Un nouvel ami

Salvador Dali et Federico Garcia Lorca

Très peu de temps après avoir trouvé cette chambre d’hôtel, rue des Poissonniers dans le 18 ème arrondissement de Paris, je fis la rencontre de Salvador. Cela se produisit à la bibliothèque du centre Georges Pompidou que l’on appelle aussi Beaubourg.

A cette époque comme je l’ai déjà dit, j’étais seul et je venais souvent me plonger ici dans la lecture. Lire me permettait de fuir la réalité qui ne me convenait pas du tout. Une année auparavant en 1988 j’avais même entrepris de partir de France pour m’installer au Nord du Portugal, dans un village nommé Célorico do Basto. Je revenais tous les 6 mois en France environ pour travailler, refaire un pécule et repartir le plus rapidement possible.

J’avais trouvé une maison en location, très peu chère et sans confort dans la foret qui borde le village. J’y étais heureux car personne ne me dérangeait et je pouvais me consacrer tout entier à ma passion, l’écriture. De temps en temps je dessinais aussi, mais je peignais pratiquement pas étant donné le cout du matériel, j’avais décidé d’en faire l’économie et de me rabattre sur des moyens minimalistes.

Donc c’est en 1989, l’hiver de cette année là que je rencontrais ce jeune homme efflanqué et qui alors était imberbe. Il n’avait pas encore laissé poussé ses célèbres moustaches dont j’aime à m’amuser de temps en temps au cours de mon récit.

En fait je l’appris bien des années plus tard, c’était son âme qui avait choisi de m’apparaitre ainsi à l’époque. En ayant pratiquement le même âge il y avait plus de chances que l’on puisse sympathiser.

J’étais appuyé contre la rembarde à contempler la ville qui s’étendait au loin lorsqu’il m’aborda.

— Mon cher ami cela fait plusieurs fois que je vous vois ici à piocher par ci par là des ouvrages de toutes catégories, j’ai décidé qu’il était urgent que je vous entretienne de ma méthode dont, croyez-moi, bien des artistes à venir ne tariront pas de louanges.

J’avais l’habitude d’être abordé ainsi par un tas de types loufoques et donc je m’apprêtais à botter en touche comme d’habitude sur un ton assez sec lorsque quelque chose, appelons ça le destin, m’en empêcha. Car au fond de son regard dans lequel je plongeais je ne vis pas un fou bien au contraire.

Je vis quelqu’un de particulièrement intelligent, encore que ce mot aujourd’hui ne signifie plus grand chose. Mieux vaudrait dire "éclairé". Il y avait une lumière tout au fond de ce regard qui m’inspirait confiance. Et du coup je me détendis en lui demandant

— Et quelle est donc cette fameuse méthode ?

— C’est la méthode paranoïaque Critique dont je vais vous exposer les rouages sans plus attendre car notre rencontre voyez-vous n’est pas dû au hasard. D’ailleurs il n’y a pas de hasard.

L’homme bien que s’exprimant un peu pompeusement me plu tout de suite, je le trouvais à la fois amusant et en même temps derrière cette façade que n’importe qui aurait pu considérer comme étant du flan, de la folie ou je ne sais quoi, je sentis qu’il y avait quelque chose qui m’était personnellement adressé.

De plus il était l’une des très rares personnes que j’ai eu à connaitre sur cette terre qui ne croyait pas au hasard.

— Et pourriez vous la résumer en quelques mots cette méthode je demandai.

— Il s’agit ni plus ni moins d’une méthode spontanée de connaissance irrationnelle, basée sur l’objectivation critique et systématique des associations et interprétations délirantes.

Mon premier réflexe évidemment fut celui d’un nigaud, je me mis à rire. Puis voyant que j’avais vexé mon nouvel ami, je me repris vite. Et je lui demandais plus de détail si possible avec les mots les plus simples qu’il puisse trouver dans l’instant.

— Imaginez, mon cher ami que vous ayez un oignon dans la tête, c’est à dire comme on le dit chez nous, en catalogne, une obsession, une idée fixe. Ainsi par exemple vous êtes Narcisse et vous ne voyez jamais autre chose que cette fleur qui porte le même nom, et vous dissertez alors sur elle si vous êtes poète, vous en faites un roman si vous êtes écrivain et vous pouvez aussi tout comme moi en faire un tableau évidemment .

Cela ne me paru pas évident à comprendre et ça ne s’arrangea guère pas la suite lorsqu’il commença à faire référence à tout un tas de personnes visiblement des savants comme Lacan ou Clérambault sur la paranoïa. Puis il me perdit complètement lorsqu’il évoqua la figure de style que l’on appelle syllepse.

Depuis lors j’ai appris évidemment ce qu’était cette figure de style dont l étymologie remonte au grec et qui signifie "Prendre ensemble, embrasser ( un sujet en général mais ça doit aussi fonctionner pour un être) et bien sur comprendre.". Cette figure de style est particulière car elle s’attache bien plus à la pensée qu’à des règles grammaticales.

C’est à dire qu’un mot utilisé dans une phrase peut avoir tellement de couches de sens accumulées justement telles les couches d’un oignon que tout à chacun s’en fera une lecture absolument personnelle.

Ce jour là nous parlâmes durant des heures aussi de la photographie et du cinéma. Salvador avait mon âge ou à peu près mais j’étais stupéfait par la quantité de connaissances qu’il possédait dans ces domaines. A coté de lui je n’étais qu’un ignare. Même si j’avais déjà pas mal roulé ma bosse en tant que photographe dans une autre vie, je comprenais tout à coup à quel point je n’avais exercé cet art qu’en dilettante.

Salvador était peintre mais il s’intéressait à tout, et quand je dis tout c’était vraiment tout. Il me parla de trois étapes incontournables à la réalisation d’une œuvre digne de ce nom et qui curieusement utilisait le même processus que la photographie, et donc que je connaissais.

  • La prise de vue
  • Le passage au révélateur
  • La fixation dans une œuvre

J’en restais baba. C’est comme si ma calotte crânienne venait de s’ouvrir comme la corolle d’une fleur.

Aussitôt et sans doute jugeant que j’étais absolument pret à être "ensemencé". Salvador précisa encore un peu plus sa méthode.

Mon bon ami, ma méthode est véritablement extraordinaire ! Elle se veut toutefois un dépassement du procédé passif de l’écriture automatique, qui n’est que du mentisme, une simulation du petit automatisme mental à partir d’hallucinations hypnagogiques. Elle se veut plus encore un dépassement de la technique de décomposition et recomposition d’images, technique également inventée par les surréalistes et que Moi j’ai moi-même pratiquée, mais qui n’est à mes yeux que de l’escapisme, une invitation aux fantasmes.

À une divagation d’idées en idées que propose le surréalisme à partir d’un fantasme ou de quelque chose qui révèle ce fantasme, ma méthode de paranoïa critique ajoute une interprétation, un système interprétatif expliquant le déplacement de sens d’une idée obsédante à l’autre en « un ensemble cohérent de rapports systématiques et significatifs 

Sur quoi il extirpa de la poche de son pantalon une montre à gousset, consulta l’heure et me dit :

On bavarde, on bavarde mais c’est l’heure, un Gala m’attend quelque part il faut que je m’y rende en toute urgence.

Et il disparut ainsi de mon champs de vision, exactement comme il y était apparut.

Je restais encore un moment dans la bibliothèque à picorer dans quelques livres par simple curiosité ou désœuvrement. Je trouvais quelques bouquins sur Lacan, puis sur Clérambault mais l’épaisseur des discours que j’y trouvais me renvoya à mon idée fixe c’est à dire à mon manque d’instruction, et je laissais tomber.

Ce soir là lorsque j’allumais le petit transistor qui me tenait compagnie dans ma chambre d’hôtel, j’appris la mort d’un peintre célèbre que je ne connaissais que par la publicité dont il avait été l’acteur pour vanter les délices du chocolat d’une grande marque. Il s’appelait Salvador Dali.

Je trouvais cela insolite que ce grand peintre porte le même prénom que mon nouvel ami. Puis je passais à tout autre chose en l’occurrence l’épluchage des oignons et autres légumes pour confectionner ma soupe du soir.

La métamorphose du Narcisse Salvador Dali.

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre