Carnet 29

atelier du mercredi avec les ados

"Jouons, jouons. Le carnet se plie à toutes nos transmutations, conversions, altérations, transfigurations, mutations ou évolutions. Il les accompagne, ou y résiste. Se rebiffe, ou les consigne et en dresse soigneusement l’inventaire. Un cycle qui soit 40 fois ces mutations symétriques du carnet, tant pis : il y a des cases noires et des cases grises, des cases en couleur, des moments d’euphorie et d’autres de repos, enfin certains où on n’ira qu’en renâclant. Aujourd’hui c’est ça et demain rattrapera. On travaille au rétroviseur : la journée qui vient de s’écouler, ou celle qui va pour nous se dérouler, parce qu’on est très bien capable d’accomplir des choses dont on sait très bien qu’il vaudrait mieux ne pas les faire. I would prefer not to, dit Bartleby, bien sûr vous l’avez lu et relu, mais sinon il y a PDF dans le dossier ressources : Bartleby préfère ne pas accomplir les tâches même modestes qu’on lui demande, et pour lesquelles pourtant il est salarié. Le carnet nous accompagne, dans la poche arrière ou le coin du sac, tout aussi bien dans la journée de travail, les visages du travail, les lieux du travail. On ajoute à Bartleby ce dispositif optique moderne qu’est le rétroviseur : ceci, qu’on a effectué, il aurait mieux valu s’en abstenir. On l’a appris après, à nos dépends ou aux dépends de quelqu’un d’autre. Ou pire : on n’a pas eu à l’apprendre, parce qu’on le savait d’avance, aussi bien pour ce qui concerne ce « à nos dépends » que pour ce qu’on en a infligé aux autres. Et surtout, on ne disserte pas. Ce rythme en 480 caractères et paragraphe monobloc, bien sûr il serait monotone si tout le monde s’y pliait, mais jusqu’ici on n’y a jamais réussi. Cela aussi c’est à vos dépends : écrivez plus long, cela n’induira pas forcément plus de temps de lecture pour celles et ceux qui pourtant vous accueillent de bonne volonté. Aiguisez, c’est tellement mieux. Affûtez. Condensez. Dans une journée, celle qui vient de s’écouler, celle qui va nous accueillir, il y a tant et tant de gestes, paroles, actes, pensées, qu’on n’aurait pas dû. Évidemment, une et une seule, ça complique. Mais c’est le choix même qui permet de préciser les bords, et affûter, condenser, aiguiser ce qui reste. On doit voir au travers, on doit penser la transparence des mots. Ça tombe bien, pour la précédente, donc la #28, c’est exactement le contraire qu’on a fait. Le carnet aujourd’hui s’en va au négatif. Le pas dans « on n’aurait pas ». Et qu’on l’a fait quand même, qu’on ait su par avance ou rétrospectivement seulement, qu’il aurait été tellement préférable de s’abstenir. A contrario, qu’est-ce qu’on a bien fait de lancer ce cycle, et au quotidien. Non ? À vous." 29 ème proposition sur 40 Atelier d’écriture Le grand carnet FB TiersLivre

4h15

Je n’aurais pas dû.

Cette dette je m’en serais dispensée que ce ne serait pas plus mal car par avance je le savais bien sur mais il me fallait encore une fois pousser le bouchon déborder contracter ce genre de dette comme on contracte des bestioles des maladies un handicap et voilà ce fut plus fort que moi puisqu’ impensable que je ne me flanque pas pareille dette sur le dos la même exactement qu’il y a deux ans jour pour jour et il est au bout du compte fort possible que sans des dettes de ce genre récurrentes comme perpétuelles je vive une vie des plus simples une vie si simple trop simple dont la simplicité m’effraie a un si grand degré qu’il me faille la compliquer par avance avant d’être acculé c’est à dire me retrouver dans une impasse définitive c’est à dire encore empaillé sur le rebord d’une cheminée juste à côté de la sainte-vierge en plâtre d’une boule de cristal et bien évidemment du pot pourri des remords des regrets que je n’aurais pas eus.

4h44

le regret de ce dû qui aurait pu m’échapper si au-delà de toute raison raisonnable je n’avais pas foncé dessus cet intolérable regret dont il m’est impossible de me dispenser toutes les fois où je le vois pointer le bout son nez et que bien sur j’attrape avant qu’il ne sauve c’est la nostalgie quelque sentiment avant-coureur de celle-ci de celui-là de ce regret assurément qui me porte à faire tant de choses que je ne devrais pas, car je ne le devrais pas c’est si évidemment qu’on ne le devrait pas car encore ce qui est dû reste encore à devoir et que ce devoir maintient en vie n’est-ce pas repousse la mort une façon moderne si l’on veut de vivre à crédit puis de se plaindre d’en avoir pour son argent de recevoir la monnaie de sa pièce de rester mécontent d’ être mode quoi

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

Faites au mieux

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre