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Que :

sonne l'heure, s'étire le jour, cesse le reproche, se remplisse le verre, se vide le fiel, s'envole le duvet, se dore la pilule, se dépote le pot, s'enhardisse le timide, s'évertue l'andouille, se cabre l'escargot, se brouille l'œuf, se taise le paon, s'oxygène le manque, s'aère l'ermite, se secoue la puce, se perce le bouton, blanchisse le point noir, flotte la marmite, s'éclaire le drapeau noir, s'ébouriffe le chauve, se plante le marteau, la feuille ratisse le râteau, la marguerite effeuille l'amoureux, se déplace l'immobile, s'interrompe l'incessant, soupe le poireau, fleurisse le chou-fleur, rougisse la carotte, se dessale le salsifis, se creuse le pic, se paie l'impayable, s'enchante l'aveugle, s'ourdisse le complet, tombe à pic le veston, se taille la grolle, baille l'éveillé, cesse le pied de n'être pas cassé.|couper{180}

Que :

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Exercice d’écriture , le sentiment

( d'après Christophe Tarkos) Le sentiment d’avaler l’air l’extérieur en dedans, l’air vient du dehors et s’introduit dans un dedans, il y a un mouvement qui va du dehors vers le dedans il y a une volonté du dedans de se remplir d’air du dehors, il y a une volonté du dehors de venir occuper un instant le dedans, il y a un dedans et un dehors, il y a de l’air, il y a le sentiment d’avaler l’air et il y a le sentiment d’expulser l’air du dedans vers le dehors l’air entre par le nez, par la bouche, par la peau, par les mains, par les yeux, par les oreilles, le corps tout entier avale de l’air extérieur, le corps est baigné tout entier dans l’air ambiant, l’air extérieur entoure le corps tout entier, on pense que l’on avale de l’air par la bouche, par le nez, on ne pense pas l’avaler par les yeux, les oreilles, les pores du corps entier, c’est un vieux sentiment, on s’y est habitué, on n’y fait peu attention, le sentiment d’avaler de l’air et de l’expulser, C’est vital de consommer de l’air sans trop y penser, si on commence à y penser on ne peut plus s’arrêter, on est hypnotisé par l’air qu’on avale et qu’on recrache, on est hypnotisé par cette réalité, mais si on y fait attention ça devient un sentiment, c’est le sentiment d’avaler l’air comme on avale la réalité sans y prêter trop d’attention sinon on ne ferait plus que ça, d’être dans le sentiment d’avaler et recracher quelque chose d’invisible, on serait dans le même sentiment qu’éprouve peut-être les premières bactéries, elles ne font peut-être que ça les bactéries, elles avalent quelque chose, de l’air et elles le recrachent, avant que ça ne soit de l’air c’était autre chose, quand les bactéries sont nées, il n’y avait pas le même air, c’était un autre élément, un élément que nous humains n’aurions pu avaler pour vivre, c’est un élément qui a été transformé par les bactéries, c’est à dire que si aujourd’hui on avale et on recrache de l’air, si aujourd’hui on a le sentiment d’être en vie on le doit pour une grande part aux bactéries, et peut-être que nous participons aussi à la création d’une autre espèce à venir en avalant et en recrachant de l’air, peut-être que tout ça créera un autre sentiment dans quelques milliers d’années, une nouvelle créature qui sera consciente d’avaler quelque chose et de le recracher, une nouvelle créature qui éprouvera un sentiment, qui peut-être éprouvera un sentiment de reconnaissance envers les êtres précédents qui avant elle ont avalé et recraché de l’air, peut-être que ça ne se produira pas de la même manière, peut-être que la réalité de cette créature nouvelle sera une nouvelle réalité, peut-être que le sentiment d’avaler et de recracher de l’air sera perceptible autrement, mais que ça ne changera pas vraiment la nature du sentiment, ni celle de la reconnaissance qui sera éprouvée dans quelques milliers d’années, il faut reconnaître qu’on en peut pas se prononcer sur l’avenir vraiment, mais on peut y penser de temps en temps, on peut faire autre chose que d’avaler et recracher de l’air sans y penser, on peut y penser et en même temps éprouver du sentiment, penser à ce sentiment ou ne pas y penser, ça ne changera sans doute pas grand chose à l’avenir mais si on y pense en même temps qu’on éprouve ce genre de sentiment on peut éprouver le sentiment de servir un peu à quelque chose. Le sentiment de servir à quelque chose met en joie, la joie de servir à quelque chose, simple, nécessite peu de moyens si on y pense, et une fois qu’on y pense le sentiment peut venir et alors on peut se remplir du sentiment de servir à quelque chose, ça nous remplit, ça nous occupe, ça peut aussi nous envahir, ça peut tellement nous envahir qu’on passe son temps à vouloir à tout prix servir à quelque chose pour éprouver toujours le même sentiment qui nous met en joie, on voudrait toujours être en joie de servir à quelque chose, et quand ça n’arrive pas on éprouve le sentiment d’avoir raté quelque chose, c’est un autre sentiment qui nous envahit, un sentiment de tristesse infinie, le sentiment de ne servir à rien nous vide, la tristesse crée le vide, le désert, l’inutilité, l’envie de mourir, c’est le sentiment inverse que l’on éprouve, le sentiment de ne servir à rien, le sentiment d’avoir perdu la joie de servir à quelque chose, le sentiment du regret du remord de n’avoir pas pu servir à quoique ce soit à qui que ce soit, c’est un sentiment désagréable parce que servir à quelque chose est agréable on le sait, on l’a déjà éprouvé, on s’en souvient, on voudrait remettre ça, recommencer, mais quelque chose nous en empêche, malgré tous nos efforts on ne parvient plus à servir à grand chose, on découvre alors le sentiment de nostalgie d’avoir servi à quelque chose et de ne plus servir à rien. Le sentiment de courir au ralenti dans le rêve est peu agréable, il arrive au moment où on voudrait prendre les jambes à son cou, mais on se rend bien compte dans le rêve qu’on fait du sur place. Le sentiment de courir au ralenti dans un rêve est une gène, on ne peut dire que c’est un cauchemar, parce que le sentiment du cauchemar est beaucoup plus aigu que le sentiment de courir au ralenti en faisant du sur place, c’est pénible de faire du sur place, on peut s’en rendre compte à l’intérieur du rêve mais ça ne fait pas peur comme le sentiment d’être en plein cauchemar, c’est un mauvais moment à passer, on a le sentiment que ça ne va pas toujours durer, qu’on va se réveiller et qu’on pourra avancer, mais parfois on oublie que c’est un sentiment que l’on éprouve dans un rêve, on croit que c’est une réalité de courir en faisant du sur place. Le sentiment de la cerise qu’on vole sur un cerisier appartenant au voisin, le sentiment du vol de la cerise qu’on met dans sa bouche, ressemble au sentiment de la mure qu’on cueille dans les haies bordant les champs l’été, mais il est nettement plus ardent, il brûle les yeux, il brûle les doigts, il brûle le corps, surtout les genoux que l’on écorche pour grimper sur le cerisier du voisin, mais on ne sent rien, ça brûle mais le désir de la cerise qu’on mettra dans sa bouche est plus intense, plus fort, que les brûlures des genoux, le sentiment de la cerise qui éclate sous la pression des dents dans la bouche, le sentiment du vol, de l’interdit, et de ce fruit qui explose en bouche est supérieur au sentiment de la mure qu’on cueille sur les haies des chemins et que l’on sent fondre mollement dans la bouche. Le sentiment de l’arête de poisson qui se coince dans la gorge est tout à fait désagréable, Il est désagréable pour plusieurs raisons auxquelles on ne pense pas quand une arête de poisson se coince dans la gorge, on n’y pense pas parce qu’on avale une bouchée de la chair du poisson sans la mâcher, sans prendre le temps de goûter le goût de la chair du poisson, parce qu’on consomme du poisson sans y penser comme on consomme de l’air sans y penser, parce qu’on consomme tout sans y penser parce qu’on a le sentiment d’avaler le monde et de ne pas être rassasié, parce que le monde n’a pas de goût ou bien on ne veut pas savoir le goût on ne veut pas l’explorer, on en a peut-être peur, on en est dégoûté, on avale le monde sans le mâcher tout rond et tout à coup panique on tombe sur une arête qui se coince dans la gorge, on a le sentiment que c’est la fin du monde, qu’on va crever à table en mangeant du poisson ou du monde devant tout le monde , l'arête qui se coince dans la gorge nous expulse illico presto du monde , c’est insupportable comme sentiment, effrayant bien sûr mais pas seulement c’est surtout honteux d'être en train d'éprouver le sentiment de crever en ayant avalé une arête de poisson, et paf voilà le sentiment de la honte qui se mélange au sentiment de la peur de mourir, au sentiment d’être un incorrigible glouton qui veut avaler le poisson et le monde sans prendre le temps de le goûter de le mâcher de le savourer un tant soit peu. Le sentiment de perdre son temps quand on est vieux est inversement supportable au sentiment de perdre son temps lorsqu’on est jeune mais c’est une simple affaire d’habitude, plus on sera habitué à éprouver le sentiment de perdre son temps plus on sera armé afin de le supporter, sauf quand on décidera d’être vieux, parce qu’à ce moment là, précisément, on ne voudra plus du tout éprouver le sentiment de perdre son temps, au contraire on se dira le temps presse, on essaiera de gagner du temps au contraire, après en avoir beaucoup perdu, ce qui est tout aussi idiot si on y pense, le sentiment de gagner du temps d’après certaines expériences relatées par des tiers n’est satisfaisant que quelques minutes à peine, c’est le même sentiment que celui qu’on peut éprouver lors d’un déjeuner de soleil.|couper{180}

Exercice d'écriture , le sentiment

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Ici et là-bas

Grande différence entre être ici et là-bas. C’est le changement de mode, du passif à l’actif. Vouloir rester ici, désirer se rendre là-bas. L’ici étant l’étant, là-bas une potentialité nécessitant une ou plusieurs actions. Exister c’est s’éloigner de l’ici. s’éloigner de l’ici est déjà un mouvement fondamental. Consciemment ou pas une force nous invite à nous inventer là-bas. Est-ce l’ailleurs, difficile à dire. peut-être que la notion d’ailleurs ne sert qu’à obtenir conscience de la présence de l’ici. Est-il souhaitable de définir ce lieu que représente là-bas, de le rêver et ce avec moult détails, mots, odeurs, sons, images à seule fin de l’inventer avant même d’y être parvenu. comment saurais-je être arrivé là-bas si je n’en possède aucune idée préalable ? C’est pourquoi l’ici est si rassurant et que souvent on s’y tient. Aucune surprise bonne ou mauvaise, on y étouffe de plus en plus savamment l’espoir comme tous les rêves, les cauchemars, tous autant les uns que les autres jugés vains.|couper{180}

Ici et là-bas

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misère et splendeur de l’adjectif

Lire un texte où chaque mot est qualifié par un adjectif crée une tension narrative à la limite de l'insupportable. Puis, que soudain, dans le même texte , les adjectifs s'évanouissent ne laissant plus que les substantifs dénudés, crée un soulagement, un apaisement. C'est à dire qu'il nous est tout à coup offert de qualifier les choses à notre guise, de découvrir une liberté de vêtir les mots selon notre goût notre envie, mais ce n'est possible seulement parce qu'au préalable on était oppressé, enfermé. Il s'agit d'en être conscient. Pas toujours facile. Si c'est effectué consciemment par un auteur on peut dire que c'est de l'art, la manipulation étant bien sûr un très vilain mot.|couper{180}

misère et splendeur de l'adjectif

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s’éloigner de la peinture

La peinture est un cercle. Difficile d'en sortir, ne serait-ce que pour comprendre qu'elle est un cercle. S'en éloigner en utilisant le biais de l'écriture, mais c'est un nouveau cercle, on serait fou d'en douter. L'image de deux cellules qui entrent en contact par l'entremise d'une membrane. Et aussi, simultanément, l'image d'une cellule qui seule se divise par scissiparité. Le symbole de l'œuf omniprésent dans toute l'histoire humaine. L'œuf cosmique, le point d'où jaillissent une infinité d'univers. Ensuite cette tâche que l'on se donne de vouloir les peindre ou les nommer n'est-elle pas. incroyablement absurde. Pour quel lecteur quel spectateur ? s'éloigner pour ne plus voir, peindre ni écrire , pour parvenir à cette origine du je et ainsi la découvrant maintenir cet espoir fou aussi de l'anéantir. Cependant si une chose est là si on veut la détruire quel est vraiment le but ? Ce serait dommage qu'il ne soit qu'une simple gêne. Encore que même un dommage, la moindre collision puisse avoir des implications dont on ne sera en rien capable de mesurer toutes les conséquences. Ainsi sans la collision qui créa la lune, pas de saison, pas d'humanité, juste un œuf projeté à grande vitesse dans le vide sidéral et qui attend toujours son éclosion.|couper{180}

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vocabulaire

avoir du vocabulaire, avoir de quoi, ce n'est pas la même chose qu'être au fait des mots, explorer à chaque instant toutes leurs significations, au sens propre comme au figuré. Être dans le mot comme dans une embarcation en pleine mer, par tout temps que ceux-ci soient calmes ou agités. Ainsi le mot "vocabulaire"peut-il donner du fil à tordre sans même y penser vraiment, créer des gènes, des prétentions, des extravagances comme des excès de scrupules. L'obsession du vocabulaire revient parfois par bouffées ou averses. A ces moments là, relever le col de la veste, ne pas se laisser effrayer ni distraire, continuer son chemin, faire avec ce que l'on a. Ce qui n'empêche pas de rester curieux envers les inconnus, de visiter les dictionnaires. Absorber un nouveau mot exige un minimum de circonspection, ne pas décider trop vite qu'il nous appartient, mais tenter de remonter son âge, comprendre son étymologie, sa raison d'être, sa constitution en premier lieu. Le prononcer en pensée, à voix basse, puis un peu plus fort, pour écouter s'il nous va comme peut aller une chaussure au pied. Si c'est douloureux, bizarre, décalé, ne pas essayer de modifier ses pieds, de faire semblant d'avoir l'air, demander une autre taille, une autre paire, un autre modèle, peut-être moins "chic" mais plus confortable, s'y retrouver pour poursuivre la marche. Amasser du vocabulaire comme on amasse une fortune, puis tenir chaque pièce, chaque billet, chaque nombre aligné en colonne dans une indifférence à terme parce qu'on n'a pas produit d'effort pour les obtenir autre que celui de les récolter. procure une forme d'ennui, un enfermement, un quant à soi. C'est de ce lieu circulaire que fusent les jugements comme autant de barricades pour sécuriser l'endroit. Ceux qui n'ont pas autant de vocabulaire, de panache, de fortune, deviennent les gueux dont nous tirerons notre sentiment de richesse, et toute la tristesse qui va bien avec. Plus jeune on s'invente parfois des super pouvoirs. Par exemple celui de déceler les mots qui ne conviennent pas dans une bouche. On s'invente tellement de choses quand on est jeune, très peu survivent avec le temps, et c'est de tous ces cadavres, ces fantômes que tire sa substance une forme, de plus en plus rigide sans même qu'on s'en rende compte, que l'on nomme par bravade, la sérénité.|couper{180}

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Marées.

La premiere consiste en une pulsion de vouloir sortir du monde, sortir de l'ennui, sortir de soi. La seconde est le risque d'un gant retourné, tout vouloir pénétrer, remplir du vide de soi. Marées du temps individuel, marées du temps collectif. Se tenir dans l'entre-deux, comme au spectacle, oblige à une forme de cruauté, dont l'essentiel peut se résumer dans le mot passivité, ou contemplation. mais qui contemple... l'océan, la mer peuvent-ils se contempler ainsi seulement et ainsi n'être jamais que ce qu'ils sont ?|couper{180}

Marées.

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l’aventure de la joie

L'ennui chez l'enfant c'est qu'il désire être "grand" ce qui signifie mort alors même qu'il l'ignore. L'existence ne s'achève que parce que l'on décide de vouloir cesser de naître, ce qui interrompt simultanément l'aventure de la joie. Certains meurent avant même avoir pris conscience de cette naissance. D'un autre côté, l'aspect joyeux de certains vieillards inquiètent. On pourrait les traiter de fous, si on osait leur adresser la parole, si on se risquait à vouloir leur couper le sifflet.|couper{180}

l'aventure de la joie

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Réflexions sur le suspens

en dire assez, mais n’est-ce pas déjà trop, pour créer un suspens, un vide nécessaire à l’éclosion d’un autre dit, un vide créateur, un tout qui ne serait rien sans ce rien,|couper{180}

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un peu de joie au cœur

parmi toutes joies frelatées se fabriquer la sienne en funambule. Un lapin crétin s'assoit à la table de petit dej. Ce doit être un sacré métier d'enfiler cette peau de bête, de pousser des cris bizarres, de se faire photographier du matin au soir. on ne peut pas faire ça longtemps si on ne trouve pas en soi un peu de joie au cœur.|couper{180}

un peu de joie au cœur

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vivre écrire

se livrer au présent comme un colis jeté sur le seuil d'une porte. Subir quelques menues intempéries, parfois de pires, sans trop s'y opposer sauf par force d'inertie. Passer quatre hivers en un, s'asseoir ensuite quelque part, peu importe où et tenter de bourgeonner malgré le gel la chaleur la soif la faim, presque toujours en vain, puis mourir fleurir écrire.|couper{180}

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Les mots en disent plus long que toi.

Tu es né à Paris, nom d'un héros grec, en France, qui vient de franc, en janvier, qui vient de janus, à l'hôpital Saint-Michel, comme l'archange, rue Olivier de Serres, qui lui est né à Villeneuve de Berg, mais bien plus tôt, en mille cinq cent trente neuf, et qui fut agronome puis qui s'éteignît pile en même lieu qu'il naquit, ce qui ne te seras pas possible, l'hôpital n'existe plus. Tu vécus quatre ans dans le quinzième arrondissement, au numéro trente cinq, septième étage. Depuis le balcon on pouvait voir la tour Eiffel, par beau temps, en penchant la tête en direction de Convention, entre la rue Jobbe Duval patronyme utilisé par une lignée d'artistes bretons, la rue des morillons, qui autrefois fut le nom de ce raisin noir qu'on récoltait à Vaugirard, celle de Dantzig, ville de Prusse et bataille qu'en 1807 François Joseph Lefebvre remporta et qui durant longtemps pour toi ne fut que le nom d'un boulevard. C'est boulevard Lefebvre que tu accompagnais Robert ton grand-père, quand tu venais l'été en vacances. C'est là que tu connus Totor le marchand de pommes de terre, qui voulait te tailler les oreilles en pointes, Mouret le placier, la vieille Houlevigue, Jojo le ara du bistrot qui criait "au secours"pendant que tu sirotais menthes à l'eau, grenadine, demi-panachés, en sécurité entre les hommes du marché dont les vêtements sentent le tabac, la sueur, le sang, l'eau de Cologne, l'essence, la merde et la pisse. Odette venait avec son caniche Lulu, toujours après l'heure de la sieste, pour prendre le café, de la marque Legal dont tu connus un homonyme bien des années plus tard, à la pension Saint Stanislas, tenue par des prêtres polonais tous rescapés d'Auschwitz. Ce Legal que tu giflas cent fois tout le long du chemin bordant le parc menant au petit pont qui enjambe la Viosne dans laquelle on pêche avec un fil et une agrafe des épinoches. Le recteur avait le même nom que ces canaux d'Amsterdam, sonorité quasi imprononçable, mais que nous expulsions de nos bouches comme un crachat. Gracht. Le professeur d'allemand, Monsieur Blavette, venait du Morvan dont il faisait l'éloge en préambule de chacune de ses interventions. Nous apprîmes ainsi, en passant par le Rhin et la Ruhr le mot "hercynien" nom d'un Massif, comme Central ou Armoricain et dont il n'est plus que le seul témoin. Des années plus tard, j'ai dû passer par le Morvan, dont j'ai trouvé que l'aspect général était sombre, austère mais c'était l'hiver et, à l'époque, pressé d'arriver je ne sais où, je n'ai pas quitté la route pour en savoir plus. La route de la Grave, depuis le 38 de la rue Charles Venua jusqu'à l'école communale passe obligatoirement par le carrefour du Lichou, où se trouve encore l' hôtel restaurant tenu par les Bougerolles, dont la fille me colle aux basques. Car mes préférences vont ailleurs, sans doute parce qu' Isabelle est plus facile à prononcer qu'Anne-Marie. Encore que plus tard je me mis à répéter en boucle Jennifer qui restera jusqu'à la fin, le prénom d'une petite américaine indomptable etc, etc, etc|couper{180}

Les mots en disent plus long que toi.