idées
Carnet ouvert : ébauches, hypothèses, fragments plus ou moins développés. Parfois une simple note, parfois déjà un texte presque achevé.
articles associés
Carnets | janvier 2023
4 janvier 2023-5
À travers les œuvres de Kokoschka et Garouste, cet article explore l'importance du geste et de l'expression faciale dans la représentation humaine. Loin d'être des éléments distincts, visage et mains se répondent, capturant l'essence même de l'émotion et de l'humanité. Une coïncidence artistique qui invite à méditer sur la profondeur de l'expression corporelle|couper{180}
Carnets | janvier 2023
04 janvier 2023
L’auteur exprime une désespérance lucide face à l’écoulement du temps et à la dispersion des efforts, tout en tentant de trouver une forme de sérénité dans l’acceptation de sa condition. Une réflexion intime sur la création littéraire et le sens de la persévérance.|couper{180}
Carnets | janvier 2023
3 janvier 2023
Toute la nuit fut marquée par le sceau du lit. J’ai dressé mentalement l’inventaire de tous les lits où j’ai dormi. Une pagaille. Des lits doubles en bois massif, des paillasses, des lits de camp. Mais le seul lien, c’est la sensation d’être allongé. Elle n’a pas changé. Elle était là, intacte, malgré les métamorphoses du corps. Un corps en sécurité, mais pour un temps limité. Une sécurité fabriquée par le fait de s’allonger, de se glisser sous une couverture. Peu importe le textile : c’est l’enfance qui a inventé cette illusion. Elle s’est déplacée de lit en lit, tout au long de la vie. Même partagée, cette chaleur était une invention. Un refuge. Comme on se réfugie seul sous ses draps glacés pour les réchauffer de son propre feu. Un genre de dérivation. Un lit unique, qui traverse l’existence, étalé de tout son long dans cet étrange voyage|couper{180}
Carnets | mai 2022
11 mai 2022
Les premiers mois de la vie comptent plus que toute la vie. C’est dans cet intervalle que la plupart de nos perceptions, sensations, désirs et peurs se codifient comme des programmes dont nous ne cesseront d’explorer les variations tout au long de notre vie. Il est très difficile de prendre de la distance avec ce programme, d’en étudier les occurrences, les répétitions, les boucles sans en être sorti. Et si l’on parvient à s’en sortir on se trouvera encore plus démuni qu’avant bien souvent car la liberté de choisir soudain sa propre vie est encore une épreuve à dépasser. Combien de tout ce que l’on croyait cher, indispensable doit on laisser derrière soi pour s’extraire du programme ? Une multitude d’êtres, d’objets, de pensées, d’idées… Pour parvenir à encore plus de solitude se dira t’on parfois non sans un certain dépit. Ou bien pour rejoindre les autres plus intimement se dira t’on aussi. Car être vraiment seul est encore un fantasme, une peur, une chimère. Tout est connecté mais lorsque la conscience en prend conscience l’utilité de le déclarer tombe comme un fruit mur de l’arbre. Que ce Je soit un dieu ou un diable quelle importance quand on ne sait même plus désormais ce qu’est d’être tout simplement humain. Cette fille dont je me souviens était un trésor, et aussi le dragon assit sur ce trésor. Depuis sa plus tendre enfance elle avait été aimée, choyée, probablement comme une princesse et évidemment on la destinait à épouser un prince moderne, médecin, chirurgien avocat, etc. Il a fallu qu’elle jette son dévolu sur le miteux que j’étais à 18 ans. Un farfelu total, désespéré d’avoir sans cesse à prouver que j’existe. Vivre sans avoir besoin de preuve c’est quelque chose et ça se voit, ça se sent. Lorsqu’on s’est séparés elle m’a vaguement parlé d’aller je ne sais où pour » faire de l’humanitaire » une fois sa médecine achevée. C’est là que j’ai compris que même les dragons assis sur des trésors peuvent suffoquer et se culpabiliser d’être ce qu’ils sont. Et dans mon for intérieur je me souviens aussi d’avoir espéré qu’elle renonce à ces conneries, qu’elle assume à la fois le dragon et l’or merde ! C’eut été la moindre des choses et je n’aurais pas eu par la suite à m’endurcir autant après une telle insulte à mon intelligence. Je lui en ai énormément voulu, en tâche de fond et durant des années. Cela a occasionné des ravages car au moindre dragon je me transformais en Saint-Georges et je me barrais avec la caisse. Mais heureusement tout finit par m’ennuyer et l’ennui se transforme ensuite, comme le plomb en or, la rage brute en bienveillance, cet antichambre de la grâce. Puis quand la grâce s’amène je la vois clairement et j’y renonce On ne m’y reprendra plus ; c’est ce que je me dis à chaque fois. Et bien sur je recommence, je recommence comme un tableau en balançant des couleurs en pagaille sur la surface blanche.|couper{180}
Carnets | septembre
15 septembre 2019
En tant que peintre, je me suis engagé dans une voie que je n’ai pas choisie. L’envie de créer ne m’a apporté que des problèmes, et longtemps j’ai lutté contre cette envie. Je culpabilisais quand ce que je considérais comme une « perte de temps » — écrire, peindre — me procurait plaisir et paix, alors que je pensais devoir être à l’usine ou au bureau, dans ce que tout le monde appelle « la vie active ». Il m’a fallu des années pour me défaire de cette culpabilité. C’est sans doute l’un de mes travaux les plus importants. Je serais bien en peine de dire exactement ce qui m’a permis d’assumer mon rôle de peintre, tant les facteurs de convergence sont multiples. C’est un peu comme un rat dans un labyrinthe : au début je me cogne à chaque impasse, puis, peu à peu, je comprends qu’une seule mène à l’assiette. J’ai exploré quantité de sentiers : la philosophie, le mysticisme, la magie blanche et noire, les jeux vidéo, les amours. Je suis curieux de tout. Aucune de ces voies ne mène directement à soi, mais l’ensemble de ces expériences m’a aidé à découvrir qui je suis. J’ai pourtant résisté à cette idée. Pour qui me prenais-je ? Quelle prétention ! Quand je pensais à ces parcours, une petite voix murmurait : « Ne te berne pas toi-même. » En chemin, j’ai fini par sympathiser avec elle. Je l’ai appelée « l’impeccabilité », en souvenir de mes lectures de Carlos Castaneda et de Luis Ansa. Qu’est-ce que j’entends par impeccabilité ? J’essaie de le clarifier. Peut-être que chacun peut reconnaître en lui cette même petite voix et se dire : « Oui, c’est exactement cela. » Ne nous pressons pas : lisons attentivement. L’impeccabilité n’est pas la perfection. Elle est trop insaisissable pour se confondre avec la solidité rigide de la perfection. L’impeccabilité n’est pas quelque chose qu’on atteint : on ne peut que vouloir être impeccable. La nuance est subtile, mais essentielle. Pour cela, je crois que nous disposons de deux outils : devenir excellents et maîtriser notre art. Je parle de peinture, mais je pourrais tout aussi bien parler d’un tout autre domaine : dans la quête d’impeccabilité, l’objet compte moins que la rigueur. Une fois ces compétences acquises, on devient apte à suivre les recommandations de la petite voix et à délaisser celles dictées par nos peurs. Il me paraît crucial de cesser d’être compétent seulement pour répondre aux injonctions de la peur, aux attentes de la société ou de la famille. Il faut aussi cesser d’obéir à la fidélité aveugle que l’on porte à ses propres convictions : elles finissent souvent par nous emprisonner. Plus je me déleste de tout cela, plus j’entends clairement la petite voix, et plus j’avance sur mon chemin — le seul qui soit fait pour moi. Chacun peut l’appeler comme il veut, mais l’emphase brouille la vue et l’ouïe. Mieux vaut rester simple : « la petite voix » suffit amplement. Être impeccable ne signifie ni vivre en ermite, ni se croire au-dessus du bien et du mal. Pas du tout. Il s’agit d’être soi, pleinement engagé dans la relation que l’on entretient avec le monde. On peut vivre tout à fait normalement dans la société en conservant le son de cette petite voix. On peut percevoir la permanence de l’être tout en demeurant plongé dans l’impermanence du changement et du temps, et vivre ces deux réalités comme une seule et même chose : son chemin. J’ajoute qu’on peut chercher à se faire initier par qui l’on veut, et peut-être trouver quelqu’un de sérieux, d’intention juste. Le problème est de reconnaître ces qualités chez un maître… On peut aussi se tromper et tomber sur des charlatans. J’en ris : cela fait aussi partie de la quête d’impeccabilité. Les choses sont plus simples qu’on ne l’imagine. Si elles paraissent compliquées, c’est précisément parce qu’on pense trop. Une chose m’est certaine : cette petite voix a un grand sens de l’humour, comme la vie elle-même. On l’accepte mal au début, surtout quand on a été aussi orgueilleux que je l’ai été. L’orgueil blesse facilement. Avec le temps, j’ai appris à savourer ces conjonctions spirituelles, ces moments drôles où la petite voix et la vie frappent juste. Je suis persuadé qu’il y a un combat à mener pour ne pas sombrer dans le néant moderne, dépourvu de magie et de rêve, ce « à quoi bon » désespéré qui envahit notre époque. Mais je crois qu’il faut garder courage : traverser ce néant pour en ressortir plus fort. « Beaucoup d’appelés, peu d’élus », dis-je. Cela fait partie du chemin. Je vois des gens bien plus forts que moi et, parfois, je me sens ridicule. Cette expérience m’enseigne l’humilité, la vraie. Je conclus : il faut serrer les dents, avaler des couleuvres, des cafards, parfois. Que faire d’autre ? Si je tente de m’éloigner de ce que mon être et la vie ont choisi pour moi, inutile de m’inquiéter : la vie me remettra toujours sur mon chemin, que cela me plaise ou non. Mais mieux vaut ne pas jouer les cancres trop longtemps : il y a un but à tout cela. Une fois l’impeccabilité approchée, il ne reste qu’à s’engager pour les autres, pour ceux qui ne la connaissent pas et qui, sans doute, ne la connaîtront jamais, parce qu’ils ignorent ce qu’elle signifie.|couper{180}
Carnets | février
01 février 2019
Les rituels du matin, du café à la clope, se répètent chaque jour comme une chorégraphie bien réglée. Entre l’obsession des habitudes et la peur du changement, le texte explore la banalité rassurante de la répétition, jusqu’à la prise de conscience que seule la mort y met véritablement un terme.|couper{180}
Carnets | décembre
14 décembre 2018
Intense mais calme, méditative, l'intention polarise le sable du chemin. Mieux : elle est le chemin lui-même. Sa prétendue ennemie, la distraction, lui est en fait ontologiquement liée. Comme un chauffeur de taxi avisé, l'intention parle de la pluie et du beau temps pour mieux reposer le voyageur en elle. Puis arrive le mot revers. Imaginons un lieu où son annonce serait célébrée par des fifres, des hautbois et le cliquetis des couverts dominicaux. Le vin coulerait à flots en l'honneur du Héros et de sa suite. Car le revers a tant à dire qu'il se présente buté de prime abord. Raison précisément de le fêter - comme on cogne sur une viande pour l'attendrir. Enivré par les louanges, confiant par l'attention des convives, il sortirait de sa poche le butin de sa quête : ce qu'il n'a pas atteint. Le rien deviendrait alors pour chacun un quelque chose à sa mesure. Génie du revers que de nous révéler ainsi le plan de table de l'Hôte qui nous convie. Suite à une panne soudaine - providentielle - me voici contraint à l'essentiel, écrivant sur mon smartphone. Cela me rappelle Villiers de l'Isle-Adam évoquant Sparte, « située à l'extrémité sud du Péloponnèse ». Chez les Lacédémoniens, le vol était le passage obligé pour gagner le regard de ses pairs. Gide note que cette cité, qui précipitait les enfants chétifs dans des oubliettes, produisit presque zéro artiste. Je comprends soudain d'où je viens. Si j'étais moi, je m'applaudirais presque. Mais restons laconicques. L'écuyère Entre ses cuisses douces et chaudes lorsqu'elle chevauche l'axe des limbes vers l'oubli ourdit l'orage et des espoirs œuf coupé immobile et vibrant <robuste énergiquement s'élance vers les sommets rêvés par la plus noire des profondeurs Se tient satin inouï orange amère l'amie, la mort, la vie.|couper{180}