Eclaircir la palette

illustration : Huile sur toile Format 20x20 cm PB

L’exercice de la peinture est étroitement liée, pour chacun de nous, à une vision personnelle du monde. Ou plutôt à une interprétation personnelle, subjective de la réalité comme de l’imaginaire.

Qu’il s’agisse d’un enfant de 6 ans, d’un adolescent de 15 ans ou d’un adulte quelque soit son âge, ce que nous pensons voir, comprendre, être, tout ce que pensons, se reflète sur le papier et sur la toile par l’entremise du crayon, du pinceau ou de la truelle s’il le faut.

Une fois la peinture achevée nous regardons celle-ci et nous émettons un jugement. Généralement de façon binaire : bien/pas bien, beau/moche, joyeux/ triste etc. On remarquera que c’est souvent binaire.

Si on s’arrêtait quelques instants sur ces jugements, si on prenait un peu de recul surtout, en les observant , on pourrait alors se rendre compte à quel point ces jugements nous sont aussi nécessaires qu’inutiles.

Nécessaires parce qu’à chaque fois que nous effectuons quelque chose nous éprouvons le besoin de mesurer cette chose selon une échelle de valeurs dont on nous a appris qu’elle s’étendait du pire à l’ excellence.

Inutiles si vous ignorez tout de l’emprise de cette échelle sur votre jugement.

Sauf qu’en peinture, lorsqu’on débute la peinture, comment savoir où se situe vraiment le pire et le meilleur ? Pour un débutant surtout, qu’est ce que le pire ? Qu’est ce que l’excellence ? Nous l’ignorons car nous sommes aveuglés, si l’on veut, par ce qu’on pourrait appeler des clichés.

Entre ma propre idée du pire et de l’excellence et une idée collective, universelle du pire et de l’excellence se glissent ces clichés, comme des reflexes.

On pourrait aussi s’interroger sur la valeur intrinsèque de cette idée de beau collectif, de laideur collective, mais ce sera le sujet d’un autre article.

Nous nous référons au connu. A ce que nous-mêmes pensons connaitre, encore que ce mot soit ambigu, Disons plutôt à ce que nous pensons savoir. Nous pensons savoir quelque chose sur la peinture tant que nous ne pratiquons pas la peinture.

A savoir le plus souvent que ce savoir provient du souvenir de toiles de maitres aperçues dans des livres, des magazines, dans des publications sur internet, dans des articles, parfois aussi dans des musées.

Nous acceptons de façon obéissante comme pense qu’il doit obéir un écolier qui veut avoir de bonnes notes.

Ainsi, sans réfléchir vraiment, nous relayons une idée apprise du pire et de l’excellence que la ’"sphère de la Culture, de l’Art, de la Peinture " si l’on veut, nous impose de façon totalement inconsciente. Exactement comme des religions auxquelles on adhère pour loger une foi qui, sans celles-ci, tournerait à vide.

Tout cela parce que l’obéissance est liée à une certaine confiance. que cette confiance aveugle , cette foi, nous empêche de voir vraiment avec nos propres yeux.

Comment alors pourrions nous rivaliser avec un Michelangelo, un Léonardo, un Van Gogh, un Renoir ? Comment pourrions nous nous hisser à cette hauteur prodigieuse ? Et en même temps nous considérons souvent nos propres réalisations comme celles des enfants, comme quelque chose sans importance, dérisoire, sans valeur.

Qu’est ce qui fait vraiment la différence entre un tableau de Van Gogh et un dessin d’enfant ? Dans l’absolu, d’où vient cette différence ?

Est-ce que cela s’explique par la maitrise du dessin, de la couleur, de la composition ?

Est-ce que cela provient de l’émotion que nous éprouvons parce qu’il s’agit de Vincent Van Gogh dont nous connaissons plus ou moins la notoriété , l’histoire tragique de sa vie. Parce que nous entretenons ce cliché d’un homme malheureux qui se jette dans la peinture en épousant le figure emblématique d’un Christ cloué sur une croix ?

Sommes nous objectifs lorsque nous regardons un tableau de Van Gogh ? Bien sur que non.

La plupart d’entre nous ne voient pas le tableau réellement. Même en posant presque le nez dessus nous ne le voyons pas.

Quelque chose ne cesse de s’interposer entre l’œil et la toile. C’est la légende du peintre.

Comme ce qui s’interpose entre nos œuvres personnelles, anonymes cette fois aux yeux des autres. L’anonymat procède de la même façon que la notoriété , dans une direction inverse.

Quelle valeur attribuer à une œuvre réalisée par un peintre inconnu ? Quelle crédibilité accordons nous immédiatement à quelqu’un dont nous ne savons rien, ni de son parcours ni de la valeur marchande de ses œuvres ?

Cette valeur, ce jugement que nous portons sur l’inconnu, sur l’étranger, ne sont-ils pas du même tonneau que ceux que nous fabriquons à l’emporte pièce sur nous-mêmes ? Sur ces parties inconnues de qui nous sommes vraiment ? Sur nos faits et gestes réalisés en toute inconscience et qui remontent soudain à la surface de la conscience ?

Ne les répudions nous pas de la même façon ? sans même prendre le temps de nous arrêter sur les véritables raisons qui nous font justement les répudier si rapidement ?

Tout cela parce que nous avons une idée de frontière encore une fois entre le bien et le mal, le beau et le laid, le connu et l’inconnu. Une idée qui ne nous appartient pas vraiment de surcroit mais qui n’est fabriquée que par la rumeur, les on dit...

N’est-ce pas à partir d’un certain malaise, avant coureur pourrait-on dire du contact réel avec une réalité inconnue, que nous fabriquons les couleurs de nos palettes de débutant. Elles sont souvent boueuses, ternes, sombres ces couleurs. Et nous ne nous en rendons pas compte tout de suite.

Ce malaise que nous appelons confusion, il n’y a pas de jugement de valeurs à lui attribuer. Il fait totalement partie du processus de la peinture.

Puis, au fur et à mesure de la pratique, la confusion est identifiée pour ce qu’elle est. A savoir l’ignorance surtout de ce qu’est notre clarté.

Alors peu à peu il n’est pas rare que les spectateurs le signalent, chacun à leur façon en disant c’est beau, c’est lumineux, c’est joyeux, c’est bouleversant etc.

A partir de là il faudra aussi prendre un certain recul, ne pas se laisser hypnotiser par tous ces mots et comprendre que quelque chose de très concret s’est produit.

Quelque chose de simple, et vous pourriez vous dire alors : Tiens ma palette s’est éclaircie.

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre