Exagérer

Je n’avais jamais fait attention à ce mot vraiment. Pourtant Dieu sait à quel point j’exagère, j’ai toujours beaucoup exagéré, j’ai aussi longtemps pensé que sans exagération la vie ne vaudrait pas, le coup d’être vécue puis relatée.
Cependant, j’exagère tout de même bien moins qu’auparavant.
Ca doit bien faire une bonne vingtaine d’années que je n’exagère plus dans la vraie vie. J’exagère seulement lorsque je dois me donner en spectacle, lorsque j’écris mes petits textes ici même sur ce blog, ou bien lorsque j’envoie ( rarement) des cartes postales.
Oui je n’avais jamais fait la relation phonétique entre exagérer et l’ex à gérer. C’est aujourd’hui chose faite.
Car on doit tout gérer désormais évidemment. D’ailleurs il n’y a qu’à écouter, le "je gère" est à toutes les sauces.
Par contre en ce qui concerne la gestion je suis une bille absolue. Je n’ai jamais rien géré de ma vie, ni mes comptes bancaires, ni mes comptes professionnels, (il y a une comptable qui fait cela moyennant des pépètes) , mais je préfère payer plutôt que de me faire des nœuds au cerveau pour des choses insignifiantes.
Je gère assez mal mes émotions, notamment la colère ou la passion comme je ne gère pas mes amours et je ne parle même pas de la gestion de mes amitiés.
Car mon truc est de laisser aller les choses à volo autant qu’il m’est humainement possible de le faire sans culpabilité, remords, regrets.
Je suis un adepte du "on verra bien " même si je sais qu’au lieu de la grâce espérée ça tourne régulièrement en eau de boudin.
Pourquoi Pourquoi Pourquoi ? me demande régulièrement mon épouse qui elle est une excellente gestionnaire.
Pourquoi ? je n’en sais fichtre rien. Peut-être pour tenter le diable, ou la Providence, pour m’amuser aussi très certainement, rire de mes angoisses, de mes peurs.
Par curiosité aussi, sans doute, voyons voir combien de lettres de relance cet organisme est capable de m’adresser avant de m’envoyer un huissier. Voyons voir comment, d’un seul coup, comme par miracle ou presque, je trouve des solutions in extrémis lorsqu’on me menace de me piquer ma bagnole, mon horloge bourbonnaise, mon bureau empire et la lampe dessus dont l’abat-jour est constitué du boyau de vache afghane.
Mais j’exagère un peu. Avec l’âge je fais plus attention, je me suis même fait mensualiser comme un tapin sur le retour auprès de certains organismes particulièrement belliqueux et revanchards. Non je n’exagère plus vraiment comme avant, disons depuis que je suis marié.
Car ces négligences chroniques je l’ai compris enfin, ne sont pas bonnes pour la santé d’un couple normalement constitué. Et puis mon épouse est d’une honnêteté foncière, elle ne supporte ni l’à peu près ni le laisser aller, ni surtout de se retrouver bêtement interdit bancaire ou victime collatérale d’un avis à tiers détenteur.
Ce qui nous aura causé pas mal de tracasseries à nos débuts, le temps de se mettre au diapason.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? je n’en sais rien. Tout cela a probablement un sens sauf que ce sens pour le moment m’échappe. Ou alors je ne veux pas tout dire non plus. Je cache des choses. Cela m’arrive plus souvent qu’on l’imagine.
J’en connais même qui, pour bien moins que ça, analyseraient la situation avec un regard psychologue et diraient : lui il vient de recevoir des nouvelles d’une ex et ça lui reste en travers. Il a un problème d’ex à gérer. ah ah ah !
Et vous savez, ce sont des choses qui arrivent bien plus souvent que moi je l’imaginais. Car je me disais quand c’est fini N, i, i. Plus de pièce à y remettre, changeons carrément de chaussettes. Je gère assez mal aussi la réalité il faut dire.
Donc les psychologues vous pourriez presque avoir raison à un iota près.
Toutefois je resterai évasif voir muet. Car on sait bien ce que vaut la psychologie des psychologues. Rien que des obsédés du zizi pour la plupart.
Alors que moi mes problèmes les plus cruciaux, les plus emmerdants ( puisque ce mot est à la mode) ne viennent jamais d’au dessous la ceinture, mais de bien plus haut.
Non pas du nombril, plus haut encore.
Mais admettons que soudain vous receviez des nouvelles d’une ex que vous n’avez pas vue depuis 20 ans ? Peut on raisonnablement penser qu’une telle relation peut se transformer en amitié ?
J’avoue que jusqu’à ces derniers jours j’en ai toujours douté.
Je m’exagérais les choses tout seul. Je me disais oui oui l’amitié entre homme et femme qui ont couché mon cul oui. Y a trop d’amertume, de ressentiment, de colère rentrée et d’amour pas fini, pas achevé, pas assassiné complètement, du travail bâclé. La vieille histoire du scorpion et de la grenouille. Non non je ne te piquerai pas en traversant la rivière et paf.
Ai je autant que ça une tronche de crapaud ? me serais je, le cas échéant, invectivé face à mon miroir de poche
Charmant.
Donc non, je n’ai jamais voulu gérer ce genre de relation non plus. Parce que l’intensité et la continuité font partie des problèmes insolubles qui n’appartiennent pas qu’au domaine de l’électricité. Sans vouloir non plus exagérer j’ai toujours préféré exorciser mes démons plutôt que d’exaucer les propositions d’amitié de mes ex.
Et ça ne vient pas du tout de la réflexion ou de je ne sais quelle élucubration intellectuelle, pas du tout.
C’est juste viscéral et ça me parait foutrement juste que ça vienne des viscères justement.
Mais au bout d’un moment il y a peut-être une date de péremption à la connerie je me dis aussi. On pourrait voir les choses autrement, plus calmement.
— Bonjour ah c’est toi je suis content de te voir, de te lire, de t’entendre. C’est tout, rien à ajouter de plus que de faire ce petit pas.
Et si possible s’abstenir de revenir systématiquement dans le même personnage que l’on s’était inventé à l’occasion de cette relation et qui, comme tous les personnages que l’on s’invente, finissent par mener leurs auteurs par le bout du nez. Ce qui modifie le mot exagérer en exécuter (ou s’exécuter) en quelque sorte.
s’exécuter c’est une forme d’obéissance je me suis souvenu de ça aussi. C’est pas si mal aussi de temps en temps l’obéissance. Evidemment ça dépend du donneur d’ordre, Destin, Fatalité, Amitié, on a toujours le choix.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}