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Marmonne et chuchote.

Salle de la passerelle en exposition ce dimanche Mais dis-les mots dis-les. Sous la douche. Mais dis-les mots maudis-les. Plus froide un quart de tour de robinet. Répète. Mais dis-les mots dis-les mais dis-les mots maudis-les. Douche glacée maintenant pour voir. Et sur tous les tons, tous les modes. Du gémissement de clef bar au rut git ce ment de fauve. Au début marmonne et chuchote. Puis enfle le son jaillit cogne contre les murs, semble les faire vaciller. Exploser les cloisons. Dis-les mots dis-les, deal les mots maudis-les. S’essuyer en sortant. Plus calme. L’esprit clair. On peut partir en permanence d’expo tout ce dimanche. Rien ne vaut un petit coup de glossolalie pour se mettre en train. Mais pas le dire à tout le monde. Juste entre nous.|couper{180}

Marmonne et chuchote.

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Les histoires

Peut-être qu’il ne faut pas avoir d’histoire. Pas vraiment d’idée non plus. Surtout pas ces idées que l’on croit d’emblée originales. Peut-être qu’il ne faut rien de tout cela. Peut-être suffit-il de s’asseoir. D’écrire ce qui nous passe par la tête. C’est déjà tellement difficile. S’encombrer d’une histoire ajoute encore à cette difficulté. Ecrire ce qui vient sans avoir peur de le voir s’écrire. C’est déjà énorme. Evidemment c’est une façon un peu étrange de considérer l’écriture. Ecrire sans autre but vraiment que celui d’écrire. Observer comment les mots arrivent sur la page. Etre fasciné en premier lieu sur la manière dont ils se déploient. S’étonner qu’ils veulent dire quelque chose que l’on n’avait pas prévu de dire. N’est-ce pas déjà une aventure se suffisant à elle-même. Alors pourquoi en rajouter, pourquoi chercher des histoires, pourquoi cette obstination vers l’ intrigue, les personnages. Pourquoi aussi se creuser la cervelle à créer un plan que l’on ne suivra pas. Pourquoi ce manque de confiance total dans la notion de rebondissement. Ensuite regarder tout ce qui est écrit de cette manière et se demander si cela peut faire un livre. Un livre digne de ce nom. C’est là que ça coince régulièrement. Une constante, un mur. De l’ordre du mur de Planck. Parce qu’on voudrait déjà savoir à l’avance. On voudrait déjà avoir l’idée du livre. On ne lui laisse même pas le temps de naitre que déjà on l’affuble d’un tas d’adjectifs qualificatifs, de substantifs. En gros tout cela constitué de nos espoirs ou frustrations. De notre désir insupportable. J’ai toujours pensé que l’histoire viendrait en second. Si toutefois l’histoire doit venir, j’ai toujours espéré qu’elle viendrait ainsi. Je ne saurais pas expliqué pourquoi vraiment. Comme si le verbe agir primait toujours sur cet autre qu’est réfléchir. Comme si réfléchir s’était s’écarter pour créer une chose qui justement empêchait d’agir. Et donc j’ai écrit sans avoir d’idée, sans avoir d’histoire sur lesquelles m’appuyer. Ecrire sans prétexte. Sans filet. Comme on plonge dans l’eau directement sans prendre le temps de mesurer sa température. Advienne que pourra. A plusieurs période de ce parcours bizarre, je me suis arraché les cheveux. Merde mais elle est où ton histoire. C’est ce que je me suis dit. Et pas une fois. Mais mille au moins. Je sentais cette pression. Terrible. Elle est où l’histoire qui te permettra de valider tout cela enfin. De te donner l’impression d’être parvenu au but. De publier un livre. J’ai tenu bon quand j’y pense. Le doute, et l’obstination. Cocktail impeccable pour accéder à l’ivresse de l’idiotie si l’on veut. L’idiotie souvent est le mot qu’emploient les autres pour qualifier quelque chose qu’ils ne comprennent pas. Qu’ils ne veulent surtout pas comprendre. Parce que ça les dérangerait trop. Les autres et tous leurs mots. On les porte en soi bien sur. On ne s’en débarrasse pas si facilement. Donc on devient idiot au bout du compte. Il faut bien savoir ce que c’est. Etre idiot par défaut Avant même d’écrire le moindre mot. Ca ne s’arrange pas par la suite. Pas vraiment quand on pense à tout ce que l’on a écrit. Sans qu’aucun livre ne soit posé sur la table pour expliquer tout cela. Peut-être est-ce pathologique de trouver insupportable ce qui est déjà prévu d’avance. Je veux dire avoir une idée, faire un plan, écrire, relire, réécrire, nommer la chose roman, essai, recueil, et le publier sans ciller. Comme une réticence à tout projet, ne pas avoir envie de se projeter, de projeter quoi que ce soit. Une fois j’ai voulu projeter quelque chose, je crois que c’est une des toutes premières fois de ma vie. En tous cas je n’avais pas encore fêté mes 7 ans. L’âge de raison soit disant. Nous étions à la fin du marché, à Montrouge. Je me souviens de ce moment avec une exactitude extraordinaire. Ce fond de l’air un peu plus frais qui, cette année là, devait se sentir des le début septembre. Avant le 15 probablement. Puisque je devais toujours être en vacances chez mes grands-parents à Paris. La fin du marché. Des piles de cageots éparpillés un peu partout. Déjà quelques silhouettes en train de farfouiller pour récupérer des légumes abimés, des fruits talés. Et les agents de la voirie qui s’affairent, commencent à nettoyer. Gyrophare de leur véhicule. Le bruit du jet d’eau puissant pour nettoyer la crasse de l’évènement. Par là-dessus, un sentiment de désœuvrement. Se retrouver là, bras ballants, à regarder ahuri toute la scène. Nous nous étions levé si tôt le matin même. J’avais aidé pour décharger les colis. J’avais aidé aussi à la vente des œufs frais. Tablier blanc crayon de bois sur l’oreille. Et puis soudain après l’enchainement des actions, le fait d’avoir remballé dans le camion, ce petit moment où l’on subit comme un choc de ne plus rien avoir à faire. Il faut un moment pour s’en rendre compte. Une fin de marché cela fait drôle. C’est comme si on restait encore un peu après un spectacle et que l’on observe les acteurs remballer leur décor. Ce qui reste à la fin, une place vide, une surface humide et brillante par endroit. L’odeur du désinfectant. Un fruit au sol. Un fruit de bonne taille. Une grosse orange. La prendre dans la main pour la soupeser, machinalement. S’étonner aussi de voir une orange trainer là par terre. Elle est un peu abimée, mais quand même. Ce que c’est dans notre famille que l’orange comme symbole. Un crève-cœur. Donc une sorte de fin du monde, une fin de quelque chose, spectacle ou pas. Et puis soudain cette orange par terre. Un vrai désastre. Un symbole posé là pour être piétiné, écrabouillé. Peut-être alors que tout ce flot d’émotions, de pensées confuses subit en plein centre de la stupeur. Peut-être est-ce une raison. Tout cela envahit la tête et le cœur d’un seul coup, en même temps. et on ne peut lutter. Cela paralyse encore plus. Alors que faire sinon ramasser l’orange comme un somnambule. La jeter vers le ciel le plus haut possible. Désirer la voir s’élever vers les nuées. Oui mais la loi de la pesanteur. L’orange retombe sur le front d’un enfant là-bas à l’autre bout de la place. Cris, larmes, claques. Un attroupement. La victime ne mourra pas ce jour là quand même. Plus de peur que de mal. Par contre ce qui meurt en moi probablement c’est l’envie de projeter quoi que ce soit à partir de cet instant. Cette explication est bizarre bien sur. A première vue elle semble bizarre. On se demande si on peut se fier à ce genre d’explication. Et plus on se demande plus on s’aperçoit du peu d’écart entre le mot bizarre et le mot réalité. Ou du moins qu’il existe une sorte de réalité parallèle à la réalité ordinaire. Et cette autre réalité ne s’avère jamais autant authentique que par sa bizarrerie. Qu’aucune autre symboliquement n’a autant de force pour parvenir aider à comprendre le refus de tout projet désormais. Avant d’avoir atteint l’âge de raison. Avant 7 ans. Et tout cela au niveau inconscient. Parce que dans la vie de tous les jours, je suis quelqu’un qui a l’air raisonnable de temps en temps. Evidemment, j’ai des projets comme tout le monde. Si je dis : je vais aller chercher le pain, j’y vais tôt ou tard.|couper{180}

Les histoires

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Explorer le ridicule

Toutes ces choses que l’on s’empêcherait de faire juste en raison d’une peur d’apparaître ridicule. N’a-t-on jamais envie de l’écarter cette peur ? De lui dire va t’en, tu es la chose la plus pénible, la plus ennuyeuse que je connaisse ici-bas sur la terre. Mais non. Elle se tient toujours ici ou là comme une lancinante blessure qui se rouvre encore et encore. Et, ce même quand on pense en avoir fini avec elle. Presque toujours, elle trouvera un moyen de refaire son apparition, et lorsque l'on s’y attendra le moins. Peut-être parce qu’elle est en lien avec l’enfance, un des derniers liens que l’on chercherait coûte que coûte à conserver quand tous les autres semblent s’être dissous au fur et à mesure des années. Le seul lien avec mon enfance, c'est la peur du ridicule et ce combat que j’ai toujours maintenu contre elle. En n’hésitant pas à me plonger souvent dans les situations les plus ridicules qu’il soit évidemment. Est-ce du courage, de l’inconscience, un sentiment omniprésent d’injustice que j’ai constamment voulu étudier ? Je ne saurais pas le dire. Sans doute la configuration globale de petites failles perçues très tôt dans la solidité apparente d’une réalité morne. Et, ce combat m’aura mené sur une route étrange, sur laquelle en me regardant agir dans le reflet des miroirs, j'ai été tour à tour héroïque ou complètement con. Ce qui m’aura d’ailleurs permis de mettre en doute sérieusement la ruse, l’intelligence du héros dès que l’occasion m’était donnée de les étudier. Ainsi, je dois être un des rares lecteurs à éclater d’un rire franc en suivant les péripéties des héros de Dostoyevsky. Peut-être que cette hilarité ne m’est pas venue naturellement. Soyons honnête aussi, la lecture de René Girard y aura été pour beaucoup sans que je me souvienne des raisons pour lesquelles j’effectue désormais cette association. Par contre, je reste encore fermement ému à la lecture des romans de Panait Istrati. À chaque fois, je retombe dans le même piège de l’émotion à leur lecture. Probablement parce que je me suis crée une image, une histoire de l’auteur que j’aurais désiré proche de la mienne tout simplement. Une simple affaire d’identification. Ce côté fleur bleu exacerbé d’autant que la lucidité me flanque la paix, m’octroie une pause. La manière que j’ai de me ruer là-dedans comme dans un feuilleton de série B. Bon public. Capable même d’en verser des larmes. Slave pas pour rien. Cette grandiloquence de la tragédie n’égale que celle de la comédie. Allez savoir le vrai du faux, difficile quand on a baigné là-dedans depuis les tout premiers jours de sa vie. Ma mère était ainsi, elle savait passer du rire aux larmes sans cligner d’un œil. Comme elle respirait. Ce qui m’a donné, je crois, l’habitude de considérer tragédie et comédie comme des moyens de communiquer quelque chose tout en ne sachant jamais véritablement quoi. Peut-être l’ineffable de la vie tout bonnement. Cette grande stupeur lorsqu’on y songe. Nul doute donc, je suis un homme parfaitement ridicule. Non pour m’en plaindre, mais en toute connaissance de cause. À la fois pour éloigner de moi les gêneurs, les empêcheurs de tourner en rond, mais également pour rester dans une impression d’exil perpétuel, sans doute le principal legs de ma mère, de toute cette famille, de son côté à elle que je n’ai jamais pu oublier. Qui prend une place importante dans la structure même de ma pensée comme de mes agissements. Une sorte de dette jamais totalement remboursée. Si je suis ce que je suis, le pire comme le meilleur c’est certainement aussi grâce à tous ces gens qui ont eu le courage de sortir du ridicule, de l’abject, de l’insoutenable à un moment donné de leur existence. Qui ont tout perdu en partant. Et, qui, du moins les rares que j’ai connus, prenaient la vie désormais avec un certain recul, beaucoup de désillusions digérées, une acuité phénoménale à tout ce qui cloche pour en faire presque aussitôt une occasion d’en rire. Le ridicule et la fierté, l’orgueil, la peur du qu’en dira-t-on. La peur animale de rompre tous les liens qui nous constituent de façon identitaire, ils l’ont tous vécue à leur manière, avec leurs qualités et leurs travers. Alchimiquement si j’ose dire, ils auront transformé cette peur du ridicule en or. C’est sans doute aussi cette charge que j’ai décidé de prendre un jour sur les épaules. N’est-ce pas tout aussi ridicule que de ne pas le faire finalement ? Dans le rire, il y a quelque chose d’autre encore que j’ai parfois pu entrevoir, mais jamais hélas durablement m’y installer. Comme une connexion avec le sacré, ça va forcément paraître ridicule cela aussi. Rire pour rejoindre le divin. Ensuite, ne jamais l’atteindre, en revanche seulement l’entrevoir. Suffisant pour adorer lire Rabelais autant que Saint-Jean de La Croix. D’une certaine manière, je ne suis pas loin de penser que je possède une fameuse maitrise de ce ridicule aussi. Que je pourrais même l’enseigner, enseigner à se détacher de tous ces liens qui nous enserrent par le recours à la peinture, comme au ridicule. C’est un peu ce que je fais souvent inconsciemment. De moins en moins inconsciemment.|couper{180}

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Bilan

Septembre est désormais bien entamé et la situation n’est pas glorieuse. Moins d’élèves à l’atelier, j’ai dû supprimer le créneau du mercredi matin pour en recréer un nouveau le samedi matin. Récupérer ainsi des jeunes, des personnes qui travaillent en semaine. En revanche, plus personne le mardi soir. Ont été invoquées le manque d’argent, l’affaiblissement dû à l’âge, ou encore de nouveaux emplois du temps. Le chiffre d'affaires est à diviser par deux. Ensuite, les salaires en moins suite à démission de deux MJC. Ensuite, les factures qui ne s’arrêtent jamais. Notamment, les abonnements pour logiciels, oh pas de grosses sommes, mais mises les unes au bout des autres, cela finit par faire tout de même un montant annuellement. Cela pour l’activité, pour le boulot. Je peux perdre du temps à chercher des raisons, me culpabiliser de je ne sais quoi, cela ne va pas changer grand-chose à la situation. Depuis le passage de la Covid, les diverses canicules, la crise, l’atmosphère mortifère qui en résulte nous a tous affaibli. Que l’on trouve de plus en plus insupportable la moindre injustice, la moindre mesquinerie ? Enfin, je m’en aperçois de mon côté. Peut-être parce que l’on a tant espéré. Que tous ces événements surtout, n’interviennent pas de manière insensée, qu’ils puissent permettre de réfléchir à notre façon de vivre et de travailler, de tirer un certain enseignement de tout cela ? Mais, on voit bien que la déception, une fois encore, remplit l’espace laissée par ces espoirs. Le profit, la spéculation, la hausse du prix de nombreuses denrées, et tout cela étayé, justifié, légalisé. Quant aux actions mises en place par le gouvernement, des soufflets à la population. Toutes ces nouvelles règles que l’on pondra pour obliger les allocataires du RSA, les chômeurs, les retraités à endosser une grande part des responsabilités du désordre actuel. Des boucs émissaires. Une réaction moyenâgeuse. Et, qui va bien avec la montée des extrêmes droites dans nombre de pays européens. Et, ces chèques distribués comme des aumônes pour faire avaler des couleuvres. C’est comme si le marasme personnel et collectif était la nouvelle donne. Une donnée quasi scientifique, experts à l’appui. Par-dessus tout cela, la distillation de la peur. Une inquiétude générale. Parfois si je me recule un peu par rapport à ce tableau que l'on veut me présenter comme une réalité, j’éprouve la sensation du faux, presque immédiate, d’être au théâtre ou au cinéma. La mise en place progressive d’un décor simultanément sombre et grotesque, celui d’un film d’horreur. Comment réagir personnellement à cela. Comment ne pas se laisser happer, engloutir par toute cette misère mentale et matérielle. N’ai-je pas déjà connu ces choses dans ma vie ? Bien sûr, plus jeune, plus vigoureux, je trouvais des ressources pour contrecarrer ces situations de crise. Le fait de se contenter de peu parce qu’à côté, je trouvais le temps d’écrire, de peindre. J’avais alors su réduire le besoin à presque rien. Mais, dans ces circonstances un paramètre était important, j’étais seul la plupart du temps. Désormais marié, difficile de réduire le besoin comme autrefois. Et puis mon épouse est une inquiète de nature. De plus, passé la soixantaine, on s'aperçoit que ce ne peut plus être toute à fait comme avant, que l’on est plus vulnérable, plus fragile. Surtout parce que l'on est lié plus étroitement que jamais à la contingence. Toutes ces charges à payer, ces frais pour maintenir un certain confort, un niveau de vie comme on dit. Oh ce n’est pas non plus une sinécure, mais avec le temps et l’âge, on finit par y tenir. C’est aussi une sorte de socle identitaire. Seul, j’aurais peu de peine à tout envoyer valdinguer, à réduire la voilure. Mais, peut-être que je m’illusionne aussi sur mes forces et mon courage. Probablement que finalement, je me laisserais couler, dans cette obstination que je connais si bien à ne pas vouloir réagir, à compter sur le destin, la Providence. Ce qui m’a toujours conforté de le faire c’est que ça marche, que la vie est toujours en moi plus forte que tout. Juste le temps de prendre suffisamment de recul pour constater l’absurdité, le ridicule de cette obstination. Mais, la prendre aussi en considération comme un élément fondamental de mon existence. Ce côté têtu. Se laisser couler jusqu’au fond puis donner un coup de pied pour remonter. Éprouver la joie, l’ivresse de voir un nouveau matin se lever, de se sentir vivant après avoir traversé ces périodes étranges, proches d’une idée de néant, de mort. Sans doute plus facile de le faire égoïstement qu’à deux. Mon théâtre personnel si l’on veut. Faire un bilan aussi de mes activités. Notamment de ce que j’imagine faire sur internet. Qui me prend beaucoup de temps. Ce blog auquel je m’accroche et qui me donne l’impression de faire quelque chose n’est-ce pas aussi une illusion, une absurdité. Je viens de payer la facture de renouvellement en début de mois et j'ignore si j’ai bien fait. Implicitement, je me suis mis dans une sorte d’obligation de le poursuivre une année de plus. Qu’est-ce que j’en tire vraiment ? Si j’analyse, c’est une espèce d’investissement. Une façon autodidacte d’apprendre à écrire encore, et qui parfois peut me sembler ridicule à mon âge. Comme si je n’avais pas encore effectué le chemin nécessaire pour régler une difficulté à renoncer. Renoncer à être cet écrivain que j’ai toujours souhaité en rêve « devenir ». Occasionnellement, le ridicule me saute tellement aux yeux et manière si brutale que je me retrouve atterré. Et bien sûr l’obstination de nouveau comme seul recours. Cette régularité d’écrire chaque matin est liée étroitement à cette obstination. Au détriment de nombres d’autres choses que je effectuerais à la place. Sans doute que ce pourrait bien n’être que pour avoir l’excuse de ne pas les effectuer. L’écriture a pris le pas sur la peinture, c’est indéniable. J’écris plus que je ne peins. Pour rien. C'est-à-dire que ne vient pas à l'idée vraiment le fait d’écrire pour fabriquer un livre. Parfois, j'y pense bien sûr, mais presque aussitôt, je me détourne de cette idée. Alors, je ne me sens pas prêt. Ou du moins, j'ai perdu beaucoup en imagination sur le sujet. Il y a deux ans, j'avais osé publier « propos sur la peinture » j’ai effectué quelques ventes, à des élèves, des personnes intéressées en exposition. Mais, avec le recul, j'ai un peu honte de ce livre. Tout y aura été réalisé dans l'urgence, en plein confinement. Comme si déjà toutes ces nuits d’insomnie, cette réclusion, la somme de tous ces empêchements devait absolument servir à quelque chose. Et, par ailleurs pas complètement pour rien non plus si je me souviens de cette découverte que tous ces textes n’étaient rien d’autre que de l’autofiction. Ce qui a achevé d’enfoncer un clou et que pour finir, m’aura donné des pistes pour mieux me reculer encore par rapport à la chose écrite quelle qu’elle soit. Malgré tout accent de pseudo-sincérité que l'on puisse y trouver. De l’illusion toujours ni plus ni moins. Ce qui est naturel, vrai, authentique, se dissimule constamment sous cette fiction. Et, encore sans doute n’est ce que la fiction elle-même. J’essaie de trouver comment effectuer des liens entre l’utile et l’inutile, comment tout cela, ce marasme, ces textes, cette difficulté renouvelée pour agir de façon efficace rassurer ma compagne, s’accrocher afin de ne pas sombrer égoïstement, ces nombreuses réflexions souvent sans véritable issue quant à la peinture pourrait enfin former un objet, une sorte de tout. Une espèce de pierre philosophale. Oh pas pour fabriquer de l’or, parvenir seulement à payer les factures et calmer ma moitié suffirait amplement. Être dépendant est une gêne de plus en plus aiguë. Dépendant de quoi que ce soit. Et, parfois, aller chercher dans l’évidence cette habitude de dépendre est difficile. Par exemple la dépendance à la cigarette, au café, à l’habitude d’écrire chaque matin sur ce blog ou encore de me lamenter tout seul en écrivant puis en le partageant comme pour mieux m’en saisir ou m’en défaire. Ma hantise que tout ne soit effectué pour rien. Que ma vie tout entière ne se soit écoulée pour rien. Cet effroi se mêle par ailleurs au désir tant je constate que les quelques choses auxquelles nous nous accrochons comme des moules à leur rocher me semblent si pathétiques, tellement risibles. Et aussi l’émotion énorme que ce constat provoque. Rires et larmes simultanément. Fragilité et cruauté vont aussi de pair. Peut-être aussi une lassitude quant à l’imagination. Effectuer des actions dont je ne prends jamais la peine de mesurer l’impact dans une réalité collective. C’est que m’ont appris les infopreneurs que je suis sur YouTube. Mesurer leur impact sur leur audience et apprendre ainsi à corriger le tir, à produire des contenus qui intéressent leurs clients, sans doute parce qu’ils sont parvenus au même résultat que moi par un autre chemin finalement. Que nous sommes tous égoïstes et que la seule chose qui peut vraiment nous captiver c’est toujours nous-mêmes ! Et, cela ne va pas se loger que dans la lessive. On peut s'apercevoir de cela partout, y compris dans un atelier d’écriture, ensuite évidemment il y a ce que l’on fait de cette évidence. En profite-t-on ou pas, c'est affaire de chacun. Mais, tout de même, je dois agir, ne pas rester bras ballants. Depuis un an que je me suis inscrit sur le site de Patreon. Une plateforme participative sur laquelle moyennement une somme modique, on peut déposer du contenu, et donc demander un soutien via abonnement. Ma fierté m’en a empêché. Oui, je ne vois pas réellement d’autre entrave que celle-ci à présent. Ce qui provoque un déclic ces derniers temps, provoque le désir de revenir à cette idée de Patreon, certainement tout le travail produit par François Bon. Ainsi de ce fait, on peut proposer des abonnements et en donner aux personnes pour beaucoup plus que pour leur argent. C’est ce que j’avais commencé à faire sur ma chaîne YouTube. Mais, si maladroitement quand j’y pense. Comme sur ce blog d’ailleurs. Tout ce temps passé sans doute pas pour complètement rien puisque j’ai tout de même des abonnés, et même un certain nombre de fidèles. Et, par ailleurs une idée me traverse que cette gratuité , cette générosité puisse aussi lasser ou effrayer. Nous savons tellement tous combien ce qui est gratuit cache quelque chose désormais. Un déséquilibre presque évident. C’est comme lorsqu'on nous fait un cadeau et que l’on se sent l’obligé. Un malaise se crée. Et, toutes les supputations qui ne tarderont pas à surgir si l'on s’interroge sur les raisons de cette gratuité. Voilà donc où j’en suis ce matin. À l’heure des bilans. Est-ce que l’écrire règle la difficulté, je ne sais pas, j’ai souvent l’impression que ça permet de clarifier la confusion. De s’inventer des raisons sûrement. Ça ne sauve de rien en tout cas, c’est ce qu’il ne faut jamais perdre de vue.|couper{180}

Bilan

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Les grandes et les petites

En exposition les petites toiles partent vite il faut toujours en faire de nouvelles. Les grandes, on s’ébahit sur elles, mais on n’a pas toujours le budget pour, ni les murs. Trouver la bonne proportion entre petits, moyens et grands formats fait partie à la fois de la stratégie mais apporte un plus, En fait c’est bien moins intimidant pour le public. Prévoir des prix pour. Est-ce plus facile de peindre des petits formats que les grands ? C’est une question qui revient souvent. Non ce n’est pas plus facile. Il faut apporter je crois la même attention. Et cela arrive qu’on peine autant sur de petits formats que de grandes toiles. Mais on peut tout de même parvenir à calculer le temps passé et mettre ça sous l’étiquette « recherche et développement » Souvent les petits formats permettent d’explorer plus rapidement quelque chose… En ce moment je reprends de vieilles toiles abstraites qui ne me plaisent plus, je repeins par dessus et ça permet d’explorer de nouvelles possibilités d’harmonies, formes et couleurs. Trois paysages verticaux et quelques visages imaginaires mais pas satisfait encore, trop rempli trop de choses. Apprendre à dire moins, pas si simple… pareil pour écrire. On croit que l’on a beaucoup à dire, mais en fait on cherche un chemin dans notre propre confusion. Et lorsqu’on en ressort soit c’est déjà dit, c’est une évidence, quand ce n’est pas une banalité qui n’intéresse personne.|couper{180}

Les grandes et les petites

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Le cœur de l’ennui

Labyrinthe Acrylique sur toile Si l'ennui a un cœur, c'est bien là qu'il faut se rendre. Car l'élan qui crée l'agitation pour s'en enfuir est vain. Ce n'est pas là la vraie vie. C'est un tout petit chemin, peu engageant, bordé de ronces, de mures, de prunelles et de gratte-cul, dans lequel à nouveau je m'engage pourtant, dans cette campagne bourbonnaise à la fois si détestée et tant aimée. L'ennui qui me tombe dessus comme autrefois n'a rien à voir avec l'ennui. Car autrefois c'était bien plus une affaire d'avenir. Qu'allais-je donc faire pour entrer dans la danse ? Pour rejoindre le troupeau ? Pour participer au concert ? Pour être heureux comme on se doit de l'être pour honorer père et mère, le bon dieu et tous ses saints ? La lourdeur du ciel gris s'appuyant pesamment sur la rotondité des collines au loin ne présageait rien de bon pour ma tranquillité personnelle. Inconsciemment, encore et toujours le père, la mère. Je ne comprenais rien ce qui me dotait d'un don d'ubiquité fabuleux. La prophétie montait comme une source intarissable, chantée par les insectes, les hirondelles, elle s'inscrivait en griffures noires sur le tronc blanc des bouleaux, et je n'avais qu'à zoomer au cœur même de la confusion , pour en déchiffrer le message néfaste. Toujours le même ou à peu près. Tu n'es pas bon à grand chose ni véritablement mauvais en rien. Dans le fond des choses comprends la chose, t'es moyen. Moi yen, moignon, Moi rien, comprenais-je alors que je pouvais aussi être tout autant moyeu ou moyen de faire différemment ce que j'appris par la suite. Et je me débattais dans une folie furieuse de mots clefs. Amour améliorer amabilité amertume amarres amaryllis marre-toi Cette fille en robe blanche qui surgit de son jardinet au crépuscule me rend fou, Je la veux, sans elle il n'y a rien d'autre, il n'y a que cet ennui. Sans elle je ne peux vivre, rien ne peut vibrer. C'était là le véritable ennui. Un ennui peut tout à fait en cacher un autre. Son cœur est plus froid encore que le mien c'est peu dire. Ses baisers dépourvus de langue. Ses baisers vides comme les miens. Mais ma langue vide aussi, 1 point partout égalité. Tout est vide et on fait comme tout le monde, on fait bien semblant d'y voir du plein. Mais que sait-on vraiment de toutes ces choses lorsqu'on n'a que 15 ans, on n'en sait rien évidemment. J'ai mis le doigt dans une brune par dépit, par malheur, par vengeance aussi. C'est assez dégueulasse au début. Un doigt qui touille de la bave d'escargot ou de limace, un doigt abruti par la découverte d'une anatomie étrangère. Pas de Gameboy à l'époque dont je vous parle, juste des flippers sur lesquels on commence à s'exercer au Game over. Le dégout mène à l'ennui aussi, à cet ennui qui n'a rien à voir avec l'ennui le vrai. On croit obtenir quelque chose, on ne sait quoi, un bon point, une image surtout et on a les doigts poisseux c'est tout. — Parle-moi d'amour juste un tout petit peu pour que tout ça passe un peu mieux, soupire t'elle. J'ai toujours été nul aussi de ce coté là. Je veux dire que j'en parle tellement bien, j'ai tellement lu de romans à l'eau de rose que c'est devenu un programme, un vrai show, j'appuie sur le bouton et je laisse défiler. Je déconnecte ma cervelle et je m'y perds éperdument. Alors que je pensais, j'espérais, je me faisais cette idée que l'amour vrai pouvait exister vraiment. Car il n'y a pas de fumée sans feu nom de Dieu n'est-ce pas ? Mais faute de grive on broie du merle. J'étais plus celui qui aime l'idée d'aimer qu'aimer tout court. Je ne sais qu'en parler. Je ne sais qu'imiter surtout ceux qui imitent d'autres qui en parlent. Je me demande même si je n'ai pas parlé d'amour uniquement pour me venger de ne jamais parvenir à aimer vraiment. Me venger de qui de quoi, allez savoir... Cela fait souffrir aie aie aie. Mais tout bien peser la souffrance aussi est une sorte de reflexe pavlovien, rien que de l'imitation aussi, du mimétisme. Il y a aussi une différence notoire entre s'imaginer souffrir, et souffrir pour de bon. Le mieux pour distinguer et de se taper un bon coup sur les doigts avec un marteau. Alors qu'en fait, à part ça je veux dire, j'aurais vu le ciel autrement, et les collines aussi et toute cette joie, tout ce désir ardent qui se loge au fond de l'œil, à la surface de l'épiderme sitôt qu'on change de mot, oui , sitôt que l'on octroie à l'ennui l'inouïe possibilité d'avoir du cœur, et que l'on finit par découvrir que ce cœur c'est le tien, c'est le mien. Lorsque je peins, lorsque je m'oublie, c'est dans ce que j'appelais l'ennui autrefois que je pénètre, et qui ressemble à une transe à l'envers de ce qu'on imagine toujours qu'elle soit. Le fruit de cet abandon, la toile recouverte de peinture aussitôt que je recouvre mes esprits ne me dit pas grand-chose, à part l'étonnement souvent. J'ai très peu de temps pour voir qu'il s'enfuit déjà dans le labyrinthe des jugements, des pensées, des opinions. Que je m'y perde à nouveau entièrement.|couper{180}

Le cœur de l'ennui

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Voir en fermant les yeux.

Ce matin une bonne sœur me conseille de voir avec les yeux de Dieu. J'allais opiner sans réfléchir tant l'urgence de disparaitre dans quelque chose, peu importe quoi, me presse en ce moment. Puis je me ressaisis évidemment. Sinon je ne serais pas là à vous le dire. Voir avec les yeux de Dieu, bon Dieu qu'est ce que ça peut bien vouloir dire .... Dieu déjà. Et du coup j'ai fermé les yeux, j'ai gommé Dieu pour voir ce qu'il pouvait rester encore après cette dernière tâche déposée à l'encre sur le papier blanc. Presque rien huile sur toile ( vendue) Patrick Blanchon 2019|couper{180}

Voir en fermant les yeux.

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Les photographies que l’on n’a pas prises.

En quittant Batsi j’ai pris quelques photos du lieu où nous avions passés ces quelques jours, le lieu d’hébergement. Rien de photogénique vraiment, le but n’était pas de faire de belles images. Non, c’était plus une tentative pour ne pas refaire la même erreur, pour briser une sorte de récurrence de l’oubli. Un pansement si l’on veut, pour protéger d’anciennes plaies encore probablement à vif. Contrer une fatalité à venir, et dont on se rendra compte des années après. La prise de conscience parfois douloureuse ne ne pas avoir pris certaines images parce que jugées trop banales, sans intérêt artistique. D’ailleurs je ne fais plus de photographie artistique, cela m’est passé. Avec le numérique je me sers de la photographie plutôt comme d’un bloc-notes. Peut-être même un dégoût de l’artistique quand j’y réfléchis. De cet ancien point de vue, de cette ancienne vie. Une amertume, une aigreur que je ne peux plus me dissimuler. Oh non pas contre la photographie en elle-même, plutôt contre le photographe que j’étais. Et, encore tout cela s’est apaisé. Amertume et aigreur sont sûrement trop forts. Au delà de ces mots flotte quelque chose de tendre, de doux, de roux. Un air d’automne avec son odeur de bois brûlé, de décomposition, les virevoltes bucoliques des feuilles mortes qui tombent au sol. Tous ces petits moments que l’on nomme banals, sans importance, le quotidien, je n’ai pas jugé opportun de les photographier. Ou alors tout à fait fortuitement en pensant à autre chose. Dans le cadre d’un projet, le boulot. Vous savez bien, l’hypnose qu’impose presque aussitôt le but à atteindre. Une idée serait de tenter de les nommer, de retrouver les pièces manquantes . Oh pas tous, à mon âge je n’aurais plus le temps. Mais, s'il fallait choisir, faire un tri rapide, se dire aller seulement trois, lesquels ? Je réfléchis un moment, quelque chose freine. Avec le temps on devient un peu plus attentif à ce qui se met en travers des intentions. Sans doute parce que tout bonnement ces intentions sont encore trop artificielles, parce qu’elles se calquent sur du déjà-vu, on pourrait aussi dire du cérébral seulement. Demeurer dans cette vigilance quant à ces intentions apparemment spontanées, séduisantes en raison de cette spontanéité. Voilà une raison que je pourrais même avancer si je voulais me justifier quand à une forme de plus en plus constante de procrastination. Que personnellement j’appelle la patience. Une patience de l’inertie. Ce que l’on peut nous effrayer via l’information, les catastrophes, l’urgence et le temps qui ne se rattrape plus. Des années que je résiste à tout ça. Procrastination si l’on veut. Si ça les rassure ou les aide à se désoler pourquoi pas. Les amis, les proches, la famille. Surtout ne pas oublier que je suis en train d’écrire un texte. Forcément donc une auto fiction sitôt le pronom je dans tout cela. Au delà de ce texte il y a celui qui ne sait déjà plus vraiment qui il est, un être constitué d’absences et non dits. Calme cependant. L’habitude de vivre avec toutes ces photographies manquantes probablement. Peut-être que la seule façon d’inventer une proximité qui lui convient réellement c’est celle-ci. Une proximité du vide qui, peu à peu, aura su se frayer son chemin à cause ou grâce à l’absence, l’oubli, le manque. Je regarde ces photographies du portail, de cet escalier difficile à gravir après nos longues courses dans les collines environnantes, de ce bout de maison. Une sensation familière bien sûr, déjà presque de la nostalgie. Et, de nombreuses images de l’application photo sur l’iPad s’accumulent déjà depuis ce mois d’août. Un défilement rapide, tellement. Une métaphore sans doute rien de plus. Rester calme aussi d’autant qu’on le pourra, calme et résolu. Même têtu pourquoi pas.|couper{180}

Les photographies que l'on n'a pas prises.

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La vision du premier printemps.

Fresque de 90 mètres et son auteur David Hockney. Clara referma son livre et se rendit à la fenêtre. Ce matin-là, la clarté du jour pénétrait de manière différente dans la pièce et faisait reculer la pénombre. Elle en fut un instant étonnée puis, pour en avoir le cœur net, elle se couvrit d’un châle et sortit au jardin. Là soudain, elle vit que le printemps était arrivé. Quelque chose dans l'air, dans la flagrance, dans la couleur, une chose semblable certainement, mais qui empruntait chacun de ses sens dans une sorte d’urgence comme pour le répéter. Et, à 95 ans, Clara éprouva cette sensation peu ordinaire de sentir comme jamais auparavant que le printemps était arrivé, ou qu’elle-même était arrivée à avoir une disponibilité d’esprit suffisamment nette pour l’accueillir. Le paysage se déployant au-delà du jardin comme le jardin ressemblait à l’un de ces rouleaux chinois dans lequel le spectateur n’est pas tenu de rester immobile. Elle pouvait sans faire un pas se déplacer dans le paysage dans son ensemble. Elle n’était plus tenue par l’obligation monoculaire d’un seul point de vue. Toute la perspective s’était modifiée et ce qu’elle constatait, c'est qu’elle pouvait enfin prendre le temps de regarder et de voir ce paysage. Peut-être en raison de ce confinement qui l’avait obligé à rester enfermée chez elle de si longs jours. Elle resta là à contempler le printemps un long moment. Puis, elle eut envie d’aérer la maison. Ouvrir toutes les fenêtres pour renouveler l’air, que cette nouvelle sensation demeure chez elle, et y demeure autant que puissent demeurer les choses quand on atteint un âge certain.|couper{180}

La vision du premier printemps.

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Cadeau

https://youtu.be/gl67MlZG2q8 Un grand merci à Caroline Diaz et Steven Corvez pour l’émotion, la beauté reçue ce matin. Et étonnement de constater si peu d’abonnés à cette chaîne YouTube. À propager donc si cela vous dit.|couper{180}

Cadeau

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Le cône de vision

Illustration du cône de vision en perspective. Aucune prétention de remettre en question tout le voyeurisme sur lequel s’appuie l’art occidental. Cette histoire de cône de vision. Un seul N. Disons depuis La Renaissance, mais ce serait simpliste, il faudrait remonter aux Grecs. Et, malgré les tentatives de certains de tenter d’en sortir. Cette illusion mathématique, géométrique qui au bout du compte nous invite à regarder le monde, sa réalité au travers d’un trou de serrure. Plus encore aujourd’hui que jamais cette position de spectateur comme voyeur. Voilà donc la perspective et le résultat qu’elle impose à angle droit. L’angle de 90° essentiel pour l’invention d’une ressemblance proche de l’exactitude. L’angle de 90° censé être le même que celui de la vision humaine. Je l’avoue, j'ai toujours eu beaucoup de difficulté avec l’idée de perspective. Que ce soit en dessin ou dans la vie en général. Peut-être en raison de cette obligation d’immobilisme nécessaire afin de conserver un point de vue. Sûrement aussi à cause du malaise provoqué par ce voyeurisme qui au bout du compte rejoint la gène de me retrouver passif en de nombreuses circonstances. D’ailleurs, il serait facile d’imaginer que détestant le voyeurisme, je l’eusse étudié sous toutes les coutures en m’y plongeant tête la première. Probablement à cause ou grâce à des ouvrages lus à la hâte. Le traité du rebelle d'Ernst Junger notamment, le premier qui me vient à l’esprit. Je ne pense pas l’avoir lu complètement, d’ailleurs, je crois que dès les premières pages mon esprit s’est emparé de quelques mots clefs pour s’en évader. Il n’en aura gardé que des bribes. Ainsi celle-ci, par exemple, que la meilleure façon d’agir pour s’opposer à un système était de le pénétrer, de se retrouver à l’intérieur, et ensuite de provoquer de toutes petites actions presque invisibles pour le faire à terme dérailler. Et, n'est-ce pas ironique que durant ces derniers jours, je passe une grande partie de la journée à reprendre mes vieux cahiers ? À y chercher des notes sur la construction géométrique, ceci afin de créer moi aussi mon cours sur la perspective. Un cours différent de tous les autres bien sûr. Je déteste me répéter dans la même forme. Puis il faut aussi tenir compte du système. Ses limites, ses résistances, ne pas bousculer les choses de manière visible, mais utiliser justement les paradoxes. Ceux sur lesquels on tombe quasiment aussitôt que l'on sort de ce fameux cône de vision. Ceux qui tout à coup déforment encore plus la réalité d’autant qu’on l’avait installée sagement dans un angle droit, un angle à 90°. Sûrement pas un hasard si simultanément, en tache de fond, mon rapport à la photographie ne cesse plus de me tarauder. Peut-être dû au prétendu hasard, celui de ma participation à cet atelier d’écriture de François Bon. #photofictions, et qui creuse les relations entre photographie et écriture. J’y participe non de façon directe. Cependant, je ne produis pas de texte afin de répondre à la consigne. Quelque chose m’en empêche en ce moment. Sans doute cette idée de point de vue. Une perspective qui serait sûrement trop étroite, trop subjective si je me contentais d’obéir simplement à la consigne. Non, je souhaite évidemment profiter de cette aubaine pour l’étendre, parvenir à agrandir le périmètre du cercle. Sortir si c’est possible en même temps de la passivité et du voyeurisme. Agir. J’en plaisante encore parfois, mais le titre de ce blog n’est certainement pas venu pour rien. Peinture chamanique.Non que je veuille endosser le costume d’un chaman moderne, en revanche plutôt relier nombre d’impressions qui, la plupart du temps, ne peuvent justement pas être représentées dans cet angle imposé par l’histoire de la perspective. Une de mes spécialités, tirer sur un petit fil qui dépasse en tenter de le suivre souvent au travers de nombreux méandres jusqu’à son origine. C’est à peu de chose près l’histoire proposée par Don Juan le vieux sorcier Yaki à Carlos Castaneda. Relaté de mémoire dans un de ses ouvrages intitulé rêver. On rêve. Enfin, c'est aujourd’hui indéniable. L’éveil n’est pas de notre ressort ni la grâce. Il faut donc faire avec ce que l'on a, et ce que l'on est. Mais parfois, une solution pour passer d’un rêve l’autre est cette vigilance à l’insolite qui traverse notre champ de vision de dormeur. Le cône de vision est pour moi un de ces objets insolites. Et, comme souvent, il apparaît dans une sorte d’évidence sur laquelle il serait impossible de poser le moindre mot. C’est sans doute en raison de ce mutisme avec lequel on s’enfonce dans la profondeur de la pensée, comme si celle-ci n’était qu’une couche superficielle du rêve, que l’insolite est visible véritablement. Qu’il nous saute aux yeuxsi je peux dire. J’avais déjà écrit plusieurs textes en relation avec cet insolite et la vision. le-retour-du-nagual/, comment-marche-un-indien-dans-la-foret/ le-tonal/ Il doit y en avoir d’autres, finalement, c'est peut-être une récurrence dans ce blog. Mais à chacun de trouver ce qu’il cherche, je ne veux rien imposer. Ce dont je m'aperçois au travers de ces textes c’est l’utilisation des modes divers pour parvenir aux frontières d’une même chose toujours ou plutôt pour tenter de la dépasser. Soit par des pseudos essais, par des fictions, de même que certaines photographies de peinture pour les illustrer ; celles qui matchentou pas... finalement, je suis peut-être plus que je ne le pensais dans la consigne proposée par cet atelier d’écriture. Et ce avant même que je n’en prenne connaissance.|couper{180}

Le cône de vision

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L’objectif

Photographie de groupe repas de début d’année. L’ambiguïté de l’objectif en tant que pièce indispensable d’un appareil photographique confronté au mot objectif comme but, et aussi à cette légende qui voudrait que l’on tente de rester objectif quant à un événement. Un même mot pour exprimer trois choses différentes. Quel serait le lien que je pourrais construire ou mieux, que j’ai déjà construit même bien avant de me rendre compte de cette ambiguïté ? La plupart du temps inconsciemment. Juste en raison d’une homonymie, d’une similitude sonore bien plus qu’en s’enquérant du sens.Des nuances sensées être adoptés collectivement via l’approbation d’une académie quelconque. Quelconque car pas vraiment reconnue par un quidam comme moi. Ou alors si haut placée dans le ciel imaginaire que l'on recule humblement aussitôt en l’évoquant. Une sorte de royauté de droit divin qui a pouvoir malgré toute révolution enterrée de décider du sens des mots. Elle, l’Académie, bénéficiant, à tort ou raison, peu importe de cette soi-disant qualité d’objectivité. Dont l’objectivité même est le fondement de toutes ses actions dont la mise à jour de la langue, du dictionnaire. Et, sur une ligne parallèle le sens des mots que l’on cherche à comprendre seul avec ses propres moyens. Une quête dont l’impulsion se tiendrait enfouie profondément quelque part dans le vaste monde. Un trésor gardé évidemment par un dragon. Quand commence ce premier pas sur le sentier qui s’enfonce dans la brume d’automne ? Il faut bien que l’on ignore cette impulsion. Le fameux pourquoi. Que l’on ignore aussi de ce brouillard l’épaisseur. Tout comme le temps qu’il nous faudra pour le traverser, trouver l’éclaircie. Ce pourquoi surgit parfois si facilement chez certains êtres alors qu’il prendra une vie entière chez d’autres. Et, encore, pas sûr que beaucoup ne disparaissent pas en n’ayant jamais pu découvrir leur pourquoi. Des multitudes devenues à leur tour des questions pour les vivants. L’objectif alors pour tenter d’y voir clair, d’y comprendre quelque chose, par l’entremise d’une focale, d’un jeu de lentilles, par l’invention de buts qui, une fois atteints, s’évanouissent pour laisser place à d’autres. Et, cette tentation parfois d’adopter un certain recul, une sorte de neutralité frôlant le désengagement, l’indifférence et le mépris dissimulé par ces voies de garage. Prendre une photographie demande un certain culot. D’une certaine façon c’est héroïque. On se heurte au réel. On tente de lui dérober quelque chose. On essaie de s’en approprier un fragment. On sent bien cette gêne la toute première fois mais elle est si brève. Elle s’enfonce presque aussitôt dans le bon sens, les raisons que l'on invoque pour la recouvrir au centième de seconde. L’objectif souvent de la prise de vue est de conserver un souvenir, anniversaire, mariage, naissance, décès, événement familial. C’est l’idée de la photographie, commune au début. On pourrait avoir la sagesse et la pudeur de s’arrêter à cela. S’en tenir à la reproduction d’un rituel. Puis coller tout ça dans un album que l'on s’échangera de main en main par delà le temps qui passe. Quelques générations à peine. Évidemment on rit de cette pensée magique aujourd’hui. On ne la prend pas au sérieux. Pourtant il suffirait de plisser un peu les yeux, de gommer tout le superflu pour tomber sur cette évidence qu’elle se tient toujours dans les fondations de tous nos agissements. Aller plus loin est donc, dès l’origine, l’enfreinte d’un non-dit, d’un tabou. On l’enfreint sans même le savoir. La frontière est invisible et on l’enjambe ainsi dans une sorte d’insouciance. Les raisons que l'on se donne pour la franchir ne sont que des raisons assez banales quand on y repense des années plus tard. Vouloir faire des photographies d’art, vouloir faire des photographies de mode, de guerres, d’instruments de musique. Effectuer ainsi grâce à ces raisons que l’on se donne tout un parcours en regardant au travers d’un viseur. La cible ne cesse de bouger. Pas celle devant l’objectif. Celle qui se cache au fond de soi. Posséder un don, réussir de merveilleux clichés, la belle affaire au final. Ce serait même un handicap. Puisque à l’appui des félicitations, des encouragements des bravos, on peut s’imaginer avoir atteint au but. En faire même un métier. Vivre heureux, s’en réjouir. Une certaine ignorance est souvent salutaire. Le fameux n’a pas su n’a pas souffert D’ailleurs ne dit-on pas saisir sa chance. Le mythe du photographe, le mythe du peintre, le mythe de l’artiste. On ne retient habituellement dans l’imaginaire collectif que ceux qui ont réussi à renoncer à s’installer dans le confort qu’octroie le fait de saisir sa chance. Ceux qui n ’ont pas voulu se contenter d’elle. Qui ont désiré se rendre au delà de cette chance, dans ce qui fait peur à tous, l’inconnu. Aujourd’hui la chance est devenue une peau de chagrin. Avoir un CDI. Nouvelle ère, nouveau graal. Ne serait-ce pas complètement fou de vouloir souhaiter autre chose. D’y renoncer une fois l’objectif atteint. Cette valeur perçue de l’objectif atteint bizarrement n’est jamais la valeur personnelle qu’on lui accorde. Tout la contredit cette valeur attribuée par le collectif. Et, c'est d’ailleurs souvent en raison de cette contradiction que l’on capitule. Que l’on finit par se raisonner. Un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras Et pour nourrir la pensée magique, le tiercé et le loto. Vaguement les tombolas des kermesses de village. Je ne sais pas ce qui m’a le plus fait réagir et qui a provoqué cette décision de démissionner de ce poste de prof. Un ensemble de signaux enfin visibles ou audibles probablement. J’essaie de reconstituer la scène, de ralentir le temps, presque de le rendre immobile afin de me déplacer silencieusement entre les différentes raisons posées là, figées désormais comme des statues antiques. Je m’approche pour examiner leurs socles à chacune. Je ne peux que constater leur aspect friable. Comme pour mieux m’aider à comprendre combien les raisons sont bâties sur cette fragilité elle-même. Que ce que l'on ne peut plus ignorer c’est la violence qui se dissimule derrière cette fragilité des raisons. Aussi s’arrêter à cette violence serait irrespectueux envers cette perception, la rendrait bâclée, incomplète si aussitôt le mot sacréne l’accompagnait pas. L’invention du sacré pour tenter de juguler la violence. C’est de ce cuir que l’on fabrique les œillères autant que brides et rênes. Comme une image que l’on voudrait toujours superposer par dessus une autre. À quelle fin, si ce n’était pas pour les voir s’effondrer ensemble, une fois réunies correctement. La fameuse dissipation attendue du brouillard. Repas organisé par l’association. Des dizaines de personnes, des bénévoles pour la plupart. Une vaste terrasse éclairée par des lumignons au crépuscule. Brouhaha. J’arrive ainsi sur le seuil du restaurant et je m’arrête net. Je ne connais presque personne. Je fuis toutes les réunions d’ordinaire. Ce soir je m’étais dit fais un effort. Quelques échanges avec ce type autrefois ingénieur, désormais prof d’informatique. Il se parle à lui-même. Cet autre œnologue une fois par mois qui est assis à ma droite. Je n’y connais rien en vin, je ne sais que reconnaître quand il n’est pas bon. Mais, je fais un effort là aussi de m’intéresser. À gauche des femmes qui font du yoga. Elles m’ignorent une grande partie du repas, et c’est assez confortable. Puis chacun se lève, se présente à l’assemblée. Certains volubiles et loquaces, parole soutenue par une reconnaissance de nombreuses années de compagnonnage. Applaudissements. Vient mon tour, je dis peu, le strict minimum puis me rassois. C’est suite à cela que les femmes yogis s’intéressent à moi soudain. Elles voudraient en savoir plus. Je renvoie la balle en les questionnant, les bombardant de questions quant à leur pratique. Technique imparable que celle de s’intéresser à l’autre pour qu’il nous oublie. Au final le goût trop sucré de l’entremet, l’acidité du mousseux, le refroidissement subit de l’air tout autour, et cette impression de déjà vu, celle de l’ennui qui envahit toute la scène. Tous ces gens comme des naufragés tentant de s’accrocher à quelque chose, leur verre leur fourchette, leur couteau, leur voisin de table, paroles ou rire un peu trop forts. Content d’en avoir terminé je n’ai pas demandé mon reste. Une sensation toute à fait aiguë, de mon étrangeté comme de l’incongruité de ma présence ici. Comme si il fallait que je passe par tout ça pour me rendre enfin compte que je n’avais rien à faire ici. Que je m’étais trompé de chemin. Depuis cette sensation ne m’a plus quitté. Elle continue à se répandre à la fois en moi et tout autour. Finalement je finis presque par accepter qu’elle est l’objectif la dernière poupée russe, je veux dire le sens trouvé d’un mot qui depuis toujours me taraude.|couper{180}

L'objectif