La première fois où l’on arrive quelque part.
une ébauche, des notes, une recherche en vue de produire deux textes pour cette fin de semaine. Un exercice sur l’arrivee, arriver dans un lieu lors d’un voyage. J’avance lentement, j’etablis une liste d’idees, et surtout je reste aux aguets de ce qui cherche a se dire derriere les mots.
Quetta 1986
Si tu établissais la liste de tous les hameaux, villages, bourgs, villes où tu as rêvé de te rendre et qu’en même temps tu puisses retrouver toutes les idées, les images les sensations qui se formaient en toi avant la réalité d’y être parvenu , alors il est presque certain qu’une liste parallèle constituée par tes étonnements, merveilles et déceptions se constituerait d’elle-même. Et donc pourquoi établir une telle liste dans ce cas ? Ton père avait la formule exacte quant à ce genre de réflexion saugrenue il disait " Tu veux être arrivé avant même d’être parti" Et que ressent un fils face à telle ou telle sentence paternelle, avant d’être en mesure de la remettre en question. Il l’avale tout rond, voilà une réalité. Et donc la conséquence finit par devenir la cause de tout ce qui suivra jusqu’à ce qu’une prise de conscience surgisse, parfois tardive. Donc n’écoute pas ton père. De Paris, aucun souvenir d’une première fois d’y être entré puisque j’y suis né. Et j’ai beau chercher pas le souvenir non plus de cette première fois où nous dûmes quitter l’appartement des grand-parents paternels, le petit quartier au milieu du 15eme arrondissement délimité par un tout petit nombre de lieux dits, de rues. Un périmètre, j’aurais pu dire et pourquoi tu n’as pas dit ? cela aurait été plus court, mais le chemin le plus court ... autour du maître Père.... La convention, la rue Dantzig, La rue des Morillons et bien sûr la rue Jobbé-Duval où tu as passé les quatre premières années de ta vie. Une image cependant revient, persiste, l’angle de la rue Dantzig avec celle des Morillons, peut-être l’immeuble dans lequel se trouve "les objets trouvés " Ce serait si étonnant que ce soit vraiment lui, que c’est sûrement lui. Ce ne peut qu’être lui. En passant en voiture tu te penchais à la fenêtre pour apercevoir cette silhouette imposante constituée de briques rouges, un rouge tirant vers le marron, donc avec un peu de vert, fort semblable à un géant triste surplombant le quartier, vu en contre-plongée. Ensuite la toute première fois où tu es arrivé à la Grave, ce hameau périphérique - périphérique vient ici naturellement - du village de Vallon-En-Sully. Le seul repère que tu conserves du déplacement entre Paris et la Grave est la longueur, une durée désagréables qu’il faut endurer pour y parvenir, de nuit d’ailleurs la plupart des fois où des images t’en reviennent ; les phares de la 4CV lèchent des troncs d’arbres sur la portion de la nationale, peu après Saint-Amant, et encore Meaulnes - tiens d’un coup revoici la vieille auberge du cheval blanc éclairée aussi, et à nouveau ces arbres, ces troncs d’arbres , des platanes marqués de cents visages, tu parviens à conserver leur souvenir de voyage en voyage jusqu’à établir avec eux une sorte de familiarité ; ils sont toujours là, ils seront toujours là durant des années ; mais là, quand tu y repenses soudain, n’y a t’il pas de grandes chances que ce ne soit que dans ton souvenir, ou pire encore, qu’ils n’aient existé que dans le récit que tu te seras inventé pour on ne sait quelle raison à propos de ces arbres, croisés au terme de ces éreintants voyages. Et aussi parce que tu n’as conservé que la mémoire de ces objets éclairés par ces phares ; tout ce qu’il y avait autour se trouve toujours plus ou moins dans une obscurité. Sauf peut-être le garage du père Renard juste avant de tourner à gauche, ou encore la façade de l’hôtel restaurant "Le lichou", ou encore tiens on ne l’avait pas vu jusqu’ici : un chat qui traverse soudain la départementale et qui extirpe un juron de la gorge du père. Et puis l’arrivée devant cette nouvelle maison, elle se dresse sur le côté droit de la route, ses fenêtres sont éteintes, des rectangles d’obscurité encore plus denses que la nuit environnante. La première fois où l’on arrive quelque part, imprime peut-être dans l’esprit du voyageur et ce alors alors qu’il n’est encore qu’un enfant , un schéma, un genre de programme qui se répètera ensuite inconsciemment de lieu en lieu. Car tout bien pesé l’arrivée à Quetta ne fut guère différente de celle de Venise, de Belgrade, d’Istanbul, d’Erzurum , de Téhéran, et des dizaines d’autres encore - et si tu continues ainsi à réexaminer tous ces lieux dans lesquels tu parvins tout au long de tes voyages, tu retrouveras aisément la même sensation de confusion, ce point commun qui les relie tous. Aussi, n’es- tu pas étonné de découvrir Quetta de la même façon, lorsque une fois le désert du Baluchistan traversé, tu arrives au coucher du soleil à la gare routière de la ville nouvelle. La nuit tombe rapidement dans ces pays lointains, autour de 17h30, 18h, c’est sans doute ce qui te marque le plus en les découvrant. Le bus sort du désert et, en plissant les yeux, on aperçoit à peine les premières maisons, les toutes premières bâtisses que déjà c’est avant tout la redécouverte du crépuscule ; de la poussière nimbe le décor d’une aura chaude, des tons bistres et orangés tirant vers le roux ; à l’horizon barré de montagnes une noirceur s’amoncelle ; et élément étonnant, ces petits buissons, comme ceux que l’on voit dans les western, roulent devant le véhicule. Enfin lorsque tout enfin semble s’immobiliser, que le bus lâche un dernier souffle, un dernier crissement des freins, que le moteur s’éteint , on croit que ca va être dans un silence que le pied va se poser le sol sableux, mais non, on entend le vent qui mugit, et soudain en tendant encore un peu plus l’oreille cette surprise de découvrir se mêlant aux bourrasques, des voix de femmes qui chantent. Les passagers s’éparpillent et finissent par disparaître, tu te retrouves seul face à la grande place où sont rangés d’autres bus, ces vaisseaux insolites aux parois toutes martelées, bosselées, sculptées, décorées, les derniers raies de lumière animent leurs motifs, on dirait des êtres vivants, des animaux extraordinaires qui se sont rassemblés là pour ensemble passer la nuit. Alors naît le désir d’un refuge, d’un toit pour se sentir en sécurité, d’un lit pour s’étendre et se recroqueviller dans la solitude durant cette première nuit à passer dans une ville étrangère. Trouver un hôtel devient une priorité qui pousse l’attention uniquement vers ce but précis au détriment de tous les autres. Le voyageur plisse les yeux en quête d’un signe, une enseigne, mais ici tout est indiqué dans une langue étrange, chaque mot est un dessin et chaque groupe de mots un rébus à déchiffrer.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}