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Réviser

Peut-être que c'est juste un passage obligé, un goulot d'étranglement, un boyau, il faut se plier parfois aux circonstances. On croit savoir tant de choses, mais doit-on les expliquer dans le menu, on se rend compte alors de la confusion dont est faite notre clarté. C'est pourquoi régulièrement, je repasse par le boyau, je me plie en quatre, je me fais le plus petit possible pour m'y introduire de nouveau. J'oublie tout ce que je sais sur la couleur un instant et j'essaie ensuite de me l'expliquer le plus clairement que je le peux. Il y a donc au début trois couleurs qu'on est obligé d'acheter dans une boutique, on ne peut pas les obtenir autrement etc etc ...|couper{180}

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Une roue

Depuis quand existe t'elle cette roue. Et pourquoi chaque fois désire t'on la réinventer, chaque génération. On perd un temps fou à vouloir absolument réinventer la roue. Ce n'est pas comme si on ne savait pas qu'elle existe la roue. Mais peut-être qu'on veut créer sa roue à soi, comme pour se dire moi aussi j'en suis capable, moi aussi je peux fabriquer une roue. Et une fois qu'on l'a cette roue, on en fait quoi ? Il en faudrait au moins une autre pour un vélo, trois pour une charrette, on se regarde on est trop vieux pour le boulot qui reste à faire. On reste avec sa roue comme un con au bout de la main. Et puis on l'envoie dans le décor, on n'en veut même plus de cette roue. On ne se souvient même plus pourquoi on voulait inventer une putain de roue. Un autobus passe, il possède toutes les roues qu'il faut pour rouler, on monte dedans, on se la boucle, la boucle est bouclée.|couper{180}

Une roue

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Déplacement ( revisite 06 , atelier d’écriture)

Un ciel bas, un chemin bordé de talus gras, un fossé avec des gargouillis, des haies pour arrêter le vent, le pas lourd d'une vache qui rejoint l'ombre d'un chêne puis s'y vautre, l'écho d'un coucou qui se répercute, des éboulis de petits cailloux sous la semelle de la chaussure, dominante verte du paysage, collines et halliers de ronces , fruits bleutés, un poids oppressant sur la poitrine qui voudrait hurler. Et puis ce sifflement qui jaillit des lèvres pour accompagner l'instant, une improvisation. Un peu plus loin le chemin s'arrête net, passe une route goudronnée, qu'on emprunte à droite. Autres clôtures, talus, fossés, haies, palis tordus. Le bruit est différent, le bruit des pas sur la chaussée, et on peut voir un peu plus loin l'horizon de la route qui tourne là-bas sur la droite derrière l'if. De part et d'autres de la départementale, la terre retournée, une terre grasse, terre de sienne et ombre, avec quelques rehauts d'ocre et de vert, de grosses mottes laissées par les lames d'une machine agricole. Dans le ciel une buse effectue des cercles dans une odeur électrique des plages de silence, entrecoupées de bruits furtifs dans les taillis. Marcher jusqu'au bout, jusqu'au tournant de la route, trouver la perpendiculaire ensuite pour ne pas rebrousser chemin, fuir l'ennui plus loin. Une ferme, un aboiement de chien, un tintement de clochettes , quelqu'un tape sur du métal dans la grange, on passe vite devant, sans regarder, on regarde droit devant le bout de cette nouvelle route, le nouveau point fixe, un nouveau tournant. S'en approcher, y arriver, tourner encore à droite plus loin, tourner en rond comme ça à angle droit pour ne pas trop voir qu'on tourne en rond ainsi chaque jour des vacances, emprunter divers itinéraires, s'illusionner ; on ne peut pas vraiment ici se perdre. D'ailleurs les toits reviennent, archi connus, le hameau, le début du même chemin par quoi on est parti. Miracle et déception de revenir à la maison.|couper{180}

Déplacement ( revisite 06 , atelier d'écriture)

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Bitume et Cendre

Tableau de SERGIO PADOVANI base d'huile et de bitume Je n'ai pas retenu le nom de cet artiste qui utilise du bitume dans sa peinture, le bitume, le jus de vie. Ni celui de cet autre qui utilise de la cendre, de la poussière de feu. Bitume et cendre dans l'art de peindre de nos jours. Est-ce que je suis passé à coté de quelque chose... je ne me sers que de pigment et de liant. Ensuite une fois qu'on s'est engagé dans une pratique qu'on s'y est habitué, difficile d'en changer. L'idée de tout reprendre à zéro est-elle enfin en train de passer. Plus le temps passe plus le zéro devient abstrait, inatteignable. Donc, un engagement vient avec la lassitude, la lucidité, la peur de se tromper encore ? Un engagement par défaut ?|couper{180}

Bitume et Cendre

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En finir

L'idée d'en finir est séduisante s'il n'y avait toujours la peur, la chose sans doute la mieux partagée du monde, et qui nous tient tremblotant , fébrile, ou parfois las, dans l'espoir d'un achèvement indolore. Les choses ne peuvent finir bien, parce qu'elles ne peuvent non plus finir mal. Elles finissent voilà tout. Ce qui est assez rassurant pour un peintre quant à l'idée d' achèvement de ses propres tableaux. Les tableaux finissent eux-aussi, ils le peuvent, de la même manière qu'ils ont commencés. Ensuite dire c'est bien, c'est beau, c'est émouvant, c'est horrible, c'est ceci c'est cela, on doit pouvoir sans passer. Devenir avec les années de plus en plus léger. Si on veut continuer à peindre il faut s'en passer, et de plus en plus rapidement vers la fin. Illustration Le tombeau des secrets , Sophie Calle.|couper{180}

En finir

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Effrois et merveilles

Walter Benjamin (1892-1940) ecrivain et philosophe allemand vers 1934 --- Walter Benjamin (1892-1940) german author and philosopher c. 1934 Quel parti adopter quant à nos congénères, certain jour on les trouve tant effrayant, un autre si merveilleux. C'est que l'on veut savoir sur quel pied danser, mais, si on regarde bien, attentivement en bas, les deux sont nécessaires pour ne pas choir Et pourtant ce qui m'a gâché le commerce d'autrui fut de vouloir quérir une position ferme inébranlable , mais inconfortable, d'échassier que jamais ne su trouver. Un jour ils sont horribles, insupportables, tandis que l'autre on dirait des saints descendus d'un tableau sur Terre. C'est étrange chose que de se rendre au fait une bonne fois pour toutes et de s'apercevoir qu'aucun n'y est pour rien en l'effroi comme en la merveille ; que ces visions, ces ressentis, ces pensées sont surtout affaire d'humeur et de glande personnelles. Sinon, en règle commune, il n'y a guère que spectres ou fantômes dans ce lieu de rêves et de cauchemars, et on se sera trompé de sens encore sur l'idée du vif et de l'inerte. A croire que nous sommes tombés bien bas ici pour ne cesser de s'égarer d'errer sans relâche chacune chacun, et surtout soi entre la merveille et l'effroi. Walter Benjamin dans un texte , "bel effroi" dans images de pensée évoque ce que j'éprouve parfois vis à vis des foules "Cette foule amortie n'attend-elle pas un désastre suffisamment grand pour faire jaillir de sa tension des étincelles ; incendie ou fin de monde, quelque chose qui retournerait le chuchotement velouté de ces mille voix en un unique cri, comme un coup de vent découvre la doublure écarlate du manteau ? Car le cri retentissant de l'effroi, la terreur panique est le revers de toute véritable fête de masse. Le léger frisson qui court sur d'innombrables épaules en est le fiévreux désir. Pour l'existence inconsciente la plus profonde de la masse, les réjouissances et les incendies sont seulement un jeu qui la prépare à l'instant de son émancipation, à l'heure où panique et fête se reconnaissant comme des frères après une longue séparation s'étreignent dans l'insurrection révolutionnaire " Pourtant lui comme moi appartenons bel et bien à la foule, nous faisons partie de l'expérience. Donc essayer l'indifférence à l'effroi comme à la merveille si elle fut une piste suivie très jeune, trop jeune fut une piste peu facile à tenir, c'est à dire insoutenable de désirer garder, perpétuellement, un œil sur soi, pour tenter de démêler ce qui appartient aux autres ou à soi comme projection, comme cinéma. On ne peut pas dissocier les choses ainsi, on ne peut pas s'écarter à ce point sous peine de disparaitre totalement des cartes soi-même. Tout cela est un jeu. avant d'être un Je. Une fois qu'on y est entré, difficile, voire impossible d'en sortir sinon les pieds devant. Ensuite en sortir il faudra bien mais comment, bonne question Avec brio, avec regrets et remords, fierté honte, culpabilité ? Avec de la morphine ? C'est accorder bien trop d'importance encore à sa propre idée d'importance que d'y songer. On pourrait se raccrocher à une bouffée d'innocence, se dire qu'on partira comme on est venu, aussi ignorant à la fin qu'au début des choses de ce monde. Que tout ne fut, de ces pensées surtout , qu'un vaste brouillon impossible à mettre en ordre parce qu'avant tout le vain nous en empêche, ou nous en sauve. Parfois je me dis que toute mon errance ne provient que de m'être illusionné beaucoup, bien trop, sur l'idée d'une stabilité qui n'existe pas et qui ne peut exister, la stabilité comme une éternité, un Eden privé, que je n'aurais fait qu'inventer. Ou répéter bêtement comme d'autres se l'étaient répété depuis la nuit des temps. Une stabilité qui un jour est une merveille, l'autre le pire des effrois. Il est même fort possible que je ne sois pas tout seul dans cette erreur cette déception, que le plus mauvais dictateur le plus idiot des tyrans, qu'ils se tiennent à mes côtés au même titre que littérateurs, musiciens, poètes, et peintres évidemment. Une réunion d'illusionnés pris entre deux feux que sont certitudes et doutes, espoir et déception, des homoncules de tout acabit dont les rêves, les cauchemars tournent en spirales en tourbillons autour de concepts d'idées, de mots d'images pour passer le temps s'étripant ou se flattant à propos d'inepties comme ce l'on dit être beau ou laid, le faux ou le vrai. Cela fait partie de ces évidences si évidentes qu'on ne les voit que tard quand on ne peut plus grand chose faire. Sinon rire de soi mais gentiment car dans le ridicule enfin tout le monde doit tôt ou tard se rejoindre bien, une belle et bonne fois au moins, pour comprendre toutes les autres qu'on n'a pas vues et qui tout à coup, ô merveille ô effroi on voit.|couper{180}

Effrois et merveilles

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Du temps

huile sur papier, avril 2023. Avoir le temps d'aller jusqu'au bout de quelque chose. On peut se dire que rien ne nous empêche vraiment de le prendre mais c'est faux. L'urgence qui nous entoure nous presse, le calendrier, les dates prises, les obligations, autant de contrats tacites auxquels on se heurte même quand on ne voudrait pas s'y heurter, c'est à dire ne pas y penser. L'épine du temps plantée dans sa propre temporalité, nous gêne, nous entrave pour nous rendre là où souvent on désirerait se rendre, s'achever. Et selon les humeurs on évoque la chance ou la malchance d'avoir ou de ne pas avoir ce temps.|couper{180}

Du temps

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béquilles

image trouvée sur Pinterest La cigarette, l'alcool, beaucoup de mots furent avant tout en relation avec une ambiance plus qu'une définition précise. Une ambiance qui remonte aux années 60 comme sans doute pour d'autres aux années 50 etc. Des conditionnements dans lesquels on pénètre en toute innocence, jusqu'à ce que l'on perde cette innocence. Cette innocence est un état dans lequel il convient de maintenir coûte que coûte la plupart d'entre nous. Parce que toute lucidité nuirait à la consommation, aux banques, au fisc, à la politique telle qu'elle est devenue désormais. La cigarette, l'alcool, le loto, les putes, les vacances, les fêtes nationales, les élections de tout acabit, autant de béquilles dont nous payons le prix fort pour avoir l'air de tenir debout. Et si soudain on renonçait à l'idée de handicap, si on balançait tout ça dans les fossés, puis qu'on se débarrasse même de tout vêtement, de toute apparence, qu'on parvienne à une nudité totale ? l'image des camps ressurgit par réflexe. Mais qui sont les vrais prisonniers... au-delà des barbelés des sourires édentés toisent les geôliers. Près d'eux une montagnes de cheveux, une montagne de béquilles.|couper{180}

béquilles

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informe et forme

lire, écrire un journal, c'est côtoyer au quotidien ces deux notions d'informe et de forme. On ne sait d'où viennent les mots, ceux que l'on lit, que l'on écrit. Il est plus simple de penser qu'ils proviennent d'un lieu, d'un espace vagues, sans limite ni géolocalisation précises, sans temporalité définie, et qu'une action (lire, écrire) les extraira, leur conférera une forme visible alors que l'instant précèdent ils n'en possédaient pas. Ils n'étaient que pensée, rêve, angoisse, buée, vapeur, gaz. autant de termes proches du volatil, de la metamorphose. Bien sûr c'est la même chose de prendre un pinceau et de tracer quelque chose sur une surface. Et que ce soit via une idée ou rien c'est pareil à mon avis. D'ailleurs pour y être attentif il est fréquent que ce qui surgit prenne le pas sur "tout" ce que l'on peut avoir imaginé, fomenté, calculé en amont. Ce "tout" miniature, minuscule, humain, devient comme suspect puis erroné. Cependant que simultanément il semble important qu'il doive passer par le sas du "rien" qu'il ne soit plus que ce "rien" probablement aussi erroné que ce "tout" dont on l'affublait l'instant auparavant. Il faut que ces deux notions d'une même chose en soi-même effectue cet aller retour en tout et rien que ces deux mots s'effondrent en chœur lorsque surgit la forme quelle qu'elle soit Ensuite il est possible que l'on soit médusé par ce qu'on lit écrit dit ou peint. Il est possible que cette forme face à laquelle on se tient nous plonge tout à coup dans une hypnose - comme on peut être hypnotisé en passant devant une vitre, un miroir qui renverrait ce que l'on pense être via sa propre image, ce fantasme. Mieux vaut en être averti le plus tôt possible au cours d'une vie. car on prendra plus vite ce réflexe, cette habitude de traverser cette illusion physiquement en effectuant quelques pas en arrière, en détournant le regard, en brandissant un sourire poli, en allant chercher le pain, ou prendre un bol d'air. Puis revenir ã cet instant névralgique qui aura provoqué en même temps cette hypnose comme ce repli. C'est là que naissent le geste, l'acte, et au final cette forme. Forme sur quoi il faudra se pencher pour tenter de saisir ce qu'elle veut dire, pour saisir non pas une chose cartésienne, logique, mais le souffle, l'haleine, la présence d'une chose, d'un être, indéfinissables. Enfin, comme pour une peinture parvenir ã s'arrêter net, ã retenir sa main pour laisser l'indéfinissable suffisamment visible une fois qu'on l'a débusqué. Se retirer. Revenir à l'informe, patienter. Deux petites huiles sur papier format A4 réalisées sur un coin de table hier soir|couper{180}

informe et forme

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sans la juger

A quoi cela lui a t'il servi de te juger autant, sinon de construire toutes ces années des murs entre toi et lui, des murs qui prennent la pluie, des murs inutiles, des murs sans toit, des murs sur quoi taper plutôt que de venir se jeter insouciant dans tes bras. Il se sera fait mal maintes fois et, regarde, comme tu le craignais autrefois, ses yeux sont devenus larmoyants. Tu détestais les hommes au regard larmoyant, je m'en souviens. Il dit que c'est l'opération, et nous faisons semblant d'y croire. Nous hochons la tête dans ces cas là. Et puis hier il nous a enfin dit quelque chose de toi, il a commencé par dire -sans la juger- et je ne me souviens plus de la suite. C'était si inespéré que ça m'a rendu sourd à tout le reste par la suite. Depuis lors ces trois mots sont comme un poids mort dans une eau vive. Sans la juger... Que deviennent vraiment les gens que l'on ne parvient plus à juger. ils s'éloignent doucement de nous, là-bas au large, et nous, nous sortons soudain un mouchoir pour dire Adieu, pour pleurer, mais ce n'est pas eux qu'on pleure bien sûr, c'est toujours nous. Pauvres de nous. quand on ne juge pas l'autre, on se lamente sur soi, est-ce bien différent, je ne crois pas. Ensuite il a encore voulu dire quelque chose encore mais rien n'est sorti. Ensuite encore il y eut le bruit de la vaisselle qu'il a déposé dans l'évier. -je nettoierai demain en mettant le café en route, je vais me coucher j'ai dit. -Elle me manque tellement il a soudain dit J'ai fait semblant de ne pas avoir entendu.|couper{180}

Murs
sans la juger

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ringard

Je reçois un mail aguicheur "l'art n'est pas l'essentiel" je clique pour savoir bien sûr c'est étudié pour. Et là la réponse est une histoire de message, de mission de vie. Des années lumières sont retraversées d'un coup. Bon Dieu comme je suis loin de toutes ces conneries désormais. Par contre je ne sais pas si c'est l'auteur du message qui est devenu ringard ou moi-même. Peut-être un peu des deux. Tiens le ringard est aussi un outil à feu !|couper{180}

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Ivresse, lucidité

des mots encore, nommer des états de l'être toujours changeant, mais si incomplets. L'ivresse parfois offre une lucidité extraordinaire alors que la lucidité de temps à autre abruti embrume. Prendre du recul avec les mots comme avec les tableaux pour peindre plus juste, écrire plus juste. On se fiche du laid et du beau, c'est simplement un petit ploc, une goutte d'eau qui tombe et que soudain on entend vraiment, ivre ou lucide comment le savoir ?|couper{180}

Ivresse, lucidité