La notion d’œuvre, le silo.
Le « Schweisser » (Le Soudeur) d’Yves Carrey, qui ne voit rien venir
Comment se constitue en soi l’idée d’une œuvre ? Ce n’est surement pas un livre, pas un tableau, pas une seule pièce. Ce ne peut plus être aussi simple et naïf. C’est une réflexion qui ne s’effectue pas en amont de l’action non plus. Peut-être est-ce une liquidation. Une liquidation de soi-même avant toute autre chose. Cette intuition je l’avais eue très tôt mais elle était sans doute encore incompréhensible, vers 1980 déjà, vivre faussement était une véritable hantise. Toutes ces choses dans lesquelles on devait pénétrer comme on enfile un gant qui est trop grand ou trop étroit. Autant qu’il me souvienne, je pourrais même remonter à l’enfance, même constat. Une force s’oppose au mensonge. A ce que l’être spontanément considère être un mensonge. Le doute s’installe quand on constate que tout le monde vit dans ce mensonge et le nomme réalité, ou vérité, ou n’importe quoi qui permette de réunir le monde justement, selon une idée de justice dont on pourrait discuter, si les gens face à soi, justement, appréciaient d’en discuter, ce qu’ils refusent la plupart du temps. Cette surdité ce mutisme sont difficiles à comprendre, à accepter en tant que fait. Mais ce sont des faits, on ne discute pas les faits, et alors deux solutions s’offrent, soit de l’accepter comme une donnée incontournable de la réalité commune, soit de chercher à entendre, à écouter ce que tout le monde refuse d’entendre et d’écouter. Non pas pour en tirer un profit, un pouvoir, ce ne serait qu’une intention de surface, mais bien plus pour essayer de trouver de l’ordre dans le chaos, le mensonge, le silence qui nous choquent naturellement.
Une œuvre alors, ce serait un puzzle immense qui débuterait dès le début. Tous les morceaux sont éparpillés dans le temps et l’espace et il convient de les retrouver en les considérant non comme des faits exceptionnels, des qualités voire des défauts, ni de les classer à la va-vite dans un genre, ou par thématique de façon à en finir momentanément avec le trouble que provoque leur réalité.
Tout compte dans cette notion d’œuvre , non pour mettre en avant une personnalité, mais plutôt pour la réduire à néant. Pour la liquider. Ce serait cela le point de vue de l’auteur, de l’artiste et il le ferait durant une partie plus ou moins longue en toute inconscience. Comme si la force qui pousse à créer nécessitait toute la place, comme si elle désirait remplir peu à peu le vide que provoque les découvertes successives, laborieuses du créateur vis à vis de son propre vide. Un animal monstrueux qui dévore le vide à la vitesse de l’éclair. On pourrait l’appeler écriture, peinture, évidemment on pourrait l’appeler le diable ou tout autre chose qui vous passe par la tête. Il faut prendre conscience en premier lieu de ce vide que nous appelons je ou nous. Et évidemment c’est extrêmement difficile de l’accepter, de l’affronter, de lui donner son nom exact. Comment témoigner d’une telle aventure, pourquoi d’ailleurs vouloir en témoigner, peut-être justement parce qu’il y a quelque chose d’inhumain à chercher la liquidation alors que tout autour le monde entier tente d’accumuler. Inhumain dans le sens anormal. Ce qui offre un éclairage de cette norme dont on se tient à l’écart volontairement ou pas et qui au fur et à mesure que cet écart se creuse semble nous rapprocher de quelque chose qu’on pourrait nommer son fondement. Qui au bout du compte est à mon sens émouvant, émouvant tant cette norme est souvent dérisoire, pathétique. Et qui m’installe aussi dans la colère dans la rage lorsque souvent je comprends qu’on utilise cette norme pour exploiter, apeurer, contraindre, gouverner, et toujours pour un profit qui lui me semble parfaitement inhumain.
voici donc un texte qui sort du vide, comme il peut, avec maladresse de plus en plus souvent. Cette fameuse maladresse, encore un écart à maintenir coute que coute. Il serait dangereux cependant de ne s’appuyer que sur celle-ci. Considérer que ce ne sont là que des brouillons, des notes, des billets sans véritable importance, que ce n’est pas l’œuvre, serait une erreur aussi. Cette histoire de l’œuvre à venir qui reste toujours plus ou moins collée au tympan, à l’oreille intérieure, elle ne sert sans doute qu’à cela, à produire des brouillons sans relâche qui seront sans doute plus intéressants qu’un livre digne de ce nom ou une peinture digne de ce nom. C’est une manière de non peindre, non écrire dont on ne peut plus à un certain moment ignorer la raison d’être. C’est parce qu’elle liquide, cette manière justement ; toute idée de norme inscrite jusqu’au fin fond de nous-même concernant le mot œuvre.
Tout est là épars, dans un désordre entretenu farouchement depuis des années, textes, dessins, tableaux, esquisses et ébauches, c’est tout cela l’œuvre que je l’accepte ou pas me concernant, que j’en sois heureux ou pas, cela n’importe pas non plus. La liquidation doit bien aller jusqu’à cette notion de franchise profonde. Comprendre que l’on n’agit toujours que pour communauté et non pour un individu qu’on ne connait d’ailleurs pas, qu’on ne connaitra jamais, un mort du nom de John Doe, un genre de soldat inconnu.
Le terme de silo dans plusieurs textes lus ces derniers jours, sa persistance, me fait revenir sur le silo de mon enfance, un silo à blé dans lequel nous jouions un camarade et moi. C’était le lieu de l’effroi et de la joie en même temps. Pour nous empêcher d’aller nager dans le grain et de nous y noyer le meunier avait inventé une histoire de monstre, un énorme crocodile qui vivait dans les profondeurs de ces montagnes molles et qui pouvait à tout moment nous attraper une jambe, un bras pour le dévorer. Cela rehaussait d’autant l’excitation et le plaisir du jeu. Ma vie toute entière ressemble en tous points à ce silo. J’imagine qu’il en est de même pour n’importe qui franchissant la soixantaine, rien d’original là-dedans.
L’idée de matérialiser ce silo paradoxalement dans un lieu numérique me taraude depuis que je suis tombé à la renverse en découvrant l’immense profondeur, ses zones d’ombres, ses clartés aussi, le site du TIERSLVRE de François Bon.
Je suis même allé par curiosité jusqu’à installer le même script sur un serveur local afin de comprendre comment le paramétrer. C’est que construire un site, doit avoir un lien avec ce fameux silo certainement.
Il y a une âpreté salutaire, à utiliser un script que l’on ne connait pas, d’en découvrir progressivement tous les rouages, les possibilités, avec en plus un accès immédiat à une réalité indiscutable si je puis dire car soit le site fonctionne soit il ne fonctionne pas voilà tout. Ensuite le fait d’être dans l’obligation de créer des rubriques et au moins un article par rubrique afin de mettre en ligne le site oblige à être circonspect, à ne pas s’emballer imprudemment vers une mise en page qui deviendra vite incontrôlable, cf ce blog où je continue à écrire.
Un nouveau script pour une nouvelle organisation afin d’établir un silo pour conserver le grain, le protéger de la pluie et des vents, tandis que le meunier continuerait tranquillement sa propre liquidation. L’idée est drôle, un peu ridicule surement c’est pour ça surement que je m’en vais l’adopter.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}