une journée de permanence
https://youtu.be/8uYjXr4Qkl4Une journée de permanence
Aujourd’hui dimanche je suis en route pour Orlienas, un village médiéval de la couronne lyonnaise. Je vais accueillir le public dans l’une des trois tours devenue un lieu d’exposition. c’est à dire être présent pour recevoir le public. Pour l’accueillir. Aller au devant de lui, se tenir prêt à l’accueil, être présent avant son arrivée. cela commence déjà sur la route. Question ici d’état d’esprit. Quand se prépare t’on. Peut-être avant de monter dans la voiture. Y avoir pensé en amont. Être ainsi de permanence depuis un bon bout de temps déjà. et surtout une fois que l’on sera dans les lieux rester jusqu’au bout d’un temps donné.Il s’agit simplement d’accueillir le public tout un dimanche. De 10h à 18h. S’en tenir à cette idée d’accueil comme fil conducteur d’une journée.
C’est la première fois que je montre au public mes visages imaginaires. D’habitude je suis plus à l’aise avec mes tableaux abstraits. Trop à l’aise, comme on peut l’être quand on s’installe dans une répétition, une habitude.on finit par pouvoir répondre à tant de questions qui nous ont déjà été posées. C’est presque de l’ordre de la récitation. Mais aujourd’hui c’est différent. Je n’ai rodé aucun discours, j’ai la sensation d’avancer avec une fragilité que j’avais oubliée. Ce n’est pas une inquiétude, pas une angoisse, plutôt une curiosité. Comment s’effectuera la réception de ces peintures de visages, de ces peintures dont j’ai compris que le prétexte est le visage.c’est à dire ce qui est mis é en avant, cette partie de nous qui sert à nous identifier, à exprimer une émotion, à échanger avec l’autre, à se reconnaître ou à se distinguer. Visage. On dit aussi figure en peinture. On se figure quelque chose de l’autre en prenant appui sur l’expression de son visage. Et justement que se figure t’on... comment nous fabriquons nous une idée de l’autre à partir d’une série d’expressions. Comment fabriquons nous cette croyance que l’autre est souvent en premier lieu un visage. Lorsque j’étais gamin j’avais l’impression que les visages étaient des masques, je me demandais toujours ce qu’il pouvait y avoir de caché derrière ces masques. Ma pire angoisse c’est qu’il ne puisse rien y avoir du tout. Que derrière un visage, un masque il n’y ait que le néant. Et bien sûr ce néant me renvoyait au risque de percevoir en moi-même le même anéantissement. C’est à partir de cette angoisse que je me suis mis à dessiner au tout début des visages imaginaires. Pour contrer quelque chose, pour que le néant n’emporte pas tout. Pour exorciser quelque chose. Plus tard j’ai dessiné et peint de beaux visages. Mais quelque chose me gênait. L’intention qui se dissimulait derrière ces belles peintures. Être reconnu, accepté, aimé parce que j’avais un bon coup de crayon ou de pinceau. C’était au final désespérant aussi. Il fallait accomplir un genre de prouesse pour bénéficier de ces choses et une fois acquises il y avait un sentiment d’imposture qui n’en finissait pas de persister. Une trahison. J’étais parvenu à imiter assez bien ce qu’on appelle la réalité. Du moins de façon suffisamment convainquant pour que ça en l’air. Mais ce n’était pas ma réalité. C’était la réalité commune si l’on veut celle dont il fallait apprendre les codes pour appartenir à la communauté, parler la même langue, sans trop chercher à se distinguer. Ou alors se distinguer par une expertise particulière. Le dessin ou la peinture étaient les moyens qui se trouvaient le plus facilement à ma portée. Je crois que le mot compromission va bien avec cette période tellement difficile. On se sent obligé de se compromettre par des actions qu’au find de soi on sait débiles. Pour faire rire mes camarades je dessinais des caricatures. J’ai été accepté comme ça je crois comme un bon dessinateur et en même temps un pitre. C’était restreint mais mieux que rien. Cela m’a permis aussi de ne pas avoir trop à me bagarrer avec les autres à expérimenter la violence. Je m’en tirais avec un dessin humoristique, et une sensation à peine déguisée de mépris que je devais essuyer. La compromission dont je parle c’est surtout ce genre de lâcheté de ne pas oser mettre son poing dans la figure de l’autre quand il nous attaque et nous blesse. Faire un dessin calme le jeu mais ressemble aussi à une sorte de défaite, comme une éponge que l’on jette sur un ring de boxe pour dire stop.
J’ai mis du temps à laisser venir la maladresse. À ne pas bien peindre ou peindre comme il faut ces visages. J’ai mis du temps à traverser le jugement issu des règles. Ce n’est pas une affaire de cervelle mais de main. Laisser aller la main qui tient le pinceau. Ne plus la contraindre par la norme la pensée. Même ayant compris intellectuellement la valeur des maladresses, du bancal, de l’inachevé. Peut-être trop intellectuellement. Comme on tente de panser des plaies, des blessures par manque de confiance en l’être ou la nature. Par manque. Et puis un jour la main possède une intelligence qu’on lui découvre. On abdique. La pensée abdique parce qu’elle se rend compte que quelque chose est plus fort qu’elle. Une inconscience dont on prend enfin conscience. Et à laquelle on s’en remet. Pas par dépit mais au contraire parce qu’elle nous propose un point de vue neuf sur ce que peut être l’unité. La beauté , la laideur, le normal et l’étrangeté. Tout ce chemin effectué par le prétexte du visage j’ai décidé de l’exposer peut-être pour affronter encore une fois l’idée de l’écart. Pour mesurer plus finement cet écart par le retour, la réception de ces œuvres qu’on m’en fera ou pas d’ailleurs. C’est une exhibition plus qu’une simple exposition. Exhibition de cette fragilité dont au bout des années je suis parvenu à me convaincre non sans difficultés qu’elle pouvait être une force. Et que ce mouvement pouvait se partager. Que ce travail pouvait apporter une valeur à l’autre, lui faire éprouver le même doute que celui que j’avais traversé quand au mots fragilité, faiblesse et force. Tout cela sans discours simplement en lui montrant mes peintures de visages.peut-être éprouvera t’il elle ce dérangement, ces gênes successives que j’ai traversées en les peignant et les dépassera t’il elle comme je les ai dépassés. Je me tiens dans l’accueil sans attendre quoique ce soit. En refusant d’attendre quoi que ce soit. Sans me faire d’idée par avance de la réception de ces toiles accrochées. Rester dans cette vigilance d’une non idée ou d’une non attente c’est aussi cela je crois être dans l’accueil. Être de permanence. À la fois pour se préserver sans doute mais pas seulement. Pour laisser la place a l’autre de dire ce qu’il voudra dire. Ce qu’il osera ou non dire. Même le silence sera d’importance. Ensuite il y aura mes réponses aux questions, tenter aussi de rester attentif à ce qu’elles seront dans l’immédiateté. Je n’ai rien préparé concernant les questions possibles. Je ne veux pas réciter. Je veux expérimenter cette fragilité aussi en dehors du cadre de la toile. Même me retrouver démuni m’intéresse parce que cela m’apporte un recul vis à vis de ce je crois encore être muni. Une observation en creux. Ici il ne s’agit pas du succès ou de l’échec d’une exposition de mon exposition. Il ´s’agit simplement du succès ou de l’échec d’une expérience, maintenir si je peux un état d’esprit d’accueil toute une journée de permanence, tout un dimanche. Ces visages sont des prétextes mais sûrement que l’exposition aussi est prétexte à quelque chose de plus vaste il ne faut pas l’oublier. De plus vaste et de tellement simple une fois toute la complication traversée. Il s’agit probablement de la relation à l’autre. L’autre quelqu’il soit et tel qu’il est. Tout comme ces visages peints ne sont rien d’autre que ce qu’ils sont.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}