Andros

Réveillé avant 6h. Heure à laquelle le jeune homme de la réception doit téléphoner. C’est aujourd’hui que nous quittons Rafina pour rejoindre Andros. Pas le temps de mettre en place le moindre texte. S. se redresse en sursaut. Il est l’heure. Toujours cette inquiétude de rater quelque chose. De laisser passer quelque chose. A partir de là tout se met très vite en branle. Douches, valises. Aide-moi je n’y arrive pas. Comment ça se fait qu’elle ne ferme plus. 6h03. Il n’a pas téléphoné. Incroyable. J’espère que le taxi sera bien là à 6h30 comme prévu. J’espère qu’on pourra boire un café, prendre un petit-déjeuner. On n’a rien oublié. Les brosses à dent. Elles sont dans la grosse valise. Oh non tu ne vas pas te mettre à fumer sur la terrasse maintenant. Aller. Il faut y aller. Toujours épaté par ces décharges d’adrénaline matinales, même en vacances. On ne lâche rien. Il faut. Point barre. Rien à redire à cela. Juste que le matin, je fume sur la terrasse, j’hume le fond de l’air, on a toute une grande demie-heure. Pourquoi se stresser.
Tout fonctionne comme sur des roulettes. Le café est prêt, on a largement encore le temps de beurrer des tartines. Comment ça se fait que vous nous avez pas téléphoné à 6h comme convenu. Madame il n’est que 6h05. Et on est en Grèce. Jus d’orange, jus d’orange. Œuf, œuf. Et le voilà notre taxi. Grec, décontracté, lui aussi, il s’amène nonchalamment, attrape les valises, les place d’un geste expert dans le coffre du véhicule. Combien ça coute, redemande le prix qu’on ait pas de mauvaise surprise. C’est 10 euros comme l’a annoncé l’employée de l’hôtel. Pas de stress, bon sang, pas de stress.
Le véhicule file à vive allure vers le port. En dix minutes chrono. Toute cette longue route que nous avons effectuée hier péniblement, à pied sous le soleil, le taxi la dévore en seulement dix petites minutes. On se retrouve à l’entrée du port et on aperçoit notre ferry. Je prendrais bien un café avant d’embarquer. Non non, on le prendra sur le bateau. Toujours ce stress, cette peur de rater quelque chose, d’être soudain empêché, si on ne met pas toutes les chances de son côté. J’avoue être admiratif. Cela tient du réflexe animal j’imagine, le fait d’avoir élevé des enfants. Toutes ces choses qu’ignorent les hommes en règle général. Et qui les énervent, les agacent, les mettent parfois en rage. C’est surtout du au fait qu’on sent bien qu’on n’est pas de taille à lutter, il ne sert à rien de se voiler la face sur le sujet.
Chute de température sur le ferry qui file à vive allure sur l’Egée. Embruns. Cafés-frappés qui voltigent. Dégueulis sur le pont avant, café brun dégueulis blanc. La mer outre-mer. Pas de dauphin. Des petits paquets d’écume qui se désagrègent au haut des vagues. Peu de touristes, surtout des Grecs. D’ailleurs les rares touristes se dirigent vers Mykonos. Lorsque le ferry arrive peu de piétons, quelques véhicules, principalement des camions qui ravitaillent l’île. Un vent arrière qui nous allège le poids des valises. On monte à pied dit S. Une minute je regarde la distance. Une heure de route, et certainement pas sur du plat. Alors on fait quoi, on ne va quand même pas prendre un taxi. Il y a sûrement des bus. Il y a un bus qui rejoint Batsi sur la côte Ouest de l’île. On peut même lui demander de nous déposer à Nora Norita, le petit hameau où se trouve la location. Cinq euros. J’observe le visage de S. durant le trajet interminable, et le franchissement des multiples virages. On a bien fait de prendre le bus, elle dit.
Premières impressions plutôt bonnes . La mer surtout d’un bleu turquoise sur les bords. Le village. Pittoresque et touristique. Batsi reste un coin sympathique, peu touché par l’industrie touristique, on n’y voit pas de grands hôtels, avec piscine, pas de déploiement de signes extérieurs de richesse. Les prix sont très abordables. L’intérieur du village est à visiter, d’étroites ruelles destinées à se protéger du vent. Les habitants adorent le blanc ils peignent tout en blanc, les murs de pierre, les rues sont striés de bandes blanches. Du blanc en veux-tu en voilà. Peu de bateaux dans le port. Nous craignions voir ici des yachts, puisque l’île est réputée pour ses nombreux armateurs. Mais ouf non ils ne sont pas de ce côté de l’île visiblement.
La propriétaire de la location, nous a prévenu de ne pas consommer d’eau au robinet. Elle nous offre un pack de six pour commencer mais il faudra aller nous approvisionner au supermarché. Vous allez louer une voiture, non, alors c’est très loin. Mais vous pouvez prendre un bus. Mais si on fait bouillir l’eau, le café est tout à fait buvable. Pour manger, les restaurants. Alors pas le premier à l’entrée du village, mais vous pouvez avoir confiance dans celui juste après, chez Kantouni. Nous irons visiter le village, on verra bien. Et une fois le village visité, nous reviendrons pour tester le fameux restaurant Kantouni. Plutôt bien. Encore que j’ai juste testé le tzatziki et la salade grecque. Je vais devenir expert dans le domaine. La viande me dégoûte. Nous avons même trouvé un homme qui avait arrêté sa camionnette au bord de la plage et qui vendait toutes sortes de légumes, denrée rare dans les mini market du coin. De quoi faire nos propres salades grecques. Faire une fixation, ma spécialité.
Se jeter à l’eau en fin de journée. Il y avait des années. Faire la bombe. Depuis les roches schisteuses qui bordent ici un peu partout la mer, près de la location. Une caractéristique de l’île. Ce qui entraîne la présence de murs de construction à partir de ces roches probablement métamorphiques. Leur aspect de mille-feuilles. Peints en blanc comme il se doit.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}