Notule 91

Rêve de vol.

 En peinture l’impression de liberté jusqu’à ce que l’on comprenne la nécessité du choix. Le choix se heurtant comme une mouche sur une vitre à l’infini des possibles.

Pourquoi est-ce que voler est si important ? S’envoler cela consiste à plonger dans une ivresse tranquille à s’abandonner à la sensation de légèreté. Et dont la raison majeure, puisqu’il faut de nos jours des raisons à tout, serait de vouloir s’extraire d’une autre sensation, ordinaire cette fois, celle que la pesanteur provoque.

La volonté peut elle avoir un lien avec l’imaginaire, et ce lien ne serait-il pas purement imaginaire vu sous cet angle ?

 Vouloir maîtriser l’envol est surement le pire postulat qui soit dans le domaine de la créativité, dans l’art en général ?

La peinture permet de s’envoler à condition toutefois que nous voulions bien capituler, mettre de côté cette volonté, afin de nous en remettre à la forme, à la couleur, à l’espace et au déséquilibre bien plus qu’à une idée provenant du vouloir.

Car savons-nous vraiment ce que nous voulons ? 

Mon expérience quotidienne d’enseignant me démontre que la plupart des gens ne veulent que ce qu’ils connaissent déjà sans même s’en rendre compte. Ils ne décollent pas malgré toute leur bonne volonté, ou plutôt à cause de celle-ci d’un plancher constitué essentiellement de déjà vu, de clichés.

La peinture permet de s’envoler, mais pas n’importe comment.

Tout comme l’écriture, la musique et le sexe. C’est-à-dire que toutes ces activités offrent la possibilité d’une permutation de conscience depuis ce qu’elle connait vers l’inconnu.

La lucidité du rêveur au sein même du rêve de vol, ne devrait se réduire qu’à une simple observation, maintenue dans une vigilance dépourvue de volonté de profit. C’est sans doute ce que l’on appelle rapidement une utopie, mais l’infini n’est-il pas la preuve mathématique que l’utopie non seulement existe mais qu’elle est en même temps et de tout temps, une nécessité ?

De quoi s’agit il d’autre sinon de ce passage d’une dimension considérée profane vers une autre considérée sacrée ?

Au travers de ces activités, nous avons la possibilité de nous connecter au plus vaste de nous-mêmes.

L’idée même du vol est de s’élever d’un niveau vers un autre. De s’offrir l’occasion de changer de point de vue, d’explorer en tous les cas quelque chose qui nous est étranger, inconnu.

Le philosophe Gaston Bachelard évoque le rêve de vol dans son ouvrage l’air et les songes. Et il attire notre attention sur l’aspect factice de celui-ci quant il est utilisé en littérature ou dans la poésie.

Il en va certainement de même pour la peinture.

Cette sincérité du rêveur relatant tout haut son rêve, tout d’abord dans une illusion d’intimité qui se métamorphosera en dit public, se rapproche beaucoup d’un questionnement quant à la nécessité de sincérité de l’artiste. Sincérité servant de pilier à l’empathie, utilisée désormais comme ingrédient nécessaire à constituer une valeur artistique pour le grand public.

Je pourrais même dire que ce passage de l’intime au public dans une sorte d’inconscience plus ou moins désirée -et c’est dans ce plus ou moins que la possibilité de l’artifice se loge- c’est le rêve lui-même.

 Tout texte comme tout tableau, toute œuvre a pour vocation d’être lue ou relue, vue ou revue, ne serait-ce que par l’auteur lui-même grâce à une distance lui octroyant le recul, le retour d’une pseudo altérité.

Écrire, peindre, marcher sans but dans les rues participent avant tout de ce rêve de vol qui continue d’exister dans l’être humain et dont il est plus ou moins conscient.

C’est un désir de changement d’état, le désir de passer d’un plan à un autre, de ce que l’on peut nommer le profane et le sacré au sens large c’est-à-dire sans être inféodé au religieux ni à la mode de propos new âge.

Sans doute la nostalgie de l’enfance est-elle plus vivace chez les artistes, et peut-être que cette nostalgie est commune à tous , que celle-ci est fantasmée par le grand public, qui par procuration la projette sur l’art et les artistes en général.

La nostalgie de ce temps où il était possible de s’élancer depuis une fenêtre, du haut d’un toit, d’un escalier est d’être pour la première fois surpris agréablement de ne pas chuter.

La nostalgie d’un temps où l’imagination était une force vive sur laquelle nous nous reposions pour nous endormir et rêver en toute sécurité. Créant au besoin cette sécurité soi-même dans la tiédeur du lit, la fraicheur d’un drap. Sans doute qu’en raison de ce sentiment de sécurité nous pouvions nous permettre de passer aussi du rêve au cauchemar avec une jouissance, un plaisir esthétique non dissimulé.

Quand la psychanalyse évoque le rêve de vol elle le réduit à un symbole qui glisse aussitôt vers un concept. Sans même s’interroger sur le « bien-fondé » de la logique d’un tel glissement.

 Une autre erreur à mon sens est que la psychanalyse réduit la définition de ce qu’est l’imagination en la reléguant à une récréation de notre activité affective permanente ou persistante. En la réduisant au rôle de soupape d’évacuation de l’affectif.

Un symbole ne peut pas se réduire à un concept ni l’imagination à un automatisme.

Mais revenons à la sincérité.

 Gaston Bachelard évoque les envolées lyriques de plusieurs poètes et nous indique ainsi au fur et à mesure, une supercherie directement reliée à l’exagération, à l’emphase qui rend caduque toute  véracité du vol onirique lorsqu’il est ainsi rapporté. Bachelard attire l’attention du lecteur en disant qu’il ne sert de rien d’en faire des caisses.

Il suffit d’un léger coup de talon sur le sol donné par inadvertance pour décoller, voilà ce qu’il considère comme les prémisses d’un rêve que l’on ne peut remettre en question.

Qu’est ce le philosophe tente de nous dire au travers de cette « inadvertance » ? Sinon le fait que c’est l’imagination seule qui s’empare du rêve en premier lieu, entrainant à sa suite cette pseudo lucidité qui nous fait penser soudain que nous volons au sein même du rêve. Ce que le philosophe tente de dire c’est que le moi n’est pas le créateur de l’imagination mais au contraire qu’il est son outil, son faire valoir, son vassal.

Et cette sensation d’imposture n’est pas à prendre non plus à la légère quand nous créons quelque chose et que nous nous l’approprions sans trop y réfléchir, par pur réflexe égotiste.

Le syndrome de l’imposteur a le vent en poupe de nos jours, tout comme la procrastination. Des formations sont proposées dont le but est de donner confiance en soi pour éviter ces deux écueils.

J’en reçois des dizaines dans ma boite mail et elles disent toutes peu ou prou la même chose. Elles parlent de la confiance en Soi à des personnes qui ne font pas la différence entre moi et Soi.

Pour bien établir la différence, l’éprouver, l’expérimenter il n’est pas besoin de faire de longs discours, ni de dépenser des fortunes en formations fumeuses. Il suffit juste de donner un léger coup de talon sur le sol, et se lancer dans le dessin, la peinture, l’écriture, la musique.

S’en remettre à l’imagination c’est s’envoler vers notre vraie maison.

Cela fait des années que j’ai cette intuition, pour avoir été enfant un grand explorateur des rêves de vol. Cette intuition que ce n’est pas une affaire de volonté de créer quelque chose, que ce soit un tableau, une histoire, un poème. En tous cas au début c’est toujours l’inadvertance qui prend la main et nous entraine. La volonté vient peu de temps après bien sur comme pour vouloir retenir quelque chose qui lui échappe. Et une fois qu’elle le tient, enfin, ce n’est souvent plus autre chose qu’une coquille vide, une simple enveloppe.

Très certainement, quelque chose de précieux s’y loge mais nous ne pouvons plus le regarder vraiment, nous sommes déjà partis vers un autre rêve.

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre