Carnet 35

Un mot au bout de la langue, écrire là-dessus pour cette 35/40 proposition. Pour faire mode dans cette époque de vitesse on utilisera BDL pour « le bout de la langue », traduction du TOT anglais. « Tip of the tongue ». Et pour cette proposition il s’agit donc d’examiner une défaillance cognitive bien connue. D’imaginer ce que ça déclenche. De le dire ou de l’écrire. Je l’ai sur le bout de la langue, 160 pages chez Bernard Noël <em>le syndrome de Gramsci</em> … Autrement dit encore comment s’y prend-on pour broder sur le BDL. ?L’évocation de plus en plus fréquente de la maladie d’Alzheimer de nos jours. Forme de danger supplémentaire qui nous guette tous, comme très récemment celui de l’hiver. Elément qui s’ajoute à la liste de tous les éléments nécessaires pour créer une atmosphère anxiogène. L’ambiance qui saute au visage à l’œil ou à l’oreille sitôt que l’on se connecte au monde via les machines prévues à cet effet. Ordinateur, télévision, portable, tablette, transistor. La diffusion désormais en boucle de nouvelles horrifiques qui s’accrochent à nos tympans, parce qu’on le veut bien. Sauf si on coupe tout, si on se bouche les oreilles si on s’exclu volontairement de cette pestilence, du méphitique de l’information. Information qui, comme le disait Deleuze, n’informe en rien, mais inocule comme un poison la collection de mots d’ordres -nécessaires pour tout pouvoir à la surveillance et au contrôle des masses. A fabriquer et entretenir une pensée constituée aujourd’hui par un savoir et non une connaissance.
La façon d’apprendre, l’éducation, n’est-elle pas à l’image ou le produit même d’une ’économie qui ne cesse de diffuser l’importance du capital. Il serait peut-être utile de délaisser les façades, les écrans biologiques médicaux, sanitaires, qui servent surtout d’emballage conjoncturel à un état de fait structurel.et d’examiner de plus près, sous un angle inédit cette pseudo défaillance cognitive que l’on nomme familièrement le BDL.
Le savoir considéré comme un capital n’a rien à voir avec la connaissance. Ça ne part pas de la même intention. Accumuler du savoir n’implique pas la même qualité d’attention. C’est une attention dirigée vers un but dit utile. On pourrait parler d’une attention utilitaire. On apprend ainsi des dates importantes de l’histoire de France, les numéros des départements, les tables de multiplication, les noms des grands hommes et assez peu des grandes femmes dans le seul but de ne pas échouer à des contrôles, des examens voilà en gros à quoi sert ce savoir. Et une fois le passage effectué, ces savoirs sont d’une volatilité surprenante bien souvent.
La connaissance c’est autre chose. Cela nécessite une forme d’engagement. D’être présent et que les choses que l’on désire connaitre le soient d’une certaine façon elles-aussi. L’intention de vouloir connaitre extraie sa nature comme sa qualité de l’instant présent. De cette façon il est rare que l’on puisse vraiment oublier quoique ce soit car la connaissance n’appartient à personne en particulier, elle n’est pas un avoir, une propriété. On ne peut perdre ce dont on n’est pas le propriétaire. On ne peut subir l’angoisse du propriétaire qui vient de se faire cambrioler pas plus que sa peur par anticipation permanente de l’être un jour.
Le BDL est le signe que quelque chose déconne à ce niveau où nous avalons des informations sans même les mâcher, les ruminer, les apprécier pour ce qu’elles sont réellement, des bribes éparses d’une connaissance dont on a oublié l’intention première qui est de réunir l’être et le monde et non le contraire désormais qui est hélas de les distinguer beaucoup trop souvent.
Ce qui corrobore cette réflexion est la découverte de certaines études effectuées sur le sujet. Chez les individus « normaux » le BDL touche généralement les mots principaux dans la production de la parole, et jamais les éléments comme des adverbes, des adjectifs, des conjonctions de coordination. Qu’on puisse ainsi perdre un mot considéré par les chercheurs comme « important » demande bien sur de se pencher sur la notion d’importance attribuée à ce type de mots. Qu’on puisse ainsi perdre le mot framboise est-il d’une importance « capitale » si on parvient malgré tout à évoquer sa nature, sa couleur, et presque son odeur et son gout. Que l’on puisse perdre le nom d’ETIENNE MARCEL (1) a-t-il une importance capitale pour des gens qui ne le considèrent plus que comme boulevard ou bouche de métro. Donc il s’agit bien d’un degré d’importance que nous conférons aux mots selon une grille de lecture qui n’est pas forcément notre. Qui n’est pas celle de l’intime.
Avoir un mot au bout de la langue pourrait signifier un écart du corps, de l’être, de l’âme, une résistance à cette grille collective de lecture de la réalité, du savoir capitalisé. Avoir un mot sur le bout de la langue serait alors un véritable acte de résistance contre un langage formaté, un savoir formaté et que la langue - ce muscle avant tout- rejette soudainement au moment où l’on s’y attend le moins. Et c’est très bien qu’elle le fasse justement ainsi., La langue met l’accent sur nos intentions d’origine d’amasser, de capitaliser les mots les noms et non d’entretenir avec eux une relation plus cordiale, une connaissance comme on parlerait de vieille connaissance par exemple.
Notes (1) Étienne Marcel, né entre 1302 et 1310 et mort à Paris le 31 juillet 1358 , est prévôt des marchands de Paris sous le règne de Jean le Bon
Atelier d’écriture le grand Carnet
Article à lire si intéressés ( il y a véritablement matière à écrire bien plus de 160 pages, par contre pas sûr qu’elles ne soient pas chiantes à lire.)
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}