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La mort comme seule autorité
C’est drôle, ça a l’air vivant mais juste par autorité. Et si on remonte le fleuve en amont on ne verra que ruines, que terres noires et cendres. C’est que la source ne se laisse pas retrouver d’une façon aisée, sans vaincre l’empêchement des sens on ne peut y accéder. Puis enfin on la trouve, c’est un corps déposé au haut d’un arbre, mort lui aussi. C’est d’ici que coule dans la vallée l’autorité. Sans ce paquet d’ossements , aucune fleur n’a la force de s’ouvrir. Aucun chien ne jappe de joie, aucun oiseau ne s’en remet aux vents. Aucun homme ne jouit de la liberté de se mentir.|couper{180}
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Autorité
L’autorité dans le domaine de l’écriture. Agaçante si elle n’est pas précédée d’un pouvoir. Pouvoir qui n’est lié qu’à la reconnaissance par autrui d’un fait : celui d’augmenter une connaissance, suite à un examen favorable des oiseaux. C’est pourquoi les chamans sont revêtus d’une autorité naturelle. Certains écrivains également. Et bien sûr tous les poètes. Puis arrive un moment dans la vie où cette autorité n’a plus besoin de médiation. Où le chaman, l’écrivain, le poète se confond en celle-ci totalement, y disparaissant. Le risque est présent lorsqu’il n’y disparaît pas totalement. Lorsqu’il cherche encore à s’accrocher à quelque chose qui n’est qu’une illusion. Peut-être cette illusion de vouloir encore vivre quand on est mort. C’est le flou d’une visée télé métrique, vite oublié lorsque la mise au point est réalisée. Revenir au flou tant que le doute sur cette précision perdure.|couper{180}
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Compressions
Cesar compression. Ce dont on se souvient, le peu, des livres, des personnes, des événements. Compresser le peu, l’approcher du rien. S’exercer à la compression. #Quelques livres. (extrait) Don Quichotte en vrac : image de Picasso, roman de Cervantes, triste figure chevaleresque, Dulcinée de Tobosco, inaccessible étoile, Tarkovsky, l’image d’un homme qui abat une forêt pour se frayer un chemin vers une étoile, Sancho Pansa, Rossinante et moulins à vent. Espagne. Prison. Un peu semblable à la prison où Sade écrit. Deux tomes dont on ne lit généralement qu’un seul, le premier. Faut-il donc toujours se sentir en prison pour écrire des chef d’œuvres. Le piège de penser que l’enfermement est le signe avant-coureur d’un génie à venir. L’Odyssée : plusieurs lectures contradictoires. J’ai adoré enfant, adoré adulte, détesté ensuite passant le cap de la cinquantaine. L’homme moderne, la ruse, l’arrogance, et cette amitié louche avec Athena qui vient toujours à sa rescousse. Histoire écrite par un aveugle. Construite forcément à partir du ressentiment éprouvé de n’y voir goutte. Les Rougon-Maquart , une mythologie valant bien celle d’Homère. Sous une pellicule de naturalisme. La comédie Humaine. Découverte après coup que ce qui fait rire à une époque ne le fait plus du tout à une autre. Que le rire est aussi ce qui caractérise sans doute le mieux les époques, sauf qu’on est empêché d’y avoir accès pleinement. On ne peut que supputer l’humour d’une époque. Une tombe au cimetière du Père Lachaise, croisée des dizaines de fois, perdue au milieu des autres. La Tora. Beaucoup trop de commentaires. Mais utile pour en finir à terme avec l’illusion de penser. La bible, beaucoup trop de commandements dans la première partie, et bien trop de billevesées dans la seconde. Outil pour gouverner les foules aveugles. Outil efficace. Efficace aussi pour en finir avec la pensée, mais trop de méandres sous couvert de simplicité. Fait croire à des choses cachées qui ne sont en fait qu’une longue suite d’évidences. Le bol et le bâton. Suite de textes traditionnels bouddhistes recueillies par un maître zen. Fait sourire, mais pas que. Vide beaucoup d’illusions concernant l’illumination, l’éveil. Plus vraiment nutritif une fois passé la cinquantaine. L’herbe du diable et la petite fumée. Vaut de longues et fastidieuses études de psychologie, sans le résultat désastreux habituel obtenu. Permet de mieux saisir l’espace, le lieu d’une humilité digne de ce nom. Permet aussi de saisir comment la fiction permet d’appréhender au plus près certaines vérités. N’inspire que très peu pour user des drogues. Apparition du concept de Grille de lecture. Parlez moi d’amour. Recueil de nouvelles. Désarçonne, puis éblouit. Ainsi donc la langue parlée est aussi écriture. Savoir écouter. Relations de couple. Le gouffre de l’insatisfaction chronique. Le refuge dans la médiocrité de vivre. Y reconstruire la beauté. Au delà des apparences. Une bonne chose de découvrir que le monde n’est qu’apparences. Une mauvaise de chercher à vouloir trouver ce que dissimule ces apparences si on n’est pas de taille à l’encaisser. On ne pose pas une question si on n’est pas prêt à écouter la réponse. […]|couper{180}
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Paragraphes sans titre.
La torture de Prométhée , peinture de Salvator Rosa (1646–1648). Entre les pensées l’espace est-il si vide, si effrayant. Et penser panserait-il les plaies laissées vives, les marques des monstres croisés, entre aperçus, au fond du rien. Que de tels monstres vivent en ce néant, qui sont-ils, d’où viennent-ils, que veulent-ils. Et s’ils n’étaient créés que par les pensées. Par la peur la rage de se trouver toujours anéantis. Murailles. Murs et cloisons qu’on élève. Issus des odeurs de ciment et de chaux. Ingratitude souveraine. Et s’ils n’étaient que flous reflets. Rejetons affolés de la peur, des effrois, prisonniers emmurés, fantômes et autres spectres, victimes d’une incarcération plus ou moins volontaire. Sauter une ligne, laisser un blanc, mais conserver l’idée du bloc, dépourvu d’alinéa. Et surtout ensuite chercher l’option pour tout justifier. Que le paragraphe s’aligne en lui-même. Surtout pas de lui-même. Qu’il crée ainsi un semblant de cohérence avec le précédent et le suivant. Vienne le jour, la nuit où rien ne sera plus innocent. Tout surgit soudain par bouffés, par flots, et on s’enfonce dans le sol, en quête de racines amies. On voudrait la consolation tout en sachant qu’on ne saura la mériter. Qu’on la conspuera. Paradoxe de vivre ainsi sa mort comme on écrit un paragraphe au sein du blanc, du vide. Une île. Force et fragilité des îles. D’île en île, naviguer, au travers la brume, on peut les deviner. Masses de mots qui surgissent. Leur imprécision vue d’ici est presque un baume. De ce lieu dans l’entre-deux. Calme irréel, inédit. Comme à mi distance entre ordre et chaos. Œil du cyclone. L’air d’Odin Le Borgne. Naviguer ainsi, errer, d’île en île, toujours animé par le désir et la crainte du naufrage. Infecte toute puissance. Merveilleuse illusion d’omniscience. Le naufrage désiré, le pire ne serait-il pas de s’installer dans une de ces îles. S’enrouler progressivement dans le cocon tissé d’une invisible araignée, l’évidence, dissimulée dans cette quiétude visée. Visée par qui, par quoi, et dans quel but sinon la tuer. Sans relâche et fausse trêve en finir avec elle. Des paragraphes à l’aspect tranquille, qui filent à la vitesse des balles, dans un silence, une indifférence, étourdissant. Le meurtre du monstre enfin comme un soulagement. Courte durée, écoute-le glapir. Le cœur se serre de le savoir d’avance et d’effectuer le geste. Cœur d’artichaut, larmes de crocodile. L’inéluctable meurtre qui rend inéluctable le texte. Et l’humain dans sa défaite , de se nourrir, se repaître de son humanité, garde-manger inépuisable. Vautour et demi-dieu, mêlée de plumes et d’os. Pourtant la plage est là, agréable tout ce sable fin. De le fouler au pied procure du plaisir. Incontestable plaisir. On ne sait qui marche ici dans le bruit des ressacs. C’est un être sans nom, sans titre, il n’est ni plus ni moins plus qu’une suite de paragraphes , un simple texte écrit par n’importe qui.|couper{180}
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L’histoire de la pomme de terre
Excellent, à recommander ! Un jour un type fera un roman en racontant comment il épluche une pomme de terre. Intéressant non. Que ceux qui ne trouvent pas l’idée séduisante retournent sur Netflix, au bistrot, aux putes, ou n’importe où, ailleurs qu’ici. À ceux qui te disent qu’une bonne histoire a toujours un début, un milieu, une fin — réponds qu’une bonne histoire est une pomme de terre, et que c’est toi qui l’épluches. Qu’est-ce que le début, le milieu et la fin d’une pomme de terre ? Un jour viendra qu’un type saura faire un bouquin de ça. « OUTILS DU ROMAN (LE CREATIVE WRITING À L’AMÉRICAINE) « Tiers livre éditions, traduction de François Bon d’après les dires de Malt Olbren J’ai reçu le bouquin il y a deux jours et ça fait déjà deux fois que je le relis. Un condensé d’illuminations. Et si proche de tout ce que je comprends de la peinture. Des anti commandements d’écrire valant comme autant d’anti commandements de peindre. J’imagine qu’un boulanger se mettant à écrire sur le pain ne ferait pas un autre genre de livre. Ou un plombier, ou , excusez d’y revenir, une péripatéticienne. Autant de métiers autant de voies apparemment diverses et variées. Mais une seule qui vaille. Toujours la même. Celle d’aller au plus près du réel fouiner dans notre propre vide. C’est tentant de s’y mettre. Écrire le roman d’un épluchage de pomme de terre. Très. En tous cas Malt Olbren et François Bon, cela fait au moins deux personnes intéressées par l’idée. Qu’il y en ait une troisième alléluia ! Ce qui ne signifie pas qu’intéressé soit synonyme de faire, évidemment. Autre idée : un roman sur ce type qui ne parvient pas à écrire son roman intitulé « éplucher une putain de pomme de terre ».|couper{180}
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Se réveiller trop tôt
Lorsque le désœuvrement bascule, s’approche d’une jouissance, d’ailleurs assez proche de la jouissance de la solitude, le corps est le garant d’un équilibre à retrouver. Se réveiller trop tôt, vers les trois heures du matin, pour jouir de ce désœuvrement est un signe avant coureur du déséquilibre qui s’est installé. Ruser avec la jouissance demande encore un nouvel abandon. Traîner une heure, deux, puis retourner à reculons, l’air de rien, vers le lit. Se dire qu’au point où on est parvenu, dormir ou pas n’a pas d’importance, être animal. On peut même pour se rassurer de la surprise, écouter un podcast avec seulement un écouteur dans l’oreille qui ne s’appuie pas sur l’oreiller. Qu’on ôtera d’un geste automatique dans le nouveau sommeil une fois proche du lieu qui nous emportera vers l’ailleurs.Alors le travail véritable commence, celui des rêves. Que de tableaux, que de textes admirables de sobriété, de mystère, tous basés sur le réel cette fois. Rêver du réel voilà un rêve digne de ce nom. Et les œuvres réalisées durant cette période, mettons entre cinq et neuf heures du matin, suffiront si on s’entraîne à s’en souvenir, pour reprendre confiance les jours de doute ou d’empêchement.|couper{180}
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Peindre un oignon
Peinture INDAR DRANCOURT Rien d’extraordinaire dans l’idée de peindre un oignon. D’ailleurs pourquoi le sujet serait-il extraordinaire. Le sujet est un oignon, il pourrait être tout autre chose ça ne changerait rien. J’ai fait l’expérience avec un radis, une tomate, un chou vert, de l’ail, je n’ai pas vraiment senti une différence fondamentale dans tout ça. Ce qu’on pourrait trouver de commun à toutes ces choses c’est qu’elles se mangent. C’est qu’elles appartiennent à l’univers de la cuisine, de la nourriture, on peut les apprécier diversement. Par le gout. Car bien sûr certains aiment les oignons tandis que d’autres les aiment moins mais là n’est pas le sujet. Pour peindre un oignon il vous faut un oignon. Si vous n’en avez pas vous serez tentés d’aller en trouver grâce à un moteur de recherches. Mais ils ne se mangent pas…j'insiste sur ce point qu'ils ne sont pas réels, donc préférez, si vous êtes décides, l'êtes-vous, pour trouver l'oignon, un marché un supermarché une épicerie de quartier. Il vous faudra l’acheter ou le voler. Il m’est déjà arrivé de voler un oignon pour le peindre. Mais je ne pense pas que cela change grand chose non plus au sujet. Là où je désire attirer aussi votre attention c’est que vous n’êtes pas les premiers à vouloir peindre un oignon, d’autres s’y sont déjà collés avec plus ou moins de réussite ou de bonheur. Peindre un oignon est une chose assez banale à priori dans une vie de peintre. Et d’ailleurs c’est si banal que de nombreuses personnes qui veulent apprendre à peindre, ceux qui débutent, ne pensent pas immédiatement à ce genre de sujet. Peindre un oignon ne les fait pas rêver. C’est une question importante qui est soulevée : faut-il rêver pour peindre, un oignon ou autre chose. Je ne le crois pas non plus. Au contraire il vaut mieux être éveillé et qui plus est avoir les yeux bien ouverts. Les yeux bien en face des trous comme disait Rembrandt à ses élèves ( avait-il lui le temps d'avoir des élèves). Plus vous peindrez des choses que vous considérez affreusement banal, mieux vous peindrez. Peignez les sans chichi, sans fioritures, sans sentiment. Peignez un putain d'oignon en la bouclant si possible. Est-ce possible. A vous de voir. Image mise en avant Peinture de Jacques Truphémus.|couper{180}
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Peindre dans la zone de la vérité.
PSD 111 Bram Van Velde Le geste de peindre s’il ne provient pas de cette zone d’où l’on sent qu’on approche une vérité, ce geste s’annule de lui-même dans un bavardage, une succession de pensées, c’est un geste qui n’a plus de force, plus de vie. Il peut donner le change aux badauds, on peut même gagner sa vie avec de tels gestes, mais ce n’est pas le geste de peindre. C’est autre chose qui participe plus du spectacle commun. Sans doute est-ce mieux de renoncer à ce type de geste spectaculaire quoiqu’il en coûte. Sans doute le geste juste nous en sera t’il « reconnaissant », on peut s’imaginer, mais peut-être, c’est presque certain, n’est-ce pas le bon mot, un geste comme celui là ne se soucie pas des mots. Se tenir face à la surface de la toile et se taire complètement. Si le geste en sort tant mieux, s’il n’en sort rien, pas grave. Revenir à nouveau et refaire. C’est peut-être grâce à cette ténacité de revenir en silence devant elle que la toile soudain s’ouvre. Et en s’ouvrant quelque chose de nous s’ouvre également. Un geste en peinture c’est comme une floraison soudaine. et il n’y a pas une cause, un responsable, c’est un concours de circonstances que le peintre cherche à reproduire comme il le peut, souvent mal d’ailleurs, mal pour ce que lui le peintre en pense, mais dans cette zone de vérité il n’y a ni mal ni bien, il y a juste le moment où la fleur s’ouvre ou pas. Il en va aussi d’un tas de gestes. Ou qui ressemble à ce type de geste. La lecture par exemple, nécessite le même type de lieu et d’espace, le même silence, si trop de choses s’agitent la lecture en est brouillée, ce qu’on en retire faussé. Autant refermer le livre. Aller marcher.|couper{180}
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La notion d’œuvre, le silo.
Le « Schweisser » (Le Soudeur) d’Yves Carrey, qui ne voit rien venir Comment se constitue en soi l'idée d'une œuvre ? Ce n'est surement pas un livre, pas un tableau, pas une seule pièce. Ce ne peut plus être aussi simple et naïf. C'est une réflexion qui ne s'effectue pas en amont de l'action non plus. Peut-être est-ce une liquidation. Une liquidation de soi-même avant toute autre chose. Cette intuition je l'avais eue très tôt mais elle était sans doute encore incompréhensible, vers 1980 déjà, vivre faussement était une véritable hantise. Toutes ces choses dans lesquelles on devait pénétrer comme on enfile un gant qui est trop grand ou trop étroit. Autant qu'il me souvienne, je pourrais même remonter à l'enfance, même constat. Une force s'oppose au mensonge. A ce que l'être spontanément considère être un mensonge. Le doute s'installe quand on constate que tout le monde vit dans ce mensonge et le nomme réalité, ou vérité, ou n'importe quoi qui permette de réunir le monde justement, selon une idée de justice dont on pourrait discuter, si les gens face à soi, justement, appréciaient d'en discuter, ce qu'ils refusent la plupart du temps. Cette surdité ce mutisme sont difficiles à comprendre, à accepter en tant que fait. Mais ce sont des faits, on ne discute pas les faits, et alors deux solutions s'offrent, soit de l'accepter comme une donnée incontournable de la réalité commune, soit de chercher à entendre, à écouter ce que tout le monde refuse d'entendre et d'écouter. Non pas pour en tirer un profit, un pouvoir, ce ne serait qu'une intention de surface, mais bien plus pour essayer de trouver de l'ordre dans le chaos, le mensonge, le silence qui nous choquent naturellement. Une œuvre alors, ce serait un puzzle immense qui débuterait dès le début. Tous les morceaux sont éparpillés dans le temps et l'espace et il convient de les retrouver en les considérant non comme des faits exceptionnels, des qualités voire des défauts, ni de les classer à la va-vite dans un genre, ou par thématique de façon à en finir momentanément avec le trouble que provoque leur réalité. Tout compte dans cette notion d'œuvre , non pour mettre en avant une personnalité, mais plutôt pour la réduire à néant. Pour la liquider. Ce serait cela le point de vue de l'auteur, de l'artiste et il le ferait durant une partie plus ou moins longue en toute inconscience. Comme si la force qui pousse à créer nécessitait toute la place, comme si elle désirait remplir peu à peu le vide que provoque les découvertes successives, laborieuses du créateur vis à vis de son propre vide. Un animal monstrueux qui dévore le vide à la vitesse de l'éclair. On pourrait l'appeler écriture, peinture, évidemment on pourrait l'appeler le diable ou tout autre chose qui vous passe par la tête. Il faut prendre conscience en premier lieu de ce vide que nous appelons je ou nous. Et évidemment c'est extrêmement difficile de l'accepter, de l'affronter, de lui donner son nom exact. Comment témoigner d'une telle aventure, pourquoi d'ailleurs vouloir en témoigner, peut-être justement parce qu'il y a quelque chose d'inhumain à chercher la liquidation alors que tout autour le monde entier tente d'accumuler. Inhumain dans le sens anormal. Ce qui offre un éclairage de cette norme dont on se tient à l'écart volontairement ou pas et qui au fur et à mesure que cet écart se creuse semble nous rapprocher de quelque chose qu'on pourrait nommer son fondement. Qui au bout du compte est à mon sens émouvant, émouvant tant cette norme est souvent dérisoire, pathétique. Et qui m'installe aussi dans la colère dans la rage lorsque souvent je comprends qu'on utilise cette norme pour exploiter, apeurer, contraindre, gouverner, et toujours pour un profit qui lui me semble parfaitement inhumain. voici donc un texte qui sort du vide, comme il peut, avec maladresse de plus en plus souvent. Cette fameuse maladresse, encore un écart à maintenir coute que coute. Il serait dangereux cependant de ne s'appuyer que sur celle-ci. Considérer que ce ne sont là que des brouillons, des notes, des billets sans véritable importance, que ce n'est pas l'œuvre, serait une erreur aussi. Cette histoire de l'œuvre à venir qui reste toujours plus ou moins collée au tympan, à l'oreille intérieure, elle ne sert sans doute qu'à cela, à produire des brouillons sans relâche qui seront sans doute plus intéressants qu'un livre digne de ce nom ou une peinture digne de ce nom. C'est une manière de non peindre, non écrire dont on ne peut plus à un certain moment ignorer la raison d'être. C'est parce qu'elle liquide, cette manière justement ; toute idée de norme inscrite jusqu'au fin fond de nous-même concernant le mot œuvre. Tout est là épars, dans un désordre entretenu farouchement depuis des années, textes, dessins, tableaux, esquisses et ébauches, c'est tout cela l'œuvre que je l'accepte ou pas me concernant, que j'en sois heureux ou pas, cela n'importe pas non plus. La liquidation doit bien aller jusqu'à cette notion de franchise profonde. Comprendre que l'on n'agit toujours que pour communauté et non pour un individu qu'on ne connait d'ailleurs pas, qu'on ne connaitra jamais, un mort du nom de John Doe, un genre de soldat inconnu. Le terme de silo dans plusieurs textes lus ces derniers jours, sa persistance, me fait revenir sur le silo de mon enfance, un silo à blé dans lequel nous jouions un camarade et moi. C'était le lieu de l'effroi et de la joie en même temps. Pour nous empêcher d'aller nager dans le grain et de nous y noyer le meunier avait inventé une histoire de monstre, un énorme crocodile qui vivait dans les profondeurs de ces montagnes molles et qui pouvait à tout moment nous attraper une jambe, un bras pour le dévorer. Cela rehaussait d'autant l'excitation et le plaisir du jeu. Ma vie toute entière ressemble en tous points à ce silo. J'imagine qu'il en est de même pour n'importe qui franchissant la soixantaine, rien d'original là-dedans. L'idée de matérialiser ce silo paradoxalement dans un lieu numérique me taraude depuis que je suis tombé à la renverse en découvrant l'immense profondeur, ses zones d'ombres, ses clartés aussi, le site du TIERSLVRE de François Bon. Je suis même allé par curiosité jusqu'à installer le même script sur un serveur local afin de comprendre comment le paramétrer. C'est que construire un site, doit avoir un lien avec ce fameux silo certainement. Il y a une âpreté salutaire, à utiliser un script que l'on ne connait pas, d'en découvrir progressivement tous les rouages, les possibilités, avec en plus un accès immédiat à une réalité indiscutable si je puis dire car soit le site fonctionne soit il ne fonctionne pas voilà tout. Ensuite le fait d'être dans l'obligation de créer des rubriques et au moins un article par rubrique afin de mettre en ligne le site oblige à être circonspect, à ne pas s'emballer imprudemment vers une mise en page qui deviendra vite incontrôlable, cf ce blog où je continue à écrire. Un nouveau script pour une nouvelle organisation afin d'établir un silo pour conserver le grain, le protéger de la pluie et des vents, tandis que le meunier continuerait tranquillement sa propre liquidation. L'idée est drôle, un peu ridicule surement c'est pour ça surement que je m'en vais l'adopter.|couper{180}
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Accrobranche, Bram Van Velde, Beckett, Heineken
Long trajet en voiture pour conduire les petits enfants à l’accrobranche de Peyrins. Hier nous avions fait le trajet pour rien car il pleuvait. Peu dormi durant la nuit. Mon épouse prend le volant et je mets les écouteurs pour écouter un entretien avec le peintre Bram Van Velde relaté par Charles Juliet. Je m’assoupis en les accompagnant vers Beckett. Puis l’arrivée sur les lieux. Parcours 1 à 5 complétés. Pique nique frugal, hot-dog à vomir. Ballade ensuite à Pont d’Isère pour retrouver des amis. D’autres enfants sont là, tout le monde à la piscine. Puis quelques conversations. Et à la fin le goût de la bière, une Heineken. Impression d’avoir peint comme un fou toute cette journée. L’envie affleure. Il faut encore attendre.|couper{180}
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Le truc et la méthode
Le truc c’est quoi, ce peut être ce que l'on voudra, peindre un tableau, écrire un bouquin, partir dans les iles Kerguelen, vouloir séduire la plus belle fille du monde, devenir roi des Emanglons, aller chercher son pain à l'autre bout de la ville, éplucher une pomme, lire tout Balzac, devenir un crack en maths, redécouvrir l'Arche perdue, apprendre le sanskrit. La liste serait encore longue mais trop fastidieuse à écrire ou à lire. Et d'ailleurs comme on l'a dit peu importe le truc. Le truc n'est pas grand chose, ou beaucoup de choses, selon le point de vue, selon l'idée que l'on s'en fera. En revanche une chose est certaine, c'est qu'il est bien plus difficile d'obtenir ce truc en se livrant totalement au hasard qu'avec une bonne méthode. Cela fait des millénaires que la quête de n'importe quel truc ne se fait plus au hasard, que les méthodes pullulent, parfois bonnes, parfois moins bonnes, d'autres fois encore absolument nulles et qui toutes se vantent de pouvoir vous mener au truc sans faillir. Le cent pour cent de réussite est souvent un argument décisif. C'est à dire que si vous lisez cette phrase sur l'emballage d'une méthode : cent pour cent de réussite, pour obtenir votre permis de conduire, par exemple, il ne vous viendrait pas à l'esprit de douter l'obtenir, si vous l'acheter cette méthode. Surtout si comme de plus en plus il se doit est ajouté le fameux :ou remboursé. Il est donc possible de créer une méthode pour tous les trucs. C’est plus cette méthode qui est intéressante, bien plus que n’importe quel truc. Parlons encore une fois du truc et ensuite basta. On ne parlera plus que de méthode. On fait tous des trucs. C’est un fait. Les faisons-nous bien, peut-être pas. Parfois nous les faisons bien, d’autre fois moins. pour quelle raisons, parce que nous n’avons pas de méthode ou alors notre méthode n’est pas bonne ne donne pas le résultat attendu. Ce qui n’empêche pas de la refaire, toujours la même, on espère qu’un jour ça marchera, on est têtu. Une bonne méthode est une méthode qui conduit au bon résultat, c’est à dire le truc, enfin le truc, hourra le truc ! C’est humain de vouloir faire un truc comme si on pensait être le premier, le seul, l’unique. Rien d'anormal à cela. Surtout chez les personnes seules, peu enclines à converser avec les autres. Les personnes qui sont parvenues par des chemins obscurs à préférer la solitude plutôt que la foule, ou tout simplement l’Autre. Ces personnes là sont tout à fait à leur aise pour inventer de nouveaux trucs surtout lorsqu'elles sont seules. L’erreur bien souvent, est que l’on pense être seul à faire un tel truc, et qu' il n’en faut pas beaucoup pour qu’on pense l’avoir inventé. Voici l’erreur. Et aussi comment un truc original à première vue devient banal sitôt qu’on passe à un regard autre, ou encore des regards qui ne sont pas étonnés, pas attirés, pas intéressés de revoir un truc qu’ils connaissent déjà. Pour pallier l’erreur, se renseigner un minimum sur le truc, c'est un postulat de base. Non pour se dire oh non zut c’est déjà fait j’abandonne, non, mais plutôt pour se dire comme c’est merveilleux que d’autres parlent de ce truc. Qu’en disent ils, comment font-ils, comment s’y prennent-ils. Cela demande deux choses, d’une part de l’humilité, et d’autre part de l’attention. Avec ces deux qualités on en obtient assez facilement une troisième sans effort. Le respect. Le respect pour toutes ces personnes qui se sont regroupées consciemment ou pas autour du même truc que nous. Et ce peut-être aussi bien géographiquement, qu’au cours des âges. Rendez-vous compte. Établir ainsi une liste de toutes ces personnes qui évoquent à des degrés plus ou moins pertinents le truc, voici un préambule utile. On pourrait faire un tour du truc et se demander ensuite s’ils n’ont pas oublié quelque chose. Ou encore s’ils n’ont rien oublié, se demander si une partie ne pourrait pas être développée, voire développée complètement différemment. Une chose aussi qui devrait faire partie du préambule de la méthode pour parvenir à un truc, c'est l'élaboration patiente d'une série de questions concernant notre envie de posséder le truc. Ce qu'on résumera par l'intention. Trouver l'intention n'est pas facile, on se voile souvent la face sur le pourquoi et le comment, mais le pourquoi parfois, si on l'examinait scrupuleusement, pourrait nous éviter bien des peines par la suite concernant le comment. Imaginez que vous vous mettiez en quête d'un truc dont à la fin vous vous rendez compte qu'il vous est parfaitement inutile... que c'est un truc de plus qui ne sert strictement à rien, sauf à vous avoir aidé à passer le temps. Ce qui n'est pas tout à fait rien tout de même mais n'entrons pas dans les digressions philosophiques. Surtout pas. Mais aussi une règle est importante. Ne pas se fatiguer inutilement. Préparer un plan avec des étapes, suffisamment souple tout de même pour laisser une petite chance au hasard qui fait si bien les choses quand on le respecte. Donc la prochaine fois, si je pense moi-même à faire un plan pour parler du plan, nous développerons un peu plus le sujet. Faire un plan utile pour obtenir un truc. Cela promet d'être véritablement passionnant, vous pourriez d'ors et déjà vous en réjouir d'avance, comme si déjà vous aviez dans la paume de votre main un petit morceau de votre truc déjà là.|couper{180}
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Extrait de Paris France
« Et voici venir de nouveau août et septembre, et de nouveau il y a crise et de nouveau les fermiers, les paisibles fermiers, parlent de la vie telle qu’elle est. L’un des plus paisibles me disait l’autre jour, nous croyions, pas nous, mais tout le monde croyait que c’était les rois qui étaient ambitieux, qui étaient avides et qui apportaient la misère aux gens qui n’avaient pas les moyens de leur résister. Mais à présent, eh bien la démocratie nous a montré que ce qui nuit ce sont les grosses têtes. Toutes les grosses têtes sont avides d’argent et de pouvoir, elles sont ambitieuses, c’est pour cela qu’elles sont parvenues à être de grosses têtes. De sorte qu’elles sont à la tête du gouvernement et il en résulte la misère. On parle de couper la tête des grosses têtes, mais maintenant nous savons qu’il viendra d’autres grosses têtes et qu’elles seront semblables aux premières.Il secoua tristement la tête et retourna à sa moisson.Continuer ne sert donc à rien, sauf pour les étés qui se suivent l’un l’autre et les modes qui accompagnent les saisons. » Extrait de Paris France Gertrude Stein|couper{180}