Carnet 30

"C’est dans notre premier parcours en 40 jours, début de l’été dernier, qu’on a déjà abordé le fait divers, mais en le détournant : chercher sur Tiers Livre « le visiteur du lendemain », à partir du travail du photographe Bruno Serralongue quand, plusieurs mois de suite, il se rendait le lendemain sur les lieux d’un fait divers repéré par Nice Matin, et en photographiait la trace, ou l’absence de trace –– tranchée verticale à même le quotidien le plus ordinaire. Pas de morale, ni même de tragique, mais rien que ce petit grain de destin sans quoi on ne serait pas, et que ça tombe là, juste à côté ou en plein sur vous, aujourd’hui pour écrire on s’occupera plutôt du juste à côté. Il ne s’est rien passé ? Ouvrez le quotidien local. Longtemps que vous ne lisez plus le quotidien local ? Je suis sûr qu’ils ont un site Internet, et que la plupart d’entre eux laissent un ou plusieurs articles en lecture libre. Vous habitez une trop grande ville pour n’avoir affaire qu’aux journaux nationaux ? La chance, s’exclameraient certains ! Mais là où sont vos ancrages familiaux, là où vous allez en vacances, il n’y a pas de quotidien local à feuilleter en ligne ? Les chiens écrasés ont toujours eu leur espace de reconnaissance sociale, et puis après tout débrouillez-vous. C’est du presque rien, peut-être. C’est du tous les jours, peut-être. C’est trois lignes dans le journal du coin, peut-être. Ou bien juste on vous l’a rapporté, et nulle archive collective qui en fasse trace, peut-être. C’est de la tôle froissée ou une cheville en l’air, une menace ou même rien qu’une incivilité ou des cris dans l’escalier, peut-être. Peut-être que la bonne définition, ou ce qui nous intéresserait ici, c’est comment le monde n’arrête pas de tourner pour autant, que tout reste identique à l’habitude à quelques mètres de distance, mais que pour les personnes concernées il y a brisure ou rupture. Il s’agit aussi de la documentation en elle-même : non pas ce qui s’est passé la semaine dernière (et nous a ému, ou juste parce qu’on y repense) mais l’énoncé de ce qu’on peut retrouver comme s’étant passé la journée d’hier. C’est cette contrainte de réel qui va donner hauteur et résonance à nos textes. Ce serait si facile d’imaginer, et personne n’ira vérifier. Mais justement, c’est en quoi la réalité en chaque fait divers est un déni à ce qu’on souhaite d’elle, qui va faire de nos textes une diction humble mais implacable du monde, assemblage d’autant de timbres-poste. L’impossibilité d’écarter cela du bras, justement parce que cela fut, et que c’était ce jour-même. On raconte ? Non, on énonce. Non pas 500 signes, mais 480 maximum. Aujourd’hui on ne déborde pas. Ce travail de transparence intérieur, pour la limitation de l’espace-page. Je compte sur vous !" Proposition d’écriture 30/40 Atelier le grand carnet FB Tierslivre.

6:25

Un homme d’une soixantaine d’année a été retrouvé mort, victime —selon son épouse— d’une "overdose de faits divers" Pour le moment aucune chaine d’information ou rédaction n’est inquiétée. Les enquêteurs évoquent l’hypothèse d’une absence de discernement de la part du mort. 45 carnets petits carreaux sans marge, ont été retrouvés, remplis de listes de mots et d’adjectifs— comptabilité des occurrences les plus utilisées classés par chaines et par tranches horaires.

6:39

Un sexagénaire a été arrêté après avoir tenté d’incendier une annexe de la Société Générale, rue de la République à Roussillon dans l’Isère. La tragédie, évitée à temps par les pompiers, tiendrait son origine — selon les dires du forcené— au gel récent de ses comptes bancaires par l’administration fiscale consécutif à une amende pour stationnement illicite non payée.

6:43

Une femme de quarante ans vient d’être écrouée après avoir assassiné ses deux enfants, une petite fille de 7 ans et son frère de 10 ans par empoisonnement avec somnifères. Le double meurtre aurait été commis suite à une décision du juge des affaires familiales la privant de pouvoir partager Noël avec ses enfants. Suite à la sanction la femme désespérée aurait dit : —dans ce cas, vous êtes prévenus, personne ne les aura pour les fêtes.

6:53

C’est à un véritable carnage que les habitants de la cité des Roses, à Villejuif, ont pu assister cette nuit autour de 23 heures. Pour ceux qui étaient encore debout à cette heure là. Deux bandes rivales se sont affrontées en faisant usage d’armes de guerre et de cocktails Molotov. Cependant lorsque la police est intervenue, les deux parties antagonistes se sont ralliées pour s’attaquer à celle-ci. Trois morts dix blessés un véhicule incendié. Encore une preuve flagrante de l’insécurité en banlieue.

7:15

JE NE POUVAIS PAS VIVRE SANS ELLE

Déclare Rodolphe ( costume bleu ) 10 ans à la police qui découvre le corps sans vie de la petite Emma 8 ans ( robe à pois) blessée mortellement de 11 coups de couteau. Encore un drame de l’amour.

7:19

PARCE QU’ELLE LE TROMPE IL LA TUE

Drame horrible à l’EPAD de NEUVILLE Sur SAONE. Un homme de 85 ans tue une résidente de 84 ans en l’étouffant avec un oreiller dans la nuit de samedi à dimanche 11 décembre. L’homme découvert en sanglots près de sa victime évoque à la police l’infidélité de celle-ci qui aurait cédé aux avances d’un homme de 77 ans.

Bon bon bon... ce ne sera pas une journée à marquer d’une pierre blanche pour l’atelier d’écriture. Je n’ai rien d’un Felix Fénéon. Et d’un autre côté on ne me demande pas de l’être non plus. Ce qui est certain c’est que je bloque vis à vis de cet exercice sur le fait divers. Et donc que c’est pour moi une piste inexplorée. Une jachère. Bien sur je peux revenir à Poe et à Baudelaire, à Maupassant. Mais ce n’est plus d’époque. La théâtralisation du fait divers désormais, son langage, la façon de l’utiliser pour boucher des trous… tout cela serait à creuser. Si j’ai le temps.

faits divers à l’atelier

un crayon de bois à la mine patibulaire, a tiré un trait définitif sur une pauvre feuille blanche qui ne s’en remet pas.

un tableau a été achevé au couteau dans la nuit de la saint-sylvestre. Mais le râle venait de l’assassin, un peintre mal dégrossi aux yeux injectés de sang.

Une gomme mie de pain à effacé la bouche dessinée par un bâton de fusain car elle trouvait qu’elle l’ouvrait trop.

Trouble dans un pot de diluant, trop de pinceaux ont trempé dans cette sale affaire, le peintre piétine.

Titres putaclics relevés sur Youtube à propos de faits divers

Une affaire de famille sordide/ un monstre rôde la psychose s’installe/ drame à Nîmes : l’assassin est de la famille / la patronne de cette auberge tuait et humiliait ses clients/ une double vie accablante / la découverte glaçante qui fait trembler l’Ariège/ une fête qui tourne mal / elle manipule son amant pour tuer son mari / scène macabre dans une papeterie/ crime d’honneur : il perd tout pour venger sa fille

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre