Détruire, construire, respiration de peintre
23 mars 2022
Pour continuer
Carnets | mars 2022
31 mars 2022
La vérité et le mensonge sont les mots que nous employons dans cette dimension. Pourtant, ces termes nous éloignent souvent de ce point particulier où il est possible de demeurer en paix, à condition de rester silencieux, de ne pas penser avec des mots. Lorsque je fais attention à l’instant présent, je réalise que ce que je perçois n’a souvent rien à voir avec les notions de vérité ou de mensonge telles qu’on me les a inculquées. Dire sa vérité doucement, en la laissant d’abord émerger en soi, constitue le commencement d’une aventure extraordinaire. Mon erreur, sans doute, fut de la proclamer trop fort, à trop de personnes qui ne souhaitaient pas l’entendre. Je saisis donc cet instant pour leur demander pardon si elles estiment encore que je les ai blessées. Depuis toujours, ce qui me guide est une aversion viscérale pour l’injustice, une aversion qui n’a nul besoin du secours du raisonnement. Au contraire, chaque tentative de rationalisation me détourne de mes intuitions premières, de ce qui me paraît juste ou injuste. Je serais bien incapable de dire d’où me vient cette sensation. Elle est présente depuis le commencement. Parfois, je dirais même qu’elle précède ma propre existence, qu’elle appartient à l’être que je suis avant que celui-ci ne se confonde avec cet avatar que je suis contraint de reconnaître comme moi-même.|couper{180}
Carnets | mars 2022
24 mars 2022
Parmi tous les personnages de cette histoire abracadabrante, il est temps d’évoquer le professeur. Et si possible sans porter préjudice à celui-ci. C’est à dire en pesant le pour et le contre comme on le fait d’ordinaire pour se faire une idée à peu près juste de quoique ce soit. Impossible donc de pénétrer dans les extrêmes. Il n’y aura ni louange ni accablement. Juste l’observation la plus objective possible des faits. A très exactement 10h52 minutes le professeur commence à s’agacer et sort précipitamment pour fumer une cigarette. Dehors il fait encore un peu frais mais il fait beau temps. Un bref coup d’œil sur l’ampélopsis squelettique du mur ouest de la cour et qui commence à se peupler de longs bourgeons, inspire au professeur un bref réconfort. Il en profite pour faire le point rapidement car il se trouve aux prises avec un os. Avec cette élève là, la magie du professeur n’opère pas. Elle ne cesse de clamer qu’elle ne sait pas où elle va, que le tableau qu’elle est en train de faire ne veut rien dire, que tout est moche et qu’elle ne sait pas si elle reviendra le mois suivant. A partir de là le professeur a le choix. Soit il rentre à nouveau dans la pièce et il dit : — Effectivement c’est mieux que tu ailles voir ailleurs car tu me gonfles le boudin prodigieusement. ou bien Il peut aussi revenir dans l’atelier en disant : — C’est super ! l’ampélopsis commence à bourgeonner c’est vraiment le démarrage du printemps. Autre possibilité encore : — Tu sais c’est tout à fait normal de se sentir perdu au début, ce n’est que ta troisième séance, accroche-toi. Et même, il pourrait s’asseoir, prendre une feuille et lui montrer comment lui, le professeur, réalise un tableau abstrait sans réfléchir. En ajoutant en guise de préface peut-être : « l’important c’est de bien préparer ses couleurs sur la palette pour ne pas se freiner ensuite ou s’interrompre lorsqu’on peint et qu’il faut en refabriquer dans l’urgence. » Eureka se dit le professeur en éteignant son mégot. Et il fait effectivement ce qu’il a décidé en dernier recours sous le regard de son élève récalcitrante. Elle a les larmes aux yeux la bichette. Puis il dit ; — à toi de jouer ! en ajoutant un petit clin d’œil bienveillant, ça ne mange pas de pain se dit le professeur. Désespoir de l’élève qui reste les yeux rivés sur le tableau du professeur. — C’est vraiment pas compliqué dit encore le professeur. Tu prends le pinceau, tu le trempes dans la peinture et tu peins sans y penser, en t’amusant à poser la couleur. — … — Quels sont les trois mots importants ici et maintenant ? se sent contraint d’ajouter encore le professeur, je vous les rappelle : Accepter Plaisir Enthousiasme. — Maintenant si vous tenez à souffrir absolument, libre à vous, mais sachez que ce n’est pas du tout nécessaire pour réaliser cet exercice. — Moi je ne peux toujours pas m’empêcher de souffrir quand je peins dit une autre élève comme pour rassurer sa voisine éplorée. — c’est parce que tu crois que souffrir te préservera de faire « n’importe quoi » , parce que tu crois que souffrir est la seule solution pour un but une destination, un accouchement… Dit le professeur. Puis il s’adresse au groupe dans son ensemble : — Ce que vous appeler une destination un but c’est du déjà vu, c’est un cliché auquel vous vous accrochez comme une moule à son rocher. Oubliez ces choses idiotes, peignez et surprenez vous.|couper{180}
Carnets | mars 2022
Cauchemar en peinture
Hier soir je me suis mis au lit de bonne heure. Je sais ce n'est pas palpitant comme intro mais attendez, un peu de patience, même si je sais que vous êtes toujours pressés. Mais je n'arrivais pas à dormir sagement. C'est à dire me concentrer sur mes pieds afin de les sentir pour de vrai , car il est bien connu que je marche à coté de mes pompes généralement, et sur ma respiration pour qu'elle m'emmène dans les bras de Morphée. Donc je prends ma tablette et je clique sur les programmes TV. En général ça marche assez bien comme soporifique. Je tombe sur une émission de M6 " Cauchemar en cuisine". J'allais zapper lorsque soudain il est fait état d'une énigme à résoudre. J'adore les énigmes à résoudre surtout si on me donne la solution assez vite. Donc le chef est excellent, le restau est en bon état, la serveuse est béate. Le chef Etchebest se demande en se grattant l'occiput ce qui peut bien clocher. Car ils n'ont évidemment plus de client, c'est la bérézina, des larmes coulent, on craint l'inondation et la faillite surtout. Soudain on s'apercevra que tout ça est dû au fait que la patronne n'assume pas son rôle de patronne. Bingo ! A partir de là, on change quelques trucs, à l'accéléré et tout se transforme sous nos yeux ébahis ( ou presque) pour atteindre le nirvana de l'hostellerie ni plus ni moins. Je vous la fais courte. Et j'ai pas vu jusqu'au bout du bout, la tablette m'a glissé des mains et j'ai sombré dans des cauchemars à mon tour. Et donc je deviens le chef dans une immense cuisine, mais je réalise qu'en fait c'est un atelier de peinture. Que le Chef Etchebest s'est laissé pousser les cheveux et a un petit air de De Vinci. Et qu'il m'engueule copieusement à tout bout de champs parce que je suis une espèce de "palline morbide" ce que je me suis hâté d'aller poser dans google traduction et qui correspond grosso modo à couille molle chez nous. La question est de savoir qui des deux de mon conscient ou de mon inconscient me traite de couille molle. Autrement dit, à creuser. J'avais juste écrit ça quand mon épouse est venue m'embrasser en se levant. — tu en fais une tête elle a dit, puis elle a enchainé parce que je maugréais — tu ne peux pas être un peu plus aimable, joyeux le matin ? —Je suis une triste couille molle j'ai dit et en l'entendant sortir de ma bouche j'ai rigolé et elle aussi. Voilà notre vie.|couper{180}
