Que la lumière soit
Rêve ou réalité ?
C’est la nuit, la maison est tranquille. Je viens de descendre à l’atelier pour fumer une cigarette et je contemple le désordre dont je me suis entouré comme d’habitude. Depuis quelques jours ce désordre m’est incompréhensible, il ne me semble plus nécessaire comme avant.
Je peux imaginer un espace désormais totalement différent, un lieu où à chaque fois que j’aurais besoin de quelque chose je saurais immédiatement à quel endroit le trouver.
J’avoue avoir fait de nombreuses fois l’inventaire des solutions qui pouvaient s’offrir pour créer la clarté. Aucune n’a tenue plus de quelques jours.
Aujourd’hui je crois comprendre la raison véritable pour laquelle le désordre revient sans relâche. Il me sert à la fois d’entrave et de protection. Il est cette habitude que j’ai installée faute de mieux, tout simplement parce que je ne sais pas demander d’aide. Parce que depuis toujours je me considère comme l’unique responsable de mon désordre.
Et donc par cette même logique je pense être aussi le seul qui puisse être apte à créer l’ordre, à réparer ce que je nomme le laisser-aller, le désordre de ma vie comme de mon atelier.
Cette tentation de créer un ordre, je sais déjà à quel point elle sera vouée à l’échec si je ne compte que sur mes seules ressources. Si je continue à vouloir être ce vieux con orgueilleux et soi disant savant dont je ne cesse d’entretenir l’image à mon propre regard.
Hier en me rasant durant un bref instant j’ai aperçu mon reflet vaciller à la surface du miroir. J’ai soudain vu un jeune homme en pleine vigueur qui me souriait. une Image loufoque que j’ai immédiatement chassée de mon esprit en me traitant de benêt.
J’ai répété ce mantra de la vieillesse , avec plusieurs références aux trains qui déraillent, à des choses qui autrefois étaient sensées tourner rond muées par de pauvres vues d’esprit.
Je fume ma cigarette en repensant à cette lassitude qui s’est emparée de moi et qui a répudié les rêves.
Je fume ma cigarette en observant méthodiquement chaque ilot du désordre.
Je ne fais qu’observer, rien d’autre, je me dis que ce n’est même plus la peine de m’accabler. Les carottes sont cuites, tu te diriges vers la fin accepte le et observe. Voilà ce que je me dis.
C’est à ce moment là que je me suis senti soudain totalement différent. D’un seul coup j’ai trouvé le gout de la cigarette absolument immonde et j’ai écrasé celle-ci dans un cendrier plein déjà à ras-bord.
J’ai regardé le grand mur blanc face à moi sur lequel j’ai peint un carré de toile 70 x70. J’ai éprouvé une envie de rire soudaine. Et le rire qui m’a soudain secoué a du produire quelque chose.
Je n’avais plus aucune douleur nulle part soudainement. Je me suis même senti joyeux tout à coup sans raison. Un jeune homme.
—Je suis un jeune homme j’ai dit tout haut.
La chatte a dressé une oreille et s’est retournée, elle semblait acquiescer en miaulant.
Et puis j’ai eu soudain cette intuition qu’il suffisait peut-être de prononcer tout haut ce que l’on voulait pour créer quoique ce soit. Chose que je me suis toujours interdit de faire étonnement en cette vie.
Je me suis bien sur demandé si j’étais en train de devenir complètement maboul.
Etais-je en train de rêver tout bonnement, un de ces rêves gris et stupides comme j’en traverse tant en tant que jeune vieillard ?
Et tout à coup j’ai entendu cette phrase que j’avais apprise sur les bancs du catéchisme.
— Que la lumière soit !
Qui n’est dans le fond qu’une demande effectuée à haute voix par le Verbe lui-même. Une prière à mon humble niveau désormais alors que longtemps j’ai pensé qu’il s’agissait d’un commandement.
Ce qui change tout.
Ce qui permet de passer d’un cauchemar au rêve et du rêve à la réalité que l’on désire finalement.
Que la lumière soit
c’est bête quand on y pense, surtout dans cette époque de boutons poussoir où on allume et éteint des pièces et des villes sans y penser.
Je me suis dit que j’étais peut-être prêt, enfin, à demander vraiment quelque chose désormais.
Et c’est paradoxal d’avoir ce genre de pensée au moment même où je sens que je n’ai plus vraiment besoin de grand chose, à part un peu de clarté et cette envie de voir disparaitre le désordre.
Enfin, après avoir relaté cette petite expérience qui m’a bousculé dans toutes mes certitudes, j’ai décidé d’aller me coucher et de m’endormir sur une nouvelle demande.
Plusieurs fois j’ai murmuré tout bas :
—Qui suis-je ?
Avec cette étrange confiance que je remarque m’envahir en prononçant ces mots, une confiance proche de la plus folle des certitudes.
Mais cette fois je balaie mon envie de rire. Je me sens tellement paisible.
Et voilà exactement comment je me suis endormi comme un petit enfant certain du lendemain.
Photographie de mon atelier vu au travers de vitres embuées.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}