Exercice d’écriture : "à nul moment je n’ai décrit ton visage"

d’après une idée de François Bon sur son site Tierslivre

British painter Francis Bacon portrait session on September 29, 1987 in Paris, France. (Photo by Raphael GAILLARDE/Gamma-Rapho via Getty Images)

Une mine assombrie, une mine radieuse, une mine pathibulaire, une mine sombre, une mine d’or et de feu, une mine avec quoi on minaude, une mine hypocrite, une mine de faux-cul, une mine impassible, indifférente, une mine éveillée, une grise mine.

La figure hautaine, faire bonne figure, figure-toi donc, au sens propre comme au figuré, de sa figure qui ne me revenait pas, sa figure s’allongeait, une demie figure, se casser la figure, il lui cassa la figure, il lui aurait bien cassé la figure, des bleus sur la figure, figurez-vous, il figure parmi les caids, il se figure qu’il en est un.

Face à face ils se regardent. C’est une double-face, un faux-jeton, un hypocrite. S’effacer. Il n’a pas de face. On dénombre 14 os dans une face : 13 fixes et un mobile, la mandibule.

 -les deux os maxillaires 

 -les deux os zygomatiques

 -les deux os nasaux

 -les deux os palatins

 -les deux cornets nasaux inférieurs.  

 Les deux os lacrymaux, ou unguis

 -l’os vomer

 -la mandibule

Sans oublier les sutures que l’on pourra découvrir dans le massif facial, la fronto-nasale, les deux fronto-maxillaires, les deux fronto-zygomatiques, et maxillo-zygomatiques

À tout cela n’omettons pas non plus les sinus, frontaux, maxillaires, sphénoïdaux, ethmoïdaux.

Au nord la face se limite au cuir chevelu, à l’est comme à l’ouest par les oreilles, au sud le cou.

 Ce n’était pas un groin, une hure, un mufle, pas plus qu’un museau, c’était une face humaine. Elle se leva pour changer le disque de face, pile au moment crucial. Elle peut avoir de nombreuses facettes. Elle est capable de facéties assez facilement. Elle n’est pas dénuée d’humour. De toutes les façons quand elle entre dans une pièce, elle l’illumine, on en reste souvent bouche-bée. Selon l’expression de son visage, qui peut brusquement changer comme un ciel irlandais, nous essayons en vain d’adopter une tenue. De la façon dont elle nous regarde, pas de peine à savoir que ça va barder. Elle peut complètement changer de facies, devenir méconnaissable. Nous ne nous reconnaissons plus.

Cependant, en observant attentivement son visage quand elle est en rogne, au plus profond de ses habituelles dépressions, ou en pleine crise d’éthylisme, en repoussant l’inquiétude, l’angoisse, la crainte-toute cette trouille- que ces expressions provoquent en nous ; en les surmontant-peut-être grâce à ce sentiment que l’on nomme espoir ou amour, on finit tant bien que mal par la reconnaitre notre, puisqu’il est entendu que nous formons une famille n’est-ce pas ?

Dans ces moments là, on ne peut pas la dévisager frontalement. Il faut ruser, nous ne pouvons qu’employer la tactique des petits coups d’œil furtifs. Mais, malheur à nous si elle surprend le stratagème. Elle redouble de colère. Le petit coup d’œil furtif ressemble à une réplique de théâtre, qui lui donne immédiatement le "la". Aussitôt, la voici accordée, elle se laisser déborder, s’ aveugle par le manque de confiance en elle. La voilà enfin, elle sort de ses gonds pour de bon. A ces moments là, elle est tellement dépourvue de discernement, qu’elle pourrait certainement nous tuer dans son emportement. Ce qui, nous le pensons, lui fournirait peut-être une excellente raison pour se lamenter enfin pour quelque chose de tangible, et ce jusqu’à la fin de ses jours. D’ailleurs, peut-être que nous faisons tout pour que ça arrive. Pour qu’elle nous achève pour de bon. Qu’elle soit coupable enfin de quelque chose vraiment. Pour qu’il lui soit enfin fourni une raison, une logique ; la folie étant pour elle ce refuge, dont nous nous sentons irrémédiablement exclus.

Avec le temps j’ai de plus en plus de difficultés à me souvenir de son visage. Cette familiarité que l’on entretient avec un visage comme pour se rassurer du connu, se prémunir en continu de l’inconnu, de l’inconnaissable, cette familiarité se dissipe ou se décompose avec les saisons. Putréfaction de la familiarité que l’on entretenait autrefois comme on entretient une maison, un jardin, une paire de chaussures, l’argenterie des aïeux. Si entre mes doigts, je prends une de ces photographies d’elle en noir et blanc dans la boite où je les ai rangées, je peux en même temps la reconnaitre comme ne pas la reconnaitre du tout. Elle m’échappe. Je peux observer avec une acuité extraordinaire ce mouvement qui s’effectue à la fois dans la pensée comme dans le cœur ; cette fuite irréversible, comme une fuite de canalisation. On essaie de la colmater grâce à l’évocation de certains souvenirs, de préférence des bons, même s’ils apparaissent rares, mais ça ne change rien, la fuite continue. On ne sait plus qui est qui à ces moments là. C’est pour cela que je renonce à regarder des photographies d’elle dans la boite. Le désagréable n’est pas aussi surmontable que ces anciennes peurs ces anciennes colères, toute cette folie d’autrefois.

D’autres fois encore, c’est plus fort que moi, il faut que j’ouvre cette boite, cela devient une urgence, comme pour tenter d’exorciser une angoisse affreuse, me dire que je n’ai tout de même pas rêver tout ça.

Comme si je voulais me faire mal, ou me pincer. Comme s’il n’y avait que douleur susceptible de l’invoquer. un sacrifice assez bénin somme toute vu l’habitude, pour provoquer l’apparition de sa silhouette, de son visage comme seul lien entre nous. Le mal la douleur, la souffrance provoquée par l’ignorance mutuelle, par le surgissement et la disparition intempestive des figures, des expressions d’un visage.

Il m’est désormais impossible de décrire son visage. C’est comme si j’avais perdu les mots qui auraient pu jadis m’offrir cette possibilité. Une apparente occasion non seulement perdue, mais source de regrets, de rumination infinie encore. Je les ai possédés un jour ces mots, comme cette possibilité et je les ai perdus. Sans doute qu’il doit en être ainsi.

Dans notre religion nous n’avons pas la possibilité de décrire des visages. Parce que tout visage est à l’image d’un visage unique dont nous savons qu’il nous échappe, qu’il doit toujours nous échapper. L’interdit n’est pas toujours fondé sur l’idiotie comme on le croit si souvent de nos jours.

Dans notre religion étrange nous avons appris à crée la présence par l’absence, il en est ainsi, c’est la tradition. On peut faire tout ce que l’on voudra pour tenter d’échapper à la tradition, ça ne modifie en rien celle-ci. Au contraire, c’est même recommandé de s’opposer, c’est un devoir, cela fait intégralement partie de la tradition. Cela renforce sa justesse, c’est tout. Pour voir un visage, le voir vraiment, on s’interdit de le décrire et contre toute attente le voici, il nous regarde.

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre