L’entendement et le malentendu, en peinture
Clyfford Still with PH-1024, 1976. Photographed by Patricia Still. © City and County of Denver, courtesy the Clyfford Still Museum Archives.
L’entendement, c’est un peu plus que de la compréhension, c’est presque de la connaissance, peut-être que c’est presque synonyme- le presque empêchant de mentir, de se laisser une porte de sortie, de ne pas enfermer l’entendement dans un lieu clos. Encore qu’entendre la peinture puisse être paradoxal puisqu’on à coutume de lui associer l’œil, le regard, la vue en tout premier lieu.
Ce n’est pas rare qu’il faille passer par le contournement aujourd’hui, en peinture comme en beaucoup de domaines, pour se désensabler d’habitudes devenues stériles. De ces habitudes qui nous figent dans une posture surtout. C’est cette pétrification l’empêchement, c’est ce que l’on ne cesse de murmurer en boucle quand on est fatigué surtout. Et c’est un cercle vicieux, on se fatigue à murmurer intérieurement ce cercle de pensées habituelles, ça doit essayer tant bien que mal de nous rassurer, mais ça nous fatigue d’autant plus, parce que l’on sent bien que d’être rassuré ne suffit pas, ne suffit plus. On aimerait retrouver une énergie, mais on ne fait pas du neuf avec du vieux, on voudrait du neuf bien sur. On a le sentiment que la nouveauté nous sauvera du marasme, mais la question ne se situe pas au niveau des mots neufs ou anciens, je ne le crois pas. Je ne le crois plus. Au contraire évacuer ces deux mots, les expulser hors de soi, lève des barrières, des oeillères, et sans doute offre une possibilité à l’entendement de pouvoir enfin pénétrer doucement en soi.
Il suffit pour cela de faire appel à la curiosité bien souvent, de se poser de bonnes questions. Ainsi quitter les réseaux sociaux par exemple sur un coup de tête pour aller quérir dans la solitude de l’atelier des ressources en soi fut une des meilleurs choses que j’ai faites en ces premiers mois de cette année 2023. Ce n’est peut-être pas tant un coup de tête maintenant que j’y pense. C’est bien plus une lassitude de voir défiler dans mon fil d’actualité toujours à peu de choses prés les mêmes contenus. Associé à cela l’idée d’y perdre mon temps, de me divertir, de m’égarer non d’une manière profitable mais plus dans le sens d’une dégradation.
Une dégradation entrainée par la mise en place de rituels toxiques auxquels on s’habitue, dont on est le jouet d’un système, la victime d’une aliénation. Bien sur je mesure ce que j’écris, tout le monde n’utilise pas les réseaux sociaux ainsi, certains même s’en servent très habilement, et ça leur est amplement profitable. Tout est affaire d’intention.
Mon intention est de progresser en peinture, de me sortir de l’habitude, de ne pas peindre toujours les mêmes sempiternelles tableaux, de voir quelque chose qui me regarde. Il faut que je peigne pour voir quelque chose qui me sorte de ce que je ne cesse de voir tout le temps et qui m’englouti. Il faut que je peigne quelque chose je puisse à la fois voir et sur quoi m’appuyer pour mieux voir. Et cela je ne peux le faire que seul. Personne ne peut m’y aider pas plus que de m’y contraindre.
Il y a quelques jours un ami peintre se désolait, et je crois qu’il se désole encore, de quelques réflexions que je lui ai fournies sur des toiles qu’il me présentait. Les peintres entre eux sont détestables, on ne devrait pas fréquenter de peintre quand on est peintre et si on n’a pas l’estomac bien accroché. Car étant des gens de haute sensibilité un rien venant d’autrui nous accable. Un rien dit ou un rien entendu. Et souvent il y a beaucoup de malentendus entre les peintres.
J’ai donc dit quelque chose comme "bof... " en voyant ces tableaux. Je me le suis d’abord dit pour moi-même et par amitié je n’ai pas su le garder pour moi, voilà la vérité. Il n’y avait pas de mauvaise intention, juste une erreur d’appréciation, l’oubli que l’autre était peintre avant d’être amical.
Entendre la peinture c’est avant tout repérer les couacs. C’est repérer la fausse note, le geste qui ne vient pas du naturel, du spontané, mais de l’air du temps, de la ritournelle de l’air du temps. Et j’y suis particulièrement sensible, ou révolté, comme on voudra. Et puis je n’ai pas peur, de personne, pour le dire. A ces moments là la colère je crois m’emporte de constater encore qu’un autre sera tombé au champ d’honneur, se sera fait baiser par l’air du temps. Voilà le fond de ma pensée. Vraiment. C’est dans le fond une base assez bienveillante. Prétentieuse surement, mais bienveillante.
du coup je ne vois personne et c’est bien comme cela. Je préfère ne pas voir de peintre en tous cas. A part des peintres débutants, des élèves, des gens qui n’ont pas d’idée précise de la peinture.
De plus en plus quand on me pose des questions sur la peinture, je réponds que je ne sais pas. Ce n’est pas qu’en vérité je ne sache pas de réponse. Bien sur que comme tout le monde j’aurais une réponse ou plusieurs réponses toutes faites à fournir. Mais, je préfère passer pour un ignorant, même en temps que professeur, parce que ce n’est tout bonnement pas à moi de fournir des réponses à toutes les questions que tout le monde se pose sur la peinture. Je trouve que c’est très bien de poser questions, de se les poser soi-même surtout, mais qu’il vaut bien mieux tenter également d’y répondre par soi-même. Ou encore mieux, d’entretenir ces questions sans forcément chercher à y répondre trop rapidement. Régler la question comme on le croit souvent, ne la règle pas, cela la fait disparaitre momentanément.
Donc comment faire pour améliorer son entendement en peinture ?
Je crois qu’il faut avant tout un peu d’humilité pour reconnaitre que d’autres ont peint avant soi. Qu’il y a une histoire de la peinture comme une histoire tout court. Si on s’intéresse à l’abstraction par exemple comme c’est toujours mon cas, il est bon de se poser quelques questions sur les origines de celle-ci. De connaitre quelques noms, quelques jalons des différentes poussées qui ont provoqué tel ou tel tendance ou mouvement. Il est bon de connaitre aussi les contextes social, économique, politique de ces mouvements. Il est bon de trouver des informations, du pour et du contre afin de se créer sa propre idée, d’y réfléchir ensuite par soi-même.
Je suis fasciné par le gouffre qui s’est crée entre d’une part le grand public, dont d’ailleurs de nombreux peintres de ma connaissance font partie, comme moi-même et la poignée d’artistes-peintres abstraits, souvent vivant à l’étranger, mais même en France, et qui sont inconnus sauf du marché de l’art contemporain.
Comment aider à la mise à jour, à aider le public et moi-même à mieux saisir ce qui se produit en peinture abstraite de nos jours ? Cela demande de la patience, de l’habilité, du discernement, du temps, mais ce n’est pas impossible. Et en plus cerise sur le gâteau, luxe inespéré, l’envie est là de m’y mettre. A mon rythme, sans chercher non plus à être dans une urgence, ni à vouloir faire "une œuvre" . Non franchement rien de tout cela. Seulement faire part de mes trouvailles, des associations d’idées, des déductions, m’éclairer un peu plus tout en aidant à l’éclaircissement général voilà tout. Améliorer l’entendement pour éclaircir les choses en peinture. De la pure synesthésie en quelque sorte.
note : ( personnage possible à utiliser : le professeur didactique qui veut éclaircir le monde.)
Je ne cesse pas d’entendre la généalogie de Pantagruel se mêlant à celle de l’Ancien Testament. Si je devais écrire une généalogie de l’art abstrait ce serait sans doute la meilleure manière de le faire. Juste une suite de noms avec le minimum d’anecdotes, d’éléments distinctifs, à part ceux bien sur nécessaires au rythme du mode récitatif ou imprécatoire.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}