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temps, récit et reprise atelier écriture 07
thérapie par la lecture, prévenir ou guérir par la lecture. Retrouver la notion de temps. ( voir aussi Ricoeur ) « Le vide suspensif-narratif crée une réceptivité qui n’est pas de l’ordre seulement du projet, mais de l’accueil, de l’ouverture qui n’admet aucun a priori, qui, attendant sans s’attendre à quoi que ce soit, se tient ouverte par-delà toute anticipation » « C’est ce que Maldiney nomme la « transpassibilité » : « Et c’est faute de transpassibilité que non seulement la schizophrénie mais la mélancolie s’installent et que commence aussi la dépression. » Extrait de Bibliothérapie. Lire, c'est guérir Marc-Alain Ouaknin Bourbonnais, ancien duché de Bourbon, capitale Moulins, puis le lieu-dit La grave, près Vallon-en-Sully, l'avenue Charles Venuat, le numéro 38, le rez de chaussée, la cuisine, une table, une page ouverte de la Montagne, et, derrière, les lunettes, les petits yeux gris bleus malicieux de l'instituteur Charles Brunet. De l'autre côté du grillage vers le nord, la rivière, l'Aumance, Hérisson, son château, juste à côté du Silo à blé tenu par Monsieur Debord , vivent les retraites Dufresgnes, dont lui est unijambiste depuis une bataille dans les Ardennes alors qu'au au même moment Charles Brunet était dans une autre chez les Turcs, dans le détroit des Dardanelles. Au nord plus loin encore la forêt de Tronçais, ancienne réserve de chênes de Colbert et dont Vauban utilisa le bois pour construire fortifications redoutes et autres forts dont le tout premier fut celui de Brisach en Alsace en 1666 ( il faut dire nouveau Brisach car il existe un Brisach ancien, situé en face, mais en Allemagne . Ceci dû à la présence du Rhin qui coupe l'agglomération en deux parties, devient frontière. Au Sud, de l'autre côté du grillage, vit un pêcheur nommé Dénis, ex ouvrier chez Michelin à Montluçon, avec sa terrible épouse, Muguette, qui, un jour, sous les prunus en fleur, donna un coup de manche à balai sur la tête de Claude, mon père. Puis encore quelques voisins, dont le père Bory autrefois jardinier, Madame Carreau veuve, Les Doignons, maison proprette, jardin soigné. Plus au sud encore, le restaurant le Lichou, le docteur Tocadzé, généraliste, le dentiste dont le nom est difficile à retrouver dans le souvenir, le garage Renard, grand fournisseur de chambres à air de camion, dans lesquelles on taille des holster de cow-boys et des frondes à cause du feuilleton Thierry la Fronde et de Joss Randall. Puis l'épicerie, en face du garage, est tenue par les Berger qui ensuite tiendront la Coop dans le bourg. Un peu plus loin, après le carrefour, dans une petite allée, sur la droite bordée de lilas, il y a Monsieur Pile le coiffeur, un peu plus encore, la scierie Carion, juste avant le grand pont, en face du plombier Mathiot. Ensuite on traverse encore un petit pont, on entre dans le village, Comme je m'en veux d'avoir oublié le nom du tailleur, celui de l'homme qui tient le magasin d'articles de pêche, celui de l'homme du Crédit Agricole, gérant le compte familial, celui de la femme du boulanger, celui du curé auprès de qui je fis pieds et mains pour participer au catéchisme afin de ne pas être isolé des copains. Encore des noms qui reviennent comme pour combler des manques soudain. Peut-être que si je les écris tels qu'ils arrivent ils finiront repus et satisfaits par s'écarter et me laisser accès à ces autres noms oubliés. le Cluzeau , l'Aumance , Hérisson , son château, Le Cher, ses abattoirs, l’allée des Soupirs, le canal du Berry, l'Aumance, la forêt de Troncais, le rond du Trésor, la fontaine de Viljot, Saint-Bonnet de Troncais, l’étang de saint-Bonnet, Epineuil le Fleuriel, Maulnes, l'hôtel du cheval Blanc, Saint-Amant Montrond, Isle et Bardais, le moulin de Monsieur Fabre, Alain Fournier, La chapelle d'Angillon, les quelques ruines d'île et Bardais à nouveau, envahies par la végétation , appartenant au grand-oncle René Brunet rebouteux redresseur de vertèbres, magnétiseur et ingénieur, qui vécu au Puy en Velay et qui y repose désormais. Alors que Charles Brunet lui est à Uriel avec sa défunte épouse, aveugle de son vivant. Comme c'est un exercice étonnant de ne s'appuyer que sur les noms, ceux des lieux, des gens. C'est comme si tout à coup on re fabriquait un temps différent du temps ordinaire. Du coup j'ai encore eu de la chance de relire quelques petits passages de Ricoeur, d'Alain Ouaknin, et de Proust, tous concernant cette histpire de temps et cela en un temps si bref, à peine 24 h en même temps que je voyageais vers la ville de Poitiers, ville de notables d'après les ouïe-dires de mon ami Dominique décelé tardivement autiste Asperger et décédé à la Rochelle il y a désormais trois ans.|couper{180}
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vertiges et affres de la répétition.
Plusieurs fois la petite fille cria je t'aime à l'homme qui lui répondait, un peu gêné, par un sourire triste. Et plus ce sourire s'attristait sur le visage de l'homme, plus la petite fille répétait je t'aime. Ce ne fut qu'à la fin, quand le train s'ébranla, qu'elle ajouta "papa" une dernière fois dans un soupir. C'était comme un jeu dans lequel les participants n'avaient aucune chance raisonnable. j'ai refait plusieurs fois mon sac pour être à peu près sur de n'avoir rien oublié, un sac, une petite valise à roulettes, ensemble plutôt léger. Mais pas tranquille. L'oeil, l'oreille sont aux aguets j'ai plus d'une demie heure d'avance à la gare. On ne prend plus la peine de composter le billet désormais, quelqu'un à collé des bandes larges l'adhésif sur la gueule de la machine qui ne sert plus à rien. -non vous ne pouvez bénéficier d'une réduction, quatorze heure zéro quatre entre dans la plage des heures de pointes. j'attends en écrivant, quelques gouttes de pluies s'accrochent à la plaque vitrée de l'Ipad. Le train pour Lyon arrive avec une bonne dizaine de minutes de retard. Mais tout est prévu d'avance même les retards, le train pour Paris est à 15h38. je repense à cet édito dans connaissance des arts, un film de Ange Leccia et Dominique Gonzalez-Foerster, sur le chanteurs Christophe, l'engouement pour les répétitions, répétitions des tubes remixés, répétions pour certaines images de l'un des cinéastes - vagues ? mer ? vertiges et affres des répétitions Dans le train j'ouvre ce texte de Tesson, " s'abandonner à vivre", bof. Chaque phrase contient un effet qui me fait un drôle d'effet. Je referme l'application Livre, je range l'Ipad dans le sac. Qu'en sais-je personnellement de cet abandon ? Sans réponse, je me laisse bercer par le roulis du petit train. Pourquoi je déteste a priori la répétition, parce qu'elle est presque aussitôt synonyme d'ennui. Autrement dit ce constat sans appel de mon handicap, l'impossibilité de sortir d'une relation figée avec le monde. Et surtout cette conscience aiguë du refus d'en sortir après trop de tentatives d'évasion avortées.|couper{180}
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La bonne excuse
Il est d'une méchanceté peu ordinaire. Oui, mais c'est parce que sa douleur est extraordinaire, elle découle d'une extraordinaire stupidité. J'étais content d'avoir écrit cela, ça m'allait comme un gant. Ensuite je ne su pas vraiment quoi en faire de plus. C'était comme une pensé qui flotte, un détritus qui cherche à s'amalgamer à d'autres , un nuage rapide, probablement rien de plus. Mais assez content d'avoir imaginé un instant tordre le cou à cette saloperie de vieille excuse. Cependant je ne peux tuer ni pensée ni mouche, ce n'est pas ma religion. Peut-être que je me venge de cette impossibilité en me grillant les neurones, mais je m'arrête là , je sens que je vais encore trouver une bonne excuse.|couper{180}
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la difficulté de se déplacer
un simple voyage à effectuer me met dans tous mes états et ça m'agace. Je ne vais pas au bout du monde pourtant, à moins que le bout du monde ne soit plus le même qu'autrefois, ; que se rendre à Poitiers soit devenu pour moi la nouvelle extrême... l'ultime, avec tout l'effroi que ce mot signifie évidemment. La vieillesse n'est peut-être pas qu'un état d'esprit ; chacune des cellules du corps engage un débat de normand, peut-être bien que oui ...peut-être bien que non... à propos de la difficulté nouvelle que l'on découvre à se déplacer vers un lieu inconnu. Je ne parle pas des trajets habituels qui sont inclus dans la sphère de la sédentarité ordinaire. Non, ce sont ces voyages vers un ailleurs qui le repeignent d'une façon bizarre et surtout dont on n'avait que faire jadis. C'est que l'on était tellement pris dans la rêverie des toponymies, des illustrations, des images qui nous envahissent à propos de tout , et n'importe quoi, qu'il était facile de faire coïncider un désir avec une pseudo réalité que l'on s'inventait à la hâte, pour satisfaire ce désir. Alors que vieux, on est devenu bien plus méfiant, carrément trouillard, on sait bien à quel point tout est si fragile à commencer surtout par soi. Mon agacement vient de ça, d'être vieux et fragile, de cette vue d'esprit. Mais une fois le cul posė sur la banquette du premier train en partance certainement que je me calmerai, une fois en mouvement on ne pense plus à toutes ces choses désagréable, voire stupides.|couper{180}
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l’increvable
une image surgit, un lapin en peluche qui roule vers un mur et s'y cogne la tête. Risible au début, mais comme la publicité est bien faite, dans sa répétition à vanter ce type de piles, à mettre en avant l'increvable. Puis le rictus se fige, la bouche est suspendue dans une grimace. De quelle année date cette pub... on ne la voit plus sur les écrans, peut-être était-elle éminemment subversive, elle en disait trop de nous à un moment précis. Désormais la limite étant dépassée... qu'y a t'il après l'increvable ?|couper{180}
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Retour du bug des étoiles
Chers lecteurs, chers abonnés, Worpress bug chez moi et de nouveau vous prive d'étoiles. Vous m'en voyez bien chagriné. Espérons que ça s'arrange. En attendant à toutes et tous cette pluie d'étoiles ...|couper{180}
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Raisons pour lesquelles on lit
Lire sans raison est-il possible, tout comme aimer mais si on s'attarde sur chacune de ces raisons on verra qu'elles nous échappent toutes, les unes après les autres. Lire pour apprendre à lire par exemple, qu'elle en est la vraie raison ? Et lire pour passer le temps la réponse est dans la question. Lire pour critiquer, lire pour juger, lire pour jouer au perroquet ? Remonter le fleuve boueux de toutes les bonnes, les mauvaises raisons Et par hasard Parvenir à la limpidité de l'eau de la source. Lire tout simplement. Peindre remplace lire et c'est pareil. Mais quel chemin de défaire ainsi l' une après l'autre chacune de nos raisons|couper{180}
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Attente
Lire une phrase dans l'attente , un instant comblé, puis observer s'en aller peu à peu ce plein plus que souvenir. Et pourtant c'est ainsi qu'on revisite le vide différemment, L'attente est devenue la même et en même temps une autre comme cette femme évoquée dans le poème de Verlaine "Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend." Ou encore ces lignes de Christian Bobin lues ce matin sur le blog de Barbara et qui se retient comme une respiration comme on garde en soi une question dont on ne veut trouver la réponse. cette attente et mon amour ne font qu'un seul|couper{180}
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Torsions
Ce gosse est tordu dit l'homme retors selon la règle implacable des miroirs. Règle qui fut pour le chiard leg jusqu'à son allègement, son oubli, son gauchissant abandon. De la droite vinrent des vents en tout point semblables à ceux venant de la gauche, si bien qu'on inventa d'abord un clocher, puis un coq et l'on nomma l'ensemble girouette, parce que ça devait rimer avec pirouette ou cacahuète. Girouette, pirouette, cacahuète- ou peanuts- en anglais, devinrent les substantifs habituels avec lesquels on nomma ce gamin fêlé. Ou d'autres encore pires qui, comme blessures ou fêlures, laissent entrer et sortir , cris, plaintes, gémissements et l'eau, et l'urine, et la lymphe, et la morve comme ombre et lumière le font pour indiquer plutôt que rien quelque chose. Ensuite on demanda au moutard d'être droit comme un i, d'apprendre bien ses leçons, d'être sage comme une image, d'aimer Dieu et ses anges, la maîtresse, la maman, l'agent de la circulation, les salsifis, les épinards, et ses camarades, Pour cela on lui appris le point sur le i, la barre qui perpendicule au t, et autres joyeusetés. L'obéissance lui fut injectée comme un vaccin, avec moult rappels à l'ordre, selon des protocoles établis de longues dates qui mêlent la pratique compulsive du bâton à celle hypocrite et doucereuse des carotacoles. Mais tout fit chou blanc, à force de torsions en tous sens souvent contraires, l'enfant ne fut plus que nœuds semblables en tout point à ceux qu'on trouve dans la région de Gordion , et pas sur qu'un Alexandre le croisant n'eusse pu trancher, ou démêler l'affaire, bref s'y attarder un tant soit peu, à moins que le désir de percer les mystères de la Perse cette urgence, l'eut obligé à sortir son épée, à trancher la tête du mouflet -d'un geste bien net, et sans bavure- (c'est un héros droit qui ne peut se permettre d'être en même temps maladroit) . Décapité et démêlé d'un coup, ce ne peut pas être une mauvaise fin en soi. Il faudrait examiner, pour s'en réjouir, ou s'en affliger plus encore, la différence qui réside entre entêté et étêté. Ou entre droite et gauche, et surtout reprendre chaque petit bout de fil qui va comme ça, à vaut l'eau, les retordre en un seul , plus solide, puis l'enfoncer dans le chas d'une invisible aiguille.|couper{180}
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Quelque chose d’animal
Une fois l'humanité partie, ce rêve, cette nostalgie qui s'accroche encore et encore comme un caniche aux pans d'une veste, que reste t'il, à part une brute épaisse, un animal au sens ou c'est encore une nostalgie qui lorgne sur ce mot. Car lorsque j'observe la chatte, je la trouve mille fois plus digne que bien des êtres humains. Dans la joie comme dans la douleur cette dignité ne se déforme pas, reste d'une stabilité admirable. Même dans sa férocité que je surprends parfois lorsqu'elle bondit sur un oiseau, elle ne cherche pas à être autre chose que ce que la nature lui dicte. Tout tombe d'aplomb, aussi bien quand elle se meut sur la table de l'atelier, que lorsqu'elle dort sur sa chaise préférée, une simple chaise en paille. Je me souviens parfois de l'animal précédent, Nono , qui m'accompagna partout durant vingt deux ans, et parfois les individualités se confondent, les particularités s'évanouissent, c'est une chatte, ce sont des chattes, c'est La chatte, un animal aussi proche de ce qui il y a tout au fond de moi et que jamais je ne peux atteindre, qui se dérobe sans cesse, sauf à de très rares moments. D'ailleurs peut-être que c'est ce que je cherche quand je peins, quand j'essaie d'écrire, tout en le fuyant sitôt que je m'en approche. Une sorte de bouffée christique, ou plutôt venue du fin fond des âges, associée à l'histoire de ce roi terrifiant, Gilgamesh, qui à la fin des fins revient de la mort pour rejoindre chez les vivants son ami. Comparable aussi à Ulysse le rusé de retour à Ithaque pour subir Pénélope et s'astreindre à la nostalgie des voyages passés comme de ceux à venir. Etre humain est une forme de sacrifice qu'effectue cette part animale, pour honorer je ne sais quoi, impossible à nommer. Je dis quelque chose d'animal mais c'est peut-être la part la plus humaine de moi au final.|couper{180}
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Coupable industrie
12/04/2023 A la mort de Picasso, en avril 1973 à l’âge de 91 ans, c’est Maurice Rheims, commissaire priseur, (« Alors Rheims, toujours votre coupable industrie ? - l’interpelle Charles De Gaulle) qui fut chargé de cataloguer et d’évaluer les 12000 œuvres de l’artiste. A l’époque la France ne possède aucune œuvre de Picasso dans ses musées. C’est André Malraux qui saisira donc l’opportunité d’en acquérir par le moyen de la dation (en s’appuyant sur l’occasion pour promulguer la loi de dotation à l’Etat) La dation en paiement étant le procédé par lequel un contribuable peut s’affranchir de certains impôts notamment ceux de succession au moyen d’objets de valeur, notamment des peintures, des livres, du mobilier, objets de collection en tout genre. C’est souvent de cette façon que les musées acquierrent leurs fonds notamment le Musée Picasso. C’est l’année dernière, en avril que 6 œuvres ayant appartenu à la fille de Picasso, Maya, ont ainsi rejoint le Musée. Concernant cette succession compliquée comme le fut la vie familiale de Picasso, on s’aperçoit que la part de l’Etat est celle de l’ainé, la part du lion. Néanmoins on ne pleurera pas sur les héritiers pour ce cas précis tant la richesse, l’abondance, de l’auteur de Guernica est stupéfiante. On apprendra aussi à l’occasion que les enfants illégitimes, les pièces rapportées ne sont pas sensés pénétrer chez le notaire lors de la lecture du testament (selon les articles 335 et 342 du code civil : " les enfant adultérins doivent être considérés comme étrangers à leurs parents au point de vue patrimonial, et sont privés des droits héréditaires accordés par la loi aux enfants naturels " Ce qui sera par la suite arrangé par Pompidou un peu avant sa mort en 1974 et permettra à Claude et Paloma, les enfants de Pablo et d’Olga Kokhlova de faire valoir leur droit à une partie de l’héritage. Maurice Rheims sera ébahi par la profusion des œuvres qu’il découvrira entreposées dans les différentes demeures de Picasso, notamment à la villa La Californie, où, dans les sous-sols , se tiennent dans la pénombre des milliers de sculptures, de céramiques. Picasso utilisait la sculpture quand il éprouvait des difficultés à exercer la peinture. On voit au nombre que ces difficultés ont certainement dues être régulières et nombreuses. Rheims évoque aussi son ébahissement double à découvrir le classement méthodique de chaque œuvre par l’artiste, une méthode aussi monstrueuse finalement que sa création. Je repense à mes visites chez Thierry Lambert, à la même profusion entr'aperçue, A toutes ces œuvres, empilées quasiment des murs aux plafonds, partout dans toutes les pièces de la demeure de la Sapineraie à Sainte Hilaire des Rosiers. Je crois que c’est pour cette raison principalement que je me suis retiré sur la pointe des pieds, que j’ai rompu peu à peu la relation et les projets que j’avais proposés de réaliser, notamment ces interviews sur l’art brut, et sa démarche artistique. Il n'y a pas eu de dispute, juste une énorme gène qui est venue en moi-même. Je crois que je ne me suis pas senti à la hauteur, pris soudainement par une bouffée d’humilité sans doute mal placée comme c’est souvent le cas quand cette forme l’humilité se présente à moi. Je ne crois pas qu’il s’agisse de jalousie, c’est bien plus un constat qui m’assomme comme m’assomme l’ennui généralement. Une chape de plomb qui s’abat, et qui m’étouffe. C'est-à-dire que je revis aussitôt l’enfermement personnel dans lequel je réside, me complais, me réjouis autant que je m’en plains et qui m’indique simultanément les limites de ce que je pense être ma bienveillance, ma générosité. J’imagine qu’il s’agit d’un simple reflet de ce que j’aurais pu être, prétention, orgueil compris dans le lot, c'est-à-dire encore une fois cette haute importance conférée à l’art et qui dissumule souvent une haute importance à l’ego. Ce qui crée aussi en moi presque aussitôt un étau dont les deux machoires sont le dégout et l’admiration. Et à chaque fois il me semble evident que ma seule issue pour ne pas être broyé est toujours la même, une fuite. Je ne sais toujours pas s’il s’agit d’une formidable lacheté, d’un trait de caractère marquant une résistance à tout cliché qui se formerait en moi-même, et qui serait soudain insupportable, un manque de générosité, d’humanité… toujours cet embarras du choix face au faisceau des raisons plus ou moins plausibles. Embarras qui m’entraine vers la désertion systématique au plus fort des batailles intérieures. Alors la sanction tombe presque aussi systématiquement, dérision de soi, catatonie, mépris de tout ce que je suis, possède, imagine, crée. On ne peut pas vraiment être ainsi dans le meilleur état, propice à se dire artiste, voire peintre ou quoique ce soit dans ces moments là ; le ridicule, Dieu merci, nous en préserve. La peur du ridicule, d'un ridicule vis à vis de soi surtout car je n'ai aucune crainte de l'être devant qui que ce soit paradoxalement. J'imagine que cette peur du ridicule est très proche de l'idée de ma propre disparition finalement, surtout quand c'est par la sensation physique qu'elles s'approchent , sans crier gare ; bien plus qu'en pensée, avec logique ou raison, philosophie. J’associe ces notes à la lecture du livre de Cocteau, « Démarche d’un poète » dont j’ai avalé une bonne moitié hier soir. Je ne sais ce qui m’hypnotise tant dans cette histoire et dont je sors à chaque fois comme meurtri. Est-ce que j'ai besoin de me meurtrir ainsi à tout bout de champ, peut-être. Certains hommes ne peuvent rien faire avec la joie, avec le simple plaisir d'être, il se mettent des bâtons dans les roues à loisir, ils sont d'une complexité tellement complexe qu'au bout du compte ils en deviennent simples d'esprit, idiots. L'art un peu trop souvent, est pour moi proche de l'idée de délit, de l'insulte et c'est bien dommage, dans le fond c'est là le résultat d'une éducation petite bourgeoise, on voudrait faire mieux que le père, remplacer le père, le tuer au besoin. C'est toute l'histoire de l'art dit moderne du XX ème siècle et qui n'est pas encore digérée par certains dont je fais partie je crois. Ces admirations sont louches tant elles font ressurgir l'idée d'un confort, d'une volonté grégaire, d'un fantasme plus ou moins avéré de sécurité. Une coupable industrie, ça me va assez bien comme terme|couper{180}
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fini, infini
photo trouvée sur le web. Tout de même, que je ne cesse de me dire que je ne travaille pas assez, comme si le travail était tout ou n'entraînait rien. Encore faut-il s'entendre sur ce que c'est. Voir n'est pas un travail pour la plupart, c'est un état désigné comme méditatif. Mais pas tant que ça, le nerf optique est très sollicité, tous les nerfs d'ailleurs. On fait mille fois le dessin sans le savoir et ensuite ce qui vient sur la feuille, le tableau ressemble pour beaucoup à de la chance, du hasard, du miracle, voire tout l'inverse quand on est mal luné. C'est qu'on a encore bien trop d'idées, et bien trop précises de ce qu'on veut atteindre et qui ne nous appartient pas. Ne pas peindre, ne pas dessiner, c'est se retenir de faire le perroquet. Au moins cette consolation, très fugace. je crois, malgré tous mes efforts et mes longues ruminations, que rien ne vient mieux qu'en s'y mettant sans réfléchir. Mais que de réflexions avant d'être à bout, de se jeter dans le geste. Chez moi les deux vont admirablement bien ensemble , mais j'ai encore du mal à m'y faire par moment. Il faut contracter le ressort le plus possible pour qu'il nous projette hors de soi en se détendant d'un coup. Assez violent, rustre, j'adorerais plus de douceur, de délicatesse, mais c'est ainsi que j'ai tout appris, un mal, un bien, peu importe. C'est pareil pour le sexe, que de tergiversations... et puis une fois qu'on y est... ou pour plonger dans une rivière. J'aime bien cette idée de Cocteau quand il évoque l'insulte au fini, quand il parle du mouvement inverse de Picasso, d'aller du fini vers l'infini. Cela explique aussi l'affection que je porte aux dessins d'enfants, et la tristesse dans laquelle ils me plongent, car peu de gens les voient véritablement. Pourtant, ils contiennent cet infini. un infini qui s'achèvera souvent en queue de poisson, dans l'adolescence quand ils voudront ressembler à quelque chose, à quelqu'un.|couper{180}