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variation de saison
deuxième coup. une saison s'achève à peine, avec peine, à grand peine, et quelques renoncements, qu'une autre déjà s'amène. On se rend à peine compte qu'une saison se retire qu'une vague la recouvre comme si de rien n'était. Comme si la saison quittée, sans tambour ni trompette, nous laissait amer ou mi-figure, mi-raisin. Indifférent aussi parfois vers la fin. Indifferent à ce qui va, s'en va et vient. On en finit ainsi avec chacune, elle s'achève, on regarde faire. une saison s'achève de plus en plus en queue de poisson ou en queue de cerise, parfois on a le visage éclaboussée d'eau, c'est une saison qui s'achève en queue de comète. Puis une autre s'amène, une autre saison et c'est parfois une fête dans la glycine, le chèvrefeuille. dans l'olivier en pot. une fête donnée par les oiseaux qui poussent des petits cris d'oiseau puis qui s'égaient. Une grosse pie en smoking s'est posée sur une branche haute de l' olivier pour attraper une olive de l'hiver dernier, on ne récolte plus les olives ici, on les laisse aux oiseaux. aux merles, aux pies. On fait aussi des boules de graisse qui fondent comme neige au soleil quand l'eau se glace dans les soucoupes des pensées passées. On attend sans attendre qu'une saison s'achève, qu'une autre saison s'amène, ça passe le temps si on n'a rien d'autre à faire, si on n'a plus rien à faire que passer le temps en attendant que le ballet des saisons s'achève , l'une après l'autre, très consciencieusement. On peut mettre Vivaldi ça ne dure pas bien longtemps, quatre saisons et puis voilà, l'heure tourne ainsi. Il faut comprendre laquelle est laquelle au début rien d'évident. Enfant on écoute sans savoir et c'est très bien ainsi, vieux on n'écoute plus que le bruit des canalisations, le goutte à goutte, la pluie qui tambourine sur les tuiles. On peut encore mettre Vivaldi et mettre un nom sur chaque saison, c'est possible maintenant, on est moins ignorant. Mais toujours de ces silences entre deux saisons entre deux notes, entre la pluie et le soleil, entre récolter ou laisser, toujours un peu ignorant, et il faut qu'on en soit content, bien sûr c'est important le contentement. Une saison peut parfois être si courte qu'on croit l'avoir rêvée, comme l'odeur du foin dans la grange, le goût acide ou âcre des prunelles dans la bouche, la légèreté folle d'une robe de nylon dans les mains, la souplesse d'un corps, la nervosité d'une cuisse, le parfum chaud des blés mûrs, le goût franc de l'eau du puit, l'ombre fugace d'une buse, le zigzag vif du lézard entre deux pierres d'un mur vieux, le pêcher en fleur, la ligne d'horizon qui tremble sous la chaleur, le bouchon qui s'enfonce d'un coup net dans la rivière, le poisson qui brille, le ver de terre qui se tortille entre deux doigts, l'hameçon qui perce, la friture qui frit, la mandibule qui rumine, la guêpe qui suce le jus, ivre, de l'assiette, la petite cuillère dans le mazagran, le mouvement des aiguilles d'une vieille horloge à plomb, le bruit que fait la clef pour remonter les plombs, le pince-nez qui devient hélicoptère, la fleur du pissenlit qu'on éparpille d'un souffle, la bougie d'anniversaire qui fume encore une fois éteinte, le goudron qui fond, les semelles qui collent, le cœur qui bat dans la poitrine, le souffle qu'on retient devant une robe remplie de tendresse et de vie, la sensation folle d'une robe de nylon qui choit sur le sol, l'éblouissement du ciel, la larme qui lave l'œil, la bouche qui découvre la lèvre, ,une saison peut parfois être si courte qu'on pense l'avoir rêvée, puis on met Vivaldi, on s'en souvient tout de suite, on est ignorant de l'espace entre le rêve et la vraie vie, et c'est très bien ainsi, miraculeusement. https://youtu.be/g65oWFMSoK0j'aime beaucoup la tête du gars derrière, quel dommage de ne pas savoir jouer du violon pour me tenir à côté.|couper{180}
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Quand le visible devient l’invisible
Il y a Mallarmé contre lequel je bute régulièrement comme on bute contre un mur, mettons ce mur immense qu'on a découvert récemment au fond des océans, qui mesure 3 km de hauteur et 20 de large et qui coure dans les profondeurs encerclant la planète à moitié. Mais, si je n'avais jamais essayé de lire Mallarmé , sans doute n'aurais-je jamais pris conscience de ce mur, ce mur entre le visible et ce qu'il dissimule presque toujours, l'invisible. Ensuite que ce fameux mur soit un bug crée par Google Earth, une affaire de pixel carrés, un collage trop précis d'images et dont le résultat peut faire rêver, ce n'est pas le problème. Dans la tête un mur s'est élevé, qu'il provienne de la frénésie des magmas ou de la main humaine, cela n'a pas vraiment d'importance. Il y a un mur visible au fond des océans désormais sur Google Earth, comme en poésie il y a Mallarmé. Il y a quelque chose que l'on n'avait pas vu avant et qui soudain est devenu très présent. C'est d'autant présent que ça résonne avec la question du moment. Qu'est ce que je vois, qu'est-ce que j'entends, qu'est-ce que je pense vraiment. Est-ce que tout ça n'est qu'une somme d'apprentissages, une éducation, un formatage, ou bien suis-je parvenu à creuser un écart par moi-même. Est-ce que je suis un être parlé par les autres, par une langue commune, une langue pratique, une langue dont l'intérêt est de me faire obéir à des injonctions qui ne m'appartiennent pas, ou bien suis-je parvenu à parler ma propre langue, à voir le monde de mes propres yeux, la réalité de façon personnelle ? Une chose m'ennuie dans les ouvrages de fiction, je l'ai déjà dit, et cet ennui provient de la gène que j'éprouve instantanément du visible au sens ou le visible se mêle à la facilité, à un mot d'ordre qui voudrait peindre l'évidence. L'idée de la transparence d'un langage est une idée fausse qui dans l'ennui saute aux yeux. J'aime bien revenir à la lettre dans ces moments là. Ces signes bizarres le deviennent d'autant plus qu'on fuira les mots, les phrases, le sens qu'on leur accorde si facilement, de façon automatique. Examiner la lettre c'est comme se munir d'un microscope et zoomer sur l'infiniment petit, se retrouver au même niveau que la molécule, l'atome, la bactérie. Peut-être devenir toutes ces choses soudain par immersion. Car on est vite happé par ce mystère des signes que quelques instants auparavant on considérait comme allant de soi. Ils étaient visibles pourtant mais on ne les voyait pas. On croyait voir une évidence et soudain voici qu'elle s'est dérobée que l'on se retrouve confronté au mystère des hiéroglyphes. Comment on réagit à cela, à cette incompréhension soudaine ? Je veux dire à cet ennui que provoque soudain le visible, à la découverte de ce hiatus, entre le signe et la signification, souvent on s'enfuit : trop c'est trop. On referme le livre, on le range au haut d'une étagère, on l'oublie. Il est possible que nos oublis soient de la même catégorie que nos ennuis. On devrait s'en souvenir, et à période régulière y revenir, les explorer encore une fois, pour voir. La poésie de Mallarmé pose de belles questions quand on y revient. Et la première que j'y ai trouvée c'est qu'est-ce que c'est que lire. On découvre que lire peut-être réflexif. Qu'on n'est pas tenu de rester assis sur un banc de l'école à bailler en ânonnant ce que le professeur désire qu'on ânonne. On peut lire ainsi sans consommer, avaler, bouffer, dévorer, digérer. On peut lire avec plus de difficulté, et apprendre à aimer la difficulté pour ce qu'elle nous apporte d'autonomie, de créativité, d'intelligence nouvelle des échanges, des relations entre les mots. Sortir du cadre sujet-verbe-complément c'est comme sortir de l'hiver et assister à l'arrivée du printemps. Les branches sont encore nues mais déjà l'ellipse si présente laisse au regardeur tout loisir ou devoir de créer la feuille. La notion d'incidence souvent présente dans la phrase Mallarméenne oblige à ne pas perdre le fil d'une logique syntaxique qui secoue les neurones, et fabriques des connections secrètes inédites. Lire Mallarmé c'est inventer soi-même Ariane tout en étant Thésée, le labyrinthe n'est construit peut-être que dans un tel dessein. C'est aussi un bouleversement de l'idée de genre comme de l'idée de compréhension en général—vouloir comprendre comme pénétrer de façon phallique un sujet, comme en gros on l'apprend sur les bancs de l'école, n'est plus de mise. Pour comprendre il ne faut pas vouloir comprendre ce que veut dire le poète, mais la langue. C'est sauter par dessus le défaut des langues qui ne vient pas d'elles, mais de nous à vouloir les assujettir. Comprendre Mallarmé c'est avant tout comprendre qu'il existe mille façons de trouver son bonheur dans les mots bien au-delà de leurs significations vulgaires, de ces significations qui s'offrent si aisément, qui écartent les cuisses au tout venant et qui d'ailleurs s'y engouffre si facilement. "Le vif œil dont tu regardes Jusques à leur contenu Me sépare de mes hardes Et comme un dieu je vais nu." ( La marchande d'habits, dans Poésies, Stéphane Mallarmé 1899)|couper{180}
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Esquisse d’une sensation ( exercice d’écriture )
Variations autour de la sensation d'une transition de saison, tout ce qui arrive sans y penser, le premier jet, sans réécriture, ou, autre expression : improvisé. <em>L'improvisation</em> valant peut-être ce qu'on entend par <em>préparation</em>. Préparation comme en cuisine, préparer un plat, puis le dresser ensuite dans l'assiette sur une table. Avec ou sans fioriture, suivant l'humeur, les circonstances, l'ordinaire, l'extraordinaire, amitiés, fêtes, naissances, mariages et enterrements. Ce que déclenche en tout premier lieu, l’idée de la variation d’une phrase, c'est mon inaptitude à la réécriture. Ce blocage face à la musique. Cet excessif respect face à toute musique désormais après en avoir tâté et reconnu cette inaptitude. Après m'être fourré cette sensation d'inaptitude dans le crâne surtout. La sensation qu’on ne peut pas refaire ce qui vient d’être fait. Qu'il faille passer par une forme de destruction irréversible du passé pour recréer à vif. Et aussi, en opposition, cette sensation que ce qui est fait ne l’est pas entièrement par moi ou je. La sensation que réécrire c’est mettre un peu trop je en avant comme chef des opérations. La sensation que je ne suis pas que je quand j’écris. La sensation qu’éprouve le petit je ballotté par la langue , qu' il le sait pertinemment, que ça, la langue, n’appartient pas qu’à lui. La sensation de vouloir entrer dans une langue qui en grande partie se refuse en raison d’une croyance qu’on y est avant tout pour moitié étranger. La sensation que si je me voue entièrement à la langue française je trahis la langue maternelle. Je les trahis car j’emprunte une autre langue, je les trahis tous ceux qui s’exprimèrent autrement qu’en français, en estonien, mais aussi dans le français de tous les jours, le français ordinaire, le français d'une époque, le français d'une période économique, politique, le français comme creuset de tous les drames, de toutes les tragédies, le laisser aller du français dans la violence verbale, la médiocrité, et parfois aussi sa tendresse très privée. L’exercice qui consiste à partir d’une sensation, de la tentative d’écriture de cette sensation, du manque que l’écriture en premier lieu ne peut dire. Comment est-ce que je m’en sors, ou plutôt ne parviens jamais à m'en sortir, de cette traduction personnelle de la sensation. Comment je l’esquive, comment je ne m’y appesantis pas alors que je m’appesantis sur tellement d’autres choses. comme pour me divertir, pour m'aveugler par et dans le divertissement. Comment je peux aussi me mettre à délirer au travers de cet exercice de traduction, devenir fou à lier parfois, en essayant de rejoindre quelque chose qui m’échappe en lui échappant moi-même le plus souvent. C'est à dire en bottant en touche. Le piège est-il dans ce délire comme échappatoire au véritable travail ? C’est à dire de parvenir à dire la sensation, le simple passage d’une saison à une autre. Sans doute parce que la sensation vient de loin, que lorsqu’elle ressurgit elle m’ébranle dans mes certitudes, la certitude d’arriver régulièrement au bout de ma vie notamment. Non, quand cette sensation ressurgit, elle gomme cette certitude. Je me retrouve souvent l’enfant que j’étais. Je me retrouve en tant qu’enfant. La sensation me transforme, fait voler le temps en éclats, la sensation de passer de l’hiver au printemps comme une métaphore d’une autre sensation plus onirique encore de la vieillesse qui passe à la jeunesse. Évidemment qu’Il doit bien y avoir un lien mais comment ça se fait que cette sensation surgit la toute première fois, lorsqu’on sort de l’hiver, vers mettons 6 ou 7 ans ? Se sentir déjà vieux que d'aspirer à la jeunesse ainsi tiendrait-il. Que me raconte cette sensation lorsque je la vois surgir en moi soudain sur le chemin de l’école un matin. Comment je la perçois comme retrouvailles déjà dans le chant des oiseaux, dans une légèreté nouvelle de l’air qui caresse la joue. A quoi je pense en éprouvant enfant cette sensation à la sortie de ces hivers si longs déjà, interminables, est-ce que je pense d’ailleurs à quoi que ce soit, ou bien n’est-ce que la sensation du corps qui a moins à lutter tout simplement, qui se sent débarrassé d’un poids, celui des lourds vêtements d’hiver, les ayant troqué pour des tenues plus légères. Le retour du short, de l'air frais sur les mollets. Quelles images viennent simultanément avec la sensation, la sensation qui charrie, la sensation comme le Cher qui coule en bas sous le grand pont et qui charrie les flaques de sang des abattoirs voisins, mais pas seulement, parfois aussi un tronc qui flotte, une transparence au travers de quoi on aperçoit, dans son lit au lever du soleil, des cheveux d’algues d’un vert tendre. Charroi et sensation. Et cette expression qui revient comme un cheveu d’ange dans l’air léger, que disait-elle déjà ? —arrête de charrier, tu me charries, tu charries — Quelque chose est transporté d’un lieu l’autre, d’un temps l’autre par la sensation qui ressurgit. La sensation me transporte, comme la musique peut me transporter, comme les variations musicales qu’on reconnaît sans vraiment en prendre conscience au moment où on les entend. Parce qu’on ne fait qu’entendre on n’écoute pas. Parce que je n'est pas seul à l'écoute, il ne peut l'être, ce serait un illogisme. Parce qu’il faut dépasser beaucoup de difficultés pour écouter vraiment, notamment celle du cœur qui cogne dans la poitrine, la douleur que ça fait dans la poitrine et qu’on ne peut pas dire, la douleur qu’on garde pour soi dans la poitrine. Pour soi ce n'est pas que moi ou je, c'est bien autre chose, c'est un ensemble. Cette douleur que l’on aiguise comme un bâton de réglisse pour pouvoir la sucer, s’en nourrir, et à la fin des fins pouvoir même en éprouver un certain plaisir. Un plaisir solitaire à marcher sur le chemin de l’école en éprouvant cette sensation d’un cœur qui se serre envahit soudain par le chant des oiseaux, qui se brise se fend, éclate comme une bogue de marron à la moindre sensation retrouvée d'une légèreté de l’air, d' une transparence entr'aperçue entre les flaques du sang qui flottent à la surface du Cher. Est-ce qu’il manque encore quelque chose à cet instant de l’écriture de la sensation, est-ce que quelque chose de terrible se dissimule encore après cet écoulement de mots qui charrie des flaques de sang, des zones de douleurs, le vert des algues qui dansent sous la surface des eaux. La sensation très présente de la mort se dissimule encore. Et aussi le contentement de voir ressurgir comme une issue à cette peur dans l’arrivée soudaine du printemps, dans le chant des oiseaux, quelque chose de violent et de doux en même temps.|couper{180}
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Et après
Révolte des Gilets Jaunes Photo SIPA Ils avaient investi les rond-points des villes, des villages. Ils avaient marché longtemps jusqu’à la capitale, traversé ses faubourgs, ses cités, dépassé le périphérique, avaient découverts les boulevards extérieurs, les grandes artères, les rues, les ruelles et les venelles, puis enfin avaient atteint l’Élysée ; les forces de l’Ordre s’étaient même écartées à leur arrivée. Ils fracassèrent les portes du Palais, découvrir encore le hall puis s’arrêtèrent net. Ils ne savaient pas ce qu’il fallait faire ensuite. Ils regardèrent un instant les ors de la République, se regardèrent les uns les autres, puis très vite ressortirent. —Et après ? demanda quelqu’un dans la foule des badauds. Mais personne ne lui répondit.|couper{180}
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Stage de peinture ce dimanche "oser, hésiter"
Une spirale à l'encre de chine Partir avec ces deux mots, oser et hésiter. Ne rien préparer vraiment. C'est osé. Eprouver quelques doutes, c'est hésiter. Ce qui fait songer à la notion de préparation. Quand la résistance s'insinue jusque là. Le refus de préparer quoique ce soit pour être au moment, tout entier livré au moment, à ce point d'équilibre qu'impose ce terme. Equilibre fondé sur quoi, toujours la question en suspens. Même si l'on sait pertinemment que c'est une somme de déséquilibres successifs qui crée cet équilibre là précisément, et pas un autre. Y aller les mains dans les poches ? c'est hésiter. Se souvenir qu'on a une vie, que l'on n'a pratiqué que cela, que le déséquilibre est notre grande affaire, qu'on n'a pas à en rougir, c'est oser. En fait le secret du mouvement ce n'est pas oser ou hésiter, aucun de ces deux verbes n'est un havre de paix, une sinécure. Aller à fond dans l'un comme l'autre est un bon exercice pour comprendre la friction, l'invisible force comme chef d'orchestre placé entre les deux. L'écrire ici renforce t'il quoique ce soit ? Est-ce un préambule au rituel ? Une manière de se rassurer, d'aller quérir un semblant d'audace ? Probablement un peu de tout ça, et rien de tout ça puisque qu'avant de commencer quoique ce soit on ne sait pas, on ne sait rien, parce qu'il faut tout oublier pour se lancer dans la journée une nouvelle fois.|couper{180}
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Le "petit quelque chose"
Rompu à tous les artifices scénaristiques , il dédaignait désormais de lire des romans. La plupart du temps le premier paragraphe de la première page suffisait pour qu’il sache qu’il lui serait inutile, voire toxique de persévérer dans la lecture. Il ignorait la compassion, l’attendrissement, c’était un ayatollah de la langue, d’un radicalisme exacerbé par ce qu’il considérait comme l’ennemi public numéro 1, la médiocrité distillée par le divertissement, l’ennui produit par les machines à pondre de l’illusion à bas prix. Ses vastes connaissances de l’art du récit, du mensonge, qu’il avait puisée dans les récits oubliés datant de la plus haute antiquité, désormais formaient un obstacle qui ne lui permettait pas de s’adonner sans honte à la consommation des livres de fiction. Il ne voyait plus que les os des ouvrages, leur chair était devenue inconsistante, fade , épicée à outrance de poncifs, de clichés - une sauce indigeste destinée à masquer aux insensés l’indigence terrifiante des péripéties de bas étage qu’on y trouvait de façon répétitive. Rare était l’exception. Le petit quelque chose qui, lorsqu’il tombait dessus recréait le monde, balayait la morosité, redonnait un peu d’espoir en la journée qui commence. Il ne parcourait les livres que le matin de bonne heure comme on essaie d’entretenir un jardin par temps de canicule. Il suffisait d’une tournure de phrase, d’un agencement inédit dans l’ordre des mots, bien sur à peine détectable, simple- avec le poids de la définition accompagnant cet adjectif- pour que sa respiration s’accélère, que son cœur se remette à battre, pour que la vie anime encore une fois ses membres, ses mains, ses doigts, et qu’il tourne, non sans un mélange d’inquiétude et d’espoir, la page.|couper{180}
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Limites de l’autobiographie
Peut-être est-ce le bon moment de parler des limites que devrait nous ( nous pour ne pas subir ici, faire subir, l'inconfort du je) imposer notre propre perception du monde, si toutefois on conserve à l’esprit que cette perception n’est pas la réalité mais une construction de l’imagination. Des limites clairement établies une fois pour toutes nous aideront à mieux nous mentir. A mieux nous mentir à nous-mêmes, plus habilement, jusqu’à transformer l’art du mensonge en loisir à défaut de littérature authentique Peut-être pourrions-nous alors nous surprendre nous-mêmes. Car, avec quelques précautions, quelques efforts, un peu d’audace, un zest de discernement , nous laisserions de coté les clichés, les poncifs, toute chose vue ou entendue et dont nous nous servons comme de programmes en boucles, pour effectuer ce genre d’opération médiocre quand ce n'est pas l'utilisation abusive d'un outil prétendument intelligent et totalement artificiel. Lorsque nous voulons raconter notre vie, nous sombrons si facilement dans le récit, nous réinventons la plupart des événements, des êtres, nous fabriquons des décors, des personnages, très souvent à seule fin de nous glorifier, de ne pas trop exprimer la honte, la lâcheté, la roublardise, de nombreuses de nos interactions avec les autres, avec la vie- soit à nos propres yeux avec une mauvaise foi atterrante, soit aux yeux des autres dont la plupart du temps nous ne savons rien. Encore faut-il, pour éprouver cette gène fondamentale, avoir vraiment pris conscience de l’absurdité de tout récit de cette catégorie. Car, très souvent, nous sommes victimes de cette obsession qu’il devienne crédible- avec tout ce que nous imaginons de ce que peut être cette crédibilité- aux yeux d’un public, inventé, rêvé lui aussi. Nous voudrions être l’acteur le plus important de notre récit et, bien sur, erreur de débutant, nous projetons cette importance sur ce public fantasmé. Mais si l’on prend les choses en sens inverse. Si on part du principe que la plupart des gens se fichent éperdument de toute autobiographie, que la plupart des gens sentent intuitivement que l’autobiographie est une fiction, on peut changer son fusil d’épaule. On peut alors dire : “ ceci est une fiction, n’en croyez pas un mot, ceci est un personnage, cela est une histoire comme tant d’autres.” Au début, ne pas saisir l'importance de ces limites est une histoire banale. Il est possible que le parcours d’un écrivain consiste à saisir cette notion de limites. Le plus tôt il les sentira, le plus tôt il pourra les utiliser pour en jouer et écrire des histoires intéressantes. Et qu’est-ce qui intéresse les gens la plupart du temps dans les histories qu’on leur raconte ? C'est de s'y retrouver eux-mêmes surtout. De retrouver leur problématique principale, la banalité de leur existence. N’est-ce pas là une bonne clef pour ouvrir la bonne serrure : partir de la banalité de l’existence, celle dans laquelle nous vivons tous, et transformer celle-ci quelques instants, le temps d’un livre, en quelque chose d'extraordinaire. Une banalité qui se modifie peu à peu, qui se métamorphosera au fur et à mesure des pages que l’on tourne en quelque chose d'extraordinaire. Et cette double action écrire- lire ne permet-elle pas d'acquérir, aussi bien pour l'auteur que pour le lecteur, un nouveau point de vue sur ce qui à première vue est considéré comme banal et par ricochet ce que nous considérons d'avance surtout d'imagination, comme étant l'extraordinaire ? Ce sont donc bien sur ces limites que le travail doit s'accomplir. Et peut-être qu'une fois aperçues, une porte de sortie apparaisse, permettant à l'écrivain de sortir de son autobiographie. De prendre en tous cas du recul avec celle-ci, de la transformer en autre chose qu'une plainte, un obscénité ou un outil thérapeutique.|couper{180}
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Le rêve de publicité
Pas de publicité pour ma dernière exposition. Pas de photographie non plus. Je n'en ai pas éprouvé le besoin, la nécessité. Je vis en ce moment tellement à coté de ce que tout le monde nomme la réalité. A moins que je ne cesse toujours de m'obstiner à ne pas vouloir y entrer. Mon rêve publicitaire s'est achevé je crois. Celui qui contenait ( avec peine ) le délire de la notoriété de la célébrité, de la renommée. A 25 ans j'écrivais sur mon petit carnet : le dernier refuge sera l'anonymat. J'étais si fier de cette trouvaille. Ensuite je crois que j'ai passé le reste de ma vie à vouloir étayer cette intuition. J'ai fait tout ce qu'il fallait pour essayer de me rendre visible, de me rendre intéressant, voire séduisant, oh bon sang comme j'y suis allé de bon cœur, comme volontaire pour la trépanation. Vol au-dessus d'un nid de coucous, un très bon film en passant. Puis une fois un ou deux tours de piste enfilés, découverte extraordinaire de la piste de sciure et du rôle que finalement le public m'avait de guerre lasse attribué. Auguste, je me suis drapé dans un joli sourire. Rendons à César ce qui revient à César. Même ce blog est le dernier sursaut effectué pour me débarrasser à jamais de toute rêverie publicitaire. Je tire sans doute ses dernières cartouches. Je n'aura pas fait trop long feu. Quelques années, trois petits tours et puis s'en vont. Ce qui reste c'est l'anonymat. Même moi ne me reconnait plus.|couper{180}
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Suivre un protocole
protocole visuel pour lacer une chaussure. Avant de suivre un protocole, je parie qu'il faut s'y engager de façon consciente et volontaire. Disons que si on fait le choix, il vaut mieux s'y tenir que non. En informatique si on commence avec le protocole FTP il ne vaut mieux pas changer d'idée en cours de route, sinon ce qu'on en attend finira fatalement en un paquet de données inexploitables d'un côté ou de l'autre. Il faut deux côtés pour lancer un protocole, un émetteur et un récepteur. L'émetteur envoie un certain paquet de règles à appliquer, à respecter, le récepteur s'y plie, il les applique. En cancérologie, il ne vaut mieux pas jouer au malin, n'en faire qu'à sa tête, le protocole est strict, le protocole ne compte pas pour du beurre. Sans doute que le protocole est auréolé d'une certaine gravité dans mon imaginaire. Et que la gravité fait reculer. On aimerait bien rire mais ce n'est pas le moment. Protocole oblige. Appelé aussi étiquette parfois, suivre l'étiquette- on se souviendra des levers, des couchers du roi soleil, de ses repas, de ses défécations, de ses ablutions, de ses fêtes comme de ses guerres - étiquettes compliquées retorses - obligeant courtisane et courtisan à suivre un protocole, ou, si l'on est policier une piste, sans la lâcher. et il est important de ne rien lâcher à ce moment là, disent les chefs cuisiniers de la téléréalité. Car l'important est de parvenir au bout, à bout de. Fabriquer le meilleur des mets qui produira la plus belle crotte, qui elle-même choira dans la plus belle cuvette etc. N'oubliez pas le protocole pour laisser propre l'endroit une fois l'affaire achevée. Un protocole médical est-il semblable à un protocole scientifique, à un protocole artistique, à un protocole vinicole ? Ce qui les relie tous c'est la notion de mode d'emploi, la liste à puces ou numérotée, ne pas faire le petit 2 avant d'être passé par le petit 1. Ce qui semble assommant à première vue provient surtout de l'ignorance des bénéfices que l'on peut en retirer. Cette ignorance qui déclenche l'outrecuidance de n'avoir rien à secouer des protocoles en général. C'est une erreur de jeunesse. Je n'ai jamais bien aimé les modes d'emploi. Et encore moins les plans de construction des meubles Ikea. Ce qui ne m'a pas valu que du bon. Car réfléchis au pourquoi du comment, un peu. Les ancêtres se sont pliés en quatre, de plus dans certains pays on a réduit leurs os dans des cassettes pour qu'ils deviennent empilables à l'infini, ou qu'ils prennent moins de place dans les cimetières, et peut-être aussi pour aider leurs descendants à se défaire encore un peu plus de tout lien émotionnel qui nous entrainerait à n'effectuer que du sur place dans l'ici-gît. Il faut avancer c'est la loi. Qui n'avance pas recule. On peut penser un petit instant, à ce protocole si compliqué pour envoyer une fusée dans l'espace. Une génération vers l'avenir. Il faut y réfléchir un tant soit peu. Et ensuite suivre la marche à suivre, à la lettre. Au moment du compte à rebours, il sera hélas trop tard pour hésiter. Le protocole est lancé. Plus qu'à prier pour que tout marche ( il faut avancer) Un singe dans la cabine là-haut n'en mène pas large, il a retroussé ses babines pour montrer ses dents, une réaction de primate en cas de danger réel. Un sourire nerveux. En bas un homme retrousse ses manches pour s'y mettre, pour se faire à l'idée, pour enfiler une chaussure qui d'emblée lui semble trop petite Les fesses posées sur un tabouret, il a à étiré la chaussette pour qu'elle ne fasse pas un pli, puis il a présenté le bout de ses orteils dans la gueule de la godasse, il y a glissé le pied tout entier, a lacé les lacets, noué les brins pour faire un joli nœud. Maintenant l'homme a une chaussure à son pied, mais ça ne sert à rien de se réjouir trop vite, ce n'est pas fini, il faut aussi mettre l'autre à l'autre pied. Puis se lever, choisir une direction vers quoi marcher, et avancer. ( il faut toujours avancer, sinon on ne fait que reculer)|couper{180}
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Les mots et les bruits
Exercice de chauffe. Tout ce qui vient sans correction, dans une absence de correction, de façon incorrigible. Rendre compte du bruit par les mots ? traduire un bruit en mot ? S'accrocher à un cliché rodé comme le crépitement du feu, le bruit du ressac pour évoquer la mer, le hululement du vent ? Liste de bruits par catégorie. Bruits de la rue Bruits de la ville Bruits de la campagne Bruits dans un appartement en ville Bruits dans une maison de village, une ferme, une bergerie, Bruits dans une église, bruits dans une mairie, bruits dans une gare, bruits dans un supermarché, bruits dans la salle d’attente d’un dentiste, bruits dans un bistrot, bruits dans un crématorium, bruits dans un cimetière, bruits dans une cour de récréation, bruits dans une salle de classe, bruits dans un jardin, bruits sur un chantier, bruits au bord de la rivière, bruits au bord d’un canal, bruits sur un pont suspendu, bruits dans une galerie souterraine, bruits dans la cave, bruits dans un grenier, bruits dans une maison toute neuve, bruits derrière une cloison, bruits provenant du plafond, du plancher, bruits selon les heures de la journée, bruits réels, bruits inventés, bruits connus et inconnus, bruits par degré d’intensité, bruits par degré d’agacement, bruit familier, bruits qui font sursauter, bruits qui font cogner le cœur dans la poitrine, bruits qui créent un haut-le cœur, bruits que l’on peut faire avec les parties du corps, bruits qui nécessite un outil, bruits sur lesquels on peut ou on ne peut intervenir. Beaucoup de bruits pour pas grand-chose. Un bruit de tous les diables. Sans bruit. Le bruissement. Sonorités de mots qui évoquent un bruit : le chuintement, le sifflement, l’usage de l' allitération, le hoquet, une cacophonie, une écholalie. Se répéter le dernier mot entendu pour essayer de ne pas perdre le bruit de quelque chose, de ne pas perdre le fil du discours. Décalcomanie. La manie de calquer ou de décalquer. Le froissement du papier d’un Malabar, d’un Carambar, déforme “ le “décalcomani” valant pour le dessin résultant d’un transfert. Tu l’as ce décalcomani ? Ou encore je vais le décalquer, pour dire casser la figure, le bruit de la claque, un peu différent de celui de la gifle, de la tarte, de la giroflée à cinq branches, du pain dans la tronche, du marron, de la beigne. Bruits de la rue, Vroum, clameur, grésillement d’un bec de gaz, du filament d’une ampoule de réverbère, de néon, du mégot de cigarette jeté sur une petite flaque d’eau, grésillement des bas en nylon qui frottent l’un contre l’autre au niveau des mollets, grésillement du goudron qui fond sous la chaleur, grésillement du crachin sur une pancarte en tôle, grésillement d’un rasoir électrique provenant de l’habitacle d’un taxi garé dans une impasse. Grésillement d’une plaque de gaz qu’on allume, glissant du haut d’un immeuble par une fenêtre entr’ouverte. Grésillement d’une mèche de cheveux brûlée dans un cendrier, grésillement du fer à friser dans l’officine d’un coiffeur pour dames. Grésillement du saindoux fondant dans une poêle, dans la cuisine de ce restaurant. Grésillement du pain dans le grille-pain. Un grésillement électrique, un grésillement continu, un grésillement permanent auquel on fini par s’habituer, le grésillement s’accentue, s’amoindrit s’atténue, s’arrête, reprend . On n’entend plus le grésillement. Le grésillement habituel dans la grisaille du petit matin. Le grésillement des caténaires dans le silence du quai. Le grésillement d’un insecte contre une vitre épaisse. Le grésillement au début presque inaudible envahit maintenant tout l’espace de la rue. Chuintement des oiseaux de nuit sur le plomb des toits. Une fois l’averse passée, le goudron chuinta, laissant échapper de petits nuages flottant ça et là. Grincement. Une porte s’ouvrit en grinçant tandis qu’un peu plus loin crissèrent des freins il y eut un gros boum, quelqu’un sorti d’un véhicule, puis il y eut un hurlement, des éclats de voix, des gémissements, des cris, des pleurs et puis soudain plus rien, silence. Puis on le démarrage d'un moteur, un crissement de pneu, il y eut un vroum, et, enfin, le grésillement familier des néons qui te rappelle à ta solitude dans cette rue cette nuit là. Bruit du rideau de fer qui se lève ou se baisse. Le fracas habituel. Un fracas ponctuel. Tout en bredouillant de vagues bonjour, en s’excusant de son retard, il manœuvrait la manivelle pour hisser le lourd rideau de fer de la boucherie chevaline. Des années étaient passées. Il suffisait désormais d’appuyer sur un commutateur pour lever ou baisser le rideau de fer des devantures des magasins de vêtements. L’opération s’effectuait presque silencieusement. Vers 9h tous les rideaux se levant en même temps lui serrait le cœur, après avoir vaillamment traversé la nuit, il fallait encore réunir suffisamment d'entrain pour remonter la rue de Rivoli depuis Châtelet, atteindre la Bastille se familiariser à nouveau avec le bruit assourdissant de la ville, grimper cinq étages, dont les marches parfois craquaient, couinaient, grinçaient, effectuer encore quelques pas feutrés jusqu'à une porte, tapoter ses poches pour entendre le tintement familier des clefs, introduire une de celles-ci dans la serrure, la faire jouer sa petite musique d'ouverture, refermer doucement la porte derrière soi, puis se dévêtir le plus silencieusement possible, et enfin tout doucement se glisser contre le corps nu à l'abandon sur le lit ; dociles les lames du sommier neuf accueillaient son poids sans le trahir, il allait peut-être enfin dormir.|couper{180}
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Comment interpréter un tableau abstrait de Julie Merhetu ?
The Seven Acts of Mercy Julie Merhetu 2004 Mimer pacifiquement la guerre ? la violence ? Le stade, les dieux du stade. Une course de 192, 27 m car 600 fois l’empreinte du pied d’Hercule ; soit 600 fois 32 cm soit 12 pouces, ou encore 1 foot anglais. (Cette distance correspondait en 776 avant JC à un stadion ou stade. ) Par la suite dans les compétitions en l’honneur de Zeus, on ajouta le retour, soit le diaulos, puis encore plus fort 24 stades, le dolichos soit 4,6 km. A Olympie il n’y a pas vraiment de structure olympique au sens où nous l’entendons désormais. Il s’agit en tout et pour tout d’une piste recouverte d’un mélange de terre et de sable et qui forme un rectangle de 212 m de long sur une largeur de 28, 60 m aux extrémités avec un renflement l’élargissant à 30,70m en son milieu. On y pratique bien sur la course à pied, mais aussi la lutte, le pugilat, le pancrace, des sports équestres, et aussi des épreuves musicales. Au tout début il s’agit pour les coureurs d’atteindre le bois d’Altis. Puis on pratique quelques aménagements, un tunnel sera creusé depuis Altis permettant aux compétiteurs d’apparaître “ comme par miracle” aux regards des spectateurs. Autour de la piste on crée des remblais et des talus pour offrir des places à ceux-ci et quelques unes déjà en surplomb, pour les privilégiés. On installe des sièges pour les notables, puis viendront ensuite les gradins, avec un ordre de placement hiérarchisé selon la condition de chacun qui s’y assoit, ou qui ne s’y assoit pas. Car ici du reste la plupart ne peuvent s’asseoir mais reste debout, le peuple. C’est la naissance du stadium le lieu “où l’on se tient debout” et qui peut accueillir jusqu’à 40 000 personnes. “une totalité spatiale organique” Le stade se propose comme un espace fermé, qui s’articule à la ville selon des modalités qui ne sont pas celles de la palestre ( autre lieu sportif réservé aux adolescents âgés entre 12 et 16 ans qui y pratiquent la course également mais aussi le lancer de javelot, le lancer de disque, mais aussi à cultiver l’art des bonnes manières et la discipline- lieu préparatoire à la guerre comme à la défense des cités). Le stade se différencie également du xystos, piste couverte dans un gymnase où l’on s’entraîne par mauvais temps ou lorsque il faut trop chaud à l’extérieur. Le stade n’a rien non plus à voir avec l’autel, le temple, l’agora ni aucun autre édifice de la cité. Au bout du compte si on peut imaginer dans la pensée première du roi Iphitos l’utilisation du stade comme amusement, délassement, ersatz de la guerre, le lieu du Jeu, le lieu où même un cuisinier peut devenir durant quelques instants un héros, presque déjà un dieu ( Référence à Kérébos qui remporta la toute première course en Olympie) il est possible que l’on se fourvoie. Le stade permet à la guerre de continuer même quand elle n’est pas là. Le stade permet de conserver actif l’esprit de compétition, l’esprit combatif même et surtout en temps de paix. Le stade acquiert ainsi une place décisive dans la cité il devient le centre névralgique de la compétition autour duquel s’organise la ville et ses nombreuses activités. Il exerce une force centripète sur l’ensemble des peuples hellènes, fondant ainsi une nouvelle unité sociopolitique spécifique à chaque nouvelle olympiade. Pourquoi le retour des stades ? Ce qui est étonnant c’est que le phénomène du stade est perdu au Moyen-Age comme à la Renaissance, on ne le retrouve que de nos jours avec la même intensité qu’autrefois. Est-ce que le stade s’associe au sport comme on pourrait le penser, certainement pas. Le stade représente tout autre chose, sans doute la même volonté qu’autrefois de créer une sorte de consensus émotionnel, ou d’aveuglement des foules, hypnotisées, galvanisées par l’aura du sport et de ses divinités, “ses stars.” Je me demandais si la peinture abstraite contemporaine pouvait exprimer des thématiques associées aux temps actuels, si elle pouvait par exemple évoquer le changement climatique, les conflits sociaux, témoigner tout autant que la peinture figurative avait pu le faire et certainement continue à le faire de notre temps. J’ai été attiré par un tableau de Julie Merehtu intitulé The Seven Acts of Mercy, [Les sept actes de miséricorde], et qui fait ainsi référence à une peinture éponyme du Caravage, avec plusieurs points de fuite autour d'une structure centrale presque religieuse qui me rappelle vaguement l’image du stade. Que voit-on sur le tableau du Caravage ? Cette toile représente les sept œuvres de miséricorde dites « corporelles » qui, dans le dogme chrétien catholique, consistent à : enterrer les morts. À l'arrière-plan, deux hommes portent un mort dont on ne voit que les pieds. visiter les prisonniers et nourrir les affamés. Sur la droite une fille rend visite à son père emprisonné et lui donne le sein pour le nourrir (légende de Pero et Micon). aider les sans-abri. Un pèlerin reconnaissable à la coquille sur son chapeau recherche un abri. visiter les malades. Le mendiant paralysé gît sur le sol. vêtir ceux qui n'ont rien (à l'exemple de saint Martin qui a donné son manteau au mendiant nu). donner à boire à ceux qui ont soif. Samson boit de l'eau de la mâchoire d'un âne. Petite histoire du tableau du Caravage celui-ci à été peint pour l’église de la congrégation du Pio Monte Della Misericordia à Naples. A l’époque le peintre veut échapper à la justice romaine, il fuit Rome pour se rendre à Naples en 1607 alors sous domination espagnole. C’est sans doute l’œuvre qui lui a rapporté le plus d’argent 400 ducats, c’est aussi à la même époque qu’il peint la Flagellation du Christ pour le riche Tommaso de Franchis. Ce que cela m’inspire est sans doute tiré par les cheveux. Autour de quelle institution fédérer le peuple quand le stade a disparu ? La religion, le catholicisme, la Miséricorde ? Mais tout cela n’est encore une fois de plus qu’une tentative de dérivation de la violence inhérente à l’homme, dérivation ou entretien de celle-ci dans l’imposition d’un paradigme basé sur la dualité bien-mal, bonne ou mauvaise action, croire ou ne pas croire et qui entraînera la création de plusieurs inquisitions pratiquement dès la naissance de cette institution. Le sport et la religion même combat, le but étant l’aveuglement collectif, le naufrage dans l’émotionnel, et bien sur son exploitation par des personnages à sang-froid. Que représente le tableau de Julie Merhetu ? Des gestes de peinture plus ou moins appuyés presque dérisoires autour d’une construction architecturale, seul élément solide de l’œuvre. Mais quoique évanescents, ces gestes, remplissent presque la totalité de l’espace, ils sont majoritaires. Ils cernent le stade comme s’il devenait leur cible, comme s’ils s’y opposaient avec une certaine douceur due notamment aux valeurs de gris peu marquées, à une douce confusion, à peine relevée ici et là de traits plus précis, souvent en arc de cercles, en courbes, évoquant peut-être une caractéristique féminine. Il y a là une opposition entre les courbes rigides de la construction architecturale qu’on peut sans peine imaginer masculine, machiste, et celles plus chaotiques d’une féminité “sauvage” ou tout simplement naturelle. Ensuite la relation avec le tableau du Caravage quelle est t’elle vraiment ? Il est question des miséricordes corporelles en opposition à celles spirituelles ( 7 de chaque) Le tableau s’organise autour d’un vide, d’une obscurité, la lumière vient de la gauche, ce qui évoque pour moi la maladresse, le hasard, ce qu’on appelle généralement la gaucherie, la femme gauche, la féminité ainsi considérée durant des siècles. Que la lumière de la vienne de la gauche et crée ainsi des contours aux silhouettes, les fait apparaître hors de l’obscurité de la violence fondamentale et comme surprises dans leurs œuvres nommées miséricordieuses procure une belle émotion esthétique et intellectuelle, assez semblable d’ailleurs à celle procurée par l’œuvre de Julie Merhetu. Quasiment identique. Ainsi deux oeuvres totalement différentes plastiquement mais qui traitent d’une même thématique, celle de la violence finalement, ou encore de l’opposition ombre et clarté , féminin-masculin, se relient dans une histoire plus vaste de l’humanité. Ensuite, c’est peut-être simplement mon point de vue personnel, ma façon d’interpréter les choses et notamment les œuvres qui me passent devant les yeux avec la grille de lecture dont je dispose. Note : cet article a été en partie inspiré par un article de Robert Magiorri sur le livre de Marc Perelman, l'Ere des stades (Genèse et structure d'un espace historique) , Le cahier Livres de Libé 10 juin 2010) Julie Merhetu est née en Ethiopie en 1970, elle quitte l'Afrique pour s'installer aux Etats-Unis en 1977. Sa thématique principale est axée sur les conflits sociaux. ( voir sa page Wikipédia )|couper{180}
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L’impression de perdre son temps
Le temps perdu à regarder des vidéos traitant du logiciel d'écriture Scrivener. Le temps perdu à se dire : tiens c'est nouveau, ça va peut-être me changer la vie. Le temps perdu à farfouiller dans le logiciel Scrivener dont je viens de charger la version d'essai. Le temps perdu, à faire quelques essais, peu concluant, pour essayer d'importer mes articles de blog dans Scrivener. En vain. Il faudra passer Par le format R.T.F ou O.D.T. Et donc encore perdre du temps pour savoir comment passer du X.M.L à ces formats. Il y a des matins comme ça. On sait que l'on est en train de perdre son temps, on le sait pertinemment, mais on ne fait rien pour l'empêcher. Il est même possible qu'on en éprouve même une sorte de jouissance malsaine. Comme si soudain on disait à ce monde de contingences qui ne cesse de nous harceler : —fiche-moi la paix, laisse-moi au moins cette impression de perdre mon temps comme je le désire. Evidemment le mot procrastiner vient à l'esprit. Ce n'est pas bien de procrastiner. C'est comme entrer dans une boulangerie, s'acheter quelques religieuses puis se les enfiler à s'en faire pleurer les yeux. Ensuite il faut bien choisir sur quel point exact se situer entre une tristesse infinie, et un je m'en foutisme raisonnable Du reste, il est possible que tout ne soit effectué que dans ce seul but : parvenir à ce havre de paix précaire, à ce point exact, l'œil du cyclone- quelques instants seulement- puis se faire avaler à nouveau par la vanité des choses à faire, des responsabilités, l'illusion de gagner ou de perdre ce temps qui, en outre, ne nous appartient pas. J'ai choisi cette image dans la médiathèque du blog, la seule sensée, bien que je ne sache pas vraiment ce qui l'est ou pas en ces temps de fin du monde. Peut-être que l'on perdra d'autant plus ce temps qui ne nous appartient pas, que la fin de ce monde se rapprochera. Qu'on aura encore ces impressions, car ce ne sont bien sur que des impressions.|couper{180}