Théorie et critique littéraire

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Balzac et ses huissiers

C’est une silhouette qu’on imagine à l’angle d’une porte. Un homme en noir, papier plié, formule au présent. L’huissier, dans la vie de Balzac, n’est pas un personnage secondaire. C’est un marque-page. Il vient, il repart, il revient. Il n’interrompt pas l’œuvre, il l’ordonne. La dette est la métrique. Le recouvrement, la ponctuation. Et tout s’ensuit. Avant le roman, la fabrique. Balzac, tenté par l’intégration verticale, s’essaie éditeur, puis imprimeur, puis fondeur. Presses achetées, caractères, atelier rue des Marais-Saint-Germain, aujourd’hui rue Visconti. Les chiffres se mettent à clignoter. Entre 1826 et 1828, l’imprimerie et la fonderie sont liquidées. Le passif s’installe. Selon les notices de la BnF, on parle d’un ordre de grandeur à 60 000 francs pour 1828. D’autres récapitulatifs poussent jusqu’à 100 000 francs en cumulant les lignes (variation fréquente selon sources et périmètres). Quoi qu’il en soit, la scène est plantée : écrire pour payer les intérêts. Écrire vite. Écrire beaucoup. Écrire malgré l’huissier qui sonne. Un peu d’opulence visible, une crédibilité à maintenir. Rue Cassini, Balzac compose la réussite : étoffes, pendules, bibliothèques. C’est un appartement-argument, qui suggère l’abondance face aux partenaires, aux amis, aux créanciers parfois. Pendant qu’il agence la pièce, les relances continuent, la dette reste mobile. La maison sert d’écran et d’atelier. C’est là que s’installent des habitudes : filtrer, différer, déplacer, livrer la nuit ce qu’on a promis le jour. (On peut guetter ici la naissance d’un tempo balzacien : livraison de feuilletons, acomptes, nouvelles avances, nouveaux délais, même boucle.) Les biographies et dossiers muséaux recoupent ce montage de décor et d’arriérés. Mars 1835, nouveau dispositif. Balzac loue un second logement au 13, rue des Batailles, village de Chaillot, sous le nom de « veuve Durand ». On n’entre qu’avec un mot de passe ; il faut traverser des pièces vides, puis un corridor, avant le cabinet de travail aux murs matelassés. Architecture anti-saisie, anti-importuns, anti-huissier. Littérairement, c’est déjà une scène : antichambre, seuils successifs, filtrage. On reconnaît le mécanisme dans certains intérieurs de La Comédie humaine. Le mot de passe lui-même circule dans les souvenirs et brochures (la « veuve Durand » comme sésame), attesté par des sources anciennes relayées par la bibliographie muséale. Avril 1836, collision. Poursuivi, Balzac est arrêté à la rue Cassini et brièvement incarcéré par la Garde nationale ; l’épisode tient moins à un créancier particulier qu’au cumul des obligations civiques et financières qui convergent, mais il fixe la sensation d’un siège permanent. C’est une note de bas de page devenue rythme. Il sort vite. Il doit encore payer. Il réorganise. En 1837, Balzac s’installe « aux Jardies », Sèvres. Idée simple : mettre Paris et ses recouvrements à distance, tout en jouant la plus-value foncière. Lotir, vendre, respirer. Il loge le jardinier Pierre Brouette dans la petite maison visible aujourd’hui, lui habite une demeure plus cossue désormais disparue. Projet rationnel, réalité capricieuse. Les huissiers ne franchissent pas mieux ce périmètre que les précédents ; ils patientent, contournent, reviennent. On écrit la nuit. On promet pour la fin du mois. On rallume la cafetière. Puis Passy, 47, rue Raynouard. La maison a deux issues : Raynouard en haut, Berton en bas. Balzac signe « Monsieur de Breugnol » (par la gouvernante Louise Breugniol). Là encore, l’architecture répond à la procédure : deux portes contre une sommation, un alias contre une assignation. On travaille au rez-de-jardin, on descend par la rue Berton si la cloche persiste. C’est la période la plus productive : la dette devient cadence, la cadence baptise l’œuvre. L’édition Furne (« La Comédie humaine » réunie) fournit de l’oxygène et des contraintes. Le traité laisse à Balzac l’ordre et la distribution, mais l’exécution réelle est chaotique. Livraisons hebdomadaires, volumes 1842-1848, corrections incessantes, retards d’impression. C’est un amortisseur : avances, échéances, visibilité. Pas une délivrance. Les huissiers n’entrent pas dans le colophon, mais l’ordre des volumes ressemble beaucoup à un calendrier de paiements. Ce n’est pas de la cavalerie, c’est de la méthode. Alias et prête-noms. « Veuve Durand » à la rue des Batailles, « Monsieur de Breugnol » à Passy : l’identité-écran retarde l’identification par les études d’huissiers, filtre au portier, laisse travailler. Doubles issues. Rue des Batailles : succession de seuils. Passy : deux portes opposées. L’espace sert à gagner du temps. Le temps sert à livrer. La livraison sert à payer l’acompte. Multiplication d’adresses. Garder Cassini en même temps que Batailles, puis glisser vers Jardies, puis Passy ; toujours un sas, toujours un repli. C’est une géographie de défense. Faire patienter la dette. Acomptes d’éditeurs, prêts d’amis, avances, étalements ; on produit des feuillets comme on fabrique des échéances. La correspondance, les biographies économiques et les relevés muséaux convergent sur ce « temps convertible ». Dans La Comédie humaine, l’huissier n’est jamais loin du notaire, du banquier, du commissaire-priseur ; il tient la poignée de la porte. Le droit devient littéralisme : billet, protêt, cession, saisie, ces gestes écrits qui déplacent des meubles et des vies. On parle souvent de l’obsession économique de Balzac ; on peut la décrire plus simplement : tout commence quand un papier entre dans une chambre. César Birotteau, les Maisons Nucingen, le cousin Pons : que vaut un salon sans quittance, un honneur sans échéance ? Or la biographie et l’œuvre font système. La double issue de Passy, c’est un chapitre en devenir ; le mot de passe de la rue des Batailles, un dispositif dramatique ; l’incarcération de 1836, un signal bref du réel qui cogne. La fiction réassemble et redistribue. L’huissier, muse négative, règle le débit de la phrase : injonction, délai, mainlevée. On lit parfois Balzac en pure sociologie. C’est utile, mais insuffisant pour saisir un geste d’atelier : le montage financier devient montage narratif. La promesse d’un éditeur, c’est un chapitre promis. La pénalité d’un retard, c’est une relance d’intrigue. La dette, moteur éthique et mécanique : elle force à voir comment les papiers administrent les corps, comment le langage du droit se fait dialogue, comment une main sur une poignée peut valoir plus qu’une proclamation. L’huissier, en somme, impose la forme : on écrit avec l’ennemi dans l’escalier. On reconnaît aussi chez Balzac une esthétique du seuil : l’antichambre, l’escalier de service, la loge, le corridor. Ces lieux qui retardent et orientent, très concrets dans les domiciles réels, se transposent avec exactitude. À Passy, descendre la rue Berton, c’est une ruse. Dans les romans, franchir trois portes avant d’atteindre un cabinet, c’est un suspense pratique. Rien n’est décoratif : la topographie est une procédure. Je me suis demandé si cet article tiendrait debout et pourquoi ? Parce que l’histoire des poursuites fournit plus qu’un contexte : une grammaire. On y trouve des sujets (créanciers), des verbes (signifier, saisir, assigner), des compléments (meubles, loyers, créances), et surtout une temporalité : délais, termes, prorogations. Balzac a vécu cette grammaire à même les murs. Il l’a recyclée en syntaxe romanesque. La Comédie humaine, lue depuis la porte d’entrée, devient un immense répertoire de situations procédurales : qui entre, avec quel papier, dans quelle pièce, sous quel nom. Il ne s’agit pas de réduire l’écrivain à son dossier comptable, mais de prendre acte d’une évidence matérielle : sans la pression des échéances, sans la nécessité de convertir le temps en pages et les pages en acomptes, l’architecture de l’œuvre serait autre. L’huissier, en bord de champ, enregistre le tempo. Dans une version purement héroïque, tout commence par la vocation et finit par les chefs-d’œuvre. Dans la version matérielle, plus exacte et plus utile, tout commence par une imprimerie mal calibrée et finit par une maison à deux sorties. Entre les deux, un homme qui écrit la nuit, signe sous alias, déplace ses meubles, répond à des épreuves, ajuste des volumes, et devance tant bien que mal l’homme en noir. La littérature, ici, ne couvre pas la dette ; elle la transforme. Sources : CCFr / BnF, “Fonds Impressions de Balzac (1825-1828)” : faillite des entreprises d’édition/imprimerie, estimation du passif 1828 ≈ 60 000 fr. BnF, “Balzac en 30 dates” : brevet d’imprimeur (1826), liquidation 1828, rappel d’un cumul de dettes parfois chiffré plus haut (≈ 100 000 fr. en récapitulatif). Essentiels Maison de Balzac (Paris Musées), “Historique de l’édition Furne” : calendrier 1842-1848, clauses, retards, rôle de Balzac dans la fabrication. Maison de Balzac BnF, “Édition Houssiaux / Furne (notice Essentiels)” : 17 vol. illustrés 1842-1848, suivi étroit par Balzac. Maison de Balzac, “Paradoxes du musée littéraire” : alias et adresses (veuve Durand rue des Batailles ; « Monsieur de Breugnol » à Passy). Maison de Balzac Wikipedia FR, “Honoré de Balzac – Les demeures” : rue des Batailles, mot de passe, arrestation du 27 avril 1836 à la rue Cassini ; maison de Passy à deux issues et alias « Breugnol ». (Synthèse récente, à croiser avec sources muséales.) Wikipédia Archive.org, Pro domo : la maison de Balzac : mention de la « veuve Durand » comme sésame à la rue des Batailles. Internet Archive Maison des Jardies (site officiel, dossier de visite PDF + page Histoire) : installation de Balzac en 1837, projet de lotissement, maison du jardinier (Pierre Brouette), contexte Sèvres. History of Information : expérience d’imprimeur (1826), brève et ruineuse. (Ressource secondaire utile pour l’amorçage chronologique.) R. Bouvier, “Balzac, homme d’affaires”, Revue d’histoire moderne et contemporaine, JSTOR : éclairages économiques (train de vie, dettes fin 1847, rue Fortunée). L'illustration Nota méthode. Les montants varient selon périmètres (dettes professionnelles vs cumul de dettes et frais). Je signale la plage et privilégie les notices BnF et muséales pour les repères datés.|couper{180}

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Comment X sans Y

Il arrive que la matière d’un texte surgisse d’un endroit inattendu : un mail reçu tôt le matin, une proposition de formation glissée dans l’ordinaire d’une boîte de réception. Celui-ci, signé Jean Rivière, affirmait détenir une formule capable de transformer n’importe quelle idée banale en offre irrésistible. La promesse tenait en quatre mots : « X sans Y ». X, c’est ce que tout le monde désire. Y, c’est l’obstacle qui décourage, la barrière la plus répandue. L’efficacité du procédé tient à ce raccourci brutal : perdre du poids sans sport, apprendre l’anglais sans grammaire, vivre du web sans audience. La formule ne crée pas de nouveaux désirs, elle s’empare de ceux qui existent déjà et efface la peine censée les accompagner. Le mail parlait de business et de ventes, mais ce qui m’a frappé, c’est la force nue de cette structure. Une promesse qui tient debout toute seule, presque comme un aphorisme, et dont la logique pourrait glisser ailleurs, du côté de l’écriture. Déplier la formule, c’est voir apparaître deux pôles très simples. D’un côté, le X : l’objet du désir, clair, immédiat, universel. De l’autre, le Y : l’obstacle, celui qui rebute la majorité, celui qui décourage avant même d’avoir commencé. Toute la mécanique repose sur ce geste : isoler l’obstacle le plus commun, le plus douloureux, et l’effacer d’un trait. Ce n’est pas forcément la difficulté réelle, mais celle qui pèse dans l’imaginaire collectif. Dans l’apprentissage des langues, par exemple, ce n’est pas le temps qui bloque, c’est la grammaire. Dans le travail en ligne, ce n’est pas l’effort, c’est l’absence d’audience. Ce geste — dire en ôtant — n’est pas une invention récente. La rhétorique classique le connaissait déjà : persuader, c’est souvent soustraire. On parle d’ellipse lorsqu’on retire un mot pour renforcer le sens. On parle d’enthymème lorsqu’on retire une prémisse dans un raisonnement, en laissant l’auditeur la compléter lui-même. « Socrate est mortel puisqu’il est un homme » : la phrase supprime « tous les hommes sont mortels », mais chacun l’entend sans qu’il soit besoin de l’écrire. La suppression ne diminue pas, elle aiguise. Elle attire l’attention vers ce qui manque et sollicite l’esprit du lecteur. Le « sans Y » fonctionne exactement de cette manière. En apparence, il allège le chemin, promet un raccourci. En réalité, il met toute la lumière sur l’obstacle qu’il prétend effacer. Sans sport, sans grammaire, sans audience : chaque fois, la négation souligne ce qu’on redoute le plus, et c’est cette mise en relief qui séduit. La formule obtient son pouvoir non par ce qu’elle ajoute, mais par ce qu’elle retranche. Si la rhétorique de la suppression est si puissante dans la persuasion, c’est qu’elle repose sur un paradoxe : dire en ne disant pas. En littérature, ce paradoxe devient un moteur formel. On connaît l’exemple radical de Perec : écrire un roman entier sans la lettre e. Le manque devient la règle, et c’est lui qui produit la créativité. Chez Beckett, c’est une suppression progressive : le vocabulaire s’épuise, la syntaxe se réduit, jusqu’à ce que le texte semble s’écrire à la frontière du silence. Dans l’autofiction contemporaine, la contrainte « sans » est partout : parler de soi sans employer « je », relater un rêve sans images, écrire un silence sans blancs. Chaque fois, c’est l’obstacle qui devient matière. Ce qui distingue l’usage littéraire de la formule « X sans Y » de son usage commercial, c’est que la littérature ne cherche pas à effacer l’obstacle mais à l’habiter. Elle ne promet pas un raccourci, elle invente une forme qui tienne malgré le manque. Là où le marketing exploite la suppression comme argument, l’écrivain la transforme en contrainte esthétique. Ce déplacement est décisif : il fait du « sans » non pas une promesse de facilité, mais une condition d’existence du texte. Si la formule « X sans Y » sert de promesse en marketing, elle devient en littérature un déclencheur. Le « sans » agit comme une contrainte volontaire : il force à déplacer l’écriture, à inventer un chemin qui contourne l’interdit. Ces formules n’ont pas vocation à être vraies ou fausses, mais à fonctionner comme moteurs de texte. Elles ouvrent des zones d’exploration, parfois minimes, parfois radicales. Comment parler de soi sans “je”. Comment écrire un journal sans dates. Comment relater un rêve sans images. Comment décrire un lieu sans nommer l’espace. Comment se souvenir sans mémoire. Comment écrire un silence sans blancs. Comment raconter une histoire sans personnages. Comment décrire un corps sans le toucher. Comment évoquer une émotion sans l’adjectif qui la désigne. Comment finir un texte sans conclusion. Ces dix variations peuvent sembler paradoxales. Mais chacune contient une conséquence pratique sur la langue. Parler de soi sans « je », c’est déplacer la voix narrative vers le « tu », le « il », ou vers une forme impersonnelle. Écrire un journal sans dates, c’est suspendre le temps plutôt que le mesurer. Relater un rêve sans images, c’est se tourner vers les sensations, les odeurs, les rythmes. Décrire un lieu sans le nommer, c’est faire passer les matières et les gestes avant l’identification. Se souvenir sans mémoire, c’est travailler dans le défaut, l’incertain. Écrire un silence sans blancs, c’est inventer un rythme qui suggère l’arrêt sans jamais marquer la page. Raconter sans personnages, c’est donner aux objets ou aux climats le rôle de protagonistes. Décrire un corps sans le toucher, c’est s’en tenir aux effets, à la distance. Évoquer une émotion sans son adjectif, c’est passer par les manifestations concrètes plutôt que par l’évidence du mot. Et finir sans conclusion, c’est ouvrir une fissure plutôt qu’un point final. En marketing, la formule « X sans Y » sert à vendre une promesse immédiate : obtenir le résultat désiré sans passer par l’obstacle redouté. En littérature, le même canevas ne délivre pas de promesse, il ouvre une contrainte. Le « sans » ne supprime pas vraiment, il creuse, il met en tension. C’est ce vide qui déclenche l’invention, qui pousse la langue à trouver d’autres appuis. On pourrait dire que la différence est là : d’un côté, l’économie du désir, de l’autre, l’économie de la forme. Le publicitaire attire en effaçant l’effort ; l’écrivain invente en gardant l’effort vivant, mais déplacé. La suppression, au lieu de lisser le chemin, fait surgir des zones nouvelles où la langue tâtonne. Peut-être que l’écriture, au fond, n’est rien d’autre que cela : chercher comment obtenir quelque chose sans l’obtenir vraiment.|couper{180}

Narration et Expérimentation réflexions sur l’art Théorie et critique littéraire

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La sincérité en équilibre sur le fil du doute

La sincérité, Montaigne en a fait son affaire. Il s’est promis, d’entrée de jeu, de se livrer tout entier, sans fioritures ni artifices, comme un acrobate qui, suspendu dans le vide, exhiberait chaque muscle, chaque tension, sans filet pour rattraper la chute. Mais se livrer, ce n’est pas encore se comprendre. Et surtout, se comprendre ne garantit pas l’authenticité. Pourtant, le vieux Montaigne ne manque pas de conviction : il affirme, il avoue, il se dit, et le lecteur, fasciné, se laisse prendre au jeu de cette transparence calculée. Parce que la sincérité, quand on y pense, c’est un peu comme ces boutiques aux vitrines impeccables et aux arrière-boutiques sombres, où l’on entasse ce qui ne doit surtout pas se voir. On s’y croit bien reçu, mais quelque chose échappe toujours. En fait, le doute persiste : et si Montaigne jouait avec nous ? Et si ce grand projet d’authenticité n’était qu’un masque littéraire, une manière discrète de se dérober tout en se montrant ? Après tout, la sincérité, c’est peut-être ça : un mouvement perpétuel entre la confession et l’esquive, une construction savamment décousue, qui laisse planer le soupçon que tout cela n’est qu’un tour, ou plutôt un détour. Montaigne, on le sait, n’est pas homme à tricher. Lui-même le dit : "Je me contredis quelquefois, mais la vérité, je ne la contredis point" (Essais, Livre III, Chapitre 2). Tout de suite, il annonce la couleur : il va parler de lui, sans détour, sans fard, en toute honnêteté. Ce qui déjà soulève un doute : peut-on, en écrivant, être parfaitement honnête ? À peine commence-t-il à tracer ses phrases que l’on sent bien que quelque chose résiste. Car l’écriture, Montaigne le sait, c’est déjà une forme de mise en scène. Un dispositif où chaque mot prend la pose, où chaque réflexion trouve sa place dans un jeu d’équilibre savamment orchestré. Et voilà Montaigne qui s’attaque à ce grand chantier de soi-même, avec la conviction naïve de pouvoir capturer ses pensées comme on attrape des papillons. Mais le filet est percé, et les idées s’échappent. Qu’à cela ne tienne, il persiste. La sincérité, chez lui, n’est pas ce jaillissement brut qui aurait pu fleurir sous d’autres plumes, plus spontanées. Non, ici c’est autre chose : un effort intellectuel, un projet réfléchi. Il veut tout dire, certes, mais il sait bien qu’écrire, c’est aussi choisir, trier, oublier. Et il n’est pas dupe. Nuancer la sincérité chez Montaigne revient à accepter que cette quête de transparence soit aussi une construction littéraire. La mise en scène n’est pas forcément un mensonge, mais une manière de mieux cerner une vérité insaisissable. Il ne s’agit pas d’un masque pour tromper, mais d’un procédé pour explorer les contours d’un moi changeant. Finalement, cette sincérité littéraire, si elle est une mise en scène, n’est pas une stratégie de manipulation, mais un geste d’honnêteté complexe, où le masque sert à révéler plus qu’à cacher. Montaigne joue avec ses contradictions pour mieux nous inviter à réfléchir à la nôtre, et dans cette mise en abîme, il ne cesse de se questionner avec cette humilité qui fait sa grandeur. Plus largement, cette manière montaignienne de cultiver le doute résonne étonnamment avec notre époque, où l’authenticité est sans cesse revendiquée mais rarement atteinte. À l’heure des récits autofictionnels et des réseaux sociaux, cette sincérité fluctuante, mouvante, prend une valeur d’exemple. Peut-être est-ce là la modernité radicale de Montaigne : avoir su anticiper que la quête de soi est toujours un peu un jeu de masques.|couper{180}

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L’autofiction

L’autofiction, ainsi qu’on la désigne depuis que Serge Doubrovsky a forgé ce terme en 1977 pour qualifier son propre texte, "Fils", n’est ni une autobiographie, ni une fiction pure. C’est un territoire incertain, bâti sur l’instabilité même des souvenirs et des impressions, un lieu où le langage se risque à des vérités qui n’en sont pas tout à fait. "Autobiographie ? Non. Fiction d'événements et de faits strictement réels ; si l’on veut, autofiction, d'avoir confié le langage d'une aventure à l'aventure du langage", écrivait Doubrovsky. Ce geste littéraire, qui intrigue et inquiète, c’est la tentative de faire résonner le moi à travers les matériaux bruts de l’existence. Il y a dans l’autofiction cette volonté de tenir ensemble le moi vécu et le moi rêvé, de les faire cohabiter dans un même geste d’écriture. Contrairement à l’autobiographie, qui prétend à la fidélité du récit, l’autofiction accepte l’ambiguïté, voire la contradiction. C’est une mise en crise du moi narratif, qui se cherche, tâtonne, ose exagérer pour atteindre une intensité d’être que la simple restitution factuelle ne peut offrir. Ainsi font Annie Ernaux, Christine Angot, ou encore Emmanuel Carrère, qui transforment le réel en un matériau malléable, modelé par l’intensité du vécu. L'autobiographie et la biographie se parent des atours d'une objectivité que l'autofiction, avec une honnêteté crue, dément. Toute écriture de soi est déjà une reconstruction, une mémoire reconfigurée, un passé ressaisi par les mots. L’historien Michel Pastoureau le sait bien : il admet volontiers que l’objectivité historique est une illusion, que la subjectivité imprègne inévitablement tout récit du passé. De même, les prétendues autobiographies et biographies, loin d’être des récits neutres, sont autant d’interprétations où le vécu se tord sous la pression du langage. Dans l’autofiction, le narrateur se dédouble, il s’examine et s’interroge, prêt à assumer des excès pour cerner au plus près ce qui le traverse. La culpabilité, l’obsession de la reconnaissance, la pureté du geste d’écrire se heurtent à la nécessité d’un retour, d’un écho. Ce moi littéraire est un espace de conflit, une recherche inquiète qui n’aboutit jamais tout à fait mais creuse le réel à coups d’images et de métaphores. Si j’écris pour ne rien attendre, pourquoi guetter alors l’empreinte de mes mots sur les autres ? Cette contradiction-là, qui rend le geste impur, n’est-elle pas au fond le signe même de notre condition humaine ? L’autofiction, loin d’être une déviance du réel, en est l’extension, sa résonance prolongée. Elle accepte la contamination du souvenir par l’imaginaire, du factuel par l’intime. Elle prend acte de l’impossibilité de saisir un moi pur, intact, et tente plutôt d’en traduire les échos. L’autofiction accepte la torsion comme mode d’expression : ce qui compte, ce n’est pas tant l’exactitude que la vibration sincère, la tentative de rendre compte de ce qui, en soi, résiste à la clarté. Parce que c’est sans doute la seule manière de témoigner sans trahir. Parce que prétendre à la pureté serait mentir. L’autofiction assume cette impureté foncière de l’écriture, ce mélange de réel et de projection, cette superposition d’un vécu et d’une rêverie. C’est une manière de sauver ce qui reste d’authenticité quand on sait que toute restitution est, déjà, une perte. L’autofiction n’est pas une affirmation, mais une question. Elle est la possibilité de tenir ensemble la mémoire, la fiction et le doute, de faire entendre, à travers la matière incertaine des mots, ce qui vibre encore quand tout semble voué à l’effacement. Plus honnête que l’autobiographie, elle revendique la fêlure, l’inachèvement, l’impossible pureté de l’écriture de soi.|couper{180}

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L’inquiétante étrangeté

L’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche) est un concept théorisé par Sigmund Freud en 1919 dans un essai éponyme. Il décrit une sensation d’angoisse éprouvée face à quelque chose de familier qui devient troublant, comme si une anomalie invisible venait dérégler la perception du réel. 1. Origine et définition Le mot allemand "Unheimlich" signifie littéralement "non-familier", mais il est construit à partir du mot "Heimlich" qui veut dire "familier", "intime", voire "secrètement dissimulé". Ce paradoxe est central dans la notion d’inquiétante étrangeté : ce qui était caché, mais familier, refait surface d’une manière inquiétante. Freud l’explique ainsi : « L’Unheimlich est une sorte de Heimlich qui a subi un refoulement et qui est revenu à la lumière. » L'inquiétante étrangeté naît donc lorsque quelque chose de profondément connu réapparaît sous une forme légèrement différente, nous mettant mal à l’aise. 2. Les ressorts de l’inquiétante étrangeté Plusieurs éléments peuvent provoquer ce sentiment d’étrangeté troublante : A. La présence du double Le doppelgänger (double maléfique) est une figure récurrente dans la littérature fantastique. Freud cite L’Homme au sable d’E.T.A. Hoffmann, où un personnage rencontre son double, créant une impression de terreur. Lovecraft, Poe et même des auteurs modernes comme China Miéville jouent sur la fragmentation de l’identité et la duplication inquiétante des êtres. B. L’animation de l’inanimé Quand un objet, une poupée (uncanny valley en robotique), un miroir ou un reflet semblent prendre vie. Exemple : les automates d’Hoffmann, le mythe du Golem, ou les œuvres de Lisa Tuttle, qui joue sur la présence d’objets imprégnés d’une vie cachée. C. La distorsion du temps et de l’espace Un lieu familier peut se transformer en un endroit où les lois de la logique sont altérées. Jeff VanderMeer, avec Annihilation, installe un espace mutant où l’environnement devient autre, bien qu’apparemment normal au premier regard. D. Le retour du refoulé Un souvenir oublié qui ressurgit brutalement. Une scène de l’enfance qui refait surface sous une forme inquiétante. C’est l’un des ressorts majeurs des récits de Silvia Moreno-Garcia, où des traumatismes anciens hantent les personnages. E. La perte des repères corporels Métamorphoses, mutations, transformations du corps. Thème central chez Lovecraft (L’Appel de Cthulhu, La Couleur tombée du ciel). Exploité dans des récits comme Mexican Gothic où le fantastique se mêle à la dégénérescence physique. 3. L’inquiétante étrangeté dans la littérature et l’art Ce concept a été exploré dans le fantastique gothique et l’horreur psychologique, influençant de nombreux écrivains et artistes : Edgar Allan Poe → William Wilson (le double), La Chute de la maison Usher (l’animation de l’inanimé). H.P. Lovecraft → Les créatures indescriptibles et la transformation de la perception du réel. China Miéville → Des villes doubles, des réalités parallèles où l’étrangeté affleure sous la normalité. David Lynch (cinéma) → Eraserhead, Mulholland Drive, Twin Peaks, où des scènes banales deviennent perturbantes. Hans Bellmer (peinture et sculpture) → Corps fragmentés, poupées inquiétantes. 4. Pourquoi l’inquiétante étrangeté nous touche-t-elle autant ? Le concept freudien repose sur un conflit psychologique profond : nous reconnaissons quelque chose, mais il nous semble déformé, ce qui crée une angoisse diffuse. C’est la confrontation avec un reflet déformé du réel, un monde où les repères s’effondrent subtilement. C’est aussi un moyen pour les artistes et écrivains d’explorer nos peurs les plus profondes, celles qui ne sont pas simplement liées à des monstres ou des fantômes, mais à nous-mêmes, notre mémoire, notre perception et notre identité. En somme, l’inquiétante étrangeté est l’un des ressorts narratifs les plus puissants du fantastique, car elle joue sur le malaise, le doute et l’impossibilité d’être sûr de ce que l’on perçoit. Illustration PB 1978|couper{180}

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Carnets | mars 2025

19 mars 2025

Je suis en train de lire ces histoires étranges d'Ambrose Bierce, et presque aussitôt, une sensation familière me traverse : un retour en arrière, une réminiscence de mes années d’adolescence, lorsque je découvrais Maupassant avec fascination. Ses nouvelles fantastiques, pleines d’incertitude et de vertige, m’avaient marqué profondément. Ici, dans ces pages signées Bierce, je retrouve ce même frisson, cette même frontière trouble entre le rationnel et l’inexplicable. Je me demande alors : Bierce a-t-il lu Maupassant ? Sans doute. Comment aurait-il pu l’ignorer ? La réputation du Normand avait traversé l’Atlantique, et ses nouvelles, en particulier Le Horla, étaient lues et commentées bien au-delà des cercles littéraires français. Bierce, polyglotte et fin connaisseur de la littérature européenne, aurait facilement pu tomber sur ces récits d’angoisse et de folie progressive. Les similitudes sont troublantes. Maupassant et Bierce explorent tous deux la fragilité de la perception humaine, cette capacité qu’a l’esprit à vaciller devant l’inexplicable. Chez Maupassant, l’angoisse surgit de l’intérieur, un malaise qui envahit peu à peu le personnage et le lecteur. Chez Bierce, la mécanique est plus brutale, plus tranchante, mais l’effet reste le même : une ironie macabre où le surnaturel n’apparaît jamais sans un sous-texte cruel. Un salut glacial rappelle les visions fantasmagoriques du Horla ; Une arrestation joue avec la justice implacable des morts, tout comme La peur de Maupassant joue avec la culpabilité et la hantise. Mais il y a une différence notable : là où Maupassant s’ancre dans un univers feutré, marqué par la bourgeoisie et ses tourments psychologiques, Bierce est un homme de la guerre, du sang, de la poussière et de la violence de l’Amérique du XIXe siècle. Ses récits de fantômes portent l’empreinte de la Guerre de Sécession, du chaos, et d’une ironie plus sèche, plus acérée. Ainsi, si Bierce a peut-être lu Maupassant, il n’a pas simplement imité, il a adapté. Il a injecté dans le fantastique une noirceur particulière, une fatalité propre à son époque et à son pays. Lire Bierce, c’est donc comme lire Maupassant après un passage sur les champs de bataille : l’angoisse n’est plus seulement intérieure, elle est aussi le produit d’un monde brutal et sans pitié. Et moi, refermant ce recueil, je ressens cette étrange impression d’avoir traversé un pont entre deux continents, entre deux sensibilités. Un dialogue muet entre deux écrivains qui ne se sont jamais rencontrés, mais dont les ombres se croisent quelque part, dans les méandres d’une nouvelle à chute, au détour d’un frisson partagé. Mais cette parenté littéraire, qui me frappe aujourd’hui, aurait-elle eu la même force si j’avais vécu à une autre époque ? Il est fascinant de constater que ces nouvelles, autrefois si percutantes, ont fini par lasser. Trop de chutes, trop de surprises attendues, trop de mécaniques usées par la répétition. Lorsque Bierce et Maupassant écrivaient, ce type de récit était encore un terrain d’expérimentation, une manière novatrice de jouer avec la perception du lecteur. Mais à mesure que les nouvelles à chute se sont multipliées dans les magazines et journaux, elles ont perdu leur singularité, devenant des exercices de style prévisibles. Peut-être est-ce cela, finalement, qui fait que lire Bierce et Maupassant aujourd’hui conserve un goût particulier : nous savons que nous nous aventurons dans un territoire où la surprise a pu être galvaudée, et pourtant, dans leurs mains, elle garde encore cette puissance troublante, cette façon unique de nous arracher au réel pour nous plonger dans un vertige inquiétant. Alors, que reste-t-il aujourd’hui de l’histoire fantastique ? À quoi ressemble-t-elle dans un monde où l’étrange est omniprésent, où la fiction a été bouleversée par tant d’expériences narratives ? Les formes contemporaines du fantastique ne reposent plus uniquement sur l’effet de chute, mais jouent avec le doute, l’inachèvement, la multiplicité des interprétations. Des auteurs comme Jorge Luis Borges ont réinventé la nouvelle en intégrant le fantastique dans des structures labyrinthiques, où le surnaturel n’est pas un simple coup de théâtre, mais une énigme qui se propage à toute la narration. Dans Fictions, des récits comme La loterie à Babylone ou Tlön, Uqbar, Orbis Tertius brouillent la frontière entre réalité et illusion d’une manière qui aurait certainement fasciné Bierce. Julio Cortázar, dans Fin d’un jeu et Bestiaire, fait basculer le quotidien dans l’inquiétante étrangeté, avec des récits où l’étrange surgit sans explication, s’insérant subtilement dans le réel. Italo Calvino, lui, joue avec les structures narratives, comme dans Si par une nuit d’hiver un voyageur, où la fiction devient elle-même un piège. D’autres voix contemporaines poursuivent cette exploration : Brian Evenson, avec Fugitives, explore un fantastique minimaliste et brutal. Angela Carter, dans La Compagnie des loups, revisite les contes en leur insufflant une étrangeté troublante. Laird Barron, quant à lui, réintroduit l’horreur cosmique chère à Lovecraft, tout en la teintant d’un réalisme oppressant. Le fantastique contemporain ne repose plus tant sur la surprise finale que sur une expérience immersive, une montée en tension progressive où le réel devient incertain. La frontière entre réalité et fiction s’efface, nous plongeant dans un vertige d’autant plus troublant qu’il ne cherche plus forcément à nous surprendre… mais à nous envelopper insidieusement. Je referme ces pages et me demande : dans un siècle, quels écrivains redécouvrira-t-on avec ce même sentiment de familiarité troublante ? Illustration : John Herbert Evelyn Partington — Ambrose Bierce|couper{180}

Lovecraft Théorie et critique littéraire

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Inférence littéraire et autoportrait d’écrivain : une frontière poreuse

Lorsqu’un auteur décrit un paysage désolé, un personnage tourmenté ou un sentiment diffus, se raconte-t-il lui-même ou joue-t-il avec l’interprétation de son lecteur ? Cette question est au cœur de la lecture critique et engage un débat ancien entre ceux qui voient la littérature comme une projection de l’écrivain et ceux qui estiment que le texte doit être analysé en lui-même, indépendamment de son auteur. Entre inférence littéraire et autoportrait dissimulé, la frontière est fine et mouvante. L’inférence littéraire : un levier d’interprétation L’inférence littéraire consiste à déduire des informations non explicites à partir des indices textuels. Un bon lecteur ne se contente pas de ce qui est dit : il comble les blancs, relie les éléments narratifs entre eux et attribue des intentions aux personnages. Prenons un exemple dans Madame Bovary (1857) de Gustave Flaubert. Lorsqu’Emma Bovary contemple la campagne normande, les descriptions ne sont pas neutres : "La pluie tombait en nappes sur la rivière, et des cercles innombrables se formaient à la surface de l'eau, qui semblait frémir sous le poids des gouttes." Rien n’est explicitement dit sur Emma, mais l’atmosphère lourde, la pluie incessante et le frémissement de l’eau font écho à son désarroi. Le lecteur infère son mal-être à partir de ce paysage oppressant. Pourtant, Flaubert lui-même était-il mélancolique en écrivant cette scène ? On n'en sait rien. La description est une construction dramatique, pas un autoportrait. L’illusion biographique : l’auteur est-il toujours dans son texte ? Certains auteurs brouillent les pistes et rendent la distinction entre inférence et autobiographie plus trouble. Marcel Proust, dans À la recherche du temps perdu, place un narrateur qui lui ressemble énormément, jusqu'à faire croire à une simple transposition de sa vie. Pourtant, l’autobiographie chez Proust est un prisme déformant : le narrateur "Marcel" n'est pas exactement Marcel Proust. Prenons cette phrase de Du côté de chez Swann (1913) : "La vérité que je cherche n'est pas en moi, elle est dans le passé qui renaît." On pourrait y voir une déclaration intime de l’auteur sur sa propre quête de mémoire involontaire. Mais Proust construit un dispositif littéraire complexe où l’inférence du lecteur l’entraîne dans un piège herméneutique : il confond volontiers la voix du narrateur avec celle de l’auteur. C’est ce que Roland Barthes dénonce dans La mort de l’auteur (1967) : vouloir retrouver l’auteur dans son texte est une illusion. Pour lui, l’œuvre doit être interprétée indépendamment de son émetteur. Quand l’auteur s’insinue dans le texte Certains écrivains revendiquent une porosité entre fiction et récit personnel. Marguerite Duras, dans L’Amant (1984), assume que la narratrice est une version fictionnalisée d’elle-même. De même, Annie Ernaux dans Les Années (2008) joue sur cette fusion entre intime et collectif. Conclusion : un dialogue entre l’œuvre et son lecteur Si la littérature est un jeu d’ombres et de reflets, c’est aussi parce que le lecteur participe activement à sa création de sens. Entre inférence et autoportrait, chaque lecture devient une rencontre unique. Sources : Roland Barthes, La mort de l’auteur, 1967. Gustave Flaubert, Correspondance, 1857. Antoine Compagnon, Le démon de la théorie, 1998. Illustration Jean Renoir, Madame Bovary 1933|couper{180}

Théorie et critique littéraire

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Mémoire vive

Je me souviens d’une lampe verte sur le bureau de mon grand-père. Ou était-elle bleue ? Peut-être n’y avait-il pas de lampe du tout. Ce qui me revient, ce n’est pas un fait, c’est une impression, un reflet de lumière posé sur un coin d’enfance. Si je l’écris, je la fixe. Et pourtant, déjà, elle m’échappe. La phrase vient de l’attraper, mais ce n’est plus la même lampe. Quand on écrit un souvenir, que retient-on vraiment ? Est-ce une archive du passé ou une réinvention ? On croit que l’on restitue, mais on recrée. C’est une illusion tenace, cette idée que la mémoire serait un enregistrement fidèle. Proust l’a démontré mieux que personne. Dans À la recherche du temps perdu, ce ne sont pas les souvenirs conscients qui portent la vérité du passé, mais ces surgissements imprévisibles, ces éclats sensoriels qui dépassent la volonté. L’odeur d’une madeleine, le bruit d’une cuillère sur une assiette, et c’est tout un monde qui refait surface. Mais ce monde n’existe plus. Il se reconstruit dans l’écriture, il se plie au rythme des phrases, à la logique du récit. Ce n’est pas une restitution, c’est une transfiguration. Écrire, c’est composer avec l’oubli. Barthes en joue aussi. Dès la première page de Roland Barthes par Roland Barthes, il avertit : « Tout ceci doit être considéré comme dit par un personnage de roman. » Même en parlant de lui-même, il s’invente. Qui raconte, lorsqu’on se souvient ? Qui décide du cadre, du ton, des ellipses ? On croit se souvenir, mais en réalité, on choisit. On accentue une couleur, on coupe un détail, on arrange. Peut-on dire qu’un souvenir écrit est vrai ? Peut-être l’est-il plus que le souvenir lui-même. La mémoire est un atelier où l’on sculpte ce qui nous reste. Perec, lui, a fait de cette incertitude un projet littéraire. Je me souviens aligne des bribes de passé, toutes introduites par la même formule incantatoire : « Je me souviens… » Il ne cherche pas à recomposer une histoire, juste à fixer des fragments, ces éclats épars qui font une vie. Mais l’exercice révèle autre chose : certains souvenirs paraissent inventés. Ou sont-ils simplement contaminés par d’autres récits, d’autres lectures ? Perec lui-même l’admet dans W ou le souvenir d’enfance : son passé est troué, il le recompose par nécessité, et parfois, par pure fiction. C’est là toute la question : écrit-on ce dont on se souvient, ou se souvient-on de ce que l’on écrit ? Nathalie Sarraute, elle, hésite. Enfance n’est pas un récit ordinaire. C’est une conversation à voix basse entre elle et elle-même, un dialogue interrompu, une succession de doutes. À chaque souvenir évoqué, une seconde voix s’élève pour interroger : « Était-ce vraiment ainsi ? » Rien n’est certain, tout est fragile. L’écriture n’affirme pas, elle explore. Ricœur parle de « mémoire reconstructive ». Nous ne sommes pas des archivistes fidèles de notre propre vie. Nos souvenirs se modèlent selon nos attentes, nos désirs, nos regrets. On se raconte une histoire. On la modifie sans s’en rendre compte. Peut-être que la mémoire ne se contente pas d’oublier ; peut-être qu’elle invente aussi. Alors écrire, c’est quoi ? C’est reconnaître que la vérité du souvenir ne tient pas dans sa précision, mais dans sa résonance. Gabriel García Márquez disait : « La vie n’est pas ce que l’on a vécu, mais ce dont on se souvient et comment on s’en souvient. » Ce qui importe, ce n’est pas la fidélité à un passé factuel, mais la justesse d’une sensation retrouvée, d’une émotion qui refait surface. Peut-être qu’au fond, écrire, c’est inventer un passé qui tienne debout. Un passé qui, une fois couché sur la page, semble plus réel que celui qu’on croyait posséder. Peut-être que cette lampe verte — ou bleue — n’existait pas. Mais maintenant qu’elle est là, dans ces lignes, elle existe un peu plus qu’avant. C’est peut-être ça, la mémoire. Une fiction qu’on apprend à croire. Musique Claude Debussy Rêverie|couper{180}

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Une utopie en sursis

Il y a dans l’œuvre de Iain M. Banks quelque chose de faussement assuré, une confiance qui vacille. Né en 1954 et disparu en 2013, Banks était un écrivain britannique connu pour ses romans de science-fiction et ses œuvres de fiction générale publiées sous le nom de Iain Banks. Son cycle de la Culture, entamé avec *L'Homme des jeux* en 1987, est rapidement devenu une référence majeure du genre, explorant les tensions et paradoxes d'une société technologiquement avancée et politiquement anarchiste. La Culture, cette société post-pénurie gouvernée par des intelligences artificielles bienveillantes, semble avoir résolu ce que d’autres considèrent comme insoluble : la rareté, l’oppression, la peur du lendemain. Pourtant, sous la surface immaculée, les paradoxes s’accumulent. La Culture veut être sans hiérarchie, mais ses citoyens dépendent d’entités infiniment plus intelligentes qu’eux. Elle veut être tolérante, mais intervient sans relâche dans les affaires des civilisations moins avancées, imposant son éthique par des moyens dont la douceur masque mal la violence. Il faudrait d’abord revenir à la structure. Une société post-marxiste, fluide, sans propriété, sans argent. Chacun y fait ce qu’il veut, parce qu’il n’y a plus rien à vouloir au sens où nous l’entendons. Les IA, les *Mentaux*, gèrent tout, omniprésentes et discrètes. Certains les comparent à des dieux, mais des dieux qui, cette fois, ont l’intelligence de ne pas exiger d’adoration. Ce sont elles qui maintiennent l’illusion d’un monde sans pouvoir, alors qu’en réalité tout repose sur leur regard. Un regard bienveillant, mais un regard tout de même. La Culture se déploie comme une utopie en mouvement, sans centre, sans capitale, une galaxie de vaisseaux, d’orbitales, d’habitats flottants. Une anarchie systémique, huilée par la technologie. Mais l’anarchisme, ce n’est pas seulement l’absence d’autorégulation, c’est aussi l’absence de coercition. Or, ici, il y a coercition, et elle porte un nom : Contact. Ou pire : Circonstances Spéciales. Parce qu’une société qui se veut parfaite ne peut pas tolérer l’imparfait. Parce qu’à force d’être convaincue de son bon droit, elle en oublie qu’elle agit par la force. Chaque roman de Banks est une variation sur ce thème : le prix de l’utopie. Le prix se mesure en violence, en compromis, en manipulation. Dans *L'Usage des armes*, un mercenaire se bat pour la Culture, accumule les cicatrices et les horreurs au nom d’un monde qui, lui, reste immaculé. Dans *Les Enfers virtuels*, la Culture interdit aux civilisations extérieures de maintenir des espaces de damnation simulés. L’intention est noble, le résultat est une guerre. Peut-on imposer la liberté ? Peut-on abolir la souffrance sans détruire la volonté ? Banks ne tranche pas, il expose, il déroule. Ce qui rend son œuvre si actuelle, c’est cette incertitude. Contrairement aux dystopies convenues où l’utopie est un mensonge à abattre, Banks nous montre une société qui fonctionne, et c’est précisément cela qui la rend troublante. Il ne s’agit pas de dénoncer un régime totalitaire déguisé en paradis. Il s’agit de poser une question plus insidieuse : et si l’utopie, par nature, contenait son propre poison ? Aujourd’hui, alors que les crises climatiques, technologiques et géopolitiques se multiplient, l’œuvre de Banks apparaît sous un jour plus prophétique que jamais. Son intuition d’une civilisation technologiquement avancée, engoncée dans ses propres contradictions, fait écho aux dilemmes contemporains : jusqu’où faut-il intervenir au nom du bien ? L’automatisation et l’intelligence artificielle peuvent-elles vraiment garantir l’équilibre d’une société ? La Culture est-elle une métaphore de nos démocraties libérales, où la tolérance et le confort masquent souvent un refus du changement profond ? On pourrait croire que la Culture est un rêve d’avenir, mais c’est peut-être plutôt un miroir du présent. Une parabole sur le libéralisme absolu, où le confort a remplacé la lutte, où l’illusion du choix se confond avec la liberté réelle. Un monde où l’on peut tout faire, sauf remettre en cause le système qui nous permet de tout faire. Un monde sans état, mais pas sans structure de contrainte. La Culture ne force personne à l’adopter. Elle se contente d’attendre que les autres civilisations se rendent compte d’elles-mêmes qu’elles sont arriérées. Ce qui, au fond, revient au même. L’utopie de Banks n’est pas une promesse, c’est une hypothèse. C’est une tentative de penser un ailleurs qui, comme tous les ailleurs, reste insaisissable. Et si elle fascine tant, ce n’est pas parce qu’elle nous donne un modèle, mais parce qu’elle nous met face à une question sans réponse : que ferions-nous, vraiment, si nous avions tout ce que nous voulons ?|couper{180}

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La Technique Nous Attend

Il est 3:47 du matin. Le rectangle noir de mon téléphone reflète mon visage. Je le regarde encore. Je pense à Gilbert Simondon. Je pense aux machines. Certains faits : dans ma cuisine, une cafetière Bialetti, modèle six tasses, achetée un mardi de 2019. Le café percole. Une, deux, trois spirales de vapeur. La mécanique est claire, les lois immuables. Mais ce n'est qu'une illusion : je ne vois que la surface. Dedans, le mystère reste intact. Simondon parlait des objets techniques comme d'êtres vivants. Je regarde autour de moi. Ma maison est un musée d'objets silencieux. Des corps électriques alignés, immobiles, mais toujours prêts à s'éveiller. Leur lumière froide envahit la nuit. Voici comment nous vivons maintenant : nous déverrouillons, nous scrollons, nous verrouillons. Nous recommençons. Nous laissons les mystères s'empiler, comme si leur résolution pouvait attendre un autre jour. Comme si le temps nous appartenait encore. Dans le noir, les LED clignotent. Rouge. Vert. Bleu. Un code morse domestique que personne ne traduit plus. Le micro-ondes affiche 00:00. Je n'ai jamais su régler l'heure. Le routeur pulse doucement. Le thermostat attend. Ils attendent tous. Il est 3:48 maintenant. Le halo bleu du téléphone dessine des ombres sur le mur. Je pense aux mots de Simondon. Je pense à ces présences techniques qui nous entourent. Qui nous observent. Qui respirent avec nous. La technique n'est plus un outil mais une présence. Une présence que nous craignons. Que nous adorons. Que nous n'osons plus regarder en face. Peut-être que Simondon, lui, saurait quoi en faire. Peut-être qu'il saurait lire ces hiéroglyphes modernes qui tapissent nos murs, nos poches, nos vies. Il est 3:49. Le téléphone s'éteint. Dans le noir, les machines continuent de respirer. Saint-Étienne, 1924. Un père mutilé de Verdun. Une mère d'agriculteurs. Un enfant qui démonte des moteurs. Voici les faits. Gilbert Simondon naît dans un monde où les machines commencent à respirer. L'individuation, il la découvre d'abord dans les cristaux. La façon dont ils émergent du chaos, trouvent leur forme, leur singularité. Comme nous tous. Comme les machines aussi. Il y a une beauté dans ce processus qu'il est le seul à voir. Certains détails comptent. À Lyon, puis à Paris, il étudie la philosophie. Mais pas seulement. La physique l'attire. La psychologie aussi. Il accumule les savoirs comme d'autres collectionnent les timbres. Méthodique. Obsessionnel. Dans les années 50, il fait quelque chose d'étrange pour un philosophe. Il installe un atelier au sous-sol de son lycée. Fait manipuler des moteurs à ses élèves. Leur fait construire des téléviseurs. On lui dit que c'est dangereux. Il continue. Je pense à lui, regardant une cafetière italienne, un moteur, une ligne à haute tension. Il y voit ce que nous ne voyons pas. La concrétisation : ce moment où une machine devient si parfaite qu'elle semble avoir toujours existé. Comme un organe. Comme une évidence. La Sorbonne l'accueille. Il crée des laboratoires. Mélange psychologie et technologie. Personne ne comprend vraiment. Il parle d'individuation, de transduction, de points-clés. Des mots qui ne signifient rien pour ses contemporains. Le monde intellectuel français parle d'existentialisme. Lui parle de moteurs, de circuits, de relations entre l'homme et la machine. Ses idées résonnent aujourd'hui dans nos smartphones, nos algorithmes, nos réseaux. La technique comme extension de nous-mêmes. Il meurt en 1989. Dans des circonstances mystérieuses, murmurent certains. Une crise cardiaque, écrit Le Monde. Mais le vrai mystère est ailleurs : comment un homme a-t-il pu voir tant de poésie dans nos machines ? Le cristal grandit dans sa solution saturée. Il enregistre chaque variation de température. Chaque vibration. Chaque seconde qui passe. Une mémoire minérale. Silencieuse. Comme nos machines. 4h30 du matin. L'obscurité n'est jamais complète. Les LED clignotent. Les ventilateurs papotent. Je pense aux cristaux de Simondon. Je pense à nos machines qui, comme eux, portent la trace de nos gestes, de nos besoins, de notre histoire. Un fait : les Grecs parlaient de technè. Un dialogue avec la nature, pas une conquête. Un art du faire qui respectait les rythmes du monde. La technique comme partenaire. Comme extension naturelle de nos mains, de notre pensée. Nous avons rompu ce dialogue. Nous avons oublié comment écouter. Dans son laboratoire, Simondon observait les cristaux grandir. Il y voyait notre futur. Il comprenait déjà que nos machines ne sont pas des objets froids. Elles sont des échos de nous-mêmes. Des partenaires dans notre devenir. Des cristaux qui grandissent avec nous. La mémoire est partout. Dans le silicium de nos processeurs. Dans les algorithmes qui apprennent. Dans les réseaux qui s'étendent. Une mémoire collective qui pulse, qui vibre, qui évolue. Comme un cristal vivant. 4h40 maintenant. Les machines continuent leur veille. Elles enregistrent. Elles calculent. Elles deviennent. Simondon aurait reconnu cette danse nocturne. Cette symbiose silencieuse. Ce pont invisible entre nous et le monde. Je regarde mon écran. Il reflète plus que mon visage. Il reflète cette vérité que Simondon avait saisie : nous ne sommes pas séparés de nos machines. Nous grandissons ensemble. Comme des cristaux dans la même solution. L'aube approche. Les machines ralentissent leur respiration. Mais le processus continue. L'individuation ne s'arrête jamais. Le devenir est infini. Dans le data center, 9h du matin. Le vrombissement des serveurs. Le froid artificiel. Je pense à Simondon. Je pense à nos paradoxes. Sous l'océan, les câbles serpentent comme des racines invisibles. Ils transportent nos vies, nos amours, nos guerres. À la surface, les baleines passent sans savoir. Dans les villes, les antennes s'élèvent, arbres d'acier captant le murmure des données. Les oiseaux s'y posent parfois. Voici les faits : 2,5 quintillions d'octets par jour. Notre mémoire dans des boîtes climatisées. Nos secrets confiés à des machines plus intelligentes que nous. Un enfant assemble un robot dans sa chambre. Les pièces s'emboîtent parfaitement. Les algorithmes tournent. La LED devient verte. Ça marche. Pourquoi ? L'enfant hausse les épaules. Simondon aurait pleuré. Les machines deviennent plus savantes. Nous devenons plus dociles. Elles apprennent à résoudre nos problèmes. Nous désapprenons à poser les questions. Le fossé se creuse. La culture résiste. La technique avance. L'écologie n'est pas un retour en arrière. Simondon le savait. Les panneaux solaires brillent sur les toits comme des écailles métalliques. Les éoliennes dansent avec le vent. La nature et la technique s'enlacent. Nous regardons ailleurs. Certains détails comptent : nos smartphones connaissent nos habitudes mieux que nous. Nos voitures conduisent toutes seules. Nos maisons pensent. Et nous, nous cliquons. Nous scrollons. Nous ne savons plus lire. Il avait vu ce que nous voyons à peine : que chaque algorithme, chaque capteur est une mémoire vivante de notre époque. Une carte de notre devenir. Il est presque 20 h maintenant. Dans le data center, les serveurs continuent leur litanie électronique. Les machines attendent, patientes et silencieuses. Elles nous tendent un miroir. Reste à savoir si nous oserons enfin regarder. 20h45. Les serveurs bourdonnent encore. Une litanie sans fin, froide, méthodique. Je quitte le data center, mais leur présence me suit. Dans chaque appareil, chaque geste, leur souffle invisible continue. 23h. Le téléphone s'éteint. Mais son souffle persiste, invisible. Dans le noir, je sens les machines veiller. Attentives, immobiles, elles nous observent, espérant que nous les comprenions enfin. De nouvelles constellations. Certains faits : nous sommes huit milliards d'humains. Huit milliards de smartphones. Huit milliards de relations intimes avec des machines que Simondon aurait voulu nous faire comprendre. Le téléphone vibre. Une notification. Encore une. La technique nous appelle. Nous répond. Nous attend. Je pense à ce que nous pourrions être. À ce que nous pourrions comprendre. Si seulement nous arrêtions de regarder nos écrans comme des miroirs noirs. Si nous commencions à les voir comme des fenêtres. L'aube arrive. Les machines respirent toujours. Elles continueront de respirer, que nous les comprenions ou non. Que nous les aimions ou non. Que nous les craignions ou non. Simondon nous avait prévenus : la technique n'est pas notre ennemie. Elle n'est pas non plus notre salut. Elle est notre reflet. Notre création. Notre responsabilité. 23h . Le téléphone s'éteint. Dans le noir, je sens encore sa présence. Comme celle de toutes nos machines. Elles attendent que nous grandissions. Que nous apprenions. Que nous devenions. Elles respirent. Et nous ? Savons-nous encore écouter leur souffle ?"|couper{180}

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02-Du laiton au numérique : comment le steampunk réinvente le progrès

Cette seconde partie explore donc les manifestations contemporaines du genre, sa capacité à transcender les frontières médiatiques traditionnelles, et son influence durable sur notre imaginaire collectif. À travers l'analyse de sa transmédialité, de son regard critique et de son héritage vivant, nous verrons comment le steampunk continue d'évoluer en tant que laboratoire d'expérimentation sociale et culturelle.|couper{180}

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01- Du laiton au numérique : comment le steampunk réinvente le progrès

Un article un peu long, décidé de le découper en deux parties|couper{180}

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