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Défi et spectacle

Confusion de visages. P.Blanchon 2022 Il faut bien faire quelque chose. Produire. Et trouver un certain nombre d’astuces pour se motiver. Le défi comme source de motivation. Ne fonctionne jamais mieux que lorsqu’il est proféré publiquement. Très difficile de se lancer un défi à soi-même, sans passer par une médiation de la foule. Cela fait partie du spectacle. Puisque désormais il est à supposer qu’un défi lancé de soi-même à soi-même n’est qu’une version individualisée, une portion fractale de ce spectacle. En prendre conscience. Puis trouver la parade. Jouer avec les codes. Se lancer des défis inutiles. Des défis qui ne produisent que le simple mécanisme dissimulé sous le mot. Se donner en spectacle comme on se jette dans la gueule du loup, dans la fosse aux lions, mais on ne projette dans tout cela qu’un personnage, un fantôme, un mort. Les mâchoires muées par l’avidité claquent dans le vide, n’ont rien à se mettre sous la dent. Parvenir ainsi, par le défi à rendre étrange le défi lui-même et le spectacle qu’il produit. Cela passe la plupart du temps par le ridicule, le risible, le grotesque, le monstrueux, c’est à dire quelque chose de presque semblable au spectacle, mais dont on ne peut cependant pas ajuster correctement, irréfutablement les contours.|couper{180}

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Aimer détester

Tricheur à l’as de carreau Georges de La Tour A ceux qui , bouches d’or, encensent sans cesse l’amour car il n’ont pas de coeur, détestables. Soyons franc. Aimer et détester sont des choix nés de l’expérience, vous dites intuition, mais rien ne tombe ainsi rôti des plus hauts ciels. Aimer et détester c’est humain vraiment. Osez être humain, ne cherchez pas à mimer l’ange. Pauvre ange. A des milliers d’années lumière de notre réalité. En ces temps de chien, où tout est inversé, détestez, détestez le plus souvent possible. Il n’y a qu’ainsi que vous sentirez battre un vrai coeur. Âmes perdues dans l’indolence, bercées par des comptines sans queue ni tête.|couper{180}

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Jeu d’enfant

Le double secret René Magritte. Tout au contraire de ce qu’il veut, l’enfant dit je veux vivre. Et les adultes autour battent des mains. Comme il a bien appris sa leçon. Comme nous sommes fiers, si fiers, ne serions-nous pas enfin rémunérés de nos efforts, sauvés. Car il n’y a guère autre chose qui compte vraiment n’est-ce pas que de toujours entendre ce que l’on désire entendre. Pour ensuite bâtir des murs, accrocher des pancartes, chien gentil ou chien méchant, un *Sam suffit* écrit avec application, en belles anglaises. Tout au contraire un jeu d’enfant se dit l’enfant.|couper{180}

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Boomerang

En pleine figure, le retour. Tout rire est une brûlure, un acide. Et il faut encore se mettre à genoux, remercier pour ça. Comment ça faire autrement, vous ne savez pas de quoi vous parlez. Ah vous êtes fringuante pleine de morgue. Mais oui comme c’est frais et divertissant. Sauf que non j’ai du mal à sourire, j’ai pris le boomerang en pleine gueule, regardez, regardez les dents, regardez cette peau avec toutes ces crevasses ces rides ces imperfections, ces poils qui me sortent des oreilles du nez de partout. Oh oui je sais, vous allez pousser le bouchon, vous allez vous mettre à m’aimer, à vouloir me sauver. Je connais tout ça par cœur sur le bout des doigts. Si je n’étais pas si peureux d’en prendre un autre dans la gueule, je ne te dirais qu’une seule chose, une chose tellement désespérée, une chose qui te fera bien rire tant et tant, et t’enfuir au loin, il faut l’espérer : Retire ta culotte.|couper{180}

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Dictature

Tout est dictature, l’humain n’est que ce mot. Se dicter, dicter aux autres. Quoi, ce n’est pas ainsi. Il n’y a que les enfants qui disent c’est autre chose. Le temps qu’ils comprennent et abdiquent. Presque tous abdiquent. Et ceux qui n’abdiquent pas s’enfonceront encore dans mille erreurs. Ils finiront aussi par abdiquer. On ne peut y échapper vraiment. Ces rares, très rares qui savent choisir leur maître, leur dictature, il faut soulever une pierre, une bouse, pour les trouver. Et souvent sous la pierre, la bouse, il n’y a rien.|couper{180}

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Perdu l’avis

Perdu ton avis, tu ne l’as plus trouvé. Perdu comme un assassin tue sous le soleil quelqu’un sans même savoir pourquoi. Autrefois, hier c’était ton avis, et tu disais souvent oh à mon avis. Perdu l’avis, au dessus du fleuve des volutes bleuâtre s’élèvent. C’est comme ça.|couper{180}

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Un vin trop fort

Mey étant versé dans une peinture de cour safavide, Ispahan du XVIIe siècle. Boire un vin trop fort entouré de crétins. C’est ajouter de la gêne à la gêne, alourdir ton fardeau. Pourquoi s’obstiner. Parce que tu sais que tu es un crétin comme tous les autres. Tu le sais tellement. Tu pourrais tant le savoir à réveiller le vieil orgueil. Heureusement le vin est fort, trop fort. Tu ne finiras pas ton verre. Pas d’ivresse ainsi.|couper{180}

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Plus près des morts

Cimetière juif de Prague. Plus près des morts que des vivants. Comme pour écouter mieux la chanson des vies. Avant que d’être mort et sourd et oubli. Être près des morts et les laisser entrer, s’épanouir, dans le vaste vide ponctué de sépultures. A leur guise. Ils sont plus vivants que les vivants les morts ainsi.|couper{180}

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Encore Pavese

Si tu as beaucoup lu autrefois tout ce sera évanouit. Tout ce désir de savoir, de posséder, d’exister, d’être autre que ce que tu es. Reste comme au fond d’un tamis quelques poussières encore. Tu clignes des yeux étonné les trouvant. Comment, toi Pavese. Alors que justement tu disais que jamais tu ne sombrerais dans cette faiblesse. Attribuer des yeux à la mort. Et puis te revient une ou deux choses, tu disais pantomime ce never more. Tu en riais même pour , bravache, croire échapper au mauvais œil, au mauvais sort Et aujourd’hui. Pavese. La mort viendra et elle aura ses yeux. Accepte.|couper{180}

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Ne cherche

Ne cherche rien que d’être ici ou là, sans quitter le point des yeux. Vision périphérique agrandit ainsi de jour en jour de nuit en nuit. Veille. Ne cherche rien. Trouve ici et là, l’air l’eau, le pain et crée ton propre vin. Enivre-toi le soir, enivre-toi le jour. Ne cherche. Trouve en ton lieu l’os et sois sa moelle.|couper{180}

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Nerf

Le curare agit localement sur les nerfs. Il agit sur les centres nerveux, et quand un nerf a été séparé des centres, il n'agit pas sur lui (Cl. Bernard, Notes, 1860, p.46).Les émotions s'accompagnent, comme chacun le sait, de modifications de la circulation du sang. Elles déterminent par l'intermédiaire des nerfs vasomoteurs la dilatation ou la contraction des petites artères (Carrel,L'Homme, 1935, p.170) Le cul rare. Un poison, non dit l’ermite. S’y faire peu à peu en vieillissant. Ne surtout pas essayer de se raccrocher aux branches. Jouer les pendus. Non abandonner aussi toute agitation due aux humeurs, glaires, morves et pituite dixit Émile Cioran qui en connaissait un rayon. Se libérer élégamment de ça aussi. Mourir dans l’apaisement juste après avoir élevé et libéré une saine Colère. Puis ne plus être qu’une branche sèche, une feuille sèche, en attente, sans l’attente, du petit vent Paraclet.|couper{180}

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Procéder.

Derviche avec un lion et un tigre, peinture Moghole v. 1650 Procès, procession, processus, procéder, procédure, procédurier, presque déjà posséder, possession, la justice, la loi et la propriété. Rien que dans le vieux des mots on sent tout ça qui était déjà là bien avant nous. Qu’on naisse, vienne au monde et se coule ainsi dans les mots est à la fois merveille et effroi, quand on y pense. Quand on y pense vraiment. Le peu qui reste de soi hors le vieux des mots pour entrevoir entre habitude et étrangeté. Que l’exercice d’un art puisse s’appuyer sur un processus, un procédé, on a déjà vu bien pire. Qu’un savoir-faire vous vienne avec l’étude, avec le temps, et alors. Procédez, procédez, et surtout bouclez- la, disaient jadis des maîtres sachant quoi dire à leurs élèves. L’ardillon des mots n’était pas de la gnognote. Pardi. Alors que de nos jours tout à chacun par enflure sait tout spontanément. La détestable façon. Le bavardage omniprésent. Du rien par tombereau, par palettes. La marchandisation, remplit la nuit tous les rayons des supérettes par magie, non, mais par de pauvres hères comme vous et moi à la solde, et tous les mauvais papiers de billevesées par des folliculaires azimutés. Des inepties à gogo. Un assommage quotidien et renouvelé. En règle. Deux procédés donc. Un processus à vide lié à la lie de consommer pour se remplir, bassesse totale d’exister ainsi. Un autre pour perdre la pensée, le jugement, le commentaire et être. Être sans autre. Tu procèdes ainsi par processus, procédé, t’y abandonnant, t’y perdant. Combien de temps, nul ne le sait. le procédé est un cercueil plus ou moins bien capitonné. Qu’on te plante un pieu à la place du cœur si dans mille ans tu te relèves d’entre les morts. Un souhait ardent. Tu auras procédé ainsi jusqu’au bout du bout. Tu seras enfin libre et voilà tout.|couper{180}

Procéder.