30.Puzzle

Photo de Tobias Bju00f8rkli sur Pexels.com

J’ai du m’assoupir un instant. C’est la vision d’un puzzle dont j’aperçois les pièces éparpillées sur une immense table de monastère qui me laisse perplexe. Durant quelques secondes je me demande si je suis en train de rêver ou si cette scène est réelle. Sur le sol en pierres polies, usées, j’avise ce qui doit être la boite, l’emballage. Celui-ci est défoncé comme si quelqu’un l’avait soigneusement piétiné.

La couverture de la boite est illisible.

Ainsi je me retrouve face à des fragments et il parait évident qu’il sera difficile de les assembler étant donné que je ne dispose pas de l’image originale.

A quoi pourrais-je me fier pour reconstruire ce puzzle ? La première chose qui me vient à l’esprit c’est le temps que je devrais y passer. Une angoisse due à ce que j’imagine aussitôt être cette perte de temps. Et qui monte plus intensément dès que je comprends que la seule chose que j’ai à effectuer ici et maintenant, est de reconstruire ce puzzle.

Comme s’il s’agissait d’une épreuve obligée, de l’espèce de celles dont on ne peut faire l’économie sous peine d’en subir aussitôt la conséquence sous la forme d’une sanction.

Et pourquoi donc ? Pourquoi voudrais-je assembler ce puzzle ? Après tout ce n’est qu’un jeu que le rêve me propose, accompagné d’une facétie dont je ne distingue pas la raison véritable.

Pourquoi irais-je encore me fourrer dans une histoire impossible à terminer si ce n’est toujours cette peur de ce qui adviendrait, ce qui pourrait advenir, si je n’obtempère pas.

N’est-ce pas le fantasme obsédant de vouloir à tout prix achever quelque chose qui vient me poursuivre jusqu’au plus profond du rêve ?

Achever quelque chose pour en finir avec la peur d’être sanctionné. Principalement je m’en souviens maintenant par mon père.

Je vais t’apprendre à terminer ce que tu as commencé me dit-il en dégrafant sa ceinture juste avant de laisser libre cours à la violence de son amour pour moi. Je sais dans ces cas là, je me raccroche de toutes mes forces à cet espoir, qu’il ne veut que mon bien évidemment.

Mon regard se détache de la table et des pièces du jeu dont la plupart sont retournées.

J’aperçois peu à peu une immense salle, probablement celle d’un château. Une cheminée imposante où rougeoient les restes d’un tronc d’arbre. La seule lueur qui éclaire la salle semble provenir de ce feu. Au fur et à mesure que les flammes s’élèvent comment nourries par mon attention, celles-ci projettent de grandes ombres mouvantes à la surface des murs.

Et ces ombres peu à peu prennent des formes humanoïdes.

L’une après l’autre elles se détachent des parois pour s’avancer.

Bientôt elles forment un large cercle tout autour de la vaste table, du puzzle, et moi.

Leur présence parait renforcer plus encore cette notion d’insistance que je pressens depuis un moment déjà.

Le fait d’avoir une décision à prendre qui peut totalement bouleverser le cours de ma vie.

Soit je me mets au boulot servilement et je commence à trier les pièces pour les rassembler par catégories, par famille.

Soit je botte en touche, je fais un bras d’honneur à l’assistance et je décide de me réveiller.

Mais à peine ai-je formulé cette seconde option que les ombres se rapprochent plus encore, je les distingue de mieux en mieux . A première vue je pourrais penser à des religieux car elles sont vêtues comme tels. J’ai peine à voir leurs visages sur lesquels une capuche est rabattue.

Pourtant je n’éprouve aucune crainte. J’ai la sensation que toutes ces ombres me sont familières.

Au delà du cercle qu’elles forment désormais mon regard se porte à nouveau sur les murs. Les flammes de la cheminée semblent s’être encore intensifiées et les ombres qu’elles produisent surgissent de plus en plus. Une sorte d’écoulement, un suintement d’ombres.

Désormais c’est toute une foule qui a surgit des murs de la vaste salle.

Et toutes ces ombres entretiennent un lien intime avec qui je suis.

Elles sont toutes une partie de cette histoire, de qui je suis.

Elles sont issues de milles souvenirs qui me reviennent presque instantanément et qui naviguent ici sur Terre dans une fresque regroupant plusieurs époques.

Toutes ces ombres sont moi à un moment donné de mon passage, de mon incarnation dans une époque donnée ici sur Terre et tout à coup je découvre aussi que j’ai vécu dans d’autres mondes sous différents soleils, d’autres dimensions, d’autres univers.

Mais moi qui suis-je donc alors ? Qui est vraiment celui qui se souvient de toutes ces existences passées ?

Le lien est alors évident entre ce puzzle que je ne sais comment construire et toutes ces ombres qui m’entourent à présent.

Est-ce que j’ai le temps de m’attarder à vouloir achever quoique ce soit ? L’instant présent contient tout l’espace-temps, tous les espace-temps plus précisément et je saisis intuitivement que cet espace temps dans lequel je suis est semblable à un tout petit élément d’une suite infinie. Je ne suis là qu’en tant de nombre précisément dans une suite de nombres. Et tous ces nombres s’élancent sans relâche vers l’infini.

Réciprocité d’une relation mathématique. Car l’infini ne peut exister si l’on retranche un seul de tous ces nombres.

Chaque nombre dépend de tous les autres inéluctablement comme je dépends des ombres massées tout autour de moi.

Chaque existence achevée dans le temps me propulse vers une conscience plus aigue du but, vers cette fatalité que rien ne peut dans cette course effrénée se terminer. Que chaque existence qui se termine participe de la nécessité de l’infini, de la conscience comme de l’amour.

Il faut des milliers de fins pour se constituer en tant qu’humain une vague idée de l’éternité.

Et enfin effectuer ce saut quantique : en finir avec l’idée que l’éternité est un but, une fin que l’on puisse imaginer.

En finir avec l’obsession de vouloir achever quoique ce soit.

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre