Prendre et jeter.

Prendre un bonbon dans le tiroir, jeter l’emballage dans la poubelle. Prendre connaissance d’un fait, le jeter aux oubliettes. Prendre racine, couper les ponts. Prendre une date, perdre son temps. Prendre la tangente, tourner en rond. Prendre un tournant dans sa vie, filer à l’anglaise. Prendre la température, jeter un froid. Prendre l’air, cracher ses poumons. Prendre une veste, ramasser un râteau. Prendre un rendez-vous, poser un lapin. Prendre un air sérieux, se dégonfler comme un ballon de baudruche. Prendre la mesure, dépasser les bornes. Prendre à gauche, perdre le sens de l’orientation. Prendre le rythme, perdre la mesure. Prendre une amande, filer une pèche. Prendre les choses en main, sentir que les bras en tombent. Prendre le dessus, s’écraser comme une merde. Prendre sa respiration, donner le change. Prendre les choses en grippe, s’évertuer. Prendre un râteau, tomber à la pelle. Prendre la file, sortir du rang. Prendre ses grands airs, recevoir un vent. Prendre la main dans le sac, donner sa chemise. Prendre au mot, emboiter le pas. Prendre l’avion, tomber des nues. Prendre une pincée de sel, faire la soupe à la grimace. Prendre un grain, rembourser au centuple. Prendre appui, perdre connaissance. Prendre la main, recevoir un soufflet. Prendre peur, perdre le nord. Prendre l’autobus, flanquer son billet. Prendre un raccourci, se retrouver à la rue. Prendre des vessies pour des lanternes, péter les plombs. Prendre un chat pour un chat, loucher sur des sardines. Prendre le meilleur, s’attendre au pire. Prendre une patate, faire chou-blanc. Prendre une heure de colle, se décoller la rétine. Prendre un bain de siège, abdiquer sagement.

Le fait de noter quelque chose

Le fait de noter quelque chose, n’importe quoi, pour se tenir là, être là, chaque jour. Comme si tu avais peur de t’oublier toi-même. Que quelqu’un, quelque chose t’oublie, soit oublié. C’est avancer avec sa peur. Avoir peur mais avancer avec cette peur, aller jusqu’au bout. Le fait d’écrire n’est pas une affaire d’envie ni d’humeur, c’est une affaire à entretenir, comme on prend soin, on ne laisse pas mourir, on ne le fait pas pour obtenir quelque chose de tangible. Le fait d’écrire est un acte, qui n’est ni banal ni important, c’est juste un acte, pour chercher quelque chose de juste, un équilibre. Le fait de noter quelque chose peu importe quoi, peu importe la forme le contenu, c’est gratter une croute. Quelque chose cloche, quelque chose suppure, tente de se cicatriser, mais on ne veut pas laisser la cicatrice aller à son terme, l’oubli de la blessure, on gratte la croute un peu chaque jour pour entretenir quelque chose, peut-être soi. Le fait de noter quelque chose, n’importe quoi, d’écrire quelque chose est plus qu’une habitude, mais ce n’est pas une maladie, ce n’est pas une manie, il faut que quelque chose sorte pour qu’un intérieur se crée comme un dehors. Si ce que l’on note n’était pas noté, restait au-dedans, on n’en mourrait pas pour autant, il ne faut plus exagérer les choses ainsi, comme avant. Si ce que l’on note n’est pas noté ce n’est pas si important ce n’est pas la note l’important c’est le mouvement. Un mouvement se décompose. Le jour est une partie d’un tout, et ce tout est le mouvement. Une chose est notée puis elle est vite oubliée, elle n’occupe plus d’espace dans la tête ; le fait de noter cette chose permet à l’espace de se reconstituer, de combler le trou laissé par cette chose qui précédemment possédait une place dans la tête. Ecrire quelque chose n’importe quoi qui passe par la tête vide la tête, crée à la fois des trous et de l’espace. Il y a un mouvement qui s’effectue ainsi dans la tête en notant, c’est à noter.

Le fait de noter pour essayer d’échapper à prendre et à jeter.

Pour qui te prends-tu et pourquoi ensuite te jettes-tu , quand tu n’écris pas. C’est aussi un mouvement de se prendre puis de se jeter en dehors de ce qui est écrit. Si on écrit c’est peut-être pour échapper au prendre et jeter permanent. Si on écrit il y a pourtant des règles à respecter, comme oublier le prendre et jeter, ce pourrait être la première règle. En avançant avec sa peur dans cet espace, en creusant des trous qui se rebouchent en raison d’une force centripète ou centrifuge, dans la tête. En dehors de l’écriture on prend ceci on jette cela, on se prend et jette, sans arrêt. L’écriture est ce qui permet de stopper ce mouvement pour en créer un autre. Il ne peut y avoir de vie sans mouvement, pas plus que d’écriture. Mais ce ne sont pas les mêmes mouvements. Pour qui te prends-tu quand tu écris, pour personne, pas même pour toi, c’est autre chose que dans la vie, dans la vie tu dois toujours te dire que tu es toi, te prendre pour ceci te jeter pour cela. La peur t’aide à avancer, la peur de quoi c’est difficile à dire, elle est toujours présente, le choix et la peur sont omniprésents, la peur et les choix, la peur et l’embarras du choix, semblent disparaitre complètement quand tu écris. Mais c’est peut-être une illusion, une fantasmagorie, peut-être que quand tu écris tu ne penses plus à ces choses qu’il faut prendre et jeter, peut-être que tu ne penses plus à toi dans ce cadre là, c’est un autre toi qui ne peut être toi dans la vie. Il y a trop d’émotions à supporter dans la vie, trop à cacher dans la vie, les autres ne comprendraient pas, peut-être que tu écris des choses pour tenter de les éclaircir à cet autre en toi. Le toi de l’écriture est différent du toi dans la vie. Le fait de le noter ne comblera pas la différence pourtant, c’est à cause de cette différence que ce qui s’écrit peut s’écrire. La différence est un trou béant. Il est nécessaire de vivre et d’écrire en même temps pour entretenir la béance. C’est cette béance l’appui. C’est cette béance qui produit l’équilibre. Si tu supprimes, tu jettes l’un des deux toi tu crées du déséquilibre. Tu vois cela très bien avec la peinture en ce moment. La peinture est du même ordre que l’écriture pour toi. Si tu ne peins pas, si tu ne fais que vivre ou te laisser vivre, tu ne te sens pas bien, il te manque quelque chose d’important, tu ne peux pas poser le doigt dessus, cette chose te manque et la béance se retourne alors contre le toi séparé de l’autre toi. Tu es peut-être cinglé, schizophrène, hypocondriaque en tous cas c’est quasi certain. Tu ne peux vivre sans cette possibilité de soupape que représente pour toi noter quelque chose chaque jour, ou peindre quelque chose, peu importe quoi, sauf qu’en ce moment peindre tu ne peux pas, et ça te rend fou. Tu te jettes parce que tu ne peux pas prendre un pinceau. Tu te jettes à corps perdu dans l’écriture parce que tu ne peux pas peindre, tu ne peux plus peindre,. Tu te jettes à corps perdu la tête la première dans l’écriture parce que tu ne supportes plus les émotions si violentes que fait naitre en toi l’absence de la peinture. Tu essaies de te raccrocher à quelque chose en écrivant, de te reprendre, mais tu vois bien que ça ne fonctionne pas, tu te jettes encore plus loin, un peu plus chaque jour, en notant quelque chose avec ta peur au ventre, tout en continuant d’avancer, un mot après l’autre, une page après l’autre, de jour en jour, d’heure en heure, pas à pas.

Fatiguer ee quelque chose à dire, peu importe quoi, ne pas trop y penser, mais s’attacher à le fatiguer un peu plus chaque jour en notant.

Puis ressortir, vivre la vie de chaque jour comme tu peux, te rendre à l’évidence, tu prends et tu jettes comme tout le monde, tu es comme tout le monde, tu n’es absolument pas différent des autres. Est-ce rassurant ? Est-ce réconfortant ? ce n’est pas ça, c’est autre chose encore, tu es là à vivre ta vie chaque jour comme tu peux entre peindre et écrire, tu en parles de moins en moins avec les autres, c’est quelque chose que tu gardes pour toi désormais, tu ne déranges pas les autres avec ça. Tu es avec ta peur, tes outils, tu ne sais pas bien où tu vas, mais tu continues à t’y rendre, comme on accepte totalement un destin tragique. Comme on note : -ok j’accepte ce chemin quel qu’il soit où il mène, tout est absolument ok.

Ensuite encore l’embarras du choix bien sûr, en pleurer, en rire ou simplement rester coi.

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre