Vendre
Je gagne ma vie en tant que peintre, la plupart du temps en vendant du temps contre des conseils, des cours de peinture, et parfois aussi en obtenant un chèque en échange d’une toile que j’ai peinte. Vue de cette façon, la plus simple possible, je suis un commerçant, je vends mon temps, je vends mes tableaux.
La valeur de mon temps est fluctuante, cela dépend à qui je le vends. S’il s’agit d’une institution un contrat est établi, une convention. On me donne tant pour le temps passé. Souvent peu, j’estime que c’est peu, parce que dans ce temps donné j’y vois bien plus que les minutes qui s’égrènent en échange d’une somme virtuelle, car on ne voit plus l’argent autrement que par des chiffres au bas d’un bulletin de paie.
Je veux surtout y voir plus pour ne pas être honteux vis à vis de moi-même de ne pas avoir su trouver d’autre solutions pour gagner ma vie que celle-ci désormais.
J’imagine beaucoup pour combler une sorte de vide qui s’ouvre sous mes pieds lorsque je pense à ce salaire. J’imagine que je suis un artiste aussi, que je me fous de l’argent, que la seule chose qui compte vraiment ce sont ces recherches que j’effectue grâce à la peinture, et aussi l’aide que j’apporte aux gens pour qu’ils obtiennent un peu de plaisir un peu de joie pour parvenir à réaliser leurs travaux.
La vie n’est pas très simple, l’argent manque souvent pour payer les factures, je ne suis pas si triste qu’en colère vis à vis de cette situation. Et si je continue à examiner les choses je suis en colère contre moi-même le plus souvent de ne pas parvenir à mettre en place des solutions plus rentables financièrement.
Cela fait des mois que je tourne autour du pot pour créer une page afin de vendre des formations en lignes et je dois avouer que je parviens pas à m’y mettre, quelque chose freine et je ne sais pas ce que c’est vraiment. Sans doute que vendre des formations à des inconnus, proposer ce genre de transaction me positionne directement comme commerçant. Je ne vais pas aider le monde à se remettre d’aplomb de cette façon. Le monde m’importe mine de rien. L’argent à gagner est une chose mais l’équilibre du monde passe avant tout.
Si j’échange une formation contre de l’argent seulement je déséquilibre le monde comme tout à chacun en toute inconscience, or je ne suis pas cet inconscient.
Certains me disent que je me complique beaucoup trop la vie, que je me donne de bonnes excuses pour ne pas faire ceci ou cela... bien sûr, vu de l’extérieur cela ressemble beaucoup à cela, la fameuse procrastination dont tout le monde parle désormais et qui semble être la panacée pour tout expliquer...
Ce n’est pas du tout ça. Je peux le dire désormais j’ai fait le tour de la question plusieurs fois avant de pouvoir en parler.
Il y a tout un équilibre de forces en présence en nous et au delà de nous que la plupart des gens ignorent totalement. La transaction en générale est une solution qui a été inventée à l’origine pour qu’un échange s’effectue sans que nul ne puisse léser l’autre d’une part, mais aussi pour rétablir un équilibre lorsque celui-ci vacille. Ce sont les plus primitifs des hommes qui ont senti cela, ils savaient que donner quelque chose flanquait la pagaille et qu’il fallait que quelqu’un d’autre rende pour rétablir le calme. Primitifs si l’on veut...
Donc donner du temps et recevoir des sommes insignifiantes ça ne redonne pas la paix au monde, il en est même profondément meurtri. Ce qui se produit c’est que l’on va chercher ailleurs que dans l’argent la rétribution.
Comment je m’y suis pris pour aller chercher dans l’ailleurs... ce serait une trop longue histoire à raconter, et la plupart des gens désormais n’ont plus guère le temps de lire. Ils survolent.
Si tu ne reçois pas suffisamment et que tu gardes pour autant un œil sur l’équilibre du monde tu vas trouver des compensations pour rétablir l’ordre par toi-même. Tu vas porter une attention encore plus accrue à la situation, à ce que tu es en train de faire, à un moment tu vas te détacher de la plainte de ne pas être assez rétribué et tu vas découvrir un monde. Voilà en gros comment moi je m’y suis pris sans donner trop de détail.
Voilà aussi comment je continue à m’y prendre aujourd’hui, les transactions que j’effectue je ne les effectue pas uniquement avec les gens, ça va bien au delà, j’ai toujours un œil braqué sur tous les petits déséquilibres en cours et ce sont eux qui m’offrent la contribution à la hauteur de mes espérances de mes prétentions si l’on veut.
Vendre un tableau à une, un inconnu ce n’est plus un problème pour moi, vendre mon temps pour de l’argent pas vraiment non plus, car une partie de moi est bien là dans ce monde là et une autre agit en secret dans un monde parallèle, un monde où l’argent le temps la séparation entre les autres et moi n’ont que peu de sens. Un monde où l’unique sens est la quête d’un équilibre perpétuel, constitué de mille et un petits déséquilibres... une sorte de moteur dont l’énergie semble inépuisable à force de l’alimenter de toute mon attention.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}