L’attente de la vague

Je ne suis pas surfeur. J’aurais probablement adoré l’être si la providence m’avait conduit à habiter près d’un océan. Et je me vois très bien avec ma planche plantée dans le sable fin à guetter l’horizon dans l’attente de la vague.
Ce ne serait pas si différent finalement de ce que je vis tous les jours dans mon atelier, au Péage de Roussillon, commune d’Isère, un peu sinistrée par les complexes commerciaux installés à sa proche périphérie. Je ne compte plus le nombre de locaux commerciaux à louer, à céder... c’est ainsi depuis nous sommes venus nous installer ici, il y a huit ans. Pas grand chose n’a évolué durant toutes ces années, et lorsqu’on croise les habitants pour échanger quelques mots sur le temps qu’il fait, le marasme ne tarde jamais trop longtemps à devenir le sujet principal de toutes les conversations.
Ainsi on peut habiter quelque part en France, loin de l’océan, loin de la mer et être tout autant dans l’attente de la vague que ce surfeur imaginaire que j’évoque.
On l’imagine, on l’espère, et en attendant on laisse passer de nombreuses occasions de s’entrainer sur des vagues plus modestes. Je crois que vous comprenez bien ce dont je suis en train de parler n’est-ce pas ?
Parfois il y a des gouttes qui tombent sur les cranes, de petites gouttes de rien du tout qui ne nécessitent pas d’ouvrir un parapluie. On se dit toujours plus ou moins, ce n’est rien, ça va passer. Et puis il y a la goutte de trop celle qui fait déborder le vase.
Et c’est alors que l’on se réveille, que l’on se dit ça suffit, je n’en peux plus de cette attente ! je n’en peux plus de me plaindre sans arrêt de ne pas voir arriver enfin cette fameuse vague. Que nous reste t’il alors comme possibilité sinon d’agir, d’expérimenter des solutions ?
Parfois je crois qu’il faut apprendre à créer ses propres vagues tout seul.
C’est ainsi que c’est venu, je veux dire cette idée de créer une page sur patreon, c’est venu deux semaines environ après ma décision d’arrêter de mettre des likes et des commentaires sur les réseaux sociaux, de partager des post que l’algorithme distille au compte goutte si je ne mets pas la main à la poche pour les propulser. C’est venu aussi d’un ras le bol des effets de manches, le fait que la rumeur nous apprenne que du jour au lendemain Facebook et Instagram pourrait fermer le robinet en Europe et ainsi laisser dans un état de délabrement total tous ces créateurs de contenu, de selfies, tous ces influenceurs et leurs abonnés.
Je ne joue pas dans cette catégorie là évidemment, j’ai toujours préservé peu ou prou mon coté sauvage, quoiqu’on en pense ou dise. Peut-être que mes capacité d’analyse sont aussi émoussées par l’âge, par l’expérience. Et puis je me rappelle aussi d’un dicton populaire plein de bon sens qui nous dit que tout travail mérite salaire
Donc j’ai crée une vague, j’ai crée une page sur patreon qui est une plateforme communautaire sur laquelle chaque créateur peut proposer un contenu à ses contributeurs selon différentes formules d’abonnement.
En ce qui me concerne je ne pense pas m’enrichir ce faisant. Mais cela me permettra de mieux échanger avec les personnes qui apprécient mon travail. je veux dire celles qui sont prêtes à s’engager vraiment, pas seulement avec un like ou un commentaire dans l’espoir que je leur rende l’appareil.
Je crois que la formule de base est à 3 euros par mois pour soutenir le travail des créateurs de tout acabit, ce n’est pas énorme mais c’est un vrai geste.
Que l’on en arrive là est regrettable. J’entends déjà les réflexions des anciens qui disent que le web qu’ils ont connu autrefois, ce rêve de gratuité illimitée n’est hélas qu’un formidable fiasco. Moi même je le regrette aussi évidemment mais c’est aussi se faire une idée de l’humanité qui semble totalement irréaliste, un pur fantasme, une utopie.
Il n’y a qu’à observer le jour des soldes la folie furieuse qui s’empare de n’importe quel quidam à l’entrée des grands magasins, à vivre un incendie n’importe où sur la terre pour comprendre que tout le monde ou presque est prêt à marcher sur les autres pour survivre. L’instinct de conservation additionné à l’appât du gain et de la sottise font un mélange détonnant.
Là aussi on attend la fameuse vague, on espère que ça va changer, que l’homme devienne enfin bon, ou je ne sais quoi, mais l’homme reste l’homme et rien ne peut vraiment changer cela.
Pas même une épidémie mondiale si vous avez bien tout suivi.
Donc attendre la vague à ce point des choses c’est comme attendre l’inspiration pour un peintre, c’est de la connerie en barre ni plus ni moins selon ma modeste opinion.
Maintenant je dis ça parce que j’oscille sans arrêt et depuis toujours entre déprime et enthousiasme, parce que j’ai du sang slave dans les veines et que je ne rechigne jamais devant un petit verre ou deux de vodka.
Voyez vous j’aurais pu dire des choses à la mode, utiliser un mot à la mode comme bipolaire ou je ne sais quoi d’autre, mais je préfère dire que c’est tout simplement génétique, génétique comme une main que l’on obtient aux cartes, destinée ou fatalité peu importe.
Quand la déprime se retire soudain sans prévenir elle laisse une plaie fantôme qu’il faut savoir distinguer et surtout cautériser au plus vite pour profiter de la moindre seconde d’enthousiasme qui suivra inexorablement cette déprime. C’est ce qu’en langage commun on appelle les hauts et les bas.
Depuis toujours je cherche une formule qui me permette de les considérer égaux ces hauts comme ces bas, d’y être indifférent. Mais je me trompais évidemment.
Il faut vivre ce que ces différences de relief nous offrent, les vivre pleinement. Puis prendre un peu de recul évidemment comme lorsqu’on vient de se jeter sur une toile et observer tout cela à tête reposée.
Une chose aussi qui me vient ce matin comme une sorte d’illumination c’est que l’idiotie contient autant d’intelligence que l’intelligence contient d’idiotie.
Autant dire match nul sur le terrain de la pensée.
On comprend mieux pourquoi les derviches, dont je fais indéniablement partie, prennent ce désir furieux de tourner en rond. Ils ne font jamais autre chose que de donner une figure concrète à cette pensée qui tourne sur elle-même. Ils ont saisi que c’est par la caricature, l’exagération, la danse et le mouvement que l’on pénètre dans la transe, ce couloir qui mène à l’extase, à l’ivresse, à l’orgasme, à la véritable libération, c’est ainsi que l’on fabrique aussi cette fameuse vague et au bout du compte même la planche de surf est dérisoire une fois que l’on sait que l’on peut marcher sur l’eau comme devenir épave sous marine échouée sur un banc de sable au fin fond des abysses.
Pour le moment il n’y a pas grand chose sur cette page patreon, juste une bafouille, une photo, et un lien vers une vidéo YouTube. je ne mets donc pas le lien.
Je verrai si demain et les jours suivants je suis toujours partant ou bien si l’à quoi bon frappe encore en traitre comme d’habitude en traitre ou en ami car il n’y a pas de fumée sans feu pas de tourbillon sans vent, et bien sur pas d’extase sans transe.
Post-scriptum
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Faites au mieux
—Faites au mieux… Phonétiquement j’eus un doute. Fête ou faites. Je perdis quelques heures en supputation sans oser demander de précision. Il vaut mieux ne jamais poser de question en réunion. C’est très mal vu. Les jeunes se font avoir régulièrement. Les jeunes posent des questions en réunion. Un ange passe. Les vieux sourient intérieurement. Mais ils ne le montrent pas bien sûr. Avoir un jeune en réunion c’est toujours une attraction à ne pas louper. Chacun doit faire sa petite expérience. Et Au mieux, OMIEUX ? était-ce le nom d’un lieu-dit où la fête se tiendrait si, dans mon incompréhension totale, en tâtonnant je dusse m’y rendre. Je me doutais que ce ne pouvait être si simple, et puis c’était illogique d’envoyer ainsi un employé faire la fête avec tout ce travail encore à faire. Je fis semblant de ne pas avoir entendu ce que je venais de penser et je hochai la tête en silence. Ce fut la réponse attendue. Un ou deux jeunes gens posèrent des questions saugrenues, des anges passèrent et repassèrent, les vieux furent, comme chaque lundi matin, hilares intérieurement. Je sortis mon calepin pour faire des gribouillis destinés à faire baisser la tension nerveuse, pour m'évader tout en étant là, pour être attentif autrement à tout ce qui pourrait se dérouler là. Mais tout de même cela me préoccupa durant quelques heures encore. Car ne faisais-je pas déjà du mieux possible à peu près chaque tâche qui m’incombait. Fallait-il faire encore faire mieux que d’habitude ? Fallait-il faire mieux que mieux, c’est à dire mal au final ? Un étrange doute accompagné de plusieurs soupçons naquirent comme des champignons après les pluies d’octobre, étaient-ils comestibles, toxiques, je me penchais encore des heures sur l’embarras du choix et fit chou blanc comme il se doit. A la fin de la journée je n’avais strictement rien fichu. Le directeur entra en trombe dans la salle, s’approcha du bureau derrière lequel j’étais et il me demanda :— alors c’est fait ? Sans ciller je hochais gravement la tête. Il exhiba un sourire satisfait. Ce qui était une chose excessivement rare pour être marquée d’une pierre blanche. Où allais-je dégotter une pierre blanche à cette heure cependant ? Je l’ignorais. Puis la semaine passa et nous passâmes tous en même temps à toute autre chose. C’est à dire à la semaine suivante. Nous avions tous fait au mieux sans nous appesantir plus qu’à l’ordinaire. Nous serions prêts pour la prochaine réunion hebdomadaire. Aucun incident notoire ne pourrait l’empêcher. A part la fin du monde si elle daignait arriver comme un cheveu sur la soupe. Encore qu’on peut encore avaler la soupe nonobstant le cheveu , quand on n’est pas bien fier, quand on veut faire au mieux, et surtout ne pas se poser de question insoluble.|couper{180}
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Se lancer
D'après une idée d'atelier d'écriture où je ne pense pas avoir tout compris du premier coup. Mais, je me lance tout de même Photo découverte sur l'excellent site https://www.michellagarde.com/ dans ses dramagraphies Il faut vous lancer… on ne sait pas comment vous le dire… et sur tous les tons… lancez-vous… Je mis un temps avant de comprendre qu’ils s’adressaient à moi. Ou du moins à eux-mêmes au travers de moi. Car il est extrêmement rare que l’on s’adresse vraiment à moi tel que je suis. Moi-même y parvenant une fois tous les dix ans et encore, assez difficilement Il fallait donc se rendre à l’évidence. Il fallait se lancer aussi dans cette approche. Je n’étais ni plus ni moins qu’un épouvantail, un homme de paille, à moitié Turc. Il insistaient sur la tête. Se lancer… ils me la baillaient belle. On ne se lance pas comme ça sans y penser. Sans y réfléchir. Sans établir de plan en tous cas. Peser le pour et le contre en amont mais aussi en aval. On oublie toujours l’aval. Sans compter qu’il faut en premier lieu une rampe de lancement. Une armée d’ingénieurs, des super calculateurs. Sans oublier la matière première, le béton, l’acier, le fer. Sans oublier la bonne volonté, une quantité très précise de hargne, ajouté à quelques soupçons de naïveté. Et puis c’est tellement trivial de le dire mais il faut tout de même le dire, pour se lancer il faut surtout le nerf de la guerre. Ça ne se trouve pas sous le sabot du premier cheval bai cerise venu. Tout une machinerie à mettre en branle, pour dégotter le fameux nerf. Sans oublier tous ces rencards. Rendez-vous chez le banquier avancez de deux. Rendez-vous à l’Urssaf reculez de trois. Sans oublier l’imprimeur, combien pour une publicité de lancement je vous prie. Et si je ne prends que le recto ? Attendez il me reste peut-être quelques pennies pour une ou deux capitales. C’est bien les Capitales pour lancer une campagne de lancement non. Ne pas être trop bégueule. Voir grand. Un flyer format A5. Avec en gros Demain, JE me lance.. Venez assister au spectacle. Deux francs six sous la place. Et ne croyez pas qu’il s’agit de l’homme Canon. Une vieille resucée de Luna parc. Rien de tout ça. Juste une tentative burlesque, tragique, comique ? Ah ah ah mystère et boule de gomme, vous le saurez si vous achetez le billet. Tarif promotionnel pour les Cents premiers : un francs vingt-cinq centimes seulement pour en prendre, EN AVANT PREMIERE , plein les mirettes. Lancez-vous ! laissez-vous tenter ! Venez nombreux assister au lancement.|couper{180}
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Tendre
travail d'élève, stage "oser, hésiter" mai 2023 Il faut tendre, sans être tendre, c’est à dire, ne pas céder comme le beurre cède au couteau qui rabote la motte ( négligemment le plus souvent) Il faut dire au couteau : Ce n’est pas parce que je compte pour du beurre qu’il faut en profiter ! Il faut tendre l’oreille, sans être dur de la feuille. Ceci étant dit si on tend l’oreille, ce n’est pas ce qu’elle va capter qui nous intéressera en premier lieu, mais plutôt se concentrer sur cette action machinale, vous savez, qui consiste à tendre une oreille. Comment tendre une oreille sans se casser les pieds, ou les casser aux autres, un enjeu de taille. Le placement du corps tout entier doit avoir une importance. Selon que l’on se tient de face ou de profil, on ne peut tendre l’oreille de la même façon. Idem si l’on est assis ou debout, voire allongé, et encore vivant ou mort, à dix-huit mètres de profondeur sous l’eau ou au sommet d’un poteau télégraphique. Le son frappe l’oreille suivent une règle de tangentes assez absconse mais bien réelle. Tendre du linge sur un fil demandera aussi un peu d’attention. Ne pas perdre de vue le fil, tout en tenant d’une main l’épingle, de l’autre la chemise— si c’est bien une chemise ( on peut le vérifier et modifier le mot ça ne changera pas grand chose sauf la phrase). Tendre vers le mieux, s’efforcer vers ça est à prendre avec des pincettes, sachant d’une part que le mieux est l’ennemi du bien et que d’autre part il faut savoir d’où l’on vient avant de prétendre se rendre où que ce soit. Mais si c’est vers un mieux, il y a de grandes chances que l’origine soit Un bien que l’on ne saurait supporter en l'étatUn mal que l’on cherche à renommerUne énigme, on ne sait pas d’où l’on part on se contente simplement d’emboîter le pas du plus grand nombre vers le mieux. Il faut noter les pistes consciencieusement pour ne pas s’égarer inutilement. Tendre vers une certaine précision, mais sans jamais l’atteindre de plein fouet, aucun carambolage n’améliore la précision. Aucun carambolage n’apporte quoique ce soit de bien précis si l’on n’en meurt pas, qu’on ne se retrouve pas hémiplégique, amnésique, amputé, groggy ou même indemne. On a juste assisté à un carambolage, peut-être même avoir endossé un rôle de premier plan, mais il ne vaut mieux pas profiter de l’occasion pour tendre vers la célébrité tout de même, où ce qui est la même chose, vers une idée toute faite. La précision ne s’atteint pas plus que la perfection, elle se rumine seulement, elle se rêve, on peut la désirer certes, la convoiter, mais la posséder serait beaucoup trop grossier. Tendre vers un soupçon de modestie à ce moment là si l'on sent que l’on s’égare, si l'on tend vers l'abus, l'extrême. Dans la tendance moderne d’arriver avant d’être parti, tendre est un verbe oublié. Enterré. Mais dont il faudra tout de même faire l'effort se souvenir pour ne pas sombrer à la fin des fins. Et puis par pitié, ne pas s’attendrir pour autant comme un bifteck sous le plat du couteau du boucher. Ne pas se ramollir. Quand bien même l'adversité produirait autant d' efforts démesurés pour nous nous maintenir dans l'ignorance ou dans l'oubli. Se réveiller le matin et toujours voir en premier inscrit sur un post-it qu’on aura collé sur la table de chevet la veille. TENDRE. En lettres capitales . Maître mot d’un début de journée . Ensuite si besoin est, se détendre en se levant, prendre une douche, un café si c’est absolument nécessaire. si l’on a pris l’habitude de s’imposer ce genre d’habitudes. Ce qui n’empêche nullement de tendre à les réduire voire les supprimer si elles ne vous servent à rien, si ce ne sont que de simples programmes installés dans la cervelle pour nous permettre de ne penser à rien.|couper{180}