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La régularité n’est pas tout.
Quand le ridicule devient une évidence il y a toujours un moment où cette évidence replonge. La vie est un genre de cétacé qui a autant besoin de s'ébaubir d'air que d' abyssales apnées. La régularité est le leitmotiv depuis 2018. Genre de mat auquel on demande à tout l'équipage de nous ligoter pour accéder au rocher des sirènes. Orgueil évidemment que de vouloir remonter à la source du langage, à l'incohérence magistrale qui fonde tout langage. Mais la répétition, l'habitude, la régularité de pratiquer le chant des sirènes, de les voir chaque matin se jeter du haut de leurs rochers, fatigue énormément, et surtout replonge l'être dans son bain d'ennui congénital. Il faut du temps pour lutter contre les béquilles que l'on se donne. Pour avancer. Pour saisir que le rythme de la régularité est un rythme mineur enfoui dans un rythme beaucoup plus vaste dans lequel l'inaction est reine. Le rien faire dit aussi non agir cher aux bouddhistes n'est pas aisé à comprendre. On ne saurait l'attaquer de front sinon justement avec orgueil et vanité. Autant dire l'échec déjà compris dans la démarche frontale. Il faut sentir le vent de l'inaction se lever en soi et ne pas si opposer. Ainsi on pourrait contrebalancer la régularité par des périodes d'inactivités afin de créer un équilibre vraiment digne de ce nom. Ce ne sont pas des vacances, pas des congés, ce n'est même pas une simple pause. C'est un retour volontaire au trouble, à la boue, à la confusion. C'est à partir de là qu'on peut seulement établir une différence utile entre la lumière et l'ombre, non pas en tant qu'opposés mais associés. Ces périodes d'inaction comment les décrire. Elles ne se voient pas, elles ne sont pas visibles, peu démonstratives, c'est une tâche de fond. On continue sur la fréquence de la régularité mais on sent que quelque chose est en train de lâcher peu à peu, le cœur n'y est déjà plus, le sexe non plus, le désir en général tourne à vide. Ce ne sont que signes avant coureurs, que prémisses. Cependant on continue malgré tout. Peut-être qu'avec un peu plus d'honnêteté, un peu plus de courage, beaucoup moins de vanité ou d'orgueil, on pourrait s'arrêter plus vite et s'enfoncer aussitôt dans le trouble sitôt qu'il nait. Il me semble que la durée de celui-ci est directement lié à la manière dont on l'aborde. Il s'agit bel et bien d'une compétence que l'on peut acquérir comme n'importe quelle autre. C'est passer d'une inconscience à la conscience en deux mots. Saisir intuitivement que la régularité est un leurre, conscientiser cette perception, créer ensuite un système, puis l'expérimenter. Cela prend bien une vie voire plusieurs.|couper{180}
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Peinture et écriture deux espèces d’espaces.
Ernest PIGNON-ERNEST, Épidémies, Naples, sérigraphie, 1988-1995 Entre les notes le silence qui permet la musique. Entre les espaces le vide qui est aussi un espace. Tout n'est-il pas que de l'espace. D'espèces différentes. Et cette différence à quoi sera-t-elle due sinon à l'importance qu'on confère à ces espaces. Une importance liée au besoin nécessairement. Et les besoins changent avec le temps. D'ailleurs il faut être pauvre, une fois au moins, pour comprendre le besoin. Etre dans le besoin, jusqu'au cou. Réorganiser les priorités, le degré d'importance de chaque espace. Ou bien au contraire décloisonner totalement les parois virtuelles que nous installons par convention, faute de mieux , entre chacun de ces espaces, entre chacun de ces besoins, déboulonner la notion de priorité dans ce qu'elle ne correspond plus à ce que l'on éprouve ou ressent de l'espace, du besoin en général. Le va et vient entre deux espaces, mouvement de pendule entre la peinture et l'écriture. Comment l'ajuster pour enfin saisir à force de naviguer de l'une à l'autre, qu'il s'agit du même espace. Qu'il ne peut y avoir au bout du compte que cet espace commun. C'est à dire aucune cloison, aucun mur, aucune séparation. La peinture et l'écriture forteresse unique pour lutter contre quoi. A Aubervilliers 1990, oh le triste souvenir qui passe en habit noir, une bande de copains venait à l'appartement. Ils voulaient tous réussir dans quelque chose. L'un le cinéma, l'autre la photographie, un autre encore dans la vente de véhicules automobiles. Tous ces rêves étaient comme des espaces que nous mettions en commun dans de longues conversations dont seule l'intensité était importante le reste étant sans queue ni tête. L'important n'était pas la valeur de chacun, l'important n'était pas la véracité de leurs intentions, ni la probabilité de réussite ou d'échecs. L'important est souvent là où on ne s'y attend pas. Et toujours en méta position à contempler l'ensemble, je peux encore entendre leurs voix, je pourrais décrire les caractères de chacun tels qu'à l'époque je les dessinais déjà. Dans une solitude permanente, planqué derrière ma bonhommie et ma générosité de façade. Ils étaient une telle curiosité alors. Mais l'important n'est pas non plus cette curiosité. L'important est que déjà chacun parlait de sa solitude à haute voix en se projetant vers un but comme pour dire bon sang il faut un but sinon rien. Certains avaient plus de doutes que les autres. Des doutes sur la validité de ces buts et sur les raisons de les énoncer ainsi aux autres comme pour mieux s'en convaincre je suppose. Des années ont passé et jamais nous n'avons cherché à reprendre contact les uns avec les autres. Comme si tous étaient plus ou moins honteux ou méprisant envers cette période où la nécessité nous réunissait. Honteux, méprisant, déterminés à oublier. Sans doute à cause de l'illusion que l'on ne cesse d'entretenir de notre propre changement. Est-ce qu'on change vraiment ? Je ne le pense pas. En revanche des écailles tombent des yeux chaque année presque autant qu'en automne les feuilles tombent des arbres. Ce qui change c'est surtout la vision, on pense voir un peu plus clair au fur et à mesure où la presbytie, la myopie, l'astigmatisme arrivent à la rescousse de l'être pour qu'enfin il se retrouve qu'il se découvre, qu'il rejoigne l'os. Quand on ne dispose plus d'un capital qu'on pensait infini, on fait un peu plus attention à la façon dont on le dépense. Même la pauvreté est un capital, il faut le savoir. On voudrait tellement qu'il y ait de l'amour là où il n'y en a pas. Il n'y a guère que des contingences et on s'en offusque, voilà la raison souveraine de toutes ces billevesées qu'on nomme effrontément l'amour. Soudain si, pour une raison ou pour une autre, appelons ce genre de chose des raisons, quelque chose s'enraye, que le système de contingences s'écroule, alors apparaissent les vrais visages, encore que vrai et faux n'a pas vraiment d'importance dans cette affaire. Apparaissent des visages étrangers les uns aux autres. Et cette étrangeté entraine un trouble d'autant plus grand qu'on ne s'y attend pas. S'attendre au pire est une règle que j'ai eu depuis toujours, on n'est pas déçu de cette façon. Et quand le pire arrive ce n'est pas une victoire de la raison non plus, c'est un peu plus de lucidité et de tristesse, un vilain quai de gare sous la pluie la nuit, avant d'être emporté dans un train pour je ne sais où par la cruauté, l'humour, la nouveauté et forcément au bout cette étrange grâce qui ne nous loupe jamais et qui nous tombe dessus comme un manteau jeté par un saint quelconque du calendrier. Peindre et écrire ne forme qu'un seul espace mais par convention les séparer est l'usage. L'usage à quoi cela tient-il ? L'usage du monde, l'usage des choses, l'usage des êtres, l'usage de l'espace, tous ces usages dont je n'ai jamais su user en les traversant comme la lame d'un couteau de boucher traverse les chairs les muscles et fend les cartilages, les faisant choir dans la sciure les uns après les autres finement tranchés. Habile pinceau, habile plume, habile langue, habile jusqu'à en être dégouté. Mais parfaitement dégouté, ce qui n'est pas la même chose que dégouté en fuyant, en prenant les jambes à son cou, il faut être encore jeune pour pouvoir s'amuser d'un rien comme ça.|couper{180}
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Rêves d’espaces
Pallas Athéna , Klimt. Un rêve c'est peut-être ça, une façon de coller l'œil à la réalité, et de découvrir d'autres réalités si on reste ainsi un moment à regarder. Ce pouvoir de l'œil de tirer partie de l'extérieur pour tisser autant de réalités intérieures qu'on le souhaite ou le désire . Folie de la jeunesse certains disent. Et ils préviennent, longtemps à l'avance, dès le début. —Un jour tu verras que ce n'est pas comme ça. Etre vieux et se souvenir de ce genre de réflexion pousse l' angoisse. Et s'ils avaient raison. Et si tout l'héritage ne consistait que dans cette abdication prévue d'avance, programmée dans le un jour tu verras. Pourtant le rêve, cette intimité que l'on entretient la nuit, avec le monde semble si... vraie, juste, quel est le mot. Cependant on sent exactement dans le corps que plus on vieillit plus le réveil est difficile. Plus on vieillit moins on n'accorde d'importance à la réalité telle qu'on nous la présente. On n'en veut plus de cette réalité, elle ne nous sert à rien cette réalité. Alors on l'oublie. Alzheimer c'est peut-être ça. Une fatigue telle de la réalité serinée qu'on se sera seriné à soi-même. Et tout alors y passe, tous les espaces, tous les êtres, tous les souvenirs, tout est aspiré dans un vide. Le vide de l'oubli. Est-il si vide ou bien est-il occupé par des espaces que l'on ne peut plus partager, que l'on ne pense même plus à partager. Est-ce qu'on peut ainsi reprendre une image, appelons ça un souvenir, et accepter son aspect lacunaire. Tirer même partie de ses lacunes. Quelle image se présenterait spontanément ainsi en déclarant je suis une image incomplète et c'est une chance sache le que je le sois. Une chance pour toi si tu veux me peindre ou m'écrire. Alors qu'assez spontanément le reflexe serait de la laisser filer. Un rêve d'espaces aussi lié à ces images lacunaires, à leur incomplétude même qui forme un passage d'un espace à l'autre. Sous forme de paragraphes assez courts, n'ayant de lien visible les uns avec les autres que leur aspect lacunaire, que leur incomplétude. Ce qui aussitôt fait revenir à cet engouement de 2020-2021 pour les écrits de Jankélévitch, l'histoire de ces deux juifs qui s'interrogent chacun sur leurs destinations. Kiev. —Où donc vas-tu ? — A Kiev. — Tu as quelque chose à y faire ? — Non. En 1988 on m'avait demandé si j'accepterais de prêter quelques jours mes carnets. J'imagine que c'était pour les feuilleter. Impossible de les lire tous il y en avait une bonne quinzaine. L'ami photographe qui m'avait demandé ça était autiste Asperger. A l'époque je l'ignorais. L'eussé-je su cela n'aurait pas changé beaucoup de choses à notre relation. Nous vivions comme des rats, lui à Simplon pas loin un petit appartement, moi à Château-Rouge, petit hôtel avec confort pour une fois. Mais des cafards en veux tu en voilà. Il y avait une épicerie africaine juste en dessous. C'était la cause probable de la vermine avait déclaré la concierge. Je ne me souviens que de peu de choses. Mais ça je me souviens . Prêter mes carnets, c'était encore jouer à Ulysse, prendre le risque de tout perdre. Mais je sentais qu'il fallait le faire à cet instant. Et que m'avait il dit cet ami me les rendant ces carnets. Mais ça avait l'air de l'avoir enthousiasmé. Il allait faire pareil. Le fait de noter deux trois trucs au jour le jour l'avait ébloui, c'est le mot. C'est en lisant l'aspect apparemment décousu de mes petits paragraphes qu'il y voyait un lien avec la photographie. C'était flatteur. Mais pas que. C'était la perception de la vie qui nous entoure. On pouvait donner une forme au bordel. Et à l'occasion peut-être même un sens. Et à l'occasion comprendre que le bordel est un ordre incompris. Incompris par qui, par tout le monde certainement. Parce qu'on n'a pas le temps de s'occuper à trouver un sens au bordel quand on passe toute la sainte journée à le fabriquer. Voilà donc une image et un paragraphe. Avec des lacunes. Et c'est venu comme ça spontanément, sans réfléchir à un ordre quelconque des mots, des idées, c'est sorti du front tout armé comme Athéna voilà. Une incarnation de la sagesse armée de pied en cape. Et on comprend mieux aussi pourquoi il faut qu'elle soit armée quand on est vieux comme je me sens vieux. Pour pourfendre le détail pénible, les digressions qui ne servent qu'à s'embrouiller tout seul dans sa mémoire ou son oubli. Sa propre mémoire et son propre oubli. Et surtout s'y complaire parfois quand on rêvasse. Sauf que là il s'agit d'écrire ce n'est pas la même chose.|couper{180}
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Le monumental
Dessin d’enfant à l’atelier Agrandir un dessin d’enfant énormément, l’amener à l’échelle monumentale, dans le champs du spectacle. On verrait. Une connerie même monumentale en revanche reste une connerie.|couper{180}
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Le simple est trop simple.
Fabienne Verdier. Trop simple, ne pas en avoir peur. Proposer des exercices pour mettre en doute cette impression de trop simple. Dessiner un cercle, un simple trait… simple, mais bien sûr. À quelle distance du simple êtes vous vraiment ? Quel écart creusez-vous immédiatement dès que vous entendez, lorsque vous prononcez en vous ce mot… tout est dans cet écart, tout l’art d’aujourd’hui. Il suffit de remplacer simple par n’importe quel autre mot, de considérer l’écart, le on dit, la rumeur, puis de faire silence pour tenter d’écrire-agir sa propre définition.|couper{180}
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Satiété
Combas Aller au bout d’un désir, d’une envie, d’une lubie est sans doute la meilleure façon de s’en débarrasser. Si l’on considère que le désir encombre. Si l’on découvre cette vulnérabilité en soi de ne pas posséder la patience nécessaire à entretenir celui-ci. Si on éprouve de façon insupportable son appel permanent, l’obsession, la hantise d’un tel désir. Si on détecte, imagine ou éprouve l’effroi du vide qu’est en train d’occuper ce désir. Même si on sait que le désir, celui-là précisément n’est rien d’autre qu’une des nombreuses têtes de l’hydre, et qu’il ne sert à rien de la couper, puisqu’aussitôt deux nouvelles têtes du monstre repousseront. A moins de cautériser la plaie béante à l’aide du feu. On ne peut y parvenir seul, même les héros se trouvent parfois démunis, et il faudra un geste de la Providence pour trouver l’allié pyromane, et tant qu’à faire, en adéquation avec le moment présent. Même sachant, aller jusqu’au bout, et à l’aide de la répétition, résumer la traque en un seul mot : la curiosité. Mot qui presque aussitôt rappelle en nous la faute, le péché, la culpabilité. Jusqu’à parvenir à la forme la plus authentique du dégoût, nommée paradoxalement la satiété. Un désolé je ne peux plus poli et distancié. C’est durant l’écoute d’une émission de France Culture, un entretien avec le peintre Claude Viallat, et concomitamment l’achèvement d’un marathon de 40 jours d’écriture quotidienne que le dégoût s’est transformé en satiété. Trop plein et trop vide se confondant l’un et l’autre. En résulte une incompréhension totale de la volonté d’éparpillement. Volonté si farouche si récurrente, si répétitive qu’on finit par la considérer comme un outil. Une chose nous appartenant, une identité. Le désir de s’éparpiller, présence de l’hydre et confusion totale avec celle-ci et soi sans même en prendre conscience. Pour bien enfoncer le clou le hasard des propositions de Youtube fait suivre une visite de l’atelier de Combas qui monologue complètement speed durant 30 minutes insupportables. Mais supportées par curiosité. Deux peintres, le même désir de peindre, mais deux approches fondamentalement différentes dont la mesure est leur approche du désir et du hasard. Peut-être une relation de pouvoir encore une fois. L’un s’en remet au hasard et l’étudie avec circonspection, l’autre semble possédé par celui-ci alors qu’il imagine le posséder. Deux egos qui abordent la peinture l’un par une intention la plus minimaliste qu’il peut, cette forme d’éponge ou de haricot chez Viallat et l’accumulation des formes, l’exagération formes et couleurs chez Combas. Deux façons apparemment différentes d’aborder le problème de l’espace. Les deux le remplissent cependant. Leur unique point commun s’il faut en trouver un. Leur travail et le mien, imbriqués. Facile de passer de l’un à l’autre techniquement en utilisant tout autant le hasard. Plus attiré en ce moment par celui de Viallat car plus aride. Moins séduisant. Le dégoût de la séduction, une satiété aussi finalement. . Illustration image mise en avant Claude Viallat|couper{180}
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Éros et Thanatos.
Ce que c’est que la vie, ce que c’est on le sait, la vie c’est si, la vie c’est ça, des milliards de poulets sans tête, et du grain qui,de temps en temps, fait pousser des ailes. Du grain à moudre pour des poulets sans tête. Kestafé,tufékoi,keskilouellefé, patati, patata… faut que ça s’aime oh oui que ça saigne. Et du grain. Surtout le grain. Mais pas de folie non. Marcher à pas mesurés en dodelinant du cou de façon savante surtout. Gratter le sol c’est signe d’orage. Ce que c’est que la vie des poulets sans tête. Si au moins ils se reniflaient un peu le derrière, ça ne se fait pas non non surtout quand n’a pas de bec oyé. Acheter un bec de poulet, neuf ou d’occase, livraison en 24h gratis. encore faut-il avoir du grain à perdre. Prenons le point de vue de la mort. Et un tractopelle. Fonçons dans le tas. Une hécatombe magistrale. Oh paix et silence soudain. Oh les beaux jours que ce serait. Faire l’œuf revenir aux origines, mais ne surtout pas recommencer. Jamais !|couper{180}
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Fixer le feu
J’entends cette expression, le transistor posé sur la table de la cour, près de la passoire et du saladier où l’on a découpé les fruits. En Gironde les pompiers sont parvenus à fixer le feu. Bien sûr le feu. On peut imaginer qu’il soit fixé, arrêté à un endroit, ce qui procure une illusion de soulagement. Mais dans un envers de cet endroit rien n’est moins sûr. Le feu est un mouvement lui aussi. Il ne semble s’interrompre que pour mieux reprendre des forces, à tout dévorer, griller, mijoter sur son passage. C’est un être feu, un esprit feu. Rien ne peut l’arrêter, on ne peut qu’imaginer le fixer, l’immobiliser mais c’est forcément temporaire. D’ailleurs cette temporalité du feu, qui naît un peu partout et qu’on tente de fixer. Ces incendies. Prouve qu’une temporalité, celle dans laquelle nous vivons par défaut est arbitraire, linéaire. L’aspect cyclique des feux, l’aspect cyclique des efforts pour les fixer, redonne au temps un petit air familier. Comme un vieil ami qu’on retrouve des années après et qu’on reconnaît tout doucement.|couper{180}
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La fin des 40 jours
Et bien voilà, c’est terminé, les 40 jours d’écriture quotidienne sur la ville. C’est terminé comme nombre de choses se terminent, comme une cigarette par exemple. Cela n’empêche pas d’en rallumer une nouvelle. C’est aussi une drogue. L’écriture. Un livre se termine probablement un peu comme ça aussi. On en commence un autre. Du moins ça doit ressembler à ce qu’on se dit. Un livre. Comme une ponctuation de quelque chose qui n’en nécessite pas vraiment sauf si… sauf si on doit montrer, prouver, gagner sa vie. Sinon les textes ont-ils besoin d’être rassemblés ainsi, avec internet désormais, pas vraiment sauf si… Une tristesse certainement comme on arrive au sommet d’une montagne, une tristesse car on comprend que cette montagne là n’était pas la montagne, qu’elle, la montagne est toujours à venir. Et que même là dans cet avenir elle nous échappera inexorablement. Une tristesse donc. Mais douce à la fin quand le refus retombe. Quand la douceur remplit l’espace. Quand le ramollissement général, est un élément issu de la digestion, un processus chimique, qui demande un peu de patience avant d’être évacué. Une tristesse aussi comme une borne avant la fin d’un chemin qu’on a peine à quitter. Une borne, un petit amas de cailloux, un petit monument intime, voilà cette tristesse. Et elle berce. On s’y accroche et elle berce. On est dans une oscillation. Comme assis sur une balançoire, et on s’y laisse aller le corps et l’âme. Appelons ça l’âme faute de mieux. Trop tôt encore pour effectuer un « bilan ». Pour y penser. En tous cas c’est un mouvement, l’image d’un mouvement sera à conserver. Qu’il donne l’impression de s’arrêter c’est certainement ce que produit aussi le mouvement comme l’écriture, des pauses, des silences, sans quoi on n’entendrait pas la musique. En attendant, un vide, une belle béance. On pourrait dire aussi un contenant vidé. Un vase, un pot, une marmite. Prêts à être à nouveau remplis. Mais ça se remplit sans qu’on y soit pour grand chose. Ça se vide et ça se remplit comme des poumons. Peut-être qu’on fume pour ça aussi, pour sentir toute cette fumée comme un marqueur entre le vide et le plein|couper{180}
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De Guy Debord à Carlos Castaneda.
Guy Debord Étrange parcours ce matin dans la fraîcheur du matin. Comme un ressort qui se détend lentement, sans hâte, un relâchement lent et mou. Ça commence avec Guy Debord, plusieurs vidéos regardées sur YouTube, en attendant le réveil de la petite fille qui dort dans la bibliothèque, installée en chambre à coucher pour quelques jours. C’est toujours quand c’est difficile d’accès qu’on éprouve l’impérieuse envie. Donc des vidéos, retour au situationnisme, à la société du spectacle. Puis, quelques cigarettes plus tard la sensation d’une prophétie réalisée et comme une urgence à nouveau de trouver une solution. La vieille urgence, celle qui ne cesse de tenailler depuis des années et qui t’envoie de mur en mur tête la première. Pour quel résultat ? Quelques tableaux et quelques textes, du spectacle comme tout le reste finalement. C’est qu’il va se loger si profondément en soi ce spectacle, qu’il faudrait trouver des forceps pour parvenir à s’en extirper. Et même cette extraction, ce fantasme, n’est ce pas encore du spectacle que l’on désirerait s’offrir à soi-même. Puis un moment entre chien et loup, ce moment où l’on éteint la lumière de la cour pour mieux pouvoir le contempler l’éprouver, la lumière de l’aube qui nettoie tout doucement la nuit et fait douter qu’elle puisse s’achever aussi facilement. Et on se met à penser au rêve bien sûr, aux rêves dans les rêves comme un labyrinthe, le fameux labyrinthe éducatif de Debord. Fermer les yeux et quoi voir, de quoi se souvenir avoir vu pour s’en défaire, et aussitôt ce sont des mains qui surgissent. Étranges ces mains dont on ne sait plus vraiment à qui elles appartiennent. Peut-être ne sont elles que des mains, et qu’il ne sert à rien de vouloir leur attribuer un visage. Et bien sûr le petit bouquin revient aussi sec à la mémoire, voir, de Carlos Castaneda. Les vieux engouements, une honte très agréable à revenir dans ces souvenirs de lecture, qui a l’époque dans les années 80 balisaient la fuite. Castaneda… et presque aussitôt les mains disparaissent, on ouvre les yeux, on aperçoit le paquet de tabac, on s’en roule une, et le regard s’arrête sur ce geste automatique. Debord, Castaneda, la cigarette… et un sentiment de colère qui monte, colère et amertume, une violente tristesse. Carlos Castaneda planqué dans Octavio …|couper{180}
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L’argent
Qui a t’il de plus important que l’argent. On ne peut faire un pas sans qu’il en soit question plus ou moins directement. Des gens s’aiment et se détestent au travers lui. Des gens se prosternent, se prostituent, s’avilissent, sont souvent prêts à de multiples renoncements et bassesses pour obtenir de l’argent. Combien cela coûte t’il combien vendez-vous,combien voulez -vous, en avez vous suffisamment, votre compte est -il approvisionné, un crédit doit être remboursé, vous avez dépassé votre découvert autorisé, veuillez contacter votre conseiller. Le pouvoir d’achat est lié à l’argent. On a de l’argent on imagine posséder du pouvoir. Pour acheter. Pour employer. On appelle les employés ainsi, contre de l’argent on peut employer à peu près n’importe qui et s’acheter n’importe quoi. Être fauché comme les blés c’est ce qu’on récolte quand n’a plus d’argent. On peut alors demander de l’aide, on peut demander, pas sur que ça serve à grand chose. On ne prête qu’aux riches. que d’imagination lié désormais à l’argent. Sauf qu’on en voit de moins en moins, soit il nous aura filé entre les doigts après nous les avoir brûlés, soit il aura été jeté par les fenêtres ou parti en fumée. On voit de moins en moins l’argent pour de vrai il est devenu une abstraction, cartes de paiement, bleu, visa, golf, Mastercard, les substantifs les adjectifs sont criant. Paiement sans contact, on ne palpe plus rien, on ne touche pas au grisbi, on envoie un chèque, un virement, on est prélevé de tout un tas d’abonnements. Sinon on paie aussi des charges, des cotisations, des intérêts, des frais de retard, et si ce n’est pas réglé dans les temps, relances, mises en demeures, contrainte par huissier, main courante et main mise directement. Tous ces termes, cette langue directement issue de l’argent. Quelle imagination aussi. Balzac payé à la ligne ne tarissait pas d’exemples d’anecdotes, d’histoires sordides ou croustillantes à propos de l’argent, de ceux qui en ont , ceux qui en veulent, le désirent, et souffrent la mort de ne pas en avoir ou de n’en avoir jamais assez. L’argent le bain révélateur d’une société.|couper{180}
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Coup de boutoir
Côte ouest de l’île des morts, Dali. Il ne s’agirait pas d’un coup de boutoir frontal. Le courage et la force bien qu’ayant un certain rôle à jouer ne serviraient qu’à faire surgir le mur aussitôt. Et forcément on s’y casserait les dents, et les bois. L’enjeu n’est pas la reproduction. Mais plutôt d’inspirer de nouvelles approches, sous forme d’escarmouches, une guérilla tranquille, et au travers desquelles l’ennemi nous considérerait inoffensif. Le ridicule pourrait être une consigne, ou tout du moins un mode. Mais un ridicule contenu, un ridicule qui ne s’exhibe pas, une étrangeté, proche de l’étrangeté qu’offre l’hermétisme, un peu ésotérique sur les bords pour laisser suffisamment de flou aux voyeurs. Dali dans une mesure. Dali se déclarant comme étant le dernier peintre de la Renaissance avec un aplomb qui fait rire. Qui fait rire en premier lieu avant qu’un gouffre s’ouvre sous nos pieds, en saisissant vaguement, derrière l’apparente absurdité de son dit, quelque chose d’irréductible. il y a l’habileté, très proche du fantasme de perfection, sur chaque toile on peut s’en approcher pour le constater. À la fois avec plaisir mais une fois celui-ci évanoui, que conservons-nous du plaisir sinon un peu, parfois même beaucoup , d’effroi. Le lien aussitôt établi avec la grande peinture, s’effiloche pour finalement se retrouvé tranché par la bizarrerie des sujets déployés. Ceux là même qui touchent à cette partie de nous qui nous semble plus vraie que vraie. C’est à dire l’univers onirique, que nous plaçons généralement au fond des nuits, à sa place attitrée, qui ne serait pas sensée intervenir dans l’univers quotidien. L’apparition d’une toile de Dali ébranle par sa proximité avec la perfection tout en restant installée dans le monde des rêves et par ce fait nous fait douter à la fois de ce que nous nommons rêve et réalité. Voici un coup de boutoir latéral. Vieux style comme dirait Winnie dans oh les beaux jours de Beckett.|couper{180}