Avoir un bon fond en peinture.
Encore un réveil impromptu. J’enchaine les habitudes sans y penser. Café, cigarette , petit coup d’œil sur le toit en me rendant à l’atelier. j’ai rêvé ou je crois que c’est la pleine lune ? Il fait toujours froid. Puis mon regard se pose sur les 3 petites feuilles de papier tâchées de peinture que j’ai posées sur le buffet de l’atelier hier soir. Et aussitôt je pense à la cette histoire de fond. Je pense à cette obsession sans doute qui me poursuit depuis des années : qu’est ce que c’est d’avoir un bon fond ?
Je pense à la peinture bien sur. Mais tout à coup je tombe sur cette évidence comme lorsqu’on tombe sur un mot que l’on croit connaitre et qui soudain s’avance tel un inconnu.
je découvre que la peinture à ce sujet n’est peut-être rien d’autre qu’un prétexte.
Depuis l’enfance elle me taraude cette histoire de fond.
— Cet enfant n’a pas bon fond. Il a le diable dans la peau. Me rappelle quelqu’un encore une fois.
Ce contre quoi je me suis toujours révolté. Se révolter contre quelque chose d’inexorable, je connais.
Donc peut-être que je n’ai jamais cherché autre chose dans ma vie que de comprendre cette histoire de fond.
Et par ricochet c’est le sujet qui en pâtit.
D’ailleurs qui serais-je pour "avoir des sujets" ?
Je le dis souvent à mes élèves, en peinture le sujet n’est rien d’autre qu’un prétexte.
Ce que je ne leur dis pas c’est mon obsession silencieuse, sans doute occultée par tout un tas de prétextes, personnels, pour ne pas la regarder bien en face. Cette importance pour moi de savoir si j’ai ou non "bon fond".
Il y a eu des jours avec et des jours sans. Des jours où j’ai réellement pu penser que j’étais le diable, d’autre un ange. Mais évidemment rien de tout cela n’a d’importance.
Ce qui est important c’est de s’inventer une histoire qui permettrait de comprendre pourquoi on fait certaines choses, c’est de les tirer à la conscience en les extirpant de notre inconscience permanente.
D’une immanence à une autre finalement.
Et donc le véritable boulot ensuite c’est bien de dépasser l’aspect risible, dérisoire, puéril.
Faire tout ça pour prouver au monde ou à soi-même que l’on n’est pas à jeter aux chiens, que l’on n’est pas cette "petite ordure", ce "déchet", cette "déception permanente" que l’on nous aura dépeint jadis.
On a beau se relever après chaque chute, ça laisse des bleus quand même. L’ignorance réciproque laisse des ecchymoses qu’on le veuille ou pas. Qu’on veuille les oublier en serrant les dents puis en sifflotant par bravade, puis encore par joie vraie en respirant l’air des grandes étendues.
Je veux dire comme c’est étonnant, terrible, lamentable, tout ce parcours entre avoir été mis plus bas que terre et parvenir à simplement se tenir debout. Alors que d’autres font ça sans même y penser comme s’il s’agissait d’un acquis ou d’un dû.
Je me félicite de ça quand même. Je ne peux pas être un si mauvais bougre. Je dois tout de même avoir quelque chose dans le fond.
Peut-être même qu’il ne s’agit pas tant d’avoir mais d’être enfin.
Voyez-vous cela... et l’explication soudaine, sans doute une nouvelle hypothèse. On se hâte toujours tellement de vouloir en trouver.
Comme je ne savais pas si j’avais bon fond je me serais fait peintre pour travailler ça. Pour l’explorer, pour l’exploser aussi cette histoire de fond et de sujet.
C’est à dire surtout que ça se retourne directement contre toute notion de sujet, que le sujet incarne le doute face à la certitude qu’il puisse y avoir un fond derrière toutes ces conneries. Et vice versa, pas de jaloux.
A la pèche enfin je m’en souviens aussi, il fallait prendre une plombée pour mesurer le fond du fleuve. Pour pouvoir ensuite régler la hauteur du flotteur et attraper tel ou tel type de poisson. Les carpes, les tanches préfèrent le fond, la vase, alors que les ablettes, les gardons oscillent entre le lit et la surface.
Donc quand je peins, la plupart du temps et que je veux surtout ne pas penser à quoique ce soit qui ait la moindre relation avec la notion de sujet c’est parce qu’il n’y a que le fond de toute cette histoire qui m’intéresse vraiment.
Sans doute aussi n’intéresse t’elle que moi. Sans doute est-ce une sorte d’auto hypnose.
Et pour revenir au monde encore faudra t’il en revenir au sujet ?
Souvent je me sens honteux lorsque je me rends compte qu’il est probablement trop tard déjà pour jouer ce nouveau Je. C’est une honte que je déguise avec un sourire comme je l’imagine beaucoup d’entre nous le font.
Comme si le sourire était absolument nécessaire.
Mais l’est t’il ? Le sourire n’a rien à voir avec les procès et les preuves par plus qu’avec la moindre patte blanche de chat ou de lapin.
Et soudain au second café je me frappe presque le front.
Et si je grand sujet désormais était le fond ?
Et je vois les peintures de Rothko s’entretenir avec celles de Pollock et je vois tous ces posts sur les réseaux sociaux en même temps qui répercutent, en peinture, la déflagration. Cette obsession du fond, que les choses ne doivent surgir que d’un fond avec quelques traits par ci par là, quelques formes tentant de se distinguer d’un chaos. Et qui ont désormais pour habitude de déclencher chez moi une émotion "facile". Une émotion "réflexe" si j’ose dire et dont je me détourne assez vite finalement.
Ce qui expliquerait-autre hypothèse, autre conte de fée aussi, mes élans répétés vers la peinture figurative, la fabrication de ces fameux visages notamment qui joueraient un rôle d’intermédiaires, d’intercesseurs, dont la fonction ne serait que recréer un lien social, une relation avec le monde tant parfois il me semble m’être égaré profondément justement dans cette histoire de fond.
Post-scriptum
hautPour continuer
import
Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
import
Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
import
Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}





