Exercice d’écriture , le sentiment
( d’après Christophe Tarkos)
Le sentiment d’avaler l’air l’extérieur en dedans, l’air vient du dehors et s’introduit dans un dedans, il y a un mouvement qui va du dehors vers le dedans il y a une volonté du dedans de se remplir d’air du dehors, il y a une volonté du dehors de venir occuper un instant le dedans, il y a un dedans et un dehors, il y a de l’air, il y a le sentiment d’avaler l’air et il y a le sentiment d’expulser l’air du dedans vers le dehors l’air entre par le nez, par la bouche, par la peau, par les mains, par les yeux, par les oreilles, le corps tout entier avale de l’air extérieur, le corps est baigné tout entier dans l’air ambiant, l’air extérieur entoure le corps tout entier, on pense que l’on avale de l’air par la bouche, par le nez, on ne pense pas l’avaler par les yeux, les oreilles, les pores du corps entier, c’est un vieux sentiment, on s’y est habitué, on n’y fait peu attention, le sentiment d’avaler de l’air et de l’expulser, C’est vital de consommer de l’air sans trop y penser, si on commence à y penser on ne peut plus s’arrêter, on est hypnotisé par l’air qu’on avale et qu’on recrache, on est hypnotisé par cette réalité, mais si on y fait attention ça devient un sentiment, c’est le sentiment d’avaler l’air comme on avale la réalité sans y prêter trop d’attention sinon on ne ferait plus que ça, d’être dans le sentiment d’avaler et recracher quelque chose d’invisible, on serait dans le même sentiment qu’éprouve peut-être les premières bactéries, elles ne font peut-être que ça les bactéries, elles avalent quelque chose, de l’air et elles le recrachent, avant que ça ne soit de l’air c’était autre chose, quand les bactéries sont nées, il n’y avait pas le même air, c’était un autre élément, un élément que nous humains n’aurions pu avaler pour vivre, c’est un élément qui a été transformé par les bactéries, c’est à dire que si aujourd’hui on avale et on recrache de l’air, si aujourd’hui on a le sentiment d’être en vie on le doit pour une grande part aux bactéries, et peut-être que nous participons aussi à la création d’une autre espèce à venir en avalant et en recrachant de l’air, peut-être que tout ça créera un autre sentiment dans quelques milliers d’années, une nouvelle créature qui sera consciente d’avaler quelque chose et de le recracher, une nouvelle créature qui éprouvera un sentiment, qui peut-être éprouvera un sentiment de reconnaissance envers les êtres précédents qui avant elle ont avalé et recraché de l’air, peut-être que ça ne se produira pas de la même manière, peut-être que la réalité de cette créature nouvelle sera une nouvelle réalité, peut-être que le sentiment d’avaler et de recracher de l’air sera perceptible autrement, mais que ça ne changera pas vraiment la nature du sentiment, ni celle de la reconnaissance qui sera éprouvée dans quelques milliers d’années, il faut reconnaître qu’on en peut pas se prononcer sur l’avenir vraiment, mais on peut y penser de temps en temps, on peut faire autre chose que d’avaler et recracher de l’air sans y penser, on peut y penser et en même temps éprouver du sentiment, penser à ce sentiment ou ne pas y penser, ça ne changera sans doute pas grand chose à l’avenir mais si on y pense en même temps qu’on éprouve ce genre de sentiment on peut éprouver le sentiment de servir un peu à quelque chose.
Le sentiment de servir à quelque chose met en joie, la joie de servir à quelque chose, simple, nécessite peu de moyens si on y pense, et une fois qu’on y pense le sentiment peut venir et alors on peut se remplir du sentiment de servir à quelque chose, ça nous remplit, ça nous occupe, ça peut aussi nous envahir, ça peut tellement nous envahir qu’on passe son temps à vouloir à tout prix servir à quelque chose pour éprouver toujours le même sentiment qui nous met en joie, on voudrait toujours être en joie de servir à quelque chose, et quand ça n’arrive pas on éprouve le sentiment d’avoir raté quelque chose, c’est un autre sentiment qui nous envahit, un sentiment de tristesse infinie, le sentiment de ne servir à rien nous vide, la tristesse crée le vide, le désert, l’inutilité, l’envie de mourir, c’est le sentiment inverse que l’on éprouve, le sentiment de ne servir à rien, le sentiment d’avoir perdu la joie de servir à quelque chose, le sentiment du regret du remord de n’avoir pas pu servir à quoique ce soit à qui que ce soit, c’est un sentiment désagréable parce que servir à quelque chose est agréable on le sait, on l’a déjà éprouvé, on s’en souvient, on voudrait remettre ça, recommencer, mais quelque chose nous en empêche, malgré tous nos efforts on ne parvient plus à servir à grand chose, on découvre alors le sentiment de nostalgie d’avoir servi à quelque chose et de ne plus servir à rien.
Le sentiment de courir au ralenti dans le rêve est peu agréable, il arrive au moment où on voudrait prendre les jambes à son cou, mais on se rend bien compte dans le rêve qu’on fait du sur place. Le sentiment de courir au ralenti dans un rêve est une gène, on ne peut dire que c’est un cauchemar, parce que le sentiment du cauchemar est beaucoup plus aigu que le sentiment de courir au ralenti en faisant du sur place, c’est pénible de faire du sur place, on peut s’en rendre compte à l’intérieur du rêve mais ça ne fait pas peur comme le sentiment d’être en plein cauchemar, c’est un mauvais moment à passer, on a le sentiment que ça ne va pas toujours durer, qu’on va se réveiller et qu’on pourra avancer, mais parfois on oublie que c’est un sentiment que l’on éprouve dans un rêve, on croit que c’est une réalité de courir en faisant du sur place.
Le sentiment de la cerise qu’on vole sur un cerisier appartenant au voisin, le sentiment du vol de la cerise qu’on met dans sa bouche, ressemble au sentiment de la mure qu’on cueille dans les haies bordant les champs l’été, mais il est nettement plus ardent, il brûle les yeux, il brûle les doigts, il brûle le corps, surtout les genoux que l’on écorche pour grimper sur le cerisier du voisin, mais on ne sent rien, ça brûle mais le désir de la cerise qu’on mettra dans sa bouche est plus intense, plus fort, que les brûlures des genoux, le sentiment de la cerise qui éclate sous la pression des dents dans la bouche, le sentiment du vol, de l’interdit, et de ce fruit qui explose en bouche est supérieur au sentiment de la mure qu’on cueille sur les haies des chemins et que l’on sent fondre mollement dans la bouche.
Le sentiment de l’arête de poisson qui se coince dans la gorge est tout à fait désagréable, Il est désagréable pour plusieurs raisons auxquelles on ne pense pas quand une arête de poisson se coince dans la gorge, on n’y pense pas parce qu’on avale une bouchée de la chair du poisson sans la mâcher, sans prendre le temps de goûter le goût de la chair du poisson, parce qu’on consomme du poisson sans y penser comme on consomme de l’air sans y penser, parce qu’on consomme tout sans y penser parce qu’on a le sentiment d’avaler le monde et de ne pas être rassasié, parce que le monde n’a pas de goût ou bien on ne veut pas savoir le goût on ne veut pas l’explorer, on en a peut-être peur, on en est dégoûté, on avale le monde sans le mâcher tout rond et tout à coup panique on tombe sur une arête qui se coince dans la gorge, on a le sentiment que c’est la fin du monde, qu’on va crever à table en mangeant du poisson ou du monde devant tout le monde , l’arête qui se coince dans la gorge nous expulse illico presto du monde , c’est insupportable comme sentiment, effrayant bien sûr mais pas seulement c’est surtout honteux d’être en train d’éprouver le sentiment de crever en ayant avalé une arête de poisson, et paf voilà le sentiment de la honte qui se mélange au sentiment de la peur de mourir, au sentiment d’être un incorrigible glouton qui veut avaler le poisson et le monde sans prendre le temps de le goûter de le mâcher de le savourer un tant soit peu.
Le sentiment de perdre son temps quand on est vieux est inversement supportable au sentiment de perdre son temps lorsqu’on est jeune mais c’est une simple affaire d’habitude, plus on sera habitué à éprouver le sentiment de perdre son temps plus on sera armé afin de le supporter, sauf quand on décidera d’être vieux, parce qu’à ce moment là, précisément, on ne voudra plus du tout éprouver le sentiment de perdre son temps, au contraire on se dira le temps presse, on essaiera de gagner du temps au contraire, après en avoir beaucoup perdu, ce qui est tout aussi idiot si on y pense, le sentiment de gagner du temps d’après certaines expériences relatées par des tiers n’est satisfaisant que quelques minutes à peine, c’est le même sentiment que celui qu’on peut éprouver lors d’un déjeuner de soleil.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}