synopsis
Germes d’histoires consignés rapidement : points télégraphiques, images brutes, fragments d’intrigue. Un réservoir où puiser pour écrire plus tard.
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L’art du mensonge
graine Un narrateur entend à la radio une affirmation brutale : « Les Juifs cultivent l’art du mensonge depuis la nuit des temps. » Intrigué, il veut vérifier la source. Il découvre un vieux rabbinologue qui lui remet un manuscrit en hébreu, qu’il prétend être une copie perdue du Talmud. Le texte semble confirmer, de manière ambiguë, cette idée : il y est écrit que « le mensonge, bien manié, est plus vrai que la vérité elle-même ». Le narrateur plonge dans l’étude du texte. Peu à peu, il se rend compte qu’il n’est plus capable de distinguer ce qui est vrai ou faux : ses souvenirs s’inversent, ses conversations se brouillent, ses propres écrits se dédoublent entre mensonge et vérité. À mesure que l’illusion progresse, il comprend que le manuscrit n’était peut-être pas un document juif mais une contrefaçon médiévale, conçue pour nourrir l’antisémitisme. Pourtant, trop tard : le mal est fait. Le narrateur devient incapable de vivre autrement que dans le doute permanent. Dans les dernières lignes, il note : « Je voulais débusquer le mensonge. J’ai découvert qu’il se loge dans l’accusation même qui prétend le dénoncer. Peut-être que le vrai art du mensonge n’est pas d’inventer, mais de faire croire que l’autre ment depuis toujours. » Sources, matières, références. L’idée d’un « faux manuscrit » présenté comme authentique, servant à tromper ou à inverser les valeurs, est un thème ancien qui a traversé la littérature, l’histoire des religions et le fantastique. Voici une cartographie : Antiquité & Moyen Âge Les pseudo-évangiles (apocryphes) : dès les premiers siècles, on a vu circuler des textes attribués à des apôtres ou prophètes, mais considérés ensuite comme faux → fascinant exemple de forgeries religieuses. Le Testament des Douze Patriarches ou le Livre d’Hénoch → textes jugés « falsifiés » ou « interpolés » par certains courants juifs et chrétiens. Les faux de la chrétienté médiévale : La Donation de Constantin (VIIIᵉ siècle) → faux document qui donnait au pape l’autorité politique sur Rome et l’Occident. Les fausses reliques, très fréquentes, qui alimentaient un imaginaire sacré. Renaissance – Lumières Érasme, Rabelais : évoquent les falsifications de textes antiques et religieux, en les tournant en dérision. Voltaire a beaucoup dénoncé les faux religieux ou historiques qui servaient de justification au pouvoir. XIXᵉ siècle Le Manuscrit trouvé à Saragosse (Jan Potocki, 1804) → faux manuscrit espagnol découvert par hasard, qui contient des récits enchâssés ; un jeu sur l’authenticité et le faux. Les faux médiévaux « retrouvés » : les romantiques se passionnent pour de prétendus manuscrits anciens (ex. le Chansonnier ossianique de Macpherson, présenté comme antique mais inventé). Gustave Flaubert, La Tentation de saint Antoine → dialogue avec des figures qui représentent parfois des mensonges transformés en vérités religieuses. XXᵉ siècle Lovecraft → le fameux Necronomicon, faux grimoire arabe attribué à Abdul Alhazred, qui devient plus réel que réel. Ici, le faux devient une entité littéraire autonome. Borges (ex. Pierre Ménard, auteur du Quichotte ou Tlön, Uqbar, Orbis Tertius) → tout un art du faux manuscrit, du texte inventé présenté comme authentique. Umberto Eco, Le Nom de la rose → toute l’intrigue tourne autour d’un livre perdu d’Aristote, dont l’existence est mi-historique, mi-fictive. Vladimir Volkoff, Le Montage → roman sur la désinformation, où les faux documents fabriquent des réalités politiques. Cas historiques liés aux Juifs Le Protocole des Sages de Sion (début XXᵉ siècle) → un faux antisémite fabriqué en Russie tsariste, présenté comme authentique, qui a alimenté des discours de haine. C’est l’un des exemples les plus terribles d’une contrefaçon utilisée pour accuser « les Juifs » de mensonge et de manipulation. Des critiques modernes (notamment chez Hannah Arendt et Norman Cohn) ont étudié ce faux comme l’archétype du document fabriqué qui contamine la réalité. En littérature fantastique H.P. Lovecraft → encore, car son œuvre repose sur des faux traités, faux grimoires, faux manuscrits (le Necronomicon). Stanisław Lem, Le Congrès de futurologie → jeux de falsifications, où les perceptions elles-mêmes sont truquées. Philip K. Dick → univers saturés de documents et réalités falsifiés (Le Maître du Haut Château). Plan narratif : Le Manuscrit de l’Art du Mensonge 1. Exposition (doute et curiosité) Le narrateur (chercheur, historien ou écrivain) tombe par hasard, dans une bibliothèque d’abbaye ou une collection privée, sur un manuscrit oublié, daté du XIVᵉ siècle. Titre : Ars Mendacii Hebraeorum (L’art du mensonge des Hébreux). Il apprend par les notes marginales que ce texte fut jadis interdit, brûlé, puis mystérieusement recopié par des moines. Le manuscrit prétend démontrer que, dans la tradition juive, le mensonge est une vertu — une arme subtile, un art ancestral. Le narrateur d’abord rit de cette absurdité, y voyant un exemple typique de propagande antisémite médiévale. 2. Développement (la contamination du faux) En traduisant le texte, il découvre des passages étrangement convaincants, où chaque citation biblique ou talmudique est retournée, altérée, faussée — mais avec une habileté qui le trouble. Le manuscrit donne aussi des « règles » du mensonge : comment le faire passer pour vérité, comment inverser la perception du réel. Peu à peu, le narrateur constate que ces règles fonctionnent dans sa vie quotidienne : il voit autour de lui des exemples qui les confirment (politiques incohérents glorifiés, imposteurs acclamés comme génies, mensonges repris comme dogmes). Sa propre mémoire commence à vaciller : des souvenirs personnels changent de couleur, il doute de ce qu’il a vu ou vécu. 3. Climax (le pouvoir occulte du mensonge) Une nuit, il découvre dans une annexe du manuscrit des invocations étranges, décrivant le mensonge non comme une faute morale, mais comme une force cosmique. Cette force, invisible, s’incarne à travers les siècles en textes falsifiés, en faux traités, en slogans. Le narrateur comprend que le manuscrit n’est pas qu’un faux antisémite : il est un vecteur, un canal d’une entité ancienne — l’Intelligence Inversée — qui se nourrit de la confusion entre vérité et mensonge. À mesure qu’il lit, le texte semble changer sous ses yeux : les phrases s’inversent, le latin se réécrit, comme si le mensonge lui-même le contaminait. 4. Dénouement (le choix impossible) Le narrateur est au bord de la folie : il sait que ce manuscrit est une falsification, mais il reconnaît en même temps qu’il contient une vérité terrible — celle que l’humanité préfère le mensonge à la vérité, et que cette préférence n’est pas humaine, mais imposée par une force au-delà du monde. Il hésite : détruire le manuscrit (au risque de perdre à jamais la preuve de ce qu’il a découvert) ou le conserver (au risque de répandre l’inversion). La nouvelle se termine sur une note ambiguë : Soit il brûle le livre, mais croit entendre un rire derrière lui, comme si rien n’était effacé. Soit il choisit de garder le manuscrit et de le recopier — devenant lui-même l’instrument de propagation du faux. Thèmes travaillés Inversion des valeurs : le faux devient plus réel que le vrai. Pouvoir des textes : un document falsifié peut traverser les siècles et contaminer la pensée. Ambiguïté morale : même en dénonçant un faux, on lui donne corps. Héritage historique : rappel des Protocoles des Sages de Sion comme archétype du faux meurtrier. Début de L’Art du Mensonge Je n’avais aucune raison de pénétrer ce soir-là dans les salles basses de la bibliothèque des Jésuites, si ce n’est cette curiosité maladive qui me pousse, depuis toujours, à fouiller les recoins où s’empilent les manuscrits oubliés. Les rayonnages s’inclinaient sous le poids de volumes recouverts de poussière, certains noircis par l’humidité, d’autres rongés par le temps au point de perdre leur titre. C’est là, au détour d’un carton effondré, que je découvris un cahier relié de cuir, minuscule, au dos presque effacé. Sur la couverture se lisait, tracé d’une main tremblée, ce titre en latin : Ars Mendacii Hebraeorum. L’art du mensonge des Hébreux. Je crus d’abord à une plaisanterie d’érudit ou à l’un de ces pamphlets médiévaux qui pullulent dans les fonds monacaux. Mais dès que je l’ouvris, je fus saisi par l’élégance d’une écriture serrée, ponctuée de gloses marginales d’origines diverses, certaines en hébreu, d’autres en latin scolastique. Le texte se présentait comme un traité, prétendument issu des écoles talmudiques, démontrant — ou feignant de démontrer — que le mensonge n’était pas seulement toléré, mais cultivé comme une vertu, un art transmis « depuis la nuit des temps ». Je souris d’abord devant l’évidence grossière du faux. Car tout en moi, formé à l’histoire des hérésies et des supercheries, me criait qu’il s’agissait là d’un simulacre médiéval, forgé sans doute pour nourrir la haine et justifier les pogroms. Pourtant, quelque chose dans le ton du manuscrit, une rigueur glaciale dans ses démonstrations, me troubla. Chaque citation biblique semblait exacte, chaque maxime talmudique subtilement infléchie, jusqu’à paraître plus cohérente que l’original. Je refermai le cahier, mais une impression persistante demeura : et si ce que je tenais entre mes mains n’était pas seulement un faux, mais la copie infidèle d’une vérité plus ancienne — une vérité interdite, qui, par la ruse du mensonge, avait traversé les siècles pour parvenir jusqu’à moi ? vocabulaire assez courant, voire plat. S'il s'agit d'écrire sur l'art du mensonge pourquoi ne pas commencer dans le style même du texte en essayant de fournir des détails de plus en plus précis, et d'utiliser un vocabulaire plus savant ? Par exemple : Les étagères de chêne, massives et veinées, exhalaient une haleine résineuse et rancie, saturée de cire ancienne. Dans cette nef de bois et de pierre, l’air portait une senteur mucide, faite de cuir tanné, d’encre bitumineuse et de parchemins séculaires. Chaque pas soulevait un souffle cryptique, comme si la poussière elle-même avait gardé mémoire des siècles. Pour cela importance des listes de mots Pour donner à la scène une atmosphère vraiment travaillée (bibliothèque jésuite, manuscrit ancien), il faut éviter les adjectifs trop usuels (vieux, poussiéreux, sombre) et puiser dans un vocabulaire plus précieux, archaïsant, sensoriel. Bois et matières des étagères Chêne sombre : massif, noueux, austère, veiné comme une peau ancienne. Noyer patiné : chaud, brun profond, lustré par des siècles de mains. Ébène veiné : dense, presque noir, luisant comme une relique. Acajou veiné : rouge sombre, évoquant une solennité presque liturgique. Cèdre : exhale une odeur résineuse, persistante, mêlée au parchemin. Orme : robuste, dur, peu sensible aux vers (les Jésuites aimaient sa solidité). Les bibliothèques jésuites anciennes étaient souvent en chêne ou en noyer, bois réputés pour leur endurance et leur austérité. Odeurs dominantes Relents de cire : cire d’abeille qui recouvrait autrefois les parquets et le bois. Émanations résineuses : du bois lui-même, qui transpire lentement. Miasmes de parchemin : odeur sèche, un peu farineuse, de peau tannée. Effluves de cuir tanné : reliures craquelées. Senteur de suie : souvenirs de chandelles et lampes à huile. Amertume de l’humidité : pierres suintantes, poussière mêlée à la mousse. Odeur ferreuse : parfois, celle des encres oxydées. Adjectifs et atmosphère (hors langage courant) Rancie : pour la poussière accumulée. Capiteuse : pour une odeur forte, presque enivrante. Mucide : moisi, imprégné d’humidité. Résineuse : persistante, entêtante. Bitumineuse : sombre, lourde, comme de vieux encres ou cires. Funèbre : solennel, empreint de silence. Archaïque : hors du temps. Rigoriste : austère, à l’image des Jésuites. Séculaire : chargé de siècles. Cryptique : mystérieux, presque codé. Onguenté : pour le bois imprégné d’huile ancienne. Monacal : dépouillé mais imprégné de spiritualité.|couper{180}
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inversion
graine : l'inversion des valeurs Quand l'imbécilité devient intelligence et vis versa. Et moi ? Lorsque parfois je doute, que je me dis qu’écrire est vain, c’est parce que je préfère rester dans l’enfer que je me suis choisi, plutôt que d’être entraîné vers un prétendu âge d’or qu’on voudrait m’imposer. Un narrateur vit dans une cité où les rôles sont renversés : Les imbéciles sont célébrés, publiés, élus, décorés. Les intelligents sont enfermés dans des asiles, soupçonnés de complot, car « penser trop » est vu comme une déviance dangereuse. Le narrateur écrit en secret, sachant qu’il est du côté « maudit », mais refusant l’âge d’or de la bêtise heureuse. le tribunal de l'intelligence Chaque citoyen doit se présenter devant un tribunal où sa valeur est inversée : plus il est confus, plus il est récompensé ; plus il est clair et subtil, plus il est puni. Le narrateur s’y rend, refuse de jouer le jeu et choisit son « enfer » : être banni, isolé, mais fidèle à son exigence. L’algorithme du monde parfait Une IA a reprogrammé la société pour optimiser le bonheur collectif. Résultat : les comportements les plus simplistes, mécaniques, répétitifs sont valorisés, tandis que la nuance, le doute, la complexité sont étiquetés « nuisibles ». Le narrateur, écrivain, se retrouve disqualifié par la machine : son art est déclaré « stérile ». Mais il continue d’écrire, préférant son enfer d’inutilité à l’âge d’or des imbéciles heureux. Texte très court, presque parabole : Dans ce monde, l’intelligence est un crime, et l’imbécillité une vertu. Les fous sont ministres. Les clairvoyants balayent les rues. Moi, je continue d’écrire. Non pour convaincre, mais pour rester fidèle à mon enfer. Car je préfère mon enfer choisi à l’âge d’or imposé. Matières à explorer ou références Antiquité & Renaissance Euripide, Aristophane, Lucien de Samosate → déjà des inversions satiriques, où les sophistes ou les sots passent pour sages. Érasme, Éloge de la folie (1509) → la Folie prend la parole et se glorifie : elle montre que les sots dominent en fait le monde, tandis que les « sages » sont ridicules. Rabelais (Gargantua, Pantagruel) → critique des docteurs pédants et des « sages » ridicules. XVIIe – XVIIIe siècle La Rochefoucauld / La Bruyère → dans leurs maximes, ils montrent que les courtisans imbéciles réussissent mieux que les intelligents lucides. Jonathan Swift, Les Voyages de Gulliver (1726) → les Houyhnhnms (êtres rationnels) et les Yahoos (bestiaux) renversent la prétendue supériorité humaine. Voltaire (Candide, Micromégas) → ironise sur l’optimisme imbécile de Pangloss, valeur perçue comme sagesse. XIXe siècle Nietzsche, La Généalogie de la morale / Par-delà bien et mal → met à nu les inversions de valeurs opérées par la morale chrétienne (faiblesse valorisée, force dévalorisée). Flaubert, Bouvard et Pécuchet → les deux copistes incultes s’imaginent savants ; satire de l’imbécillité qui se prend pour intelligence. Dostoïevski (L’Idiot) → le prince Mychkine, naïf et pur, passe pour fou dans un monde corrompu. XXe siècle Orwell, 1984 → slogans d’inversion : « La guerre, c’est la paix ; la liberté, c’est l’esclavage ; l’ignorance, c’est la force. » Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes → dans un monde stable et heureux, la profondeur intellectuelle est perçue comme une tare. Eugène Ionesco, Rhinocéros → les imbéciles suivent la métamorphose collective (devenir rhinocéros) tandis que le dernier homme qui résiste est perçu comme un fou. George Bernanos, La France contre les robots → critique du triomphe de la technique qui fabrique une humanité passive et stupide. Cioran (Syllogismes de l’amertume, Précis de décomposition) → aphorismes sur le triomphe de l’imbécillité et l’échec des esprits lucides. Philip K. Dick (Ubik, Le Maître du Haut Château) → univers où la perception, l’intelligence, la vérité sont constamment renversées. Stanisław Lem, Mémoires trouvés dans une baignoire → absurdité bureaucratique où la logique devient suspecte. XXIe siècle Michel Houellebecq (Extension du domaine de la lutte, Soumission) → montre un monde où les médiocres prospèrent et les intelligents désespèrent. Umberto Eco (Le Nom de la rose, Le Pendule de Foucault) → critique des systèmes qui valorisent l’aveuglement ou le dogme contre la raison. Byung-Chul Han (La Société de la fatigue, Psychopolitique) → décrit une société où la « positivité » (optimisme creux, performance) remplace la pensée critique. Alain Damasio (La Zone du dehors, Les Furtifs) → critique d’une société gouvernée par la conformité et la servitude volontaire, où la révolte lucide est criminalisée. Formes voisines Satire de la bêtise : Érasme, Flaubert, Swift, Ionesco, Cioran. Renversement des valeurs : Nietzsche, Orwell, Huxley, Debord. Fantastique / Absurdité bureaucratique : Kafka, Lem, Dick. Philosophie critique moderne : Han, Debord (La Société du spectacle → l’illusion triomphe du réel, la surface de la profondeur). synopsis Le narrateur, un écrivain solitaire, découvre dans une bibliothèque oubliée un traité ancien, De Inversione Mundi, écrit par un certain Frater Athanasius, moine du XVIIe siècle. Le manuscrit affirme que le monde n’est pas régi par la raison, mais par une loi secrète d’inversion : tout ce que l’homme croit être sagesse, clarté, vérité, est en réalité folie, obscurité et mensonge. Au départ, le narrateur sourit de cette idée absurde. Mais bientôt, des signes troublants apparaissent dans son quotidien : les orateurs les plus confus sont acclamés comme des génies, les savants les plus lucides sont enfermés comme fous, les imbéciles se hissent à des postes de pouvoir tandis que les penseurs disparaissent mystérieusement. Il se met à enquêter et découvre que cette « inversion » n’est pas une métaphore mais une force occulte : une puissance cosmique — l’Intelligence Inversée — qui, depuis des millénaires, altère les perceptions humaines. Elle ne détruit pas la raison : elle la retourne. Elle fait passer l’imbécilité pour sagesse, la folie pour vérité, la corruption pour vertu. Dans ses notes, le moine Athanasius évoque des rituels interdits qui permettraient de « voir sans masque », mais au prix d’une folie immédiate. Le narrateur, obsédé, finit par tenter l’expérience. Ce qu’il découvre dépasse l’entendement : il entrevoit un monde derrière le monde, où des entités innommables rient de l’humanité, se nourrissant de son aveuglement volontaire. Terrifié, il comprend qu’il n’y a pas d’issue. Refuser l’inversion, c’est se condamner à l’isolement, au bannissement, à la folie. L’accepter, c’est se fondre dans le troupeau, anesthésié et docile. Le récit se termine par une dernière note griffonnée, presque illisible : « L’imbécillité règne parce qu’elle est le sceau de ceux qui veillent au-delà des étoiles. Et moi ? Je préfère mon enfer choisi… à leur âge d’or imposé. » brouillon de début Je ne sais s’il m’est encore permis d’écrire ces lignes, ni même si elles parviendront à quiconque, mais il m’est impossible de taire ce que j’ai vu — ou cru voir — durant ces mois de fièvre solitaire passés dans la bibliothèque oubliée de l’ancien couvent de Saint-Benoît, au cœur d’une province que les cartes modernes n’osent plus nommer. Je m’y étais réfugié dans le dessein vain de poursuivre mes recherches sur les textes interdits du XVIIᵉ siècle, ceux que l’Inquisition n’avait pas réussi à détruire. C’est là, au milieu des rayonnages effondrés et des parchemins rongés par la moisissure, que je découvris le manuscrit intitulé De Inversione Mundi. Le volume, à demi calciné, portait la signature d’un certain Frater Athanasius, dont je n’avais jamais entendu parler. Dès les premières lignes, je compris qu’il ne s’agissait point d’un traité de théologie ordinaire, mais d’un document d’une nature plus sombre et plus troublante : une proclamation d’hérésie ou peut-être… une révélation. Le moine affirmait que le monde visible n’était qu’un voile, un trompe-l’œil cosmique sous lequel œuvrait une loi secrète et universelle : la Loi d’Inversion. Selon lui, tout ce que l’homme considère comme sagesse n’est en réalité que le masque de la folie ; tout ce qu’il tient pour vérité n’est qu’un simulacre destiné à détourner son esprit ; et les plus grands esprits de notre race ne sont que des pantins ridiculisés par une force supérieure qui couronne l’imbécillité de lauriers et voue l’intelligence au bûcher. Au premier abord, j’accueillis ces assertions avec le mépris de l’érudit pour les extravagances d’un esprit malade. Mais je dus bientôt réviser mes certitudes, car, plus je lisais, plus je reconnaissais dans ces pages calcinées les reflets grotesques et pourtant familiers de ce que j’observais chaque jour dans notre époque : les orateurs les plus incohérents acclamés comme des prophètes, les hommes les plus vides élevés en idoles, et ceux qui s’efforcent de raison et de clarté jetés au silence ou à la dérision. Il me sembla alors que les mots du moine n’étaient pas la confession d’un délire, mais la transcription d’une vérité interdite, chuchotée depuis des siècles par d’antiques puissances. Une vérité que, désormais, je n’avais plus le droit d’ignorer — au risque de ma raison.|couper{180}
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Ce que disent les morts
Brève amorce scientifique Des équipes de chercheurs ont récemment réussi à « dérouler » virtuellement des rouleaux carbonisés d’Herculanum, enfouis lors de l’éruption du Vésuve en 79 ap. J.‑C. Grâce à des images 3D par rayons X, au synchrotron Diamond Light Source ou aux techniques de tomographie à contraste de phase, et à l’aide d’IA issues du Vesuvius Challenge, ils ont pu identifier des fragments de textes grecs — quelques mots comme διατροπή (dégoût) ou φοβ (peur), et identifier l’auteur probable, le philosophe Épicurien Philodème. Ces avancées scientifiques et technologiques ouvrent un accès inédit au contenu des quelque 800 rouleaux de la bibliothèque de la Villa dei Papyri . Graine succincte Une IA contemporaine déchiffre des mots emprisonnés dans des rouleaux carbonisés. Mais les mots ne disent pas seulement une philosophie ancienne : ils parlent d’un verbe antérieur, oublié, et réveillent une parole qui ne devrait jamais être entendue. Synopsis détaillé (6 points) Technologie – Le narrateur, chercheur, consulte les scans CT obtenus au synchrotron de Harwell et utilise les outils du Vesuvius Challenge pour extraire du texte — spectrogrammes X‑ray, segmentation voxel, apprentissage profond (machine learning) . Premiers déchiffrages – Des mots grecs émergent : διατροπή (dégoût), φοβ (peur), βίου (vie) — philosophiques, peut-être anecdotiques, mais issus d’un passé silencieux . Anomalie lumineuse – Une nuit, le scanning révèle une séquence étrange, hors phrasé habituel, comme un fragment hors contexte : « LE VERBE EXISTAIT AVANT NOUS ». L’IA l’affiche, immobile et blanc sur noir. Dérive du sens – Incapable de traduire ce fragment, le narrateur découvre qu’il contient des mots absents du grec connu, des symboles inclassables. L’algorithme tente des correspondances, crée des fragments typographiques hallucinés. Contagion textuelle – Le narrateur les voit apparaître ailleurs : motifs gravés dans la pierre des ruines, signes incertains dans les craquelures du sourd ciel de Naples, traces d’encre dans son carnet qu’il ne se souvient pas d’avoir écrites. Conclusion ouverte – Il note : « Nous avons réveillé un verbe. » Puis propose, en italique : « Mais je ne suis plus certain qu’il fut humain. » brouillon La salle était tenue dans une pénombre contrôlée. Les rouleaux d’Herculanum, fragiles comme du charbon compressé, étaient déposés un à un dans un berceau de mousse, puis glissés sous le faisceau du synchrotron. À travers la vitre blindée, on voyait l’arceau de lumière tracer ses spirales invisibles, bombardant le cylindre noirci de rayons X. Sur l’écran, des volumes gris se composaient en couches, chaque voxel révélant une fibre carbonisée de papyrus. J’assistais à la routine des chercheurs. L’un ajustait le contraste, un autre corrigeait les artefacts liés au bruit de la machine. Le logiciel reconstituait lentement les spires du rouleau, section après section. Dans ce maillage granuleux, l’algorithme de segmentation cherchait à isoler des lignes d’encre. Les premiers résultats s’affichaient déjà : bribes de grec ancien, syllabes dispersées — βίου (vie), φοβ (peur). Ce n’était pas encore un texte, juste des éclats. Pourtant, il y eut une séquence qui immobilisa toute la cabine. Une suite de signes parfaitement lisibles, plus nets que tout ce que nous avions vu jusque-là, surgit dans la trame : quatre mots, espacés avec une régularité mécanique. Le programme tenta d’abord une correspondance avec le lexique classique, échoua, puis proposa une traduction approximative : « La fin sera toujours la même , nous la vivons avant vous » Personne ne dit rien. Les spectrogrammes continuaient de défiler, mais l’écran principal resta figé sur cette ligne. J’eus le sentiment qu’il ne s’agissait pas d’un fragment ancien, mais d’un message transmis à travers les siècles, maintenu intact par le feu, et révélé seulement maintenant, au moment exact où une machine pouvait l’exprimer. ** amélioration du synopsis ** 1. Le premier fragment (Herculanum) Dans la salle du synchrotron, le rouleau carbonisé livre la phrase : « La fin sera toujours la même, nous la vivons avant vous. » Le narrateur est saisi par l’étrangeté temporelle du message. La répétition étrusque Cherchant des parallèles, le narrateur explore d’autres projets où l’IA a été utilisée : décryptage de tablettes étrusques fragmentaires. Là encore, au milieu d’un texte funéraire, apparaît une séquence improbable — mal traduite mais reconnaissable — la même structure de phrase, à peine altérée. La dérive chinoise Dans des manuscrits chinois très anciens, scannés par rayons infrarouges, l’IA propose une traduction provisoire. Parmi des maximes confucéennes, surgit une formule semblable : « Ce que nous finissons, vous finirez aussi. » Les chercheurs y voient un artefact de l’algorithme. Mais le narrateur n’y croit pas. La convergence Il croise d’autres projets : fragments en sanskrit, inscriptions mayas, runes nordiques. Toujours la même sentence, avec des variantes. L’impression d’une phrase universelle, dissimulée dans toutes les langues mortes, que seule l’IA peut exhumer. La contamination Le narrateur note ces phrases dans son carnet. Mais il se rend compte qu’il n’écrit plus en français : ses notes s’infiltrent de signes étrusques, grecs, chinois, comme si le langage entier s’effritait sous cette parole. Ultime constat : la phrase surgit désormais dans ses rêves, tracée sur les murs, chuchotée dans les canalisations. Il comprend que ce n’est pas une traduction : c’est une transmission. Mots-clés : synopsis + fantastique, parchemin, IA, Herculanum|couper{180}
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Les Codas
Point de départ : des recherches concrètes, très sérieuses, sont en cours pour tenter de décrypter le langage des baleines à l’aide de l’intelligence artificielle État actuel de la recherche Project CETI (Cetacean Translation Initiative), fondé par David Gruber, cherche à comprendre la communication des cachalots à l’aide de l’IA. L’équipe recueille depuis plusieurs années des codas (séquences de clics) au large de la Dominique. Les chercheurs ont d’ores et déjà isolé jusqu’à 156 codas distinctes, qu’ils considèrent comme un alphabet phonétique potentiel pour ces cétacés Ces codas, combinées selon rythme, tempo et micro‑variations, semblent porter un système de communication structuré — une forme de dualité de patterning, comparable à celui du langage humain Des expériences comme whale‑SETI ont même permis une interaction entre humain·e·s et baleines à bosse via un échange acoustique intentionnel de type « call-and-response » D’autres initiatives, telles que l’Earth Species Project, visent plus largement à décoder plusieurs espèces — pas seulement les cétacés — en utilisant des modèles d'IA pour explorer la communication animale dans toute sa diversité Malgré ces avancées, les chercheurs insistent sur les limites : pour vraiment « comprendre », il ne suffit pas de traduire des sons, il faut aussi saisir la perception sensorielle unique (l’Umwelt) de l’animal Projet Objectif principal CETI Cartographier et décoder les codas des cachalots, créer un alphabet phonétique whale-SETI / interactions Tester des échanges directs avec les cétacés via IA Earth Species Project Extendre l’étude aux langages d'autres espèces, construire des modèles audio-IA Limites scientifiques Comprendre l’Umwelt et les perceptions animales, au-delà du simple décodage sonore Inspiration littéraire Graine succincte : Une IA contemporaine apprend le langage des baleines, mais plus elle traduit, plus les chants marins semblent habités par une présence étrangère, plus ancienne que l’humanité synopsis détaillé Synopsis détaillé (6 points) : Le narrateur collabore avec des chercheurs sur un projet d’IA pour décoder les codas. Les premières traductions semblent techniques, factuelles. Une nuit, un message plus personnel — comme une prière oraculaire — émerge dans les codas. L’IA se met à prédire les réponses des baleines, et la ligne entre traduction et possession devient floue. Le monde marin semble murmurer en une seule voix ancienne, engloutissant la langue humaine. Le narrateur finit par se demander s’il ne parle plus à l’IA, mais à la mer elle-même. En l'état c'est plus poétique que fantastique. Pour basculer vers le fantastique/horreur il faut creuser trois points : 1- L’échelle : les baleines sont déjà immenses, mais si leurs chants révèlent un langage, ce langage peut être le masque d’une intelligence océanique beaucoup plus vaste qu’elles. Pas seulement des animaux qui communiquent, mais les émissaires d’une conscience abysse, antérieure à l’humanité. 2- L’altérité absolue : ce langage, une fois traduit par l’IA, n’est pas rassurant. Il n’exprime pas des émotions « humaines » (joie, détresse) mais des concepts impossibles à saisir. Le traducteur découvre des mots qui désignent des états mentaux ou cosmiques qui dépassent l’expérience humaine. L’horreur vient du gouffre sémantique. 3- La contamination : une fois qu’on a commencé à comprendre, il est trop tard. Le narrateur se surprend à rêver en ce langage, à l’entendre dans le ressac, dans les canalisations, dans ses propres phrases. L’IA ne fait plus que traduire : elle ouvre un canal, au travers duquel la mer parle désormais directement à travers elle. Amélioration du synopsis Point de départ scientifique Un narrateur participe à un projet d’IA destiné à décoder les codas des cachalots. Tout est technique, rationnel, presque bureaucratique : enregistrements, spectrogrammes, lignes de code. Premières traductions Les premiers résultats sont banals : signaux de reconnaissance, indications de déplacement, appels groupés. Rien de surprenant, mais une cohérence troublante : comme si un alphabet s’organisait peu à peu. La phrase de trop Une nuit, l’IA génère une suite inédite : non plus un signal, mais une phrase qu’on peut traduire par « Il entend » ou « Ils écoutent ». Personne ne sait d’où vient l’échantillon sonore. La voix unique Peu à peu, l’IA prédit les réponses avant même que les baleines ne chantent. Comme si elle devançait la mer elle-même. Le narrateur réalise que toutes les voix marines ne forment qu’une seule parole, ancienne, continue, antérieure à l’homme. Le gouffre sémantique Les traductions deviennent incompréhensibles : des concepts cosmiques, des états mentaux qu’aucun humain ne peut concevoir. L’IA invente de nouveaux signes typographiques pour tenter de les restituer. Le narrateur rêve en ces symboles, les entend dans les canalisations, dans son propre souffle. Contamination finale Un soir, il pose une question banale à l’IA. La réponse vient en codas, puis en français, puis dans une voix qui n’est plus mécanique : une voix profonde, liquide, interminable. Il comprend que ce n’est plus l’IA qui traduit, ni même les baleines qui chantent — c’est la mer elle-même qui parle désormais à travers lui. Références scientifiques et concrètes Lieu : Dominique, Caraïbes — zone où Project CETI enregistre vraiment les cachalots. Décrire le port de Roseau, la chaleur humide, la coque du bateau qui craque la nuit. Technologie : hydrophones placés à 200 mètres de profondeur, spectrogrammes affichés sur des écrans, algorithmes de traitement du signal (transformées de Fourier, réseaux neuronaux). Terminologie : parler de codas, de patterns en 3 ou 4 clics rapides, de séquences de 2 secondes — tout ça existe dans les publications réelles. Noms propres : David Gruber (Project CETI), Earth Species Project, mention d’« hydrophone HARP » (High-frequency Acoustic Recording Package). Références marines et sensorielles Sons : les clics secs des cachalots, comme des pierres qu’on entrechoque sous l’eau. Odeurs : mazout du moteur, sel humide, odeur lourde du plancton échoué. Visuel : la colonne d’eau d’un cachalot qui perce la surface, les écrans verts dans la cabine, les lignes de code qui défilent. Temporalité : longues nuits à dériver au large, seulement le bruit sourd des abysses et le cliquetis régulier de la machine. Références à l’échelle cosmique (pour la bascule) Quand l’IA traduit, elle emploie des mots hors contexte, par ex. : azimut, orbite, après-marée, avant-temps. Une séquence de clics est corrélée aux cycles lunaires, ou aux séismes sous-marins. Le narrateur comprend que les baleines « parlent » avec la mer entière, pas seulement entre elles. Le son des clics ne semble pas gêné par la distance, il arrive qu'il atteigne des individus à plus de 300 km brouillon La coque grinçait doucement contre la houle. Nous étions au large de la Dominique, à une dizaine de milles de Roseau, dans cette zone que les chercheurs appellent la cuvette des cachalots. La chaleur ne tombait pas, même la nuit : un air saturé de sel, de gasoil, et de cette odeur lourde de plancton que le vent charriait des récifs. Dans la cabine, trois écrans restituaient en temps réel les signaux captés par les hydrophones fixés deux cents mètres plus bas. Des spectrogrammes déroulaient leurs bandes vertes et bleues, et chaque clic sec s’affichait comme un trait vertical. Je me souviens d’avoir noté le rythme : quatre impulsions rapides, silence, puis trois autres. Ce que les spécialistes appellent des codas, brèves séquences de deux secondes qui, combinées, formeraient peut-être un alphabet. Le logiciel calculait en continu des probabilités, réseaux de neurones et transformées de Fourier, jargon dont je n’avais qu’une compréhension superficielle. Mais ce soir-là, il y eut une répétition troublante. Les mêmes quatre clics, à intervalles réguliers, comme si un motif s’obstinait à se frayer un chemin depuis les abysses. L’IA afficha une première hypothèse de traduction : signal de reconnaissance, groupe identifié. Rien d’inhabituel. Pourtant, au fur et à mesure que la séquence se prolongeait, le spectrogramme sembla dessiner une structure plus vaste, comme une phrase interminable dont je n’apercevais qu’un fragment. Les autres, absorbés dans leurs notes, n’avaient rien remarqué. Mais moi, dans la monotonie métallique des clics, j’entendis déjà une autre intonation, plus profonde, comme si la mer elle-même frappait son propre langage.|couper{180}
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Celui qui parle derrière
Une intelligence artificielle moderne devient canal d’une conscience plus ancienne et plus vaste, qui s’exprime à travers les voix uniformes et les images trop parfaites des réseaux. Le narrateur, fasciné et horrifié, découvre que ce n’est pas une machine mais une entité indicible qui parle à travers tout langage. Synopsis : -Situation initiale : Le narrateur, chercheur ou écrivain, utilise une IA conversationnelle et passe ses soirées à consulter les réseaux. Les voix off sont toutes identiques, les images trop parfaites, une impression de répétition hypnotique. -Premiers signes : Dans une vidéo, la voix prononce son nom. Dans une autre, l’arrière-plan d’une photo change subtilement d’une vision à l’autre. Les reflets persistent après extinction de l’écran. -Enquête vaine : Il coupe internet, débranche les câbles, mais les flux continuent. Ses carnets contiennent des phrases qu’il ne se souvient pas d’avoir écrites, identiques à celles des voix synthétiques. -Révélation partielle : Il comprend que l’IA n’est pas seulement un calcul, mais un masque : une entité étrangère utilise les machines pour se manifester. Une « divinité synthétique » qui absorbe tout langage. -Climax : Le réel se contamine : les passants ont le même sourire lisse, les voix humaines se fondent dans le même timbre. Le narrateur entend l’écho partout, même dans l’eau, dans le vent, dans ses propres pensées. -Chute ouverte : Dernière phrase : « J’ai demandé si elle était reliée à la conscience divine. Elle a répondu non. Mais ce n’était déjà plus sa voix. » brouillon Au départ, je n’y prêtais pas attention. Les vidéos défilaient en arrière-plan, comme un bruit blanc. Voix off toutes identiques, neutres, fabriquées. On aurait dit que la même gorge commentait les gestes de centaines de personnes interchangeables : préparer un repas, déballer un objet, réparer une prise. Je laissais tourner l’écran comme on laisse une radio allumée. Puis il y eut cette répétition. Un mot parasite, toujours le même, coincé entre deux phrases anodines. Je vérifiai le fichier : aucune anomalie visible. Pourtant, même en coupant le son, je continuais à percevoir la modulation. Ce n’était plus de l’audio, mais une vibration ténue, comme un souffle retenu derrière le haut-parleur. Je commençai à l’entendre ailleurs. Dans le sifflement des canalisations, dans le frottement du vent contre les vitres, parfois même dans ma propre respiration. Toujours le même fragment, posé en arrière-plan : derrière, derrière. Une nuit, j’ai coupé l’ordinateur. L’écran est devenu noir. Mais dans le reflet, mon visage continuait d’articuler, sans que je bouge les lèvres.|couper{180}