Effrois et merveilles
Walter Benjamin (1892-1940) ecrivain et philosophe allemand vers 1934 --- Walter Benjamin (1892-1940) german author and philosopher c. 1934
Quel parti adopter quant à nos congénères, certain jour on les trouve tant effrayant, un autre si merveilleux. C’est que l’on veut savoir sur quel pied danser, mais, si on regarde bien, attentivement en bas, les deux sont nécessaires pour ne pas choir
Et pourtant ce qui m’a gâché le commerce d’autrui fut de vouloir quérir une position ferme inébranlable , mais inconfortable, d’échassier que jamais ne su trouver.
Un jour ils sont horribles, insupportables, tandis que l’autre on dirait des saints descendus d’un tableau sur Terre.
C’est étrange chose que de se rendre au fait une bonne fois pour toutes et de s’apercevoir qu’aucun n’y est pour rien en l’effroi comme en la merveille ; que ces visions, ces ressentis, ces pensées sont surtout affaire d’humeur et de glande personnelles.
Sinon, en règle commune, il n’y a guère que spectres ou fantômes dans ce lieu de rêves et de cauchemars, et on se sera trompé de sens encore sur l’idée du vif et de l’inerte. A croire que nous sommes tombés bien bas ici pour ne cesser de s’égarer d’errer sans relâche chacune chacun, et surtout soi entre la merveille et l’effroi.
Walter Benjamin dans un texte , "bel effroi" dans images de pensée évoque ce que j’éprouve parfois vis à vis des foules
"Cette foule amortie n’attend-elle pas un désastre suffisamment grand pour faire jaillir de sa tension des étincelles ; incendie ou fin de monde, quelque chose qui retournerait le chuchotement velouté de ces mille voix en un unique cri, comme un coup de vent découvre la doublure écarlate du manteau ? Car le cri retentissant de l’effroi, la terreur panique est le revers de toute véritable fête de masse. Le léger frisson qui court sur d’innombrables épaules en est le fiévreux désir. Pour l’existence inconsciente la plus profonde de la masse, les réjouissances et les incendies sont seulement un jeu qui la prépare à l’instant de son émancipation, à l’heure où panique et fête se reconnaissant comme des frères après une longue séparation s’étreignent dans l’insurrection révolutionnaire "
Pourtant lui comme moi appartenons bel et bien à la foule, nous faisons partie de l’expérience.
Donc essayer l’indifférence à l’effroi comme à la merveille si elle fut une piste suivie très jeune, trop jeune fut une piste peu facile à tenir, c’est à dire insoutenable de désirer garder, perpétuellement, un œil sur soi, pour tenter de démêler ce qui appartient aux autres ou à soi comme projection, comme cinéma. On ne peut pas dissocier les choses ainsi, on ne peut pas s’écarter à ce point sous peine de disparaitre totalement des cartes soi-même.
Tout cela est un jeu. avant d’être un Je. Une fois qu’on y est entré, difficile, voire impossible d’en sortir sinon les pieds devant.
Ensuite en sortir il faudra bien mais comment, bonne question
Avec brio, avec regrets et remords, fierté honte, culpabilité ? Avec de la morphine ? C’est accorder bien trop d’importance encore à sa propre idée d’importance que d’y songer.
On pourrait se raccrocher à une bouffée d’innocence, se dire qu’on partira comme on est venu, aussi ignorant à la fin qu’au début des choses de ce monde. Que tout ne fut, de ces pensées surtout , qu’un vaste brouillon impossible à mettre en ordre parce qu’avant tout le vain nous en empêche, ou nous en sauve.
Parfois je me dis que toute mon errance ne provient que de m’être illusionné beaucoup, bien trop, sur l’idée d’une stabilité qui n’existe pas et qui ne peut exister, la stabilité comme une éternité, un Eden privé, que je n’aurais fait qu’inventer. Ou répéter bêtement comme d’autres se l’étaient répété depuis la nuit des temps. Une stabilité qui un jour est une merveille, l’autre le pire des effrois. Il est même fort possible que je ne sois pas tout seul dans cette erreur cette déception, que le plus mauvais dictateur le plus idiot des tyrans, qu’ils se tiennent à mes côtés au même titre que littérateurs, musiciens, poètes, et peintres évidemment.
Une réunion d’illusionnés pris entre deux feux que sont certitudes et doutes, espoir et déception, des homoncules de tout acabit dont les rêves, les cauchemars tournent en spirales en tourbillons autour de concepts d’idées, de mots d’images pour passer le temps s’étripant ou se flattant à propos d’inepties comme ce l’on dit être beau ou laid, le faux ou le vrai.
Cela fait partie de ces évidences si évidentes qu’on ne les voit que tard quand on ne peut plus grand chose faire.
Sinon rire de soi mais gentiment car dans le ridicule enfin tout le monde doit tôt ou tard se rejoindre bien, une belle et bonne fois au moins, pour comprendre toutes les autres qu’on n’a pas vues et qui tout à coup, ô merveille ô effroi on voit.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}