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Attente
Lire une phrase dans l'attente , un instant comblé, puis observer s'en aller peu à peu ce plein plus que souvenir. Et pourtant c'est ainsi qu'on revisite le vide différemment, L'attente est devenue la même et en même temps une autre comme cette femme évoquée dans le poème de Verlaine "Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend." Ou encore ces lignes de Christian Bobin lues ce matin sur le blog de Barbara et qui se retient comme une respiration comme on garde en soi une question dont on ne veut trouver la réponse. cette attente et mon amour ne font qu'un seul|couper{180}
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Torsions
Ce gosse est tordu dit l'homme retors selon la règle implacable des miroirs. Règle qui fut pour le chiard leg jusqu'à son allègement, son oubli, son gauchissant abandon. De la droite vinrent des vents en tout point semblables à ceux venant de la gauche, si bien qu'on inventa d'abord un clocher, puis un coq et l'on nomma l'ensemble girouette, parce que ça devait rimer avec pirouette ou cacahuète. Girouette, pirouette, cacahuète- ou peanuts- en anglais, devinrent les substantifs habituels avec lesquels on nomma ce gamin fêlé. Ou d'autres encore pires qui, comme blessures ou fêlures, laissent entrer et sortir , cris, plaintes, gémissements et l'eau, et l'urine, et la lymphe, et la morve comme ombre et lumière le font pour indiquer plutôt que rien quelque chose. Ensuite on demanda au moutard d'être droit comme un i, d'apprendre bien ses leçons, d'être sage comme une image, d'aimer Dieu et ses anges, la maîtresse, la maman, l'agent de la circulation, les salsifis, les épinards, et ses camarades, Pour cela on lui appris le point sur le i, la barre qui perpendicule au t, et autres joyeusetés. L'obéissance lui fut injectée comme un vaccin, avec moult rappels à l'ordre, selon des protocoles établis de longues dates qui mêlent la pratique compulsive du bâton à celle hypocrite et doucereuse des carotacoles. Mais tout fit chou blanc, à force de torsions en tous sens souvent contraires, l'enfant ne fut plus que nœuds semblables en tout point à ceux qu'on trouve dans la région de Gordion , et pas sur qu'un Alexandre le croisant n'eusse pu trancher, ou démêler l'affaire, bref s'y attarder un tant soit peu, à moins que le désir de percer les mystères de la Perse cette urgence, l'eut obligé à sortir son épée, à trancher la tête du mouflet -d'un geste bien net, et sans bavure- (c'est un héros droit qui ne peut se permettre d'être en même temps maladroit) . Décapité et démêlé d'un coup, ce ne peut pas être une mauvaise fin en soi. Il faudrait examiner, pour s'en réjouir, ou s'en affliger plus encore, la différence qui réside entre entêté et étêté. Ou entre droite et gauche, et surtout reprendre chaque petit bout de fil qui va comme ça, à vaut l'eau, les retordre en un seul , plus solide, puis l'enfoncer dans le chas d'une invisible aiguille.|couper{180}
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Quelque chose d’animal
Une fois l'humanité partie, ce rêve, cette nostalgie qui s'accroche encore et encore comme un caniche aux pans d'une veste, que reste t'il, à part une brute épaisse, un animal au sens ou c'est encore une nostalgie qui lorgne sur ce mot. Car lorsque j'observe la chatte, je la trouve mille fois plus digne que bien des êtres humains. Dans la joie comme dans la douleur cette dignité ne se déforme pas, reste d'une stabilité admirable. Même dans sa férocité que je surprends parfois lorsqu'elle bondit sur un oiseau, elle ne cherche pas à être autre chose que ce que la nature lui dicte. Tout tombe d'aplomb, aussi bien quand elle se meut sur la table de l'atelier, que lorsqu'elle dort sur sa chaise préférée, une simple chaise en paille. Je me souviens parfois de l'animal précédent, Nono , qui m'accompagna partout durant vingt deux ans, et parfois les individualités se confondent, les particularités s'évanouissent, c'est une chatte, ce sont des chattes, c'est La chatte, un animal aussi proche de ce qui il y a tout au fond de moi et que jamais je ne peux atteindre, qui se dérobe sans cesse, sauf à de très rares moments. D'ailleurs peut-être que c'est ce que je cherche quand je peins, quand j'essaie d'écrire, tout en le fuyant sitôt que je m'en approche. Une sorte de bouffée christique, ou plutôt venue du fin fond des âges, associée à l'histoire de ce roi terrifiant, Gilgamesh, qui à la fin des fins revient de la mort pour rejoindre chez les vivants son ami. Comparable aussi à Ulysse le rusé de retour à Ithaque pour subir Pénélope et s'astreindre à la nostalgie des voyages passés comme de ceux à venir. Etre humain est une forme de sacrifice qu'effectue cette part animale, pour honorer je ne sais quoi, impossible à nommer. Je dis quelque chose d'animal mais c'est peut-être la part la plus humaine de moi au final.|couper{180}
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Coupable industrie
12/04/2023 A la mort de Picasso, en avril 1973 à l’âge de 91 ans, c’est Maurice Rheims, commissaire priseur, (« Alors Rheims, toujours votre coupable industrie ? - l’interpelle Charles De Gaulle) qui fut chargé de cataloguer et d’évaluer les 12000 œuvres de l’artiste. A l’époque la France ne possède aucune œuvre de Picasso dans ses musées. C’est André Malraux qui saisira donc l’opportunité d’en acquérir par le moyen de la dation (en s’appuyant sur l’occasion pour promulguer la loi de dotation à l’Etat) La dation en paiement étant le procédé par lequel un contribuable peut s’affranchir de certains impôts notamment ceux de succession au moyen d’objets de valeur, notamment des peintures, des livres, du mobilier, objets de collection en tout genre. C’est souvent de cette façon que les musées acquierrent leurs fonds notamment le Musée Picasso. C’est l’année dernière, en avril que 6 œuvres ayant appartenu à la fille de Picasso, Maya, ont ainsi rejoint le Musée. Concernant cette succession compliquée comme le fut la vie familiale de Picasso, on s’aperçoit que la part de l’Etat est celle de l’ainé, la part du lion. Néanmoins on ne pleurera pas sur les héritiers pour ce cas précis tant la richesse, l’abondance, de l’auteur de Guernica est stupéfiante. On apprendra aussi à l’occasion que les enfants illégitimes, les pièces rapportées ne sont pas sensés pénétrer chez le notaire lors de la lecture du testament (selon les articles 335 et 342 du code civil : " les enfant adultérins doivent être considérés comme étrangers à leurs parents au point de vue patrimonial, et sont privés des droits héréditaires accordés par la loi aux enfants naturels " Ce qui sera par la suite arrangé par Pompidou un peu avant sa mort en 1974 et permettra à Claude et Paloma, les enfants de Pablo et d’Olga Kokhlova de faire valoir leur droit à une partie de l’héritage. Maurice Rheims sera ébahi par la profusion des œuvres qu’il découvrira entreposées dans les différentes demeures de Picasso, notamment à la villa La Californie, où, dans les sous-sols , se tiennent dans la pénombre des milliers de sculptures, de céramiques. Picasso utilisait la sculpture quand il éprouvait des difficultés à exercer la peinture. On voit au nombre que ces difficultés ont certainement dues être régulières et nombreuses. Rheims évoque aussi son ébahissement double à découvrir le classement méthodique de chaque œuvre par l’artiste, une méthode aussi monstrueuse finalement que sa création. Je repense à mes visites chez Thierry Lambert, à la même profusion entr'aperçue, A toutes ces œuvres, empilées quasiment des murs aux plafonds, partout dans toutes les pièces de la demeure de la Sapineraie à Sainte Hilaire des Rosiers. Je crois que c’est pour cette raison principalement que je me suis retiré sur la pointe des pieds, que j’ai rompu peu à peu la relation et les projets que j’avais proposés de réaliser, notamment ces interviews sur l’art brut, et sa démarche artistique. Il n'y a pas eu de dispute, juste une énorme gène qui est venue en moi-même. Je crois que je ne me suis pas senti à la hauteur, pris soudainement par une bouffée d’humilité sans doute mal placée comme c’est souvent le cas quand cette forme l’humilité se présente à moi. Je ne crois pas qu’il s’agisse de jalousie, c’est bien plus un constat qui m’assomme comme m’assomme l’ennui généralement. Une chape de plomb qui s’abat, et qui m’étouffe. C'est-à-dire que je revis aussitôt l’enfermement personnel dans lequel je réside, me complais, me réjouis autant que je m’en plains et qui m’indique simultanément les limites de ce que je pense être ma bienveillance, ma générosité. J’imagine qu’il s’agit d’un simple reflet de ce que j’aurais pu être, prétention, orgueil compris dans le lot, c'est-à-dire encore une fois cette haute importance conférée à l’art et qui dissumule souvent une haute importance à l’ego. Ce qui crée aussi en moi presque aussitôt un étau dont les deux machoires sont le dégout et l’admiration. Et à chaque fois il me semble evident que ma seule issue pour ne pas être broyé est toujours la même, une fuite. Je ne sais toujours pas s’il s’agit d’une formidable lacheté, d’un trait de caractère marquant une résistance à tout cliché qui se formerait en moi-même, et qui serait soudain insupportable, un manque de générosité, d’humanité… toujours cet embarras du choix face au faisceau des raisons plus ou moins plausibles. Embarras qui m’entraine vers la désertion systématique au plus fort des batailles intérieures. Alors la sanction tombe presque aussi systématiquement, dérision de soi, catatonie, mépris de tout ce que je suis, possède, imagine, crée. On ne peut pas vraiment être ainsi dans le meilleur état, propice à se dire artiste, voire peintre ou quoique ce soit dans ces moments là ; le ridicule, Dieu merci, nous en préserve. La peur du ridicule, d'un ridicule vis à vis de soi surtout car je n'ai aucune crainte de l'être devant qui que ce soit paradoxalement. J'imagine que cette peur du ridicule est très proche de l'idée de ma propre disparition finalement, surtout quand c'est par la sensation physique qu'elles s'approchent , sans crier gare ; bien plus qu'en pensée, avec logique ou raison, philosophie. J’associe ces notes à la lecture du livre de Cocteau, « Démarche d’un poète » dont j’ai avalé une bonne moitié hier soir. Je ne sais ce qui m’hypnotise tant dans cette histoire et dont je sors à chaque fois comme meurtri. Est-ce que j'ai besoin de me meurtrir ainsi à tout bout de champ, peut-être. Certains hommes ne peuvent rien faire avec la joie, avec le simple plaisir d'être, il se mettent des bâtons dans les roues à loisir, ils sont d'une complexité tellement complexe qu'au bout du compte ils en deviennent simples d'esprit, idiots. L'art un peu trop souvent, est pour moi proche de l'idée de délit, de l'insulte et c'est bien dommage, dans le fond c'est là le résultat d'une éducation petite bourgeoise, on voudrait faire mieux que le père, remplacer le père, le tuer au besoin. C'est toute l'histoire de l'art dit moderne du XX ème siècle et qui n'est pas encore digérée par certains dont je fais partie je crois. Ces admirations sont louches tant elles font ressurgir l'idée d'un confort, d'une volonté grégaire, d'un fantasme plus ou moins avéré de sécurité. Une coupable industrie, ça me va assez bien comme terme|couper{180}
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fini, infini
photo trouvée sur le web. Tout de même, que je ne cesse de me dire que je ne travaille pas assez, comme si le travail était tout ou n'entraînait rien. Encore faut-il s'entendre sur ce que c'est. Voir n'est pas un travail pour la plupart, c'est un état désigné comme méditatif. Mais pas tant que ça, le nerf optique est très sollicité, tous les nerfs d'ailleurs. On fait mille fois le dessin sans le savoir et ensuite ce qui vient sur la feuille, le tableau ressemble pour beaucoup à de la chance, du hasard, du miracle, voire tout l'inverse quand on est mal luné. C'est qu'on a encore bien trop d'idées, et bien trop précises de ce qu'on veut atteindre et qui ne nous appartient pas. Ne pas peindre, ne pas dessiner, c'est se retenir de faire le perroquet. Au moins cette consolation, très fugace. je crois, malgré tous mes efforts et mes longues ruminations, que rien ne vient mieux qu'en s'y mettant sans réfléchir. Mais que de réflexions avant d'être à bout, de se jeter dans le geste. Chez moi les deux vont admirablement bien ensemble , mais j'ai encore du mal à m'y faire par moment. Il faut contracter le ressort le plus possible pour qu'il nous projette hors de soi en se détendant d'un coup. Assez violent, rustre, j'adorerais plus de douceur, de délicatesse, mais c'est ainsi que j'ai tout appris, un mal, un bien, peu importe. C'est pareil pour le sexe, que de tergiversations... et puis une fois qu'on y est... ou pour plonger dans une rivière. J'aime bien cette idée de Cocteau quand il évoque l'insulte au fini, quand il parle du mouvement inverse de Picasso, d'aller du fini vers l'infini. Cela explique aussi l'affection que je porte aux dessins d'enfants, et la tristesse dans laquelle ils me plongent, car peu de gens les voient véritablement. Pourtant, ils contiennent cet infini. un infini qui s'achèvera souvent en queue de poisson, dans l'adolescence quand ils voudront ressembler à quelque chose, à quelqu'un.|couper{180}
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Ballade
Hier, vers la demie de seize heure, mes pieds, énervés par une trop longue immobilité, m'ont emporté ballade juste au bord de la pluie j'avais pris mon appareil photo, on ne sait jamais, peut-être pour capturer quelque chose ou bien m'en donner l'idée, une possibilité une heure trente de monts et de vaux entre les petits immeubles, petits pavillons ouvriers, les travaux de la grand place, les fruitiers, la décharge publique, les cheminées d'usine, les premiers iris, l'odorant lilas. Ballade en fin d'après midi et chance de ne pas rencontrer la pluie. Je suis passé au retour par le centre ville pour voir les films à l'affiche du Rex qui résiste vaillamment. On ira ce soir à la séance de vingt et une heure voir "les chemins noirs" Pas que ça m'enchante , mais cela lui fera bien plaisir depuis le temps. J'ai même gardé dans la poche de mon jean deux billets de dix euros depuis plusieurs jours. Je les récupère en prenant soin de ne pas les casser, les dépenser , de pantalon en pantalon et ce depuis que je ne fume plus. C'est l'avantage. Rien peint du tout aujourd'hui, je crois que je n'aurais pas du regarder ce documentaire hier d'Arte. Picasso le Minotaure c'est pas moi, loin de là. Et dans le fond des choses je n'en suis pas mécontent. De toutes façons il est beaucoup trop tard pour devenir vache, toro, toréador., j'avais la tête ailleurs, on ne peut ni tout faire ni être partout. C'est très réaliste ce que je dis, je devrais retourner faire une nouvelle ballade, je sens que j'énerve mes arpions. Bien content d'avoir trouvé un petit livre de Cocteau qu'il publia du reste non en France mais en Allemagne... Il parle de ses rencontres, dont Picasso justement, qui visiblement ne faisait pas tourner en bourrique que les dames.|couper{180}
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Extrait de Cocteau sur les peintres
dessin de Cocteau et notamment Picasso « L’audace chez le peintre est presque toujours confondue avec une fougue du pinceau. Baudelaire lui-même s’y laisse prendre et décerne à Delacroix les audaces que dissimulait Ingres. Sous une apparence académique, fort trompeuse, Ingres déforme, décante, organise, bascule à la renverse les cous des femmes comme des goitres, murmure d’une voix grave, au lieu de déclamer, et récolte que la jeunesse de son époque se trompe de porte, et qu’il lui faudra attendre que les cubistes le découvrent. Le cubisme a été le classicisme s’opposant au romantisme des Fauves. En 1953, Picasso, dans Guerre et Paix, a marié le lyrisme et le calme, Le Bain turc d’Ingres et L’Entrée des croisés à Constantinople de Delacroix. Qu’a-t-il fait ce Picasso pour déranger les jeunes peintres ? Il s’est imposé comme un dogme que le bien fait dénoncerait une recherche d’esthétique, une inélégance de l’esprit. Ainsi ouvre-t-il une fausse porte aux paresseux qui ne le gênent pas et la ferme-t-il à ses contradicteurs qu’on prendra pour esthètes et retardataires. Car il referme toutes les portes qu’il ouvre. Le suivre c’est se cogner. Peindre sur la porte c’est être accusé de platitude. « Une figure mal faite de Picasso résulte d’innombrables figures bien faites qu’il efface, corrige, recouvre et qui ne lui servent que de base. À l’encontre de toutes les écoles il semble achever son travail par une ébauche. Son entreprise destructive est constructive en ce sens qu’on ne saurait construire du neuf sans détruire ce qui est. Il donne l'espoir, s'il désespère. Il prouve que l’individualisme ne se trouve pas en danger de mort et que nous ne marchons pas vers un avenir de termites. Bien des cornes le menacent, mais il leur oppose une prodigieuse agilité de torero. Les écoles nous enseignent à partir de l’infini pour atteindre au fini. Picasso fait la route inverse. Il va du fini vers l’infini. Un objet infini. Une figure infinie. C’est ce non-fini, cet in-fini qui nous intriguent et nous attachent. La mise au point de ses lorgnettes d’approche se fixe au flou. Mais comme ce flou s’exprime avec précision, il intrigue encore davantage. En outre, chaque détail du tableau semble obéir à des distances différentes entre l’œil et ce qu’il regarde. Picasso m’a raconté qu’il avait vu en Avignon, sur la place du château des Papes, un vieux peintre, à moitié aveugle, qui peignait le château. Sa femme, debout à côté de lui, observait le château avec des jumelles et le lui décrivait. Il peignait d’après sa femme. Picasso dit souvent que la peinture est un métier d’aveugle. Il peint, non ce qu’il voit, mais ce qu’il en éprouve, ce qu’il se raconte de ce qu’il a vu. Cela communique\à ses toiles une puissance imaginative incomparable." Extrait de Démarche d'un poète Jean Cocteau|couper{180}
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dire contre le dit
dessin sur tablette avec Procreate le dit c'est l'ennemi, ça c'est dit, contredire le dit est toujours possible, il est possible de redonner ainsi au verbe une dynamique, un vecteur, tu dis un truc et paf ! tout de suite dans la foulée, tu te contredis. Et vois là-bas ce qu'ils font du dit, ils dépècent les carrières de marbre, les forêts de chênes, pour graver des signes bien jolis mais qui n'ont pas de sens. Une fois que j'ai dit ça, c'est comme si je n'avais rien dit. Si personne ne vient me contredire, je crois que ça restera en l'état. Il y a bien des états dits de droit, des états de dits, pourquoi n'y aurait-il pas des états de contredit, de non-dit. des états sans foi ni loi comme dans les jours d'aujourd'hui. Surtout au printemps tout le monde dit comme c'est beau ici c'est le printemps tu as vu, il faut beaucoup de réflexe, un entraînement de chaque jour, chaque minute, pour oser dire et sans ciller -non je n'ai rien vu. Rien du tout. Histoire de donner une mince chance à la conversation, ou au moins à la contradiction. Mais tout le monde s'en fout, chacun s'en va dans son printemps à soi, hypnotisé par sa propre idée du beau, du renouveau, des bourgeons qui pètent ; il paraît que ça aide à supporter tout le reste.|couper{180}
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traversée
dessin sur tablette avec Procreate une traversée de l'inutile commence en premier lieu par la prise de conscience sourde de tout de ce que tu croyais important, précieux, utile. Ce sont des écailles qui se détachent lentement des yeux pour glisser vers l'oubli ou le néant. Autrefois cela te paraissait insupportable et tu essayais constamment de recoller ces morceaux, plus ou moins avec soin, mais, tandis qu'un de ces fragments reprenait place, te recréait un peu bancal, un autre à nouveau se détachait pour glisser au loin. Au bout du compte il en résulta une monstruosité sans nom, une créature à ranger dans la catégorie des films d'horreur, une reconstitution grossière, un amoncèlement des morceaux de cadavres unis par des coutures grossières. enfin l'inutilité fut d'une intensité telle que tu dus lâcher ta besogne. Un espace gris t'avala tout entier, une sorte de no man's land dans lequel tu erras des milliers de jours et de nuits, mais sans jamais savoir quand était la nuit quand était le jour . Tout avait perdu à ce point de son importance que tu ne parvenais plus à discerner et les choses et les êtres et leurs contours et l'espace entre eux. Tout ne fut plus que formes figées dans la roche froide, et tu fis encore des efforts débiles durant un temps indéfinissable. Tu rampas lentement sur des corps, sur des objets, sur des mots qui n'avaient plus aucune signification ni sens ni laideur ni beauté. Et puis dans une anfractuosité de ce monde bizarre tu trouvas enfin une place. Tu ne fis plus alors que regretter d'antiques sensations, des sentiments appartenant à des âges antédiluviens, tu parvins ainsi à mi chemin du but que le destin avait depuis toujours fixé pour toi. Tu commençais à prendre racine dans la roche, tu réinstallais l'idée du confort, quand celle-ci fut heurtée par un immense corps céleste qui pulvérisa tout ce que tu croyais encore être toi et ce lieu cet espace et tes minces espérances de devenir. Éparpillées dans l'espace noir des bribes flottent tout autour de toi, tu n'es plus dans un corps précis, tu es dans chacune de ces bribes et pourtant tu es en même temps nulle part et partout. Tu es cette conscience qui parvient vaille que vaille, coûte que coûte encore à se faufiler, à traverser l'inutile, en empruntant parfois un peu d'utile si besoin est, si vraiment nécessité, pour voyager plus loin.|couper{180}
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actions, obligations
comment le vocabulaire propre à la finance, à l'argent pénètre t'il dans notre propre langue et en grande partie inconsciente la souille. Encore qu'un mot en lui-même ne soit rien mais que les toutes premières sonorités qu'on y trouve, celle de l'enfance, en deviennent abîmées dans l'oubli, chassées d'un Éden pour atterrir en enfer. J'essaie de me souvenir de la toute première fois où j'ai entendu le mot action, mais je l'ai certainement lu avant de l'entendre de la part d'autrui. une action effectuée à l'intérieur d'une page, d'un paragraphe, et que ma voix aura prononcé intérieurement le découvrant . Obligation devait se rapprocher musicalement d'oubli, peut-être une interprétation sauvage et qui longtemps m'aura induit en erreur. Une "oubligation" Gassion c'était le nom des concierges qui habitaient en bas de l'immeuble de la rue Jobbé Duval. Ils étaient vieux et tout secs, gentils, affectueux, avec des cigales en plastique accrochées à leurs rideaux. Oublie Gassion, je n'ai jamais vraiment pu les oublier, ils reviennent de temps en temps me visiter, ou je vais les visiter en pensée. Je n'ai jamais conservé de lien avec eux une fois parti dans le Bourbonnais, comme je ne conserve de lien avec personne. Enfin ça ne m'empêche pas de penser a beaucoup de gens et tout le temps. Conserver des liens j'imagine que c'est proche des raisons des sépultures dans les cimetières, on écrit, on téléphone, on rencontre certaines personnes à période régulière, pour être certain qu'ils sont à un endroit, un lieu précis, qu'ils ne nous envahissent pas l'esprit de façon intempestive- ce que je ne cesse de vivre depuis toujours. Donc entretenir des liens c'est enterrer quelqu'un ou quelque chose dans la fantasmagorie de mon esprit. Cela me ramène encore une fois à ce baiser morbide. Ma mère me poussant dans le dos pour que j'aille embrasser mon aïeul froid allongé dans sa chambre dans son grand lit. Action ! Puis la sensation peu agréable des lèvres posées sur la viande froide légèrement piquante. Oublie Gassion vite le contact de la pulpe d'un doigt sur un corps d'insecte en plastique. Les morts et les vivants, les liens et les tombeaux, la mémoire et l'imaginaire, Gulliver attaché au sol par des milliers de petites créatures rageuses qui ne cessent de réclamer leur dû, des comptes. Je me réveille quand je veux les gars, sauf que là non je ne peux pas, je ne peux plus, ça ne fonctionne plus. Pris dans les actions les obligations, bien pris.|couper{180}
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contenu
nature morte, Paul Cézanne le contenant et le contenu, quelque chose à creuser dans cette image, un vase ébréché ne peut plus contenir la même chose, on peut y placer autre chose, des fleurs séchées, des éléments qui ne s'enfuiront pas par la brèche, ou encore s'en séparer, le jeter. Quand juge t'on que c'est le bon moment de se séparer d'un vase ébréché, sur un agacement, au bout d'une longue série de petites gènes presque invisibles, l'idée de se séparer n'est-t'elle pas déjà inscrite tout à fait en amont même de ce moment où l'on a acquis l'objet qu'il faudra jeter ou dont il sera d'une importance quelconque de vouloir le détourner de son emploi. Le plus important est-ce le contenant ou le contenu, ce trouble en y pensant. L'habitude de se voir en tant que contenant, de s'affubler d'une importance, laquelle ? pour créer du contenu, c'est encore autre chose. L'importance est donc d'importance entre contenant et contenu. Et si par hasard l'importance, toute notion d'importance se perdait soudain, si le contenu n'avait plus aucune importance tout comme le contenant... quelque chose serait délivré qui serait aussi proche d'un contenu. Une étagère de livres dont on ne voit plus les titres, mais qui forme toujours en soi une image de la lecture, de la bibliothèque, d'une certaine culture. Une question bien plus que n'importe quelle réponse que l'on se sera toujours donnée comme prétexte. Important le prétexte, peut-on jamais produire quoique ce soit sans but sans raison, sans prétexte. On en revient à la notion d'acte gratuit, qui n'est jamais gratuite puisque cherchant à se prouver à soi la réalité d'une gratuité inventée, fantasmée, c'est à nouveau un prétexte que l'on se sera donné. Peindre sans raison, peindre avec un corps, le corps s'exprimant par geste, la raison serait encore de laisser s'exprimer un corps. Tenir le corps dans l' immobile est aussi un acte. Ne rien faire peut-être le contenu d'un faire ébréché, d'une raison ébréchée. A qui s'adresse un tel contenu, on ne fait jamais rien sans s'adresser à une image d'autrui, à une image de soi, qu'à des images. Peindre ce que l'on ne peut considérer comme une image, peindre à la fois le contentant et le contenu, "peindre l'être" comme dirait un ami peintre, ce que je trouve toujours un peu trop ronflant comme expression. Et le non-être alors ne se peindrait-il pas ? le lieu où n'existe ni contenant ni contenu, juste un grand silence et rien ? Le non-être il est possible que ce soit un sérieux malentendu. Le non être c'est cette vie ici-bas où l'on s'accroche à des raisons comme à des épines. Et ici on insiste sur le bas pour s'inventer encore un haut, bien sûr. c'est contenu dans le paquet. Il faut se contenter de ça comme se contenir, sinon on devient un fâcheux, un emmerdeur, un chercheur qui ne trouve jamais rien.|couper{180}
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entre-deux
Peindre et non peindre, l'entre-deux, à la fois dépression et fébrilité. Une vue d'esprit. Ce n'est pas parce que l'on se tient devant une toile avec le pinceau que l'on peint. Ce n'est pas parce qu'on est assis à regarder une toute petite tête d'oiseau au haut du toit que l'on fait autre chose. Un conditionnement si ancien qui nous pousse a l'exaltation dans le faire, à culpabiliser de non faire. Pousser le curseur dans les deux sens, dans une exagération du faire et du non faire pour se rendre compte de l'absurdité d'une telle séparation en catégories. Il faut en avoir dans le ventre pour tenir dans chaque extrême. Puis le temps met à jour le ridicule, on abandonne quelque chose en route, une part de soi qu'on estimait si importante, une forme de résistance qui n'a plus vraiment de raison d'être. On entre dans une autre forme de déraison, on vieillit voila tout. quelque chose parfois encore semble s'opposer à l'évidence, une jeunesse récalcitrante. On tente de la raisonner, de se raisonner, la vieillesse aussi peut être tout aussi récalcitrante. Quelqu'un, quelque chose se trouve au centre dans cet entre-deux, on ne sait plus vraiment quoi ou qui.|couper{180}