Arrête ton cirque !

En ce moment c’est cette phrase qui tourne en boucle, un impératif désagréable à entendre mais qu’il faut bien écouter à un moment ou à un autre.
— Arrête ton cirque ! Arrête de réfléchir ! Arrête la masturbation ! Arrête la cigarette ! Arrête tout ça et peins ! Tu nous fais chier, voilà c’est dit.
J’en pleurerais. Ou Je défoncerais un truc, n’importe lequel, tiens ce tableau par exemple sur lequel j’ai passé quelques heures aujourd’hui et qui ne donne rien. Puching-ball dérisoire.
—Tu sais qu’il y a des gens qui n’ont pas le quart de tes possibilités et qui eux en font quelque chose ? Tu veux quoi à la fin ? Et ne commence surtout pas avec ton "je ne veux rien". Tu nous emmerdes avec ça.
Une fois Jimmy m’avait dit un truc dans le même genre. ça remonte à loin, 30 ans pas moins.
— On dirait que tu es assis au milieu d’une pièce et que tu attends que les gens passent et t’en collent une, tu dois être une saleté de maso.
J’avais rigolé à l’époque. Un rire jaune. Car il n’avait pas tort. J’ai toujours voulu qu’on me défonce la gueule, je ne connais rien d’autre que ça comme relation avec les autres au bout du compte.
Bien sur je pourrais encore me repasser le disque, la ritournelle d’une enfance malheureuse, celle d’un gosse battu comme plâtre. Mais ça n’apporterait rien de plus je le sais désormais. Personne ne peut comprendre ce genre de chose. On est juste horrifié d’y penser, mais ça n’excuse pas tout non plus.
La sélection naturelle revient toujours à un moment donné sur le tapis. Les forts, les faibles. Si tu ne te relèves pas, tant pis pour ta gueule c’est que tu n’es pas si fort qu’on l’avait espéré voilà tout.
Et puis on passe à la suite. Au temps qu’il fait, à celui qu’il fera demain. On enchaine, on ne perd pas de temps.
Enfin résultat des courses que reste t’il comme choix vraiment une fois ces choses posées ?
Fermer ma gueule, serrer les dents. Essayer d’avoir l’air à peu près normal
— Bonjour, bonsoir, il fait beau, la baguette est tout chaude, bien sur, je vais sortir la poubelle, puis je balaierai l’atelier. Je ferai tout bien propre pour recevoir les élèves. Je ferai même bruler de l’encens que j’ai dégotté chez Action pour que ça sente bon. Je rangerai tout mon bordel, je le remballerai. Je ferai de cet espace un lieu vide et net, genre clinique aseptisée.
Et désormais je dirais aussi prenez donc un modèle, tracez des petits carreaux, copiez, copiez jusqu’à vous en faire péter la rétine, et pendant ce temps je vous passerai de la musique qui adoucit les morts.
— On aimait mieux avant quand tu nous parlais philosophie, désormais on t’a perdu. Tu n’es plus vraiment là, t’es là mais en même temps absent.
Je ne pipe pas mot, j’encaisse. Filer juste un doigt ils vous bouffent le bras. Tout ça pour des sommes dérisoires, une mauvaise réflexion de départ, une inaptitude chronique avec le pognon et l’obsession de vouloir être aimé, apprécié, de renforcer cette putain de "belle image" pour que personne ne voit la ruine, le délabrement, le désert.
J’ai tout bien planqué, même à moi-même. Surtout à moi-même. Et là quand j’essaie juste de dire la moindre chose quelque chose m’appuie de nouveau sur la tête.
Rien n’a changé.
Rebelotte.
Des gros cons qui savent tout commentent :
— tu devrais plutôt faire ceci, cela. Oh non tu te trompes, tu ne vois pas les choses de la meilleure façon.
Et si je me rebiffe ?
Silence, baffes virtuelles, dédain, insultes et quolibets.
Tout ce que j’aime en fait, tout ce que j’attends pour être sur encore une fois d’être dans le même cauchemar. Le cauchemar familier.
Je fais tout ça rien que pour ça.
Pour être assis là au milieu de cette pièce et que chacun passe et me balance son mal être, sa violence, son amour insupportable.
— Et surtout reste assis là, ne bouge surtout pas. Arrête ton cirque !
J’ai beau jouer des coudes dans l’utérus peine perdue. Toute naissance serait une mort assurée. On ne me loupera pas à la sortie.
C’est cela et pas autre chose.
J’ai essayé tellement de choses, j’en essaie chaque jour des milliers. De l’explosion à la fragmentation en passant par la diversion, l’éparpillement. Est ce que c’est un jeu ? Un putain de jeu ? Est-ce qu’on a la possibilité à un moment de dire pouce ?
Je le prends le moment, je fais un doigt d’honneur pour être parfaitement compris. Une fois de temps en temps, comme je peux, en passant. Personne ne voit, ne comprends. "il plaisante".
— continue à te lamenter sur ton sort ça va surement faire avancer les choses
Faire avancer les choses ? Mais quelles choses bordel ? De quoi est-ce qu’on parle vraiment ici ?
Ils espèrent quoi ?
Des fois je me dis qu’ils espèrent que je crève. Rien que pour exorciser leur propre trouille de crever.
— Arrête ton cirque , sois donc le gentil que tu es au fond, on le sait, on le voit. Refais nous encore une fois le clown qui sourit, pas le méchant clown qui nous fout la pétoche.
ça... je ne peux plus vraiment le décider je me dis, je n’y crois plus vraiment, il faudrait que je fasse des efforts surhumains encore pour y accéder. Et je n’ai absolument plus rien du tout de surhumain. vous m’avez usé jusqu’à la corde. La corde pour me pendre, vous me l’avez mise sous le nez. Comme une devinette préparée de longue date, il fallait que je trouve tout seul, pas simple déduction, en profitant de mon esprit si compliqué pour vous en payer une bonne tranche.
Possible que je me tue un de ces quatre, possible que je vous tue tous aussi avant cela comme dans les journaux télévisés. Que je devienne incompréhensible pour toute forme de société humaine.
J’attendrais que vous soyez là avec vos gueules enfarinées prêts à éclater de rire en prévoyant déjà ma dernière connerie ou clownerie
Je vous laisserai même le dire encore une dernière fois
— Arrête ton cirque !
Et tatatatatata bang bang ! je tirerai dans le tas.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}