Mais quand donc va tu te taire ?

Je lis tout un tas de choses hétéroclites et, de temps en en temps, car je prends garde de ne pas trop en abuser, monomaniaques. Sur internet notamment. Un sujet récurrent est la soif de silence de certain(es) qui sans doute fait écho à la mienne, souvent.
Et ce qui est drôle, c’est que lorsque je lis toutes ces choses sur le silence, monte alors en moi, presque en même temps , une irrépressible envie de faire du bruit.
Exactement comme durant ces interminables repas dominicaux de ma jeunesse où les adultes palabraient de choses et d’autres et où l’on interdisait aux enfants de parler sous prétexte que nous disions n’importe quoi afin de nous rendre "intéressants".
Ma grand-mère paternelle n’était pas en reste pour lancer, sitôt que mon frère ou moi ouvrions la bouche, exactement de la même manière qu’on récite une prière apprise par cœur :
— Mais quand donc va tu te taire ?
Ce qui nous stoppait net, non sans une bonne dose de frustration.
C’était alors un jeu, un défi que nous nous adressions implicitement mon frère et moi d’interrompre ces longues conversations d’adultes repus autant qu’il nous était possible de le faire. Tout en faisant preuve d’une créativité extraordinaire pour emmerder le monde.
Je me souviens notamment de quelques sorties dont je reste assez fier.
— Pourquoi ne pourrait-il pas y avoir de la vie sur d’autres planètes ? Peut-être que sur certaines les gens respirent du mercure comme nous de l’oxygène.
Et encore :
— Moi je crois que les pierres ont une âme comme les arbres, les brins d’herbe et tous les animaux, même les insectes.
Sans oublier mon obsession pour le langage rosbeef
— C’est super facile de parler anglais il suffit de parler français à l’envers.
Ce à quoi les adultes autour de la table répondaient en se passant le relais :
— Mais quand donc va tu te taire ?
Ce qui nous faisait bien rire mon frangin et moi.
Chose étonnante que la mémoire, surtout lorsqu’on prend de plus en plus d’âge et que l’on commence à considérer l’existence comme un évier de cuisine dont l’eau de vaisselle s’est à peu près totalement vidée. Vers la fin, le tourbillon s’accélère d’autant que nous avons, je l’imagine, cette capacité de recul qui permet de nous en apercevoir.
— Tu ne connais pas la dernière ? me dit mon épouse en interrompant soudain l’épisode d’une de mes séries préférées sur Netflix.
— Hum ? oui ? qu’est ce que c’est ?
— Et bien L. a signé elle-même un mot que le directeur de son école lui avait donné pour les parents afin de signaler son comportement désagréable.
Ma première réaction serait d’en rire évidemment. Elle n’a que 6 ans et dans le bordel qu’est déjà sa vie au beau milieu de la séparation de ses parents et la rencontre de la nouvelle compagne de son papa et des 3 enfants de celle-ci, je ne trouve à cela pas grand chose de vraiment étonnant.
Je ris bêtement.
— Non mais tu ne te rends pas compte à quel point c’est grave, me corrige immédiatement ma moitié.
Grave ? je ne sais pas, j’ai plus l’impression que c’est assez sain de mon coté. C’est une preuve d’autonomie plutôt. De plus j’imagine tellement bien à quel point mon ex belle-fille aurait mal pris la chose, en aurait fait des caisses avec force injures et trépignements, une occasion épatante de libérer son hystérie chronique.
Quant à mon beau-fils qui convole, il vit sur un petit nuage en ce moment. Les enfants ne sont pas totalement crétins au point de ne pas en tirer un peu partie.
Il y a quinze jours, c’était l’ainé, 8 ans, qui s’était fait topé par un autre directeur d’école en train de dealer des cartes Pokémon.
— Tu sais les enfants d’aujourd’hui ne sont plus comme les enfants d’avant, j’ai dit à mon épouse.
Il va falloir s’y faire.
Et en même temps je crois que nous sommes naïfs comme l’étaient sans doute aussi nos parents. On ne sait rien de ce qui peut se passer dans la tête d’un enfant. On ne peut jamais que supputer. Mais ce qui est sur c’est que quoiqu’il se passe ce genre d’action n’est jamais faite pour rien.
De là une conversation entre mon épouse et moi portant sur ma tolérance excessive, proche d’une infinie lâcheté mélangée à beaucoup de je m’en foutisme concernant les choses importantes de la vie. ( Eludée pour ne pas fatiguer le lecteur)
Je crois que l’on ne se souvient pas si bien que ça de notre propre enfance. Avec le temps on rajoute des couches et des couches de mensonges sur celle-ci pour qu’elle ressemble à une enfance soit normale soit extraordinaire, soit monstrueuse etc.
C’est exactement comme raconter une histoire, tout n’est t’il pas au final qu’une fiction ? Et je suis souvent perplexe lorsque j’écoute les gens me raconter une anecdote, une histoire vécue, une histoire qu’ils appellent vraie, de comprendre à quel point ils sont inconscients de la façon dont ils enjolivent, exagèrent à peu près tout.
Parfois je ne suis pas loin de penser qu’à part pour répondre aux nécessités de l’état civil , notamment les dates de naissance et de décès, rien de ce que l’on peut dire de vive voix n’est authentique.
Cette vérité que l’on ne cesse de se brandir les uns aux autres, si on se mettait à l’examiner de plus près, au microscope, on verrait à quel point nous avons brodé pour combler les vides entre les différents événements dont elle se compose en apparence. Evènements souvent tout à fait neutres dont il faut coute que coute, comme une sorte d’obligation, extraire du sens.
Maintenant que faire de cette information : L. 6 ans signe à la place de ses parents les petits mots du directeur l’accusant d’un comportement déplacé ?
Comment ne pas la juxtaposer à cette autre : M. 8 ans est devenu dealer de cartes Pokémon et escroque
( selon la direction de l’école) ses petits camarades totalement naïfs et mignons oh mais quel méchant !
J’en fais évidemment part à mon épouse, et là elle s’insurge elle me dit
— Tu prends tout par dessus la jambe je croyais que tu allais passer un coup de fil pour en discuter avec le papa.
— Que nenni chacun sa merde ! j’ai répondu vraiment pas chaud pour emmerder mon beau-fils qui convole et qui vit sur un petit nuage en ce moment.
— Ah tu m’énerves tais-toi ! m’a alors dit mon épouse.
Et là j’ai remis mon casque audio sur les oreilles et j’ai poussé le curseur du son à fond.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}