Je sais ta force, tais toi.
À la toute fin de l’origine j’étais chétif et balbutiant, peureux du moindre regard effrayé par tous les mots et même par les sourires, je ne supportais pas les rires et courrais ventre à terre me cacher sous la terre.
La terre dans son ventre m’a longtemps gardé j’ai tutoyé la taupe, l’asticot et le ver de terre et ma foi a force de copiner avec les centipedes dits à tort mille pattes et les les poissons d’argent, j’ai fini par connaître tous leurs petits secrets dont les moindres n’étaient pas ceux de Jo le cloporte mon meilleur copain.
L’ennemi, il y en a toujours un était un vieil homme, un jardinier qui sous prétexte de vouloir faire pousser des laitues, des tomates, des courgettes et autres cucurbitacées, détruisait régulièrement le petit palais où nous avions trouvé refuge tous les coreligionnaires de la pénombre et moi-même.
A grand coups de pioche, de fourche, de griffe, de grelinette sans oublier la bêche le louchet, cet énergumène sous prétexte de faire respirer la terre nous poussait à l’exode à la fois répété, saisonnier et massif.
J’ai vu mourir tant de mes compagnons que rien qu’à ce souvenir je ne peux retenir une larme. Ō mort où est ta victoire ?
Enfin j’ai en horreur de raconter ma vie, je passe sur les détails tous plus ou moins scabreux auxquels je dois ma survie. L’important l’essentiel c’est maintenant qu’il faut que je le dise : un matin du mois de juin j’ai osé mettre enfin un pied dehors, je suis ressorti de dessous la terre juste par curiosité.
Il y avait devant moi un chien un énorme chien qui, en me voyant sortir de mon trou, a fait un bond soudain en arrière. C’était étonnant car dans ma tête je n’aurais imaginé pouvoir faire peur à qui que ce soit et surtout pas à un chien fut-il un grand chien à l’air plutôt tranquille voire même débonnaire.
En me retrouvant debout j’ai aussi constaté que le sol était 10 fois plus loin de mon nez qu’auparavant. J’ai vu arriver le vieil homme et il m’a sourit, il m’a dit bonjour mon grand ben tu t’es mis dans un drôle d’état regarde donc tes vêtements. Et en effet ce n’était pas des vêtements jolis à voir ils étaient noirs comme une carapace de carabe.
—Tes parents doivent se demander…m’a t’il dit encore et je me suis soudain rappelé que j’avais eu des parents mais qu’ils étaient morts et en me souvenant je n’ai pu retenir une larme.
Donc n’ayant pas la possibilité d’être un fils prodigue je décidais de m’en aller du jardin, de traverser la route, de sauter par dessus les haies et j’atteignis ainsi au bout de peu de temps moins de temps qu’il ne faut pour le dire, une immense forêt.
Je restais là encore quelques bonnes années à me goinfrer de racines et de baies et je mis ces longues journées à profit pour faire connaissance avec les habitants des lieux. Il y avait la une fouine deux ou trois renards, toute une compagnie de blaireaux, une vieille chouette mariée à un vieux hibou et pas mal d’étourneaux.
Les secrets que j’avais conservés de mes anciens compagnons me furent d’une grande utilité pour me rendre aimable dans les sous bois. Je n’avais pas mon pareil pour prévoir les orages, la pluie et même la grêle et c’est par cette sapience que l’on m’attribua comme si on attendait une prophétie un miracle que je devins une sorte de sage doublé d’un prophète pour ces animaux là.
Bien que d’apparences fort différentes ils n’étaient pas si différents de ceux que j’avais fréquentés et aimés. C’était même facile de s’en faire des amis il suffisait d’écouter tout à chacun parler et surtout de ne pas trop rien dire ce faisant. Il y avait aussi bien sûr quelques faisans et une jolie poule mouillée de toute beauté qu’on appelle aussi poule d’eau et dont je faillis à de multiple reprise tomber amoureux. Mais celle là craignait l’eau c’était même sa phobie.
A force de l’écouter raconter ses phobies j’ai fini par découvrir une solution pour qu’elle se jette à l’eau sans trop y réfléchir. Quel jour ce fut, on l’acclama dans la forêt toute entière car au demeurant rien de plus pénible que d’écouter quelqu’un se plaindre d’une phobie toute la sainte journée.
C’est ainsi par hasard que j’ai découvert que j’étais fort, très fort et dans un même temps en écoutant les histoires des renards et des fouines l’intuition surgit soudain qu’il ne fallait surtout pas en abuser, ne pas trop montrer sa force, à n’importe qui n’importe comment, pour un rien.
J’ai donc ainsi continué à écouter tout en me rappelant qu’il ne faut pas abuser de sa force, et c’est ainsi que je suis devenu de plus en plus fort encore jusqu’à ce que je rencontre cette fille qui venait chercher du bois mort
Mon cœur faisait des bonds dans la poitrine je la guettais sans me faire voir au début et puis un beau soir, n’y tenant plus, j’ai couru vers elle je lui ai dit je voudrais bien t’écouter toi aussi je voudrais bien aussi si possible te parler quoique cela me soit difficile car ma force me vient surtout de bien écouter les gens.
A peine avais je terminé ma phrase qu’elle m’a répondu tais-toi toi donc ! je suis pareille.
J’ai été si ému que je n’ai pu retenir une larme qu’elle a prise sur la pulpe de son doigt pour la porter à ses lèvres elle a mangé la larme cette fille en posant sur le sol son fardeau de bois mort.
—Maintenant je sais tous tes goûts elle a dit, je sais comme tu es fort, je sais tous tes pouvoirs ce ne sera plus jamais la peine d’en parler entre nous, tais-toi !
et je l’ai suivie parce que c’était bien la première fois que je n’avais plus rien à écouter, j’avais juste à être là avec cette fille belle comme un coeur dont les seules occupations étaient de ramasser du bois mort et se promener avec moi.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}