import
import
La liberté, l’art de savoir choisir.
Photo de Abhinav Goswami sur Pexels.com Tout à l'heure je repars pour une longue journée de stage dans une MJC. Je réfléchis au temps en ce moment, à comment j'utilise mon temps, et dans quel but ? Comme tout le monde ma priorité est de faire face aux factures évidemment, avec la peur qui accompagne souvent le fait, qu'en tant qu'indépendant, je ne peux jamais vraiment savoir quel chiffre d'affaire je vais réaliser mensuellement. C'est la raison pour laquelle j'ai conservé un job d'enseignant. En raison de la trouille. Parce que je ne suis jamais certain que le fruit de la vente de mes œuvres me permettra de faire face aux factures. Et je m'aperçois que c'est à double tranchant évidemment. Car il est difficile de se donner l'espace et le temps nécessaire à la création, à la recherche, à la rêverie et en même temps d'orienter ses pensées vers quelque chose de très pragmatique comme l'enseignement. J'ai tenté de me dire que c'était juste une organisation à trouver. Un emploi du temps à bien définir. Mais en fait ce n'est pas si simple, l'énergie dépensée dans l'une ou l'autre de mes activités n'est pas inépuisable. Ce qui au bout du compte finit par nuire à tout l'ensemble. Comme d'habitude j'oscille entre deux états : l'enthousiasme et la dépression. Je suis enthousiaste lorsque je parviens à dépenser mon énergie dans un sens utile et déprimé lorsque je m'aperçois que je ne suis pas parvenu à le faire. Si j'analyse d'un peu plus près les véritables raisons qui font surgir l'échec, la déprime, je ne vois qu'un problème de timing, d'organisation en premier lieu. Et surtout je m'accable tout seul, je ne rejette pas le problème sur des conditions externes. Ce qui au bout du compte me renvoie à la notion de responsabilité ou plutôt d'irresponsabilité. En même temps cela me demande une dose d'abnégation pour suivre sans broncher la moindre "to do list" que je pourrais inventer et qui parfois me gonfle, me fait ruer dans les brancards. Comme si soudain l'ouvrier et le patron, qui sont en fait une seule et même personne, entraient en conflit. Il est même à craindre que nous ne soyons pas que deux, il y a aussi l'architecte qui a une vision à plus ou moins long terme et qui lui ne se soucie que de rêver l'avenir, d'élaborer un projet à la minute, pour le remettre ensuite à toute l'équipe qui évidemment reste éberluée parce que ce genre de projet, ne tient pas compte de la réalité le plus souvent. Il n'y a pas de marche à suivre, pas d'étapes clairement définie, par d'énumération de moyens, tout est flou, un véritable merdier. Donc au moins 3 personnes dans cette équipe. Qui est le foutu patron de cet équipe, c'est la question ? Si je dis moi je fais rigoler tout le monde. Parce qu'évidemment tout le monde s'appelle moi dans cette équipe. Et tous ces moi sont enchainés les uns aux autres, ils ne possèdent pas de recul, pas de discernement. Chacun tire la couverture à lui et parfois elle se déchire. Donc il faudrait une entité au dessus de tous ces je qui leur attribuerait une casquette de couleur pour mieux pouvoir les identifier dans un premier temps. Toi l'ouvrier tu seras vert Toi l'architecte tu seras bleu et toi le patron tu seras rouge. —Oui c'est bien joli tout ça dit l'ouvrier mais c'est encore moi qui vais me taper tout le boulot — euh non tu te trompes dit l'architecte sans moi tu n'es pas grand chose, c'est moi qui te fournit les idées. — Bon bon calmez vous vous deux... je suis en train de réfléchir, dit le patron. De quoi vous plaignez-vous en fait ? Que voulez-vous vraiment ? — On voudrait bien savoir où on va dit l'ouvrier, parce que j'ai aussi une vie, une famille, je n'ai pas envie de passer toute la sainte journée à bosser pour toi, surtout pour ce salaire de misère ! — Moi je déborde d'idées et tu ne me donnes jamais l'occasion de les concrétiser dit l'architecte, c'est un véritable gâchis. — Ok ok je vous comprends, mais mettez-vous aussi à ma place dit le patron. Moi je dois faire face aux factures, je dois entrer tous les mois suffisamment de commandes, de fric pour que je puisse vous payer, poursuivi par cette angoisse. —Erreur magistrale , tu devrais courir dans l'autre sens andouille, car Quel est l'objectif de tout ça ? dit Dieu en allumant un feu dans le cendrier à cause d'une clope mal éteinte. Le cendrier ardent, vous noterez qu'il fallait le trouver...Dieu est fier comme un petit banc. Puis il ajoute : — Ok les gars je vais vous aiguiller, quelqu'un sait faire du café dans cette baraque ? et puis toi tiens file moi donc une tige, ça fait longtemps que je ne me suis pas encrassé les poumons. Dieu toussote, se racle la gorge, puis dit —vous êtes divisés parce que votre objectif principal n'est pas clair voilà la vraie raison de tout ce bordel. Donc la première chose à faire c'est de croire en l'unité, en gros : croire en Moi. Non pas ce moi ci, ce Moi là. Faites confiance arrêtez de vous égarer, de vous disperser, réunissez-vous autour d'une table, tiens celle-ci par exemple, asseyez-vous, il reste du café, et causons. Causons de la liberté car c'est le synonyme de l'unité qui elle même est issue du choix comme de la cuisse de Jupiter, c'est à dire encore Moi. Donc primo : chacun d'entre vous doit dire se qu'il veut vraiment à tout le monde. Quelqu'un doit tout noter pêle-mêle. Secondo trouvez parmi tout ce bazar ce qui vous réunit tous les trois. faite une liste réduite juste avec ça et enfin virez le reste ! Evidemment ça ne fonctionnera que si vous désirez à tout prix rester ensemble dans cette entreprise, sinon vous pourriez aussi vous virer les uns les autres jusqu'à ce qu'il ne reste plus comme toujours que Moi. Moi je n'ai hélas pas le choix, vu que je suis Dieu et que je suis en permanence la somme de tous les choix.|couper{180}
import
White hat, black hat
A l'époque où j'installais linux Red Hat sur ma bécane d'occase dans les années 90 je ne savais rien du pourquoi pas plus que du comment. Je voulais juste trouver une alternative à Windows. Les mises à jour à la chaîne m'emmerdaient royalement et cet impérialisme informatique, qu'il fallait supporter en sus des séries B à la con, en raison des quotas négociés par les chaines de télévision m'avait conduit à la rébellion. Mais Red hat, si je comprenais vaguement qu'on me causait de chapeau rouge, ne me disait rien de plus. C'est en écoutant hier une émission sur les stratégies SEO d'Olivier Andrieu que tout m'est soudain revenu. Lorsqu'il évoque les stratégies de référencement du futur, Olivier Andrieu évoque cette vieille affaire de chapeaux noirs et blancs. Dans cette histoire à la Star War il y aurait les Jedailles et des darkvadors qui s'affronteraient dans les années à venir. Sans oublier la puissance de l'A.I l'intelligence artificielle susceptible de damer le pion à un grand paquet de copywriters en utilisant mathématiquement la syntaxe sémantique ad hoc pour faire jouir les algorithmes gougolesques. Rester un white hat ne sera certainement pas de la tarte mais on peut aussi se dire que lorsqu'on a fait un choix il est bon de s'y tenir. Les chapeaux noirs proposeront un contenu de merde, ils inonderont le marché, choperont des gogos par milliers dans leurs mailles et le discernement viendra on l'espère par l'usure. C'est à dire après s'être fait baisé une fois ou deux en achetant compulsivement une merde de chez Ali express ou Wish qui vous explose à la tronche en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Chez les artistes c'est déjà en cours. Certains artistes passent déjà maîtres dans l'art du hashtag, dans le maniement des NFT, ils arrivent en prems dans les classements de Google, comme d'ailleurs les plateformes de vente d'œuvres d'art en ligne. Faut-il vraiment s'en inquiéter ? Faut-il s'inquiéter de l'utilisation de la magie noire en matière de SEO chez les artistes ? Bof j'aurais tendance à dire. Il y a toujours des gens qui vont acheter de la viande chez le boucher, du pain chez le boulanger, des boutons chez la mercière. Ce n'est pas parce que le village est cerné de grandes surfaces que tout le monde s'y rend comme à l'abattoir. Même chez les démunis qui normalement constitue le gros de leur clientèle, un sursaut de dignité ou d'intelligence est susceptible de se produire. Et avec un peu de réflexion on peut aussi comprendre qu'il vaut mieux patienter un mois de plus, voir deux, pour acheter une paire de godasses digne de ce nom, un peu plus chère certes, mais qui durera plus longtemps. Exactement pareil pour les œuvres d'art. J'ai été faire un petit tour sur la plateforme ETSY. Mon Dieu pincez-moi si je rêve... des œuvres peintes à l'huile à des prix cassés qui, à première vue, me font bondir. Puis je zoome, j'agrandis, je regarde et je me dis bon ouf je comprends à ce prix là le mec s'est vraiment pas cassé le cul. Il y a juste l'effet "flash" nécessaire à faire saliver le badaud. Pour répondre à ses besoins compulsifs. De là à vivre avec une telle œuvre accrochée au mur du salon durant des lustres ... perso ça me déprimerait, déjà que je le suis pas mal en général déprimé par un peu tout. Donc attention il faut réfléchir prenez un doliprane et une assurance vie. La différence entre un artiste libre et ce genre de peintre qui fourgue ses toiles à bas prix sur des plateformes pareilles, il faut tout de suite la saisir, ne pas soudain s'engager dans l'ambiguïté. ça n'a absolument rien à voir. Ces mecs là font de la peinture à la chaine de la peinture décorative, qui répond à un besoin du public bien sur et qui est de décorer sa maison. Rien à voir avec un véritable collectionneur d'art. Autre ballade, dans les chiffres cette fois, sur les intentions d'achat d'œuvres d'art classées par tranche d'âge. Et l'apparition d'un nouveau mot pour moi : les millenials Je vous donne ici une définition du mot "Les Millenials sont des individus devenus adultes aux environs de l’an 2000. Une génération de consommateurs mais aussi de gens de pouvoir, il parait par exemple qu’un Millennial gouverne la France. Alors, les Millenials sont nombreux – 2 milliards, à la louche. En Chine seule, ils sont 400 millions. Mais précisément, ils sont tellement nombreux qu’il est évidemment impossible de leur conférer une quelconque homogénéité, et c’est cela le paradoxe : depuis quand avoir le même âge veut dire se ressembler ?" ( une émission France Culture ) Donc parmi les critères les plus importants qui vont pousser un millenial à acquérir une œuvre d'art arrive en pole position, sans surprise, l'appât du gain. Evidemment celui est bien planqué dans un écrin de "bons sentiments" comme par exemple aider la culture, montrer qu'on est une gentille personne, avec du gout et tout et tout. Mais quand même le placement financier est prioritaire faut pas déconner. Ceux là ne vont pas s'abaisser à aller acheter une œuvre produite en série chez Ikea vous voyez. Donc imaginez que vous soyez un chapeau noir, un de ces fameux black hat... comment vous y prendriez vous pour qu'aussitôt qu'un de ces millenials cherche sur google une bonne affaire il tombe sur votre site, sur vos œuvres ? Et bien il faudra l'attirer tout simplement avec les bonnes expressions, les bons mots clefs, mais attention avec finesse, subtilité évidemment, en reconstruisant le même écrin de bonnes valeurs, de bons sentiments, qui fera de lui presque une sorte de mécène afin de ne pas trop montrer qu'il n'est qu'un agioteur et pas grand chose de plus. Comment s'y prendra alors un artiste White hat avec la même cible allez vous me demander ? Et bien un artiste white hat ne sait même pas qu'il existe une population de vieux jeunes dont fait d'ailleurs partie le président de la république française qui ne pense qu'au pognon sous couvert de bonnes manières. D'ailleurs il s'en fout complètement l'artiste white hat, lui il montre son travail, le partage, se fait copier par des chinois ou des balinais et ses œuvres se retrouvent chez ETSY, légèrement modifiées pour des raisons de référencement encore, pas des raisons morales. Car la duplication, google dit que c'est très mal et qu'il ne faut pas le faire.|couper{180}
import
Se laisser dévorer
Elle est revenue, je ne me rendais pas compte. Tout à fait le genre d'évidence qu'on ne saurait voir d'emblée. Cette ombre furtive qui entre dans le champs de vision et que l'attention ne parvient pas à identifier. L'attention se dresse comme un serpent prêt à mordre ou à cracher puis son long cou retombe mollement dans la torpeur. Et cela plusieurs fois par jour, par nuit, Comme une image subliminale répétée. Cette bête qui incarne toute l'horreur de mon enfance, la bête du Gévaudan. Elle ne semble attendre que ma lassitude, que je me couche et abdique. Alors elle arrivera comme d'habitude, rapide comme l'éclair, montée sur des patins à roulettes. Mon regard soutiendra son regard vide, je remarquerai encore une fois la bave qui perle de ses babines, sa longue langue rouge, et puis ces dents, acérées et blanches, seule clarté dans toute cette noirceur. Et alors je me laisserai aller, je capitulerai encore une fois, chair, muscles, nerfs, tendons abandonnés à l'avidité de sa faim si étrangère en apparence à la mienne. Je me laisserai dévorer. Depuis une bonne semaine tout s'accumule. La guerre, la mère Michèle qui a perdu son chat, l'embrayage de la Dacia qui lâche, une mise en demeure de la Cipav, l'ongle de mon petit doigt qui casse, et pour couronner le tout, dans les parterres, l'arrivée des premières jonquilles, et cette sensation bizarre de ne pas se sentir prêt pour accueillir le printemps, d'être "out". J'ai déjà parlé de ma nausée du bleu qui aura surgit aux alentours du début de février, voilà que désormais j'en veux au jaune des jonquilles. comme s'il fallait absolument que je m'accroche désespérément à une hargne pour enjamber les journées et les nuits blanches. Sensation d'être résidu, suif, relique des chaleurs qui refluent. Il m'arrive d'avoir froid aux pieds de plus en plus souvent alors que je ne connaissais pas cette sensation. J'ai toujours eu les extrémités bouillantes merde ! Impression d'être un météore en train de se refroidir et dont la chute de température , liée à la perte d'énergie de vitesse, comme d'agilité, esseule jusqu'au centre même de son noyau. Jusqu'à devenir aussi glacé que l'environnement au sein duquel il file, oh le beau mariage, oh la belle union ! ce sont les retrouvailles du froid avec ce qui l'a un jour produit. De bien tristes épousailles sans aucun témoin, sans lune de miel sans jarretelle ni petit bouquet, pas plus que la moindre dragée à jeter aux chiens. Vue hier dans le grand parc qui s'étend au delà des baies vitrées de la MJC une nappe , que dis-je, une déferlante de pâquerettes et de violettes qui me laisse encore pantois. La surprise du printemps encore, comme l'arrivée de cette bête sur le seuil de mon enfermement. Vient t'elle me délivrer ? Vient t'elle m'achever ? J'ai l'intuition très forte qu'il ne faut pas résister cette fois ci. Juste fermer les yeux, prendre une bonne respiration comme lorsqu'on s'enfonce dans un liquide quelconque en apnée. Se laisser dévorer par l'altérité tout simplement puisque sans doute ce sera la seule preuve tangible, réellement réelle qu'il ait pu y avoir quelque chose ou quelqu'un qui ne fut pas, depuis l'origine du tout, seulement moi. Se laisser dévorer comme on se laisse aller à genoux, dans une vraie prière et voilà tout.|couper{180}
import
Abstraction et démarche artistique.
"Sans titre n°7 (Orange et chocolat)", Mark Rothko 1957 (Collection Kate Rothko Prizel & Ilya Prizel ) Invoquer la paresse serait faire référence à la honte, voire à l'imposture ou à l'illégitimité du statut d'artiste-peintre lorsqu'il s'agit d'expliquer une démarche artistique en général, et dans le domaine de la peinture dite "abstraite" en particulier. Je pourrais facilement me dire que je peins des toiles abstraites faute de mieux. Parce que je suis infichu de créer une composition figurative qui ait un sens suffisamment solide pour que je n'ai pas à le remettre en question le jour suivant. C'est à dire avouer ouvertement la carence qui est la mienne en ce qui concerne le sens en général. Ce fameux sens, ou thème, qui ne me renvoie jamais à autre chose qu'une opinion. Opinion personnelle sur le monde que je trouve stérile lorsque j'y pense seul, et qu'il ne servirait à rien de vouloir propager. C'est cet obstacle que je ne parviens pas à franchir dans la peinture figurative et qui me renvoie aussitôt à l'abstraction, à l'espérance qu'elle m'offre quant au mystère, à l'inconnu, à l'étrangeté. C'est à dire à quelque chose que je ne peux pas définir vraiment. Que je ne veux pas non plus définir dans le fond. L'abstraction est une issue de secours. Elle me permet de m'évader de la dictature du sens. Et en cela elle me propose une nouvelle opinion qui se rapproche plus de l'idée que je me fais de la liberté. Car si pour beaucoup de personnes profanes peindre des toiles abstraites c'est en gros faire "n'importe quoi" et comme je l'ai à un moment de mon parcours cru moi aussi, il n'en est rien. Ce n'importe quoi c'est juste un lieu non indiqué sur une carte. Il n'y a pas de pancartes, pas d'indications claires, aucune signalisation pour pouvoir s'y rendre en toute certitude, en toute sécurité. Il faut tout fabriquer soi-même, y compris l'exigence, les règles, le cadre, tout le tutti. Donc parler d'une démarche artistique dans ce domaine est une gageure. Car c'est souvent par la plasticité des formes, la juxtaposition des couleurs choisies en amont et travaillées sur la palette que l'expression surgit dans l'immédiateté du geste pictural. L'intention se découvre en aval. Car beaucoup d'inconscient vient se poser là qu'il faudra ensuite prendre le temps de regarder, tout en évitant les interprétions faciles, les fameux clichés. Et au bout du compte s'éloigner de plus en plus de ce besoin de donner un sens, qui ressemble beaucoup trop à vouloir contrôler, maitriser, s'accaparer, par le discours, le verbiage ce qui est offert en silence. Il y a quelque chose de proche des mathématiques, de l'élégance mathématique dans ce que j'imagine être une bonne toile abstraite. Je dis cela et en même temps paradoxalement j'ai toujours été rétif à l'école justement dans cette matière. Parce que je crois qu'on en a fait un critère de sélection pour mesurer la capacité à obéir aux exigences du monde du travail. Dans ma jeunesse être "bon en maths" signifiait qu'on gagnait la possibilité de suivre une voie plus royale qu'une autre, d'accéder à des possibilités d'études et d'emplois par la suite qui nous feraient atteindre le haut du panier. Je crois que mon rejet des mathématiques dans ma scolarité est tout bonnement une position politique dans laquelle ma naïveté m'aura installé. Mes parents n'avaient pas les moyens de m'aider en mathématiques. Ils en ignoraient à peu près tout. En revanche je comprenais que les enfants des classes plus aisées se nourrissaient du partage des connaissances que leur famille leur transmettaient, que cela les étayait et ce sans même qu'ils en fussent conscients. Je me souviens de leur arrogance lorsqu'ils recevaient leurs copies avec " pff encore un 18 ou un 19/20" alors que je ne produisais que de très maigres résultats. J'avais honte d'appartenir à une classe de la société qui ne savait rien des mathématiques et cette honte provoquait une colère, un ressentiment exactement comme je l'avais ressentie chez mon père notamment. Du ressentiment certes ... mais le désir de s'accaparer un savoir hors de portée aurait pu en jaillir, si une sorte de fatum ne l'avait pas empêché. Je me souviens très nettement des propos de mon père lorsque je disais "je serai artiste" j'aurais très bien pu dire je serai mathématicien, il m'aurait dit la même chose — Tu n'y arriveras pas. Parfois je me demande pourquoi je ne suis pas mathématicien si le but avait été de vraiment m'opposer et en même temps prouver quoique ce soit à mon père. Cependant je n'ai jamais perdu de vue cette idée d'élégance mathématique. Parvenir à résoudre des choses compliquées en cherchant la forme la plus simple et la plus belle en même temps. C'est ce que j'ai fait avec la peinture abstraite je crois, cependant que je ne peux pas dire que je suis arrivé au but. Très peu de toiles finalement peuvent rivaliser avec la plus simple des équations en matière d'élégance, de beauté, de simplicité. Comme très peu de toiles peuvent rivaliser avec un vers de poésie. C'est que j'ai une exigence très haut placée, sans doute beaucoup trop. Ce qui entraine souvent ces crises après de brèves périodes d'enthousiasme. Et bien si l'on veut vraiment parler d'une démarche artistique personnelle dans le domaine de la peinture abstraite il convient de dire que ce qui se passe sur la toile est l'exact reflet de ce qui se passe dans la tête du peintre. La tentative souvent vouée à l'échec d'atteindre à l'élégance, au simple, en créant un univers qui n'a pas de sens commun à priori. Un univers qui est dans attente d'un sens à venir. Que ce sens vienne ensuite de la bouche du peintre ou d'un lointain descendant dans l'avenir, peu importe. C'est là le secret de bien des mystères qu'avec ma peinture je tente de percer, en allant de défaite en défaite. En ôtant à chaque fois un peu plus de sens inutile, pour regagner des territoires vierges.|couper{180}
import
Une tête mal faite, n’est pas à la fête.
Evidemment l'expression une tête bien faite me rend nerveux. Le genre d'outil usiné d'une industrie du luxe, pour ne pas dire de l'inutile. Car évidemment on a toujours l'utile que l'on mérite. Cette inutilité là de l'utile, pour moi précisément. C'est ce qui fait penser à un rebelle. Moi Rebel me fait penser à une moto, chacun son truc. J'ai une tête mal faite, et je ne suis pas à la fête. D'ailleurs je déteste toujours autant les fêtes. Faites donc, mais après vous, je vous en prie et vous en conspue en prime. Mais tout de même... ce serait quoi alors une tête bien faite ? On ne parle pas d'esthétique ici, que les influenceuses prennent leur guiboles à leur cou, et détalent. On parle de ce qui peut y avoir à l'intérieur. Tu remues et tu sens que c'est bien plein comme une noix de coco. Plein de lait blanc. Une tête bien faite inspirerait confiance comme le lait blanc. Sauf que du lait de noix de coco si tu en bois de trop bonjour l'addition. Tu te retrouves vite aux vécés ( fermés de l'intérieur) à en baver des ronds de chapeau à déféquer. Non mais laissez-moi tranquille avec les têtes bien faites, les réduites, celles en forme de nœuds Et si ma tête ne vous revient pas, tant pis Allez donc voir là-bas si j'y suis. ça se serait pour le coup une vraie fête.|couper{180}
import
Autour de la démarche artistique ( épisode 2)
L'ambiguïté des discours Je me souviens de cette histoire de "projet professionnel" que le type de l'APEC m'avait vendue. Une histoire à dormir debout. Avec bilan de compétence, examen du fond de l'œil, et bien sur du fond de culotte. Tous les projets de restructuration ont comme dada le fameux projet professionnel. On fait croire aux salariés, employés et cadres que grâce à ce passage obligé, l'herbe des pelouses des bureaux de placements sera plus verte. Mais en fait ce n'est pas autre chose qu'un pansement sur une jambe de bois, pour les milliers de personnes qui se retrouvent sur le carreau après un licenciement. Très peu peuvent en tirer un bénéfice. Il en va de même pour la fameuse démarche artistique qui représente un passeport entre l'univers des peintres dits amateurs et ceux qui s'engagent dans une carrière "pro". Les galeries, du moins les rares qui subsistent et qui sont dignes de cette appellation chérissent cette démarche artistique. Cela leur permettra le cas échéant d'avoir quelque chose à dire à leurs clients si vos œuvres sont retenues et exposées. Comme s'ils ne pouvaient pas échanger en vis à vis avec leurs artistes, discuter du pourquoi, du comment, de vive voix, par téléphone, par email, par visio... Non, l'élaboration d'un document intitulé démarche artistique sert à bien plus de choses qu'à celles auxquelles on penserait. C'est en premier lieu un outil de sélection. Soit tu en as une soit tu n'en as pas et ciao l'artiste. Ensuite tu peux te creuser le ciboulot en tant qu'artiste évidemment. Tu peux te dire ah zut, comme cela semble obligatoire, il faut absolument que je fabrique cette démarche artistique. C'est là en général que les conneries commencent. Au mieux tu risques d'avaler beaucoup de café, au pire de te retrouver avec une camisole de force, complétement cinglé. Surtout si tu es comme moi un sauvage qui la plupart du temps s'exprime par des hochements de tête, des borborismes et des reniflements. Là tu peux être sur que ça ne va pas être une sinécure. C'est quoi dans le fond une démarche artistique ? Certains artistes n'en ont qu'une et ils s'y accrochent toute leur vie. D'autres en changent une fois par mois suivant les thématiques qu'ils ont envie d'explorer. Rien n'est donc à priori gravé dans le marbre. Cela peut tenir en un ouvrage de 500 pages où on te raconte tout dans le menu depuis la première bledine avalée, ou en quelques lignes sur une page A4. Il faut qu'il puisse y avoir un pourquoi c'est l'essentiel. C'est ce qui rassure ou qui plait parce qu'on a l'air d'en savoir plus tout à coup, de devenir intelligent devant les œuvres d'un artiste. Mais à la vérité et surtout, d'après ma propre expérience, ni le bouquin de 500 pages pas plus que le petit paragraphe ne rendront compte vraiment de quoi que ce soit sinon de l'art de se faire des nœuds au cerveau. La vérité que je perçois dans cette exigence à peine dissimulée de la part du marché de l'art c'est une affaire de positionnement. A qui je vais pouvoir vendre ton travail ? Quel type d'artiste es tu ? Combien ça peut valoir en euros ? Comment un malentendu peut rendre l'ouïe ? En découvrant cela je suis devenu dur de la feuille presque aussitôt. De plus je m'étais abonné à un collectif d'artistes parce que j'avais besoin de comprendre comment utiliser internet et les réseaux sociaux pour montrer mon travail correctement. L'une des premières formations proposée par ce collectif, était je vous le donne en mille : Comment parler de sa démarche artistique... Les difficultés ont alors commencées. Il en allait de ma vie d'un seul coup, soit j'étais capable d'aller chercher dans le tréfond de moi-même le ressort qui me poussait à peindre, soit je n'y parvenais pas et je n'avais plus qu'à rejoindre la longue cohorte des peintres du dimanche, ou des artistes maudits selon l'expression consacrée de not' bon maitre. ( clin d'œil en passant s'il lit ces lignes) Bref j'ai confondu démarche artistique et psychanalyse carrément au bout du compte. J'ai fait très fort. Et du coup de sourd et obtus je me suis mis à tendre de plus en plus l'oreille et à m'ouvrir à de multiples possibilités. Non pour élaborer le fameux document. Non pour essayer d'expliquer ma peinture. Non pas du tout, mais pour écrire. Je m'en suis d'ailleurs donné à cœur joie. Et les 500 pages paraissent tout à coup fort ridicules par rapport à tout le contenu de ce blog qui doit désormais dépasser les 2000 textes. Ce que j'ai très bien compris aussi c'est cette affaire de positionnement liée à cette notion de démarche artistique. Personnellement j'ai largement dépassé la date de péremption pour être accepté par une galerie, une vraie, dans l'état du marché actuel. Les collectionneurs n'investiront pas sur mes tableaux des sommes folles. Et tout bien pesé c'est tant mieux car cela m'ennuierait vraiment d'être sollicité de toutes parts, d'assister à des mondanités et des discours creux la plupart du temps. Le positionnement que j'ai choisi c'est celui de rendre mon art accessible au plus grand nombre. A tous ceux qui aiment mon travail sans avoir besoin de l'expliquer en long en large et en travers. L'âge me permet de me foutre totalement de nombreux miroirs aux alouettes, toute ma démarche artistique finit de plus par ressembler comme deux gouttes d'eau à mon existence, au pourquoi je ne me suis pas encore pendu ou défénestré ou gavé de Lexomil. Je profite du plaisir que j'éprouve à découvrir de nouvelles choses chaque jour en peinture comme je profite du plaisir de vivre tout simplement.|couper{180}
import
Refuge
Il n’y a que lorsque j’agis, lorsque je ne m’oppose pas à l’énergie qui monte du trou du cul, lorsque je ne la tartine pas de contrôle, de maîtrise, de pensée, que je suis en paix. L’activité est le refuge. Mais pas n’importe quelle activité. Le plus souvent ce qui est considéré par le groupe imaginaire qui m’envahit comme la plus inutile de toutes les activités : écrire ou peindre, qu’ils appellent branlette ou « faire de l’art » avec ce petit sourire entendu Une pure perte de temps alors que je ferais bien mieux de faire mes « devoirs », de travailler dur pour obtenir de bonnes notes à l’école, de bons résultats en entreprise. Et en fermant ma bouche s’il vous plait, sans maugréer ni ricaner surtout. C’est à dire sans étaler de façon absolument inconvenante toute mon impuissance à la plus petite occasion. Certains ont besoin des autres pour confectionner leur refuge. Ce qui correspond plutôt pour moi à un enfer. Agir seul de préférence sans même moi, sans toute cette panoplie de simagrées humaines que constitue sans relâche ce moi, n’est-ce pas le plus beau de tous les refuges que je me serais inventé… Comment parler de ce vernissage ? De cette solitude augmentée comme une note qu’on pousse à l’aide du petit doigt ? Il y a là un vieux peintre dont l’atelier se situe à quelques pas de la librairie. Sympathique et presque jovial. Presque, car aussitôt je sens venir le coup fourré. Certains n’en loupent aucune, de ces occasions d’attirer l’attention, de la siphonner toute entière., c’était évident, prévu au premier coup d’œil. Si je n’avais pas ce poids sur le cœur d’avoir perdu Lola, je pourrais sûrement en sourire. Mais ce n’est pas le cas, cette perte, cette absence me replace dans une vulnérabilité aiguë, une plaie à vif qui fait de chaque instant une possibilité de mort. Ce vieux peintre n’y est pour rien sauf d’être ce qu’il est tout à fait en dehors de ma vision. Et Georges qui s’en entiche, et qui les entraîne au restaurant où nous devions déjeuner pour fêter ensemble l’événement. Je me suis retrouvé en bout de table, quoique j’imagine bien, par dépit, avoir décidé par défaut de parvenir justement à ce bout de table. A bien me souvenir j’ai dit : allez-y , asseyez-vous , en attendant que tous aient choisi pour me contenter de la place restante. Pendant tout le repas je n’ai pas cesser de me demander ce que je foutais là alors que ma chatte était quelque part, dans le froid, et à me dire : qu’à t’elle bu qu’à t’elle avalé depuis quatre jours ? Est-t’elle en vie encore ? Rien ne tenait face à cela. Ma méchanceté seule me sert de béquille. C’est ce vieux peintre qui en prend pour son grade. Et vas-y que je te montre mes grands formats sur New York quand j’étais sans le sou et que je peignais a même les quais du « subway » et là c’est moi aussi, c’est toujours moi au beau milieu d’un Caravage en noir et jaune et t’as vu j’ai fais fort je me suis fait la gueule de Raimbault… Georges biche, exulte, moi je sors pour fumer j’ai mon compte. A la fin du repas il entraîne tout le monde dans son atelier qui, surprise prévisible, est justement en face. Trévoux, joli village, une ballade en passant par la petite rue Casse-cou dont sans doute on a oublié par pudeur d’écrire la fin du mot. Casse couille me dit mon épouse à l’oreille, on rentre ? On a salué tout le monde en disant comme c’était bien, quel magnifique moment et cela aurait probablement été vrai si je ne portais pas un âne mort.|couper{180}
import
Ne te prends pas la tête
Photo gratuite comme la méchanceté des hommes — Ne sois donc pas entêté, laisse tomber la neige, un chat de perdu aucun autre de retrouvé et alors ? et tant mieux pour partir en vacances, plus besoin de chercher quelqu’un pour lui servir le boire et le manger… alors quoi ? tu vois, toute situation même à priori mauvaise à du bon n’est-ce pas ? — Ta gueule ! j’ai répondu et j’ai tourné les talons, je suis parti dans les collines, il faisait super froid et le ciel était d’un bleu irréel, bleu comme l’âme hors. Pour retrouver la solitude de l’enfance le sas est souvent la méchanceté, elle est chez moi, en moi, de la même nature que celle du serpent à sonnette que le badaud dérange en lui marchant « sans le faire exprès » sur la queue. C’est une méchanceté réflexe. Et s’il y a une chose que je déteste le plus au monde c’est l’inattention, mais cela n’est encore rien par rapport à ce qu’elle déclenche lorsque je la surprend en moi-même. Alors là vraiment j’en bave des ronds de chapeau. Je suis mon meilleur tortionnaire, aucun de toutes celles et ceux que j’ai subis n’arrive à ma cheville, pas plus qu’à ma tronche. Cependant que je ne me résisterai pas, je finirai un de ces quatre par m’en abasourdir, à sombrer dans la plus noire des idioties. C’est une fatalité qui vient elle aussi tout droit du bleu, de cette effroyable sensation de bleu.|couper{180}
import
Autour d’une démarche artistique
Paysage d'Estonie L’intention première. D’où vient l’envie de peindre ? D’où vient l’envie ? Je dis « envie » mais est-ce le bon mot ? Il s’agit sans doute plus d’une nécessité, encore que je me méfie de tout ce qui est nécessaire, trop proche à mon gout d’un autre mot tout aussi suspect : l’essentiel. Peut-être qu’avec l’âge la prudence s’installe ainsi, et on se rend compte qu’on ne peut guère formuler que des hypothèses. De là aussi cette difficulté toujours renouvelée à m'établir dans une démarche artistique telle qu'on est sensé en attendre une chez les peintres. Peut-être que tout aura commencé en regardant ma mère peindre tout simplement. Elle devait posséder quelque chose, du talent certainement, mais c’est un mot d’adulte, enfant je ne connaissais pas encore ce mot, j’appelais plutôt cela le « pouvoir magique » de créer de si beaux tableaux. Et comme c’était ma mère et que j’étais son fils, il m’apparaissait aussi comme une sorte de dû que la peinture un jour, et surtout le talent de peindre devrait m’appartenir un jour aussi. L’histoire commence avant ma mère et moi évidemment. Le père de ma mère était peintre. Il s’était enfui d’Estonie peu après la révolution russe de 1917 et était devenu peintre de décors de cinéma dans les Studio d’Épinay sur Seine, en région parisienne. Peut-être que ma mère petite fille, tout comme moi, imaginait également que la peinture était un pouvoir magique dont il serait comme une évidence d’hériter. Peut-être mais nous n’en n’avons jamais vraiment parlé. Les évidences dans lesquelles nous espérons sont souvent silencieuses. Comme si les dire à voix haute les relèguerait soudain dans l’espace du rêve, du fantasme, de l’imagination. D’ailleurs je me souviens, lorsqu’en pleine nuit j’étais réveillé par un cauchemar, et que je venais demander de l’aide, elle me conseillait de le lui raconter immédiatement pour que jamais ce cauchemar ne puisse prendre pied dans notre réalité. Je n’ai jamais compris ma mère lorsque j’étais un enfant, pas plus que lorsque j’arrivais à l’adolescence, et encore plus tard à l’âge adulte. Et même lorsqu’elle disparu en 2003 emportée par un cancer, j’avais l’étrange sensation d’être passé totalement à côté de celle qui m’a donné la vie. C’était une femme complexe. Elle pouvait souffler le chaud et le froid quasi instantanément. Aujourd’hui on parlerait de « double bind », de double contrainte. Elle était capable de tout ce que je découvris peu à peu en moi au fur et à mesure des années. Dans le fond nous sommes depuis toujours exactement semblables, tellement que nous n’arrivions tout bonnement pas à y croire ni à l’accepter. Il n’y a pas que de l’amour, il y a aussi beaucoup de haine de part et d’autre dont la cause est cette ressemblance confondante. Dans le fond ce qui nous rapproche le plus ma mère et moi aujourd’hui c’est une solitude constituée par toute une série d’événements que nous n’avons pas vécus mais qui nous ont été légués. L’exil, et l’errance notamment. Un empêchement chronique à nous assimiler pour protéger une mémoire qui aurait menacé de s’effacer sans doute si nous étions parvenus autant elle que moi à ne pas tirer parti de cet empêchement pour construire un semblant d’identité. La peinture est donc un fil rouge qui nous relie tous, toute la partie Estonienne de la famille. Et en ce sens, je crois que j’ai détecté assez rapidement que je ne peignais pas parce que j’en avais envie, ni parce que la peinture était pour moi une nécessité vitale, mais bien plus parce qu’elle était une sorte de canal, de rituel, pour honorer les morts, pour leur rendre une forme d’existence, pour valider leur existence et par ricochet la mienne, si l’on veut. Évidemment je vous parle de cela à 62 ans je n’aurais probablement jamais eu le courage de l’exprimer ainsi si je l’avais découvert plus jeune. Il me serait apparu aussitôt une imposture. —Comment ? vous qui êtes un artiste, vous ne peignez pas parce que c’est votre nécessité ? N’avez-vous donc pas lu Rilke ? N’avez-vous pas lu « lettres à un jeune poète ? » Si bien sur je l’ai lu, plusieurs fois même. Avec un gout d’amertume dans la bouche car à l’époque j’essayais vaguement d’écrire des poèmes, des nouvelles, des romans, mais je n’y découvrais nullement de vraie nécessité. Je pouvais tout à fait vivre sans écrire une seule ligne. Comme je pouvais vivre sans poser une seule touche de couleur sur une toile. C’est que l’on cherche toujours plus ou moins une authenticité, une vérité intrinsèque, ou ontologique qui n’existe pas et que l’on doit un jour ou l’autre s’inventer tout seul. Puis la seconde étape demande d’oublier ce mensonge, d’y croire enfin comme la seule vraie réalité pour soi. Mais que se passe t’il lorsqu’on se souvient à chaque instant que cette croyance et un mensonge ? Lorsqu’on persiste dans cette croyance en l’honnêteté qui n’existe pas plus non plus…. Il se passe des années, il se passe un temps fou. Et dans ce temps nous ne cessons d’osciller entre le doute et la certitude envers cette intention première qui nous pousse à peindre. Heureusement le temps n’est pas constitué que de douleur, il est aussi constitué de plaisir et de joie, de la joie de découvrir, d’apprendre, de travailler, de travailler à se rapprocher de soi que l’on finit par découvrir comme postulat premier pour mieux se rapprocher des autres. Aujourd’hui je suis devenu professeur de peinture et je dis aussi artiste-peintre. J’en plaisantais encore il y a peu. Toujours cette sensation d’imposture qui ne me lâche jamais vraiment, et cette dérision de moi-même. Lorsqu’elle me flanque un peu la paix, je peux accepter d’être un artiste-peintre surtout lorsque je considère comment d’autres ne se gênent absolument pas le déclarer avec beaucoup moins de billes dans leurs poches. Mais quelles sont ces billes dont je parle ? Les années passées à enseigner ? la technique ? Les expositions que j’ai réalisées ? Les toiles vendues ? des billes comme des preuves d'autorité ? De quelles billes je parle pour me rassurer ? Ou plutôt pour ne pas évoquer le principal, le gros calot que j’ai dans le cœur ou l’âme, ce poids d’âne mort. Je n’ai pas ce désir de peindre comme je le remarque chez de nombreux peintres, jeunes ou moins jeunes. Je n’ai pas la passion de la peinture vraiment. Sans doute parce que je sais à présent ce que valent ces désirs et passions là, qui servent surtout à entretenir notre propre légende, à nos propres yeux et à ceux des autres. L’écueil fut la notion du beau je crois. Pour mon grand-père maternel et ma mère l’importance du beau était sans doute primordiale, c’était la fonction première de la peinture. Je ne saurais dire s’il y avait une véritable intention artistique autre que de créer de belles choses. Et longtemps j’ai crû que le seul but de la peinture était ce beau. J'en suis revenu. Ce qui m'intéresse désormais ce n'est pas tant le beau que ce qui pour moi le constitue, sa justesse. Evidemment, j'ai du mal dans le monde actuel. Mais ce n'est pas grave, j'ai accepté désormais tout un tas de choses, de perdre tout un tas de choses surtout pour m'engager dans cette idée de justesse, dans la vie et dans la peinture. La peinture dans ma famille sert aussi bien à s’extraire d’un naufrage qu’à mettre en place toutes les conditions pour en créer un autre, comme si la victoire finalement devait être une défaite. Toute victoire effectivement, en y regardant de près est une vraie défaite., mais justement la victoire n'est pas faite pour être regardée à la loupe, elle est comme un tableau, ça se voit de loin, la plupart du temps. C’est ce que l’on m’a transmis, que je n’ai pas su comprendre vite, ou plutôt peut-être que j’ai trop bien compris et trop vite.|couper{180}
import
Le dégoût de l’humain
Assister impuissant au évènements et observer ce qui se met en place. Faire face en silence à tous les avis, toutes les opinions et considérer le dérisoire global. Ce dérisoire qui par ricochet nous rend tous si dérisoires. Un élevage de poulets en batterie qui s’agite fébrilement à l’heure du gavage. Des informations que l’on nous rentre dans la gorge jusqu’à ce que la tristesse, la désespérance remplissent tous les vides… Comment pour s’en sortir ne pas tenter de s’accrocher au dégoût, le dégoût envers l’espèce toute entière, le dégoût de soi-même, de toute cette vanité humaine. Un fou ou un sage, peu importe, quelqu’un une fois a dit, fais ce que tu dois faire de ton mieux et cette simplicité ordonnera le monde tout entier. Cela semble aussi si dérisoire après la justesse avalée elle aussi. Pensées de mort ce matin qu’il faut pelleter pour arriver devant le chevalet. Trop lourdes et trop nombreuses. J’ai essayé de lire un peu de poésie comme un oiseau cherche du gras en plein hiver, mais tout glisse très vite, à peine une illusion de paix surgit elle que déjà elle disparaît. J’ai fait le tour du quartier encore et encore en pleine nuit et ce matin pour aller chercher mes cigarettes. Rien sauf les chants d’oiseaux qui ne me renvoient à aucune enfance. Le dégoût s’est logé profondément cette fois comme une écharde. Je peindrai avec ce dégoût de l’humain aujourd’hui , il doit lui aussi avoir ses secrets, un goût de café sans sucre un, je ne sais quoi, un presque rien, évènement parmi tous les autres. Il suffira d’être patient, d’attendre encore une fois de plus la fin des hiérarchies, et de laisser la couleur à son ouvrage. Huile sur bois 20x20cm 2022|couper{180}
import
Art pour hôpital, l’art utile !
artpourhopital.art.blog/|couper{180}
import
Préparation exposition 111 des arts
Ça y est je me suis enfin décidé à agir. J’ai envoyé le dossier pour le 111 des arts de Lille. Je devais le faire l’année passée mais je me suis pris les pieds dans les dates. J’avais pourtant travaillé sur le sujet, une vingtaine de petits carrés de format 20x20cm réalisés à l’huile et au couteau. Ce format carré que j’aime beaucoup utiliser, je n’y avais pas vraiment réfléchi en profondeur. Pourquoi le carré qui est sensé représenter une forme parfaite absolue dans son symbolisme ? Pour la briser d’une certaine façon. Et aussi pour tenter de trouver une issue si je peux dire à cette notion d’un absolu qui serait imposée. Trouver un espace de liberté au sein même de ce que je considère comme une sorte de fatalité, quelque chose qui tente de fuir l’implacable. D’ailleurs je pourrais aussi trouver des connexions avec le but de cette exposition qui est d’apporter un soutien aux enfants malades du cancer. Un écho tout à fait semblable à cette idée d’implacabilité de la maladie. Comment vivre avec celle-ci, sans rester figé, anéanti par son issue trop souvent fatale ? J’agis plus que je ne pense à certains moments lorsque je suis dans l’atelier. Il faut que je me place face à l’espace du support pour ne pas penser et peindre. Sinon je ne fais que penser et bien que je sache que cet état soit inutile, qu’il ne produira rien, je persiste à l’entretenir car c’est lorsque j’arrive à une saturation de la pensée que surgit le ras le bol et que je peux retourner devant mon chevalet. C’est un équilibre que j’ai appris à mettre en place douloureusement au début, car la douleur offre le réconfort du connu. Puis avec le temps, la répétition du processus on finit par comprendre à quel point les deux états penser/peindre sont en relation étroite. Je ne peux pas pour autant contrôler le processus. Quelque chose m’en défend. Car sinon cela deviendrait une routine vide. J’ai essayé, évidemment, pour atténuer la douleur surtout en devenir maître…mais du coup la spontanéité de la peinture en pâtit immédiatement et une seconde douleur comme le fantôme de celle que j’essaie d’ignorer interfère avec la qualité des mélanges, la droiture du geste. Il faut donc accepter. C’est toujours la même chose. Sauf que chez moi l’acceptation prend un temps interminable. J’ai toujours besoin de comprendre les tenants et aboutissants d’une chose pour l’accepter totalement. C’est sûrement la même chose avec le deuil. Ma chatte n’est toujours pas revenue. J’ai fait le tour du quartier, sonné à toutes les portes, je me suis débattu avec l’angoisse dans ce pâté de maisons en conservant un espoir qui ne me sert qu’à agir, à taper aux portes, à crier son nom avec en tache de fond cette notion de fatalité, d’inéluctable qui me sert de cadre. En attendant, en l’espérant je me réfugie dans mon atelier, dans le travail, dans ces petits carrés que je peins sans penser à rien au couteau. Voici une petite galerie constituée dans l’ordre de réalisation des travaux d’hier et de ce matin|couper{180}