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les gentils et les méchants

De temps à autre il essayait de se transformer, d'être méchant, la gentillesse lui étant comme un boulet à traîner qui l'encombrait. Une pudeur mal placée. Mais comme c'était intempestif, on voyait bien à quel point il pouvait être maladroit. Il était à contre courant de nous autres qui faisions tout pour paraître gentils. Cependant, nous bénéficiions d'une éducation, d'un entraînement fastidieux et long. Puis un jour les pudeurs s'inversèrent, sans savoir pourquoi ni comment. Nous découvrîmes que nous étions parvenus à une forme d'égalité. Nous étions tous aussi salauds les uns que les autres conduits par les circonstances, les aléas, le hasard et les contingences. dessin à la pierre noire mai 2023|couper{180}

les gentils et les méchants

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Au vitriol

Photo de Vlada Karpovich sur Pexels.com ( exercice d’écriture, s’entraîner à croquer de petites scènes ordinaires de la vie de tous les jours ) —C’est difficile d’être méchante quand on est gentille. C’est ce que dit cette pouffe à sa copine, à la table d’à côté. Moi qui suis venu là pour être peinard, c’est raté. J’ai dû rester encore cinq minutes, le temps d’attendre la monnaie. C’est vachement long cinq minutes à écouter des conneries. La blondasse doit pas être loin de devenir championne régionale de débitage de conneries. En tous cas, elle a l’air d’y mettre du cœur. Encore une qui deviendra amère à la cinquantaine quand elle découvrira à quel point elle s’est gourée de sens dans le trafic. Mais à la cinquantaine il est généralement trop tard. Elle aura son Gégé incrusté dans le canapé IKEA, avec son gros bide, sa kro à la main et sa bite molle en berne, en train de mater du foot sur grand écran. Elle aura beau lui faire la moindre réflexion sur la vie de cons qu’ils mènent , le prier sur tous les tons de se retirer les doigts du cul, elle fera chou blanc. Prendre une petite voix melliflue pour demander —Chéri peux-tu sortir les poubelles ça commence à puer… Que nenni. Le Gégé sera sourd comme un pot évidemment. Peut-être même qu’il montera le son pour bien rester en immersion au stade des Princes. Et là, quand je la regarde elle a quoi, vingt piges à tout casser, beau châssis, tête vide.— c’est difficile d’être méchante quand on est gentille. —Pauvre conne me suis-je dis tout en leur souriant gentiment . Puis je me suis levé pour quitter l’établissement une fois la monnaie enfournée dans la poche. Le loufiat faisait la gueule, j’aurais laissé un pourboire ç’aurait été strictement pareil. Les loufiats sont des sales cons en général, Il faut bien appeler un chat un chat non. —Mieux vaut qu’on en reste là. Ça lui avait coûté de tapoter ces quelques mots, mais beaucoup moins que de composer le numéro et de l’avoir en direct. Maintenant la pression retombe , il se sent mieux, il a presque l’impression d’avoir été courageux. Le texto l’a soulagé à un point. Et ce bizarrement avait été si simple, alors qu’il revoyait mentalement ces derniers jours où il s’était pris la tête . Sur le comment lui dire que c’était fini qu’il n’avait plus envie de la voir, qu’elle le gonflait, qu’avec elle surtout il se sentirait toujours perdant. Il resta un instant à considérer son écran de smartphone. Il rouvrit l’application pour être certain que le message était bien parti. C’est à ce moment là qu’il s’aperçut qu’il s’était gouré de numéro de téléphone. Il avait envoyé le message à son patron. Quelques instants plus tard la notification arriva. — ça tombe bien que vous preniez l’initiative , j’allais vous le dire. — Monsieur, monsieur, ça va aller ? Le jeune homme qui se penchait sur lui avait une gueule de con mais il n’arrivait pas à savoir s’il lui en voulait à lui qui voulait l’aider à se relever, ou bien à lui-même qui s’est étalé de tout son long sur la chaussée. Un peu des deux sans doute. Il maugréa un ça va ça va fichez-moi la paix et parvint à se relever tant bien que mal. Le type le palpait en lui redemandant si tout allait bien… Monsieur, monsieur, rien de cassé vous êtes sûr ? Il le toisa en se redressant du mieux qu’il le pouvait de toute sa stature et se fendit d’un —ça va, je vous remercie. Le type parut rassuré, il lui posa une main sur l’épaule et dit encore — sûr ça va aller ? — Sûr ! Puis ils se séparèrent chacun allant de son coté. A un moment en poussant la porte de la boulangerie, il regretta d’avoir été un peu brusque avec le jeune type. C’est au moment de payer son pain qu’il s’aperçut qu’il n’avait plus de portefeuille. — Désolé j’ai dû oublier mon portefeuille à la maison dit-il à la boulangère. Puis il revint dans la rue un peu plus triste que lorsqu’il l’avait quittée, mais son pas s’en trouva tout à coup beaucoup plus affermi.|couper{180}

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Se faire défoncer

( Morceau de fiction, monologue intérieur ) Les gens, les institutions te disent les choses une première fois. —Sois gentil, paie tes impôts, marche dans les clous. Ce genre de chose. Ils considèrent qu’une fois dites elles sont entendues, qu’elles vont de soi. Si tu ne les as pas bien comprises, ils se chargent de te les faire comprendre. Se faire défoncer la gueule par les gens et par les institutions c’est pas exagéré comme expression parce que c’est littéralement ce qui arrive par la suite. Quand tu n’as pas bien entendu, quand tu n’as pas bien compris, tout le monde considère d’emblée que tu ne veux pas comprendre. Que tu y mets de la mauvaise volonté. Ce qui n’est pas tout à fait juste. Au début je m’en souviens j’étais de très bonne volonté. Trop même. Je disais bonjour à tout le monde dans la rue, même aux inconnus. J’ai vite compris que quelque chose ne tournait pas rond. J’ai vite compris que j’étais décalé par rapport à la réalité. Ensuite j’ai voulu savoir ce qu’était cette fameuse réalité. Je n’ai pas été déçu. Je crois qu’au tout début j’aurais aimé être poète, les petites fleurs les petits oiseaux ça m’allait bien, pour me tenir en tous cas le plus éloigné possible des tous les miasmes. Mais ça ne marche pas comme ça, c’est trop facile. Et puis la poésie ce n’est pas du tout ça. Il faut rentrer dans le dur, dans le maquis, ne pas être gentil comme il faut. Il faut beaucoup ruer dans les brancards. Il faut se faire défoncer correctement voilà tout. Ensuite, soit tu arrives à t’en relever et t’es poète, soit tu deviens moins qu’un clébard, une loque humaine, un pisseux, un foireux, tu deviens gentil par faiblesse, par peur, et bien sur ; tu paies tout rubis sur l’ongle, tout ce qu’on te demandera et même plus, tout ce qu’on ne te demande pas. Une fois que t’as bien pris le pli ça passe presque comme une lettre à la poste. J'ai trouvé bien plus de poésie chez les prostitués que chez Ronsard. Ca ne plait pas beaucoup au gens quand je dis ça mais c'est la vérité vraie. Je veux dire que je pourrais écrire des odes à la veulerie, sans pour autant en être fier, ce n'est que ça le job. La poésie n'est pas dans les jolis mots pas plus que dans les petites fleurs et les petits oiseaux. La poésie je la vois bien plus dans la démarche lasse d'une fille qui grimpe son escalier et dont le talon de sa godasse se décolle et qui se dit —merde mon talon se décolle encore. Je veux dire que la poésie chez les putes nécessite de revisiter de fond en comble la notion d'importance en général. Vous savez ce qui est primordial, ce qui est nécessaire, ce qui est inutile. Ce qui est secondaire en gros chez les putes ce sont toutes les putains de simagrées des michetons, des bons pères de famille qui pendant que bobonne va au supermarché ou chez son coiffeur, se retrouvent comme par miracle rue Blondel à faire les cents pas n'arrivant pas à vaincre l'embarras du choix. Ce qui est secondaire chez les tapins c'est lorsque toutes ces petites bites se permettent de les toiser de haut quand ils sont en famille, alors qu'ils sont capables de bouffer leur merde dans leurs alcôves perchées au bout d'un escalier crasseux. L'important et le secondaire s'inverse mystérieusement et il faut être là pour observer ce genre de métamorphose. Il faut se faire défoncer la tronche en long en large et en travers avant cela bien évidemment, se mettre au même niveau que l'amer le plus amer. C'est à se moment là que soudain l'important et le secondaire s'inversent, qu'on en reste baba d'émotion, que le cœur soudain éclate, que la fulgurante saloperie du monde s'engouffre toute entière dans l'alambique. Ensuite le boulot consiste en une longue distillation à effectuer patiemment. Traversées de la colère, de l'injustice, de l'égoïsme, de la générosité à deux balles, de l'amour à la con, des idées toutes faites, Des va et vient incessants pour parvenir en boitant à une forme d'équilibre. Et surtout au moment où l'on croit enfin l'atteindre ce fichu équilibre, se remettre sur le trottoir, attendre de dérouiller encore une fois, se faire à nouveau défoncer la gueule, ou autre. De prime abord la saleté nous aveugle. On apprend très jeune à aimer la propreté, et à haïr la saleté. Comme on apprend très jeune à ne pas mentir, à ne pas voler, à ne pas casser la gueule de ses voisins. Par la crainte des conséquences, on fini par apprendre beaucoup. Mais on a bien le droit de s'en agacer au bout d'un certain temps, surtout lorsqu'on observe que certains ne se gênent absolument pas pour ne pas respecter toutes ces règles. Souvent d'ailleurs ceux qui nous les assènent. Ils tirent leur plaisir à pondre des règles qu'ils ne respectent pas eux-mêmes, non, ce n'est pas tout à fait cela. Ils tirent un plaisir supérieur à défoncer la gueule de ceux qui ne respectent pas leurs règles, voilà c'est mieux. On met un temps certain à comprendre cela. Et aussi qu'en fait ils adoreraient se faire défoncer la gueule eux-mêmes. Ce sont les mêmes qu'on retrouve sur le ventre des putes, ce sont des PDG, des Chefs, des Célébrités des baveux, des docteurs, des pauvres types dans le fond tous. Ces gens qu'on vénère et qui savent bien au fond d'eux-mêmes toute la supercherie de toute vénération. La solitude que cela entraine. Et les putes ne se mêlent pas du tout de compatir à leur égard, elles leurs bottent correctement le cul, ils crient ils pleurent, elles s'en tapent du moment qu'ils paient. L'argent est le remède général, la panacée à tous les maux, le fric la thune. —Tu paies mais tu ne plantes pas ta putain de langue dans ma bouche. Il y a des limites strictes à ne pas dépasser, sinon c'est moi qui vais te défoncer la gueule, te trouer le cul. Si ce n'est pas de la poésie tout ça, je me demande bien ce que c'est.|couper{180}

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ça ne m’a pas marqué plus que ça

( récit de fiction) Il a tout pour énerver. On le tape, on l’insulte, on le roule dans la farine, on fait de lui tout ce qu’on veut. Il continue à sourire le con. Il se relève. On lui dit : —alors t’as compris, ça t’a fait quoi, t’as pigé la leçon maintenant ? Il se relève et il souri. il vous regarde avec son air têtu. On voit bien qu’il se force à prendre cet air là et à sourire. Et qu’est-ce qu’il répond —ça ne m’a pas marqué plus que ça. Du coup il en reprend une forcément. Il en reprendra d’autres, de plus en plus fort, il faut bien qu’un jour ça rentre, qu’il comprenne. —Un jour tu crâneras plus connard. Un jour tu seras comme tout le monde. On te fera la peau une bonne fois pour toutes et tu seras comme tout le monde. Tu auras la trouille, tu la boucleras, tu marcheras droit, voilà tout. J’avais mal partout, je voyais trouble, j’entendais la voix de Fredo qui me parlait. Elle était étouffée sa voix, mais même étouffée c’est une voix désagréable. J’aurais aimé un peu de silence, être tout seul. J’aurais voulu qu’ils ne soient plus là. Je les sentais qui m’entouraient. J’ai porté la main à une oreille et j’ai senti qu’elle pissait le sang. Mes vêtements étaient tachés de terre c’est la première chose que j’ai vue quand j’ai commencé à y voir un peu plus clair. Ils ne m’ont pas loupé les salauds, à quatre dessus tout ça parce que ma gueule ne leur revient pas, c’est ce qu’ils ont dit.— Non mais c’est qui lui, tu te prends pour qui, tu sors d’où. J’ai souri comme d’habitude pour bien leur montrer à quel point je me foutais de leur opinion sur ma gueule. Ça les a énervé, c’est à partir de là que tout à démarré. Je ne me suis même pas défendu, je connais la musique. Si tu te défends ça les excite encore plus, ils en rajoutent et on ne sait pas où ça peut finir. Le truc c’est de parvenir à se détacher de son corps, à se tenir à l’écart. On observe calmement, on se laisse faire. Il n’y a pas grand-chose à préserver à l’extérieur, on peut se faire défoncer de tous les côtés, à la limite même se payer un nez cassé, un bras pété, un œil au beurre noir, en général ça s’arrête là, quand le sang commence à couler ça peut s’arrêter là, ou pas. Parfois ça peut aller bien plus loin. Ils n’en sont pas à ça près. Ils sont mineurs ils savent qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent qu’on ne les mettra pas en prison. Ils le disent. —On peut te ruiner la gueule, et même te tuer tu sais, ça ne nous fait pas peur. Dans ces cas là il vaut mieux la boucler et se laisser faire, s’affaler au sol, se mettre en position fœtale, puis sortir de son corps, s’asseoir sur un banc, regarder tout ça froidement. C’est la vie telle qu’elle est. Les enculés se mettent toujours ensemble, les détritus et les ordures s’assemblent sans qu’on ait besoin de faire un tri. Le tri sélectif n’est pas une invention moderne.La nature fait les choses toute seule assez bien. Quand Dom m’a récupéré je marchais sur le talus pour revenir à la maison. Sa 4L a ralenti en arrivant à ma hauteur, il m’a dit —ça va ? En souriant, puis il a du voir ma gueule amochée, il a accéléré pour se ranger devant sur le bas coté et il a fait irruption du véhicule comme un diable d’une boite. Il a couru vers moi et s’est arrêté pile devant moi.— Mais dans quel état tu t’es mis. Qui t’a fait ça ? J’ai juste dit — bonjour Dom, c’est rien, c’est des cons, t’en fait pas j’ai l’habitude. Il voulait m’emmener chez les flics, à l’hôpital, et je ne sais plus où encore. Il était vraiment en colère. Je lui ai dit —laisse je préfère rentrer, j’ai pas beaucoup de temps avant que le daron rentre du boulot, s’il me voit dans cet état je vais prendre cher. Dom m’a regardé, il fulminait intérieurement ça se voyait, on aurait dit qu’il avait de la peine pour moi. Alors je lui ai souri à lui aussi , j’ai dit t’inquiète, je vais continuer à pied. En vrai j’avais pas envie de monter dans sa bagnole pourrie, j’avais pas envie de sentir sa putain de compassion, la seule chose que je voulais c’est de me dépêcher de prendre une douche, de changer de vêtements , d’être fin prêt pour le second round. Je lui ai souri et j’ai dit t’inquiète pas, c’est la routine en rigolant parce que le mot routine me plaisait bien.|couper{180}

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Il faut être riche pour ne pas être pauvre

l'épouvante de la pauvreté, de la misère, était planté en ce temps-là devant chaque fenêtre de la maison. C'était une démultiplication de l'épouvante comme autant d'arbres plantés là qu'on apercevait aussitôt qu'on voulait se risquer à jeter un regard vers l'extérieur. Les arbres étaient devenus menaçant. Les arbres et tout le reste, tout ce qui pouvait former l'image d'un paysage. Les collines au loin, les grands champs, les haies entre les champs, les murs, le poulailler, les hangars, un tracteur à l'arrêt, les silhouettes des oiseaux sur les fils électriques, les poteaux téléphoniques. Les habitants aussi étaient épouvantables. Bien qu'ils fassent tout leur possible pour le dissimuler. Ils vous souriaient, vous disaient des choses agréables et gentilles, puis aussitôt que vous tourniez le dos il vous y plantait une faux, un pieu, un couteau. L'épouvante était l'élément constitutif premier de la campagne. Et le soleil quand il sortait, essayait de me changer les idées, faisait beaucoup d'effort, nous faisions beaucoup d'effort avec le soleil conjoint quand il sortait, mais ces efforts n'y changeait rien. Ce n'était guère plus qu'un nouvel emballage dont il fallait se méfier. Mon père disait il faut être riche pour ne pas être pauvre, le dimanche à table en découpant le poulet, ça m'est resté. C'était à l'époque une drôle de phrase, surtout quand on l'associe à la ficelle qui claque en éclaboussant le nappe blanche de sauce, la ficelle qu'on tranche d'un coup de couteau, mais dont on ne maitrise absolument pas la réaction ensuite. Elle claque et éclabousse la nappe blanche de sauce brunâtre. C'est autre chose que le un jour tu te souviendras de la soupe que tu n'aimes pas et tu la regretteras, que disait ma mère en tranchant le cou du lapin attaché au poirier du jardin. Il faut être riche pour ne pas être pauvre et profiter de la soupe quand il y en a. Bel enseignement quand j'y repense. De quoi résister à l'épouvante encore de nos jours à ne pas en douter en creusant bien.|couper{180}

Il faut être riche pour ne pas être pauvre

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Le do it yourself ( DIY)

Le Tawashi DIY , l'objet le plus inutile du monde que l'on peut confectionner soi-même. 1990. Que fichais-je ? trente ans, pas un rond, je voulais écrire et c'est à peu près tout de ce que je voulais. Le reste ne m'intéressait pas. Les femmes de temps en temps, mais c'était pour épuiser un trop plein d'énergie inutile, se décharger d'un trop plein. Sinon la masturbation était plus paisible. Une forme d'autosatisfaction à bas prix. Pas besoin de paraitre, pas besoin de cirer ses chaussures, de se faire la raie, de changer de chemise, de se raser de près, de se retrouver à gesticuler dans une salle obscure giflé de lumières stroboscopiques non plus. Ni d'acheter des bouteilles cinq fois le prix, ni d'offrir la possibilité, au bon moment, d'aller boire un verre ailleurs, ni de sourire comme un con pour exhiber une dentition parfaite. Ni de subir ensuite tout ce que l'on doit bien subir ensuite. Se frotter à l'autre, se l'imaginer, toute cette permutation de sensations, d'humeurs, ces échanges abominables pour obtenir au final une satisfaction médiocre, un contentement passager, un déjeuner de soleil, une déprime d'autant plus carabinée. 1990 la naissance du DIY le do it yourself, la démocratisation de la masturbation à grande échelle, à une échelle commerciale. Le bricolage élevé à la hauteur d'une religion, d'un sacerdoce. J'étais là dedans moi aussi, j'avais l'air d'être ailleurs, je m'évertuais à vouloir être ailleurs, mais j'étais bien dedans. Encore que le bricolage, à bien y réfléchir, je n'ai toujours connu que cela. Une expérience qui remonte à loin, de génération en génération, mais autrefois ça s'appelait la survie, on ne se sentait pas obligé de faire le malin avec des mots d'outre-manche, des mots ayant traversé la Manche, voire l'Atlantique. Ce plaisir autonome, le summum de l'individualisme, ou du capitalisme si on pousse le raisonnement à ses extrêmes. Le self made man qui ruisselle dans le do it yourself, Dans le DIY, TO DIE. Bricoler ou crever, finalement, le choix fut vite assez restreint.|couper{180}

Le do it yourself ( DIY)

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Magasin du bonheur, soldes

Ce qui est vendu comme étant le bonheur. Le produit bonheur. Possède-tu suffisamment d’argent, de volonté, de naïveté, d’obscénité pour acquérir ce qui est présenté sur les présentoirs comme pur bonheur. Jamais assez. Tu as mis au point de nombreux mécanismes pour t’en éloigner. Pour fuir les têtes de gondoles, les promotions, les prix sacrifiés. Toute la publicité incessante qui te martèle l’injonction d’être enfin heureux, riche, confortablement installé, parvenu au sommet, belle maison, belle épouse, beaux enfants, beau job, admirable montre bracelet, cuir naturel maroquineries rutilantes, légumes bio, fruits calibrés, mobile dernier cri, casque audio anti-bruit, Ce qui est vendu comme étant le bonheur te fait peur. Comment peut-on tomber si bas, être capable de tant d’abjection pour se faire une place au soleil. Au détriment, au détritus, à la destruction de ce que l’on t’a aussi vendu dans une autre boutique autrefois comme l’humanité, l’âme. Deux représentants de commerce s’affrontent dans une métaphysique de possession qu’on le veuille ou non. Ceux qui ne jurent que par les biens, ceux qui ne jurent que par l’ascèse, la frugalité, la tempérance. Catholiques et protestants. Y a t’il autre chose ? Le mal et le bien sont-ils tellement implantés dans les ruelles qu’il ne puisse plus y avoir de place pour autre chose ? Mac Donald contre Burger King, malheur à qui voudrait enrayer la fabrique des frites congelées. Par exemple un magasin qui ne vend rien, un magasin sans enseigne, un magasin sans devanture, ni néon, un magasin qui n’a pas de porte, pas de rideau, un magasin qui ne serait pas plus qu’un passage dans lequel on s’engouffre pour en ressortir un peu plus loin dans un autre quartier, une autre rue, un magasin comme un lieu de passage, un magasin que l’on traverse sans y penser. Il n’y a pas de rayon, pas de promotion, pas de produit, et cependant quand on en sort on n’est plus le même qu’au moment où on y est entré. pénétrer dans ce magasin nous a totalement changé. Un magasin comme un passage qui modifie le point de vue sur le bonheur et le malheur. Assez proche d’une boutique de pompes funèbres sans tout le décorum, sans les mines contrites, sans la poignée de main à l’issue de la signature du bon de commande, sans je vous présente toutes mes condoléances. Un magasin comme une boutique de pompes funèbres, une boutique de caisses dans lesquelles on s’allonge, dans lesquelles tout loisir de s’allonger dans une caisse est permis, on peut même bénéficier de ce service gratis, du couvercle que l’on cloue pour une immersion parfaite avec le choix de la musique qui ira avec. Ou encore un livre dans lequel tout doucement jour après jour on s'enfermerait seul, un livre comme un passage, un livre un peu comme un grand magasin, un livre à l'image de nos grands magasins, mais sans aucun produit, juste des signes à écrire ou à lire, juste à se laisser surprendre par des signes qu'on écrit des signes que l'on lit. De plus un livre qui n'apprendrait rien à celle ou à celui qui l'écrit pas plus qu'à celui ou celle qui le lit. Un livre qu'on lit comme on traverse un paysage, à la ville, à la campagne, un livre comme un lieu de passage, dans lequel on ne serait pas emmerdé par l'idée d'être sage ou pas sage, par le bien et le mal, par le fric qui nous manque pour en être, pour participer. Un livre dans lequel on s'allongerait, auteur et lecteur, dans des caisses virtuelles, le regard tourné vers l'intérieur, vers le néant de l'intérieur sans ciller. Se bousculerait-on ici le jour des soldes ?|couper{180}

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variation encore

chèvrefeuille et jasmin mêlés en bas dans la cour. et mâche et remâche encore ce vide qui s' échappe ce manque ce suc, de vieilles phrases rongées, acidités, lèpres des vieux os , ces lambeaux de cher , si chair trop chair encore, mâche et mâche et remâche, cartilages éclatant sous les molaires qui broient ruminent, sais-tu que l'hiver s'est achevé hier, qu'ici on ne retient plus son souffle, on crache des bourgeons, on diffuse des fragrances, on parle oiseau , on vole moucheron. poitrail qui attire à lui un ciel laiteux de mai, naseaux qui s'ouvrent aux explosions suaves des graminées, bouche ouverte affamée, frisson des dorsales, légèreté accrue des paupières, vivacité de l'œil. Paume appuyée contre le tronc de l' olivier en pot, partage des flux, des sèves, rêvasse en mâchant le souvenir des olives, remâchant encore et encore l'avenir, l'idée du bien être.|couper{180}

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répétition

avant le grand spectacle on les avait invité à répéter. Ils arrivèrent dans un joyeux brouhaha, puis ils s'y mitent, ils enjambèrent la barre, atterrissant l'un après l'autre sur l'estrade. certains font un bruit de sac à patate, d'autres de feuille morte, d'autres de peluche mouillée , d'autre un bruit inaudible, et d'autres encore pas un bruit. Que je m'apprêtasse à enjamburer nenni, je prefèrus poser mes fesses sur le strapontin pour voir. Enfin un vieil homme surgissant de nulle part et qui sonna de l'olifan, s'essuyassa la bouche puis dit --- repetationnez je vous prie. Il repetaterent, repetinerent, repetintibulerent. Leurs mandibules mâchèrent remacherent il y eut du mon sieur ma chère. ca dura le temps nécessaire pour se mettre en bouche les bons mots, pas loin d'une heure Puis ils sortirent d'un panier à provision une bouteille de rouge un gros saucisson de Lyon, un pot de cornichons, du pain, du beurre et une crémière. oh que ce fut bon et beau de les regarder saucissonner, tartiner la crémière, croquignoler les cornichons, rompre le pain, glouglouter le rouge ! j'étais comme au spectacle et en plus c'était gratis, pas plus d'une petite heure à donner, presque gratis.|couper{180}

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Eblouissement

Georgia O'Keeffe. White Iris, 1930Virginia Museum of Fine Arts, Richmond. Gift of Mr. and Mrs. Bruce C. Gottwald.credit photo : Katherine Wetze / Virginia Museum of Fine Arts(photo libre de droit) C’est dans l’éblouissement que tu résides, au bout de l’ennui dans le silence des traversées Quand la dernière résistance disparaît dans l’usure, à la fonte, larme suave du cœur du roc. C’est toi et ce n’est plus sitôt que vouloir te nommer t’enfermer Le silence est la coupe que tu me tends et je m’enivre du rien qu’elle contient Désormais l’ivresse du vide de l’aveuglement, folle certitude, à danser, la joie se moque bien Sur la paume le souffle revient, l’haleine, tout se dénoue tant fut serrée la chaîne et la trame De ces drames ces comédies ce frisson sur la paume balayé autrefois par la pensée, l’ailleurs Les mots qu’une haleine y aura gravés invisibles à la pensée, le souffle revient la paume se pâme à la brise printanière un frisson change le pain et l’eau en étrangeté. La langue étrange de l’étrangeté fuyant les méandres des pensées, une langue venue d’ailleurs De l’éblouissement passé.|couper{180}

Eblouissement

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Variations sur le passage entre les saisons

Troisième coup Je coupe le contact, tourne la manette du commodo, plus de phare, il ne fait pas encore tout à fait nuit. J’ouvre la portière, pose un pied à terre, prend appui pour extirper le corps entier du véhicule, n’oublie pas le pain, le sac, la plaquette de Nicopass. Tout cela dans l’habitude, des gestes qui s’enchaînent les uns après les autres, rodés de longue date. Fermeture automatique des portes, la veilleuse du haillon arrière reste allumée encore un peu, le corps entier se redresse, la lanière du sac à l’épaule, le déplacement depuis le parking pour rejoindre le trottoir, la tête est vide, elle peut accueillir tout ce qui se passe ici. Il suffit de marcher lentement, de ne pas se presser, d’être aux aguets. Assez vite le même faisceau d’indices. on s’aperçoit surpris, l’hiver est passé, nous voici au printemps. L’entrée dans l’été, met fin à la routine, la fin des MJC des ateliers, vers la fin de juin. Ébranlé par la vacuité toujours imprévue, le petit jeu de l’inattendu. Un allongement soudain du vide entre deux gestes à faire, une impression factice d’avoir le temps. La chaleur monte doucement du sol, rebondit sur les murs, les fleurs embaument, la couleur excite. La nuit est attendue, le petit jeu des insomnies délicieuses, la nuit l’été vaste et tranquille, une béance paisible, je dors encore moins l’été, j’en profite de ces nuits. Les premières flétrissures, et puis cette odeur un peu aigre-douce dans l’air, ce subtil refroidissement des lumières, des couleurs, qui tentent d’aller au contraire vers les ocres, les roux. Le ciel est peuplé, les fils électriques sont des portées, l’installation des vogues, l’iridescente des bogues, puis le jour recule. Défaite générale des feuilles, premieres exodes, changement de température, la rentrée des classes, l’odeur des fournitures, l’écorce des platanes, les foules sous les préaux, des vapeurs montent des terres, l’humide et la boue créent des golems que les grands vents balaient, l’ombre peu à peu progresse. L’hiver c’est la neige, avant le froid c’est la neige, l’hiver n’est rien sans neige. L’immense paix que procure la neige aux alentours comme au centre, le bassin dans le jardin. Verdict : la neige acquitte tout ce qui dépasse. Le poids de la neige sur la branche docile qui l’accueille en s’affaissant doucement, la branche et la neige une longue un progressive révérence. La chaussure protège le pied, la grosse chaussette autour du pied, marcher sur la neige dans la nuit du matin, l’entendre craquer sous les pas, seul bruit dans la rue, dans la tête. Sur les fils électriques les notes ont disparues, le ciel passe du bleu sombre au gris puis au blanc laiteux, le temps d’un aller jusqu’au portail de l’école, en rang deux par deux on entre dans la salle de classe, craie blanche, encre violette, au fond il y a le vieux poêle qui ronronne, la chaleur nous assomme, l’œil tente de s’évader du tableau noir, de rejoindre dans la cour et plus loin le ciel, somnolence de la nature aspiration à cette engourdissement très fort, on ne résiste guère.|couper{180}

Variations sur le passage entre les saisons

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Une journée en musique

Toute la journée musique dans l'atelier tout à commencé avec cette émission https://youtu.be/6B6K1T9wB-M|couper{180}

Une journée en musique