Les mots et les bruits

Exercice de chauffe. Tout ce qui vient sans correction, dans une absence de correction, de façon incorrigible.
Rendre compte du bruit par les mots ? traduire un bruit en mot ? S’accrocher à un cliché rodé comme le crépitement du feu, le bruit du ressac pour évoquer la mer, le hululement du vent ?
Liste de bruits par catégorie.
Bruits de la rue
Bruits de la ville
Bruits de la campagne
Bruits dans un appartement en ville
Bruits dans une maison de village, une ferme, une bergerie,
Bruits dans une église, bruits dans une mairie, bruits dans une gare, bruits dans un supermarché, bruits dans la salle d’attente d’un dentiste, bruits dans un bistrot, bruits dans un crématorium, bruits dans un cimetière, bruits dans une cour de récréation, bruits dans une salle de classe, bruits dans un jardin, bruits sur un chantier, bruits au bord de la rivière, bruits au bord d’un canal, bruits sur un pont suspendu, bruits dans une galerie souterraine, bruits dans la cave, bruits dans un grenier, bruits dans une maison toute neuve, bruits derrière une cloison, bruits provenant du plafond, du plancher, bruits selon les heures de la journée, bruits réels, bruits inventés, bruits connus et inconnus, bruits par degré d’intensité, bruits par degré d’agacement, bruit familier, bruits qui font sursauter, bruits qui font cogner le cœur dans la poitrine, bruits qui créent un haut-le cœur, bruits que l’on peut faire avec les parties du corps, bruits qui nécessite un outil, bruits sur lesquels on peut ou on ne peut intervenir.
Beaucoup de bruits pour pas grand-chose. Un bruit de tous les diables. Sans bruit. Le bruissement.
Sonorités de mots qui évoquent un bruit : le chuintement, le sifflement, l’usage de l’ allitération, le hoquet, une cacophonie, une écholalie. Se répéter le dernier mot entendu pour essayer de ne pas perdre le bruit de quelque chose, de ne pas perdre le fil du discours. Décalcomanie. La manie de calquer ou de décalquer. Le froissement du papier d’un Malabar, d’un Carambar, déforme “ le “décalcomani” valant pour le dessin résultant d’un transfert. Tu l’as ce décalcomani ? Ou encore je vais le décalquer, pour dire casser la figure, le bruit de la claque, un peu différent de celui de la gifle, de la tarte, de la giroflée à cinq branches, du pain dans la tronche, du marron, de la beigne.
Bruits de la rue, Vroum, clameur, grésillement d’un bec de gaz, du filament d’une ampoule de réverbère, de néon, du mégot de cigarette jeté sur une petite flaque d’eau, grésillement des bas en nylon qui frottent l’un contre l’autre au niveau des mollets, grésillement du goudron qui fond sous la chaleur, grésillement du crachin sur une pancarte en tôle, grésillement d’un rasoir électrique provenant de l’habitacle d’un taxi garé dans une impasse. Grésillement d’une plaque de gaz qu’on allume, glissant du haut d’un immeuble par une fenêtre entr’ouverte. Grésillement d’une mèche de cheveux brûlée dans un cendrier, grésillement du fer à friser dans l’officine d’un coiffeur pour dames. Grésillement du saindoux fondant dans une poêle, dans la cuisine de ce restaurant. Grésillement du pain dans le grille-pain. Un grésillement électrique, un grésillement continu, un grésillement permanent auquel on fini par s’habituer, le grésillement s’accentue, s’amoindrit s’atténue, s’arrête, reprend . On n’entend plus le grésillement.
Le grésillement habituel dans la grisaille du petit matin. Le grésillement des caténaires dans le silence du quai. Le grésillement d’un insecte contre une vitre épaisse. Le grésillement au début presque inaudible envahit maintenant tout l’espace de la rue.
Chuintement des oiseaux de nuit sur le plomb des toits. Une fois l’averse passée, le goudron chuinta, laissant échapper de petits nuages flottant ça et là.
Grincement. Une porte s’ouvrit en grinçant tandis qu’un peu plus loin crissèrent des freins il y eut un gros boum, quelqu’un sorti d’un véhicule, puis il y eut un hurlement, des éclats de voix, des gémissements, des cris, des pleurs et puis soudain plus rien, silence. Puis on le démarrage d’un moteur, un crissement de pneu, il y eut un vroum, et, enfin, le grésillement familier des néons qui te rappelle à ta solitude dans cette rue cette nuit là.
Bruit du rideau de fer qui se lève ou se baisse. Le fracas habituel. Un fracas ponctuel. Tout en bredouillant de vagues bonjour, en s’excusant de son retard, il manœuvrait la manivelle pour hisser le lourd rideau de fer de la boucherie chevaline.
Des années étaient passées. Il suffisait désormais d’appuyer sur un commutateur pour lever ou baisser le rideau de fer des devantures des magasins de vêtements. L’opération s’effectuait presque silencieusement.
Vers 9h tous les rideaux se levant en même temps lui serrait le cœur, après avoir vaillamment traversé la nuit, il fallait encore réunir suffisamment d’entrain pour remonter la rue de Rivoli depuis Châtelet, atteindre la Bastille se familiariser à nouveau avec le bruit assourdissant de la ville, grimper cinq étages, dont les marches parfois craquaient, couinaient, grinçaient, effectuer encore quelques pas feutrés jusqu’à une porte, tapoter ses poches pour entendre le tintement familier des clefs, introduire une de celles-ci dans la serrure, la faire jouer sa petite musique d’ouverture, refermer doucement la porte derrière soi, puis se dévêtir le plus silencieusement possible, et enfin tout doucement se glisser contre le corps nu à l’abandon sur le lit ; dociles les lames du sommier neuf accueillaient son poids sans le trahir, il allait peut-être enfin dormir.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}