant de laisser aller les choses à leurs propres pentes y compris les prétendues saletés.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}