Transcendance et immanence

Quand on emploie les termes "au-dehors" ou "au-delà" ne font-ils pas toujours référence à un "ici ou là" ; ce sont des expressions reliées à ce monde. Au dehors ou au-delà ne peuvent exister sans l’ici ou là. Et donc tout ce que l’on imagine en dehors ou au delà de ce monde reste dans ce monde. Ce qui crée désormais un malaise vis à vis de la notion de récit. On voudrait écrire un récit, raconter quelque chose qui va au dehors ou au delà du "je" qui l’écrit, mais ça ne fonctionne plus, on sait désormais que ce récit reste lié à ce petit "je". Le récit ne transcendera pas le "je". En tous cas pour l’auteur ça ne fonctionne plus, voilà une conclusion.

Que penser alors d’un texte qui s’écrirait dans l’immanence. C’est à dire au fil de l’eau. C’est à dire à coup de fragments sans que ceux-ci ne soient orientés vers une même idée, c’est à dire encore un but qui les fédérerait en pensée en amont. Des bribes de textes décousues. En apparence un hasard. Ce serait prendre le problème en sens inverse par la croyance dans le fait que tout est relié déjà comme un grand livre , et ce même si nous ne sommes pas toujours en mesure de discerner ni couverture ni titre ni reliure.

Il semble désormais que peindre comme écrire dans un premier temps réclament une disponibilité, une spontanéité propre à l’immanence mais qu’au fur et à mesure qu’on évolue, la satisfaction diminue, le résultat ne cesse jamais d’évoquer un manque, quelque chose semble nous échapper. La volonté de contrôle alors prend le pas ( le fameux "je" ) et celui ci rêve de transcender ce résultat afin de se voir- dans ce miroir- autre- plus ceci ou cela, ou encore moins ceci ou cela- ce qui revient au même. Cette quête de transcendance n’est-elle pas illusoire puisque on ne cesse de retomber toujours sur le "pot aux roses" - Une crucifixion rien de moins. Cette exigence de vouloir être un autre que ce que l’on est. Mais de quoi rêve t’on sinon de ce semblable augmenté - d’une pure monstruosité ( on appelle cela progresser, s’améliorer) Mais par rapport à qui à quoi ? Il y a donc une nécessité de modèle à un moment ou un autre pour se comparer, pour essayer de mesurer (se mesurer au Minotaure aller si vous voulez. )

Tout cela au bout du compte est stupide et ne vaut que dans un cadre très étroit où les mots clefs sont "la reconnaissance", "la notoriété", l’acceptation par le groupe ( experts et pairs ) ; c’est ce que l’on appelle "être du monde"

Cette idée d’être du monde n’est pas non plus satisfaisante, les joies et les peines que l’on y trouve nous ramènent sans cesse à un manque, à notre petitesse ce qui est logique puisque le corollaire est la déception d’une grandeur fantasmée qui elle aussi ne cesse de nous échapper.

La position juste est d’oublier les quatre points cardinaux, toute notion de mesure, règle ou d’orientation. Il convient d’accepter une désorientation totale pour saisir qu’on ne peut plus faire autrement que de s’appuyer que sur ses sens, sur sa propre intuition, et les choix qui en découlent. Sur l’oubli du savoir, des techniques de l’habileté comme des calculs. On ne peut que recréer tout seul ce qui pour soi est désormais le haut et le bas, l’ici et l’ailleurs, l’horizon. Ce qu’on découvre ainsi n’est pas communicable de façon directe, il ne convient pas d’en parler car quiconque n’a pas emprunté ce cheminement ne le comprendra pas.

Etre du monde n’a jamais eu d’intérêt. Etre avec toi était plus attirant. Etre avec toi, n’est-ce pas la quête d’un graal qui soudain nous adoube chevalier chevaleresque. Encore qu’il faille un temps pour savoir qui tu es, pour saisir la présence d’un tout-autre que moi. Que ce tout autre est une nécessité aussi. Car c’est par cette connaissance de ce tout autre qu’on peut faire imploser la notion du même en soi, et toute velléité de vouloir ressembler à. Accepter le tout autre à l’extérieur comme à l’intérieur puis réduire en poudre ces deux mots.

En peinture échapper au déjà peint comme au déjà vu demande une gymnastique extra ordinaire, entre destruction et construction dans ce mouvement on apprend quelque chose de soi et du monde c’est qu’il est une seule et même chose, qui sans cesse se dérobe à la pensée rationnelle. C’est par le geste qu’on le touche et qu’il ou elle nous touche selon qu’on parle du tableau ou de la toile. C’est par le rythme, la répétition des gestes, des positions du corps, son déplacement - avancer reculer - face au support dans un espace donné qu’on appréhende ce qu’il est simple de nommer le mystère. Mais c’est l’être, ce petit mot, cet auxiliaire souvent invisible tellement on l’emploie qu’on ne le voit plus .

En ce qui concerne l’écriture le dégout de relire pour "améliorer" n’est toujours pas apaisé. Cela vient certainement de l’obstination de justesse qui vient de la peinture. De l’état d’esprit avant tout et dont tout part plutôt que d’un savoir faire pour faire du beau, de l’illusion.

Chaque texte est une flèche décochée non pour atteindre une cible, un but , mais pour parvenir à entendre le son juste de la corde lâchée enfin comme il se doit.

Le doute subsiste, il est nécessaire. Le doute comme l’insatisfaction. C’est à dire le regret des certitudes parfois, la nostalgie des certitudes.

Ensuite et ça me travaille depuis un moment, une envie d’agir les textes comme une exposition agit la peinture. J’en reviens à nouveau à la lecture à haute voix et encore une fois à peser le pour et le contre tant que l’intention n’est pas claire, lumineuse. Que ce ne soit surtout pas une option nouvelle pour me mettre en avant alors que je fais bien tout pour rester tout au fond à l’arrière, à tenter de m’effacer surtout.

Post-scriptum

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Faites au mieux

—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}

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Se lancer

D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}

Se lancer

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Tendre

travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}

Tendre