Conversation — Gabarits syntaxiques (09/10/2025)
📘 Fiche récap — Maurice Blanchot, L’Écriture du désastre (focus littérature)
1) L’ouvrage en deux lignes
Fragments qui pensent la limite : dire l’indicible par retrait, ouvrir un dehors sans récit. La phrase brève, paradoxale, substitue à l’événement un concept mobile (désastre, nuit, séparation).
2) Thèse / geste d’écriture
Écrire au bord de ce qui défait l’expérience : non pas raconter mais dés-œuvrer la narration, laisser parler l’absence. La forme fragmentaire et l’énonciation impersonnelle déplacent le sujet, substituant à l’aveu la réserve et au pathos une exactitude négative.
3) Les 5 principes majeurs (pour lire / imiter)
- Période brève, aphoristique : points nets, deux-points, tirets, parenthèses ; rectifications fréquentes (“non pas…”).
- Voix impersonnelle : “il / on” gnomiques ; adresse rare, si elle surgit, c’est un impératif de retrait.
- Lexique abstrait & images simples : cercle, centre, nuit, seuil, loi, dehors ; peu d’objets concrets, forte charge conceptuelle.
- Montage par fragments : blocs autonomes reliés par motifs et reprises (anaphores, variations).
- Clôtures ouvertes : image ou paradoxe final, jamais de morale ni de conclusion explicative.
4) Gabarits syntaxiques (patrons réutilisables)
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Rectification paradoxale « [X], non pas [Y], plutôt [Z]. » Ex. : « Quand le désastre survient, il ne vient pas. »
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Définition déplacée « [Concept] : [prop. 1], et pourtant [prop. 2] qui l’annule. » Ex. : « Le désastre ruine tout en laissant tout en l’état. »
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Gnomique « On [verbe] quand [condition], sauf quand [exception] — et c’est alors [déplacement]. » Ex. : « On ne peut y croire. »
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Seuil / image géométrique « [Motif] tient au bord : cercle sans centre, droite qui revient à son origine. » Ex. : « … un cercle éternellement privé de centre. »
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Clôture sans morale « Alors [image nue] — rien d’autre. » Ex. : « Le désastre est séparé, ce qu’il y a de plus séparé. »
5) Feuille de style “Blanchot — L’Écriture du désastre”
- Amplitude : fragments de 1 à 3 phrases.
- Ponctuation : deux-points pour définir, tirets pour déplacer, parenthèses pour révoquer.
- Verbes : être, venir, ôter, ruiner, séparer, croire, demeurer.
- Motifs (2–3) : désastre / nuit / centre-absent (leur valeur doit glisser au fil du texte).
- Références externes : 1 voix d’autorité (nom propre) éventuellement, aussitôt déplacée.
- Interdit : psychologie explicite, morale, lyrisme décoratif ; privilégier précision négative et réserve.
6) Procédure de réécriture (7 étapes)
- Adresse : en principe aucune ; si nécessaire, un impératif bref (“laisse…”, “n’insiste pas”).
- Noyau (≤ 15 mots) : remplacer l’événement par un concept-noyau (séparation, attente, effacement).
- Inventaire (10) : cercle, centre, ligne, seuil, nuit blanche, voix, silence, loi, dehors, passivité.
- Voix du dehors (3) : doxa (“on croit…”), maxime, auteur (nom).
- Motifs (2–3) : désastre, nuit, centre ; les faire revenir déplacés.
- Déploiement : 2 fragments enchaînant définition → rectification (“non pas…”) → question ou parenthèse → image.
- Affinage : couper les explications, resserrer aux paradoxes ; veiller aux deux-points et aux tirets.
7) Exercices rapides
- Non pas… : écrire 5 rectifications (“non pas X, mais Y”), chacune suivie d’une image.
- Fragment gnomique : 3 phrases au présent gnomique sur un même motif (nuit / centre / seuil).
- Image géométrique : traduire un affect par cercle / droite / centre manquant (2 phrases).
- Déplacement d’autorité : citer un nom (philosophe, auteur) et déplacer sa thèse en 2 lignes.
- Retour de motif : faire revenir un même mot à trois endroits avec une valeur différente chaque fois.
8) Prompt prêt à l’emploi
Réécris le passage suivant dans l’esprit de Maurice Blanchot (L’Écriture du désastre), en appliquant : fragments brefs ; voix impersonnelle ; rectifications paradoxales (“non pas…” / “plutôt…” / “et pourtant…” ) ; 2–3 motifs (désastre / nuit / centre) qui glissent de valeur ; une image géométrique en clôture ; aucune morale. Paramètres : [Noyau ≤ 15 mots]=… ; [Inventaire 10]=… ; [Voix x3]=… ; [Motifs]=… ; [Amplitude]=2–4 fragments ; [Temps]=présent gnomique. Texte source : « …[ton texte]… »
9) Note éthique
Si le texte touche au traumatique : anonymiser ; refuser la spectacularisation ; préférer la retenue (déplacement, silence, image) à l’éclat. La forme ouvre un sens, elle n’exonère pas la responsabilité.
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Giacometti disait
Pour sortir de la masse de mes journaux de veille — 190 Mo de doutes, de sueur et de peinture accumulés sur le disque dur — il me fallait un tamis. Un dispositif qui ne se contente pas de classer, mais qui transmute le plomb de la note d'atelier en l’or de la litanie. J’ai emprunté à l’écrivain François Bon son dispositif hypnotique utilisé pour son ouvrage Conversations avec Keith Richards, qui lui-même le tenait d’une longue lignée de « collecteurs d’instants ». J’ai choisi de placer mes propres certitudes fragiles dans la bouche d’Alberto Giacometti. Pourquoi lui ? Parce qu’il est le saint patron de la poussière, de l'effacement et du recommencement perpétuel. Ce « Giacometti disait » n'est pas une biographie, c'est une suture : ma voix sous son masque, pour atteindre ce « point zéro » où le geste devient enfin libre. I. L’Enseignement ou l’Art de Tenir la Présence Vider les mains pour laisser l'espace au vivant. Giacometti disait qu’enseigner la peinture n'est pas transmettre une méthode, mais simplement tenir la présence dans la pièce pour vider les mains de leur habileté trop propre. Giacometti disait qu'un bon professeur doit exiger un euro de ses élèves chaque fois qu'ils disent « c'est nul » ou « je n'y arriverai jamais », car c'est le prix de l'insulte faite au vivant. Giacometti disait que le cœur du métier est d'entraîner l'autre à reconnaître l'état de désorientation pour le rendre enfin confortable. Giacometti disait que le groupe finit par devenir un Simorgh, cet oiseau mythique qui s'élève au plafond porté par une fanfare tzigane. Légende : Tenir la présence. Entre l'ombre et la lumière, le geste cherche à déchiffrer les mystères du monde visible. II. Le Geste : Saborder le Cerveau Briser les outils. Chercher la faille. Giacometti disait que pour bien dessiner un visage, il vaut mieux utiliser un coin de bois plutôt qu'un pinceau pour s'assurer de ne pas être complice de sa propre dextérité. Giacometti disait qu'il faut relever le pinceau aussitôt qu'une pensée surgit, car la pensée est le flic qui arrive sur la scène du crime pour prendre des notes. Giacometti disait qu'il faut parfois porter un bandeau de pirate sur un œil pour briser les habitudes de vision et saborder le cerveau. III. La Sagesse de l’Échec : Le Domaine de la Boue L'éloge de la chute contrôlée. Giacometti disait qu'un tableau traverse trois mondes : celui de la boue (l'ignorance), celui du doute (la perte de soi), et celui de l'achèvement pour rien. Giacometti disait que le succès est un accident perturbateur et que seul l'échec permet de comprendre comment la lumière arrive vraiment. Giacometti disait qu’un tableau est vraiment achevé quand on peut enfin sourire et dire que tout cela a été fait « pour rien ». Légende : Le domaine de la boue. Là où les transitions sourdes créent une expression qui défie la définition. IV. La Chair et la Fissure : Ce qui ne pourrit pas Le voyage vers l'inconscient, là où l'être perce à travers la lettre. Giacometti disait que la peinture et l'écriture sortent par la même fissure, là où la fiente et l'être se mélangent enfin. Giacometti disait que tant qu'il y a de la honte, tout n'est pas perdu, car elle sert de balise dans le labyrinthe de nos épopées. Giacometti disait qu'on peint pour distinguer ce qui, en nous, finit par se décomposer et ce qui, pour une raison obscure, ne pourrit pas. V. La Dissidence : Rester dans la Boue Le refus des systèmes et de l'ordre moyen. Giacometti disait qu'il faut se foutre de Marcel Duchamp comme de Dieu pour pouvoir enfin rester dans la boue. Giacometti disait qu'il faut se méfier de l'intelligence artificielle, car elle ne produit qu'un « ordre moyen » aux mains moites, privé de la grâce du raté. Giacometti disait que le public peut régner sur votre notoriété, mais qu'il ne régnera jamais sur la source de votre liberté. Conclusion Ce plan n'est pas seulement l'architecture d'un hypothétique livre futur, c'est la boussole de mes Carnets. Vous trouverez, au fil des pages de ce site, les fragments bruts, les échecs fertiles et les traces de ces tableaux nés sous le signe du « pour rien ». Comme Giacometti disait : la porte est ouverte, mais n'entrez que si vous acceptez de ressortir avec de la boue sur les mains et une fanfare dans la tête. Carte mentale réalisée par Notebooklm à partir de trois compilations de fichiers textes. Mots-clés : #peinture , #réflexions sur l’art|couper{180}
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Perplexité active
Quand elle retire sa robe blanche et que son corps apparaît presque nu, le choc du vacillement, et avec lui la liste immédiate de tout ce qui pourrait me ramener au stable — Lorsqu’elle enlève sa robe blanche, son corps presque nu me ramène à ce vertige, et je reconnais, en même temps, toutes les manières de m’en tirer. — Elle ôte sa robe blanche, j’aperçois son corps presque nu : le même vacillement revient, et les mêmes solutions de fuite se présentent, prêtes à surgir de l'ombre. Le simple fait de répéter trois fois la phrase sous une forme légèrement différente permet de rester dans l'entre-deux, de ne pas fuir cette perpléxité et de la rendre active Au moment de l'accident je peux voir chaque détail de l'habitacle et en dehors de l'habitacle —Au moment du choc le temps s'élargit et je peux prendre le temps d'observer une foule de détails — Au moment où les véhicules se heurtent, l'étonnement provoqué par la lenteur de l'événement déclenche une curiosité froide, clinique. Répéter la phrase au moment de l’événement m’empêche de m’en échapper. Quand j’écris, la répétition avec nuance fixe l’événement dans un lieu précis. Quand il remonte, il est d’abord une bulle : elle reste ronde un instant à la surface de la signification, avant que les mots ne la percent.|couper{180}