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Pierre Mac Orlan
Pierre Mac Orlan Les textes de Mac Orlan m’ont toujours inspiré une étrange sensation. Sans doute de l’ordre du prophétique quant à ma propre destinée. Lorsque j’ai découvert Monique Morelli cette impression s’est encore plus renforcée. A rapprocher de celle éprouvée lorsque Céline chantait accompagné de son accordéon. Accompagnée aussi par la fréquentation de la rue, l’indifférence des passants lorsque je prenais ma guitare pour chanter du Bruant. Place Beaubourg, et aussi aux immenses terrasses de Saint-Michel, de Saint-Germain des Près, dans l’intimité aussi de la Place Furstemberg. Indifférence croyais-je, mais sans doute pas que. Quelques uns se sont arrêtés et ils m’ont permis de vivre en me jetant quelques pièces. Et bien sûr je chantais aussi Simone aime les matelot, ça n’a pas d’importance. https://youtu.be/HCK998OWmNc|couper{180}
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le déni.
Aglaé, la choquée. peinture par Cathy Art majeur. Ingénument j’aurais voulu qu’elle prononce le mot bite à haute voix. C’était sa mise élégante, son port de tête admirable, en un mot sa tenue irréprochable qui, certainement, configuration tellement complexe pour mon esprit appauvrit par de multiples privations, avait soudain déclenché ce caprice. Que cherchais-je donc ainsi à entendre sinon le bruit de la banquise qui se fêle, se fractionne, s’éparpille, puis fonde comme le glaçon qu’elle venait de lâcher avec la pince d’argent dans mon verre de Ballantines. J’essayais encore de m’accrocher à la logique, ou à une quelconque velleite esthétique. Une association fortuite, musicale et pourquoi pas joyeuse avec le plouf du cube glacé heurtant la surface de l’alcool. Oui, certainement l’eût- t’elle prononcé, ce mot sur lequel elle buta résolument, nos échanges par la suite s’en seraient grandement améliorés. Au lieu de cela son regard se chargea de pitié, presque de condescendance. Et malgré tous les indices m’indiquant le reproche et le lieu de ma culpabilité, mon esprit se mît à battre la campagne ne s’attachant plus qu’aux rougeurs aperçues sur ses joues. Et dont bien sûr je ne savais que faire ni penser dans mon effroyable ingénuité . Presque aussitôt le mot salope me vint tout naturellement à l’esprit puis, horrifié par ce que venais de m’entendre prononcer et une fois que ma gêne et la dame se furent éclipsés, je dû me rendre à l’évidence : je venais tout simplement de vivre ma première experience accompagnée dans le domaine du surnaturel. Contre toute attente l’entité qui avait coutume de me posséder silencieusement dans ma perpétuelle solitude s’était soudain enhardie. Elle parlait désormais par ma bouche et je me retrouvais banni des hautes sphères de la société que je venais tout juste de découvrir et de pénétrer. Dans une totale insouciance du reste. Je finis par me convaincre d’être devenu la victime de ses misérables incartades ectoplasmiques. Puis que le rôle de victime m’était dévolu par le destin. Alors, je décidais de ne plus me poser de question, de recommencer si besoin était, autant de fois qu’il serait nécessaire, pour bien ancrer en moi cette toute nouvelle autant que stupéfiante conviction.|couper{180}
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Nommer
Nommer pour s’extraire de la violence de l’innommable. L’animal, l’objet, l’autre. Trouver le mot, le nom. Le réinventer quand la définition n’est plus qu’un usage, une habitude. Mais aussi se réinventer pour pénétrer, un peu plus en conscience, de la nécessité des usages. Le risque de vouloir tout nommer sauf soi-même, présent depuis la nuit des temps. Dépasser la béance de la question *qui es-tu ?* lorsqu’elle advient, toujours au moment où l’on s’y attend le moins. La sensation d’être toujours au bord d’être enfin ou hélas démasqué. Ne plus tricher comme le grec rusé qui dit *mon nom est personne*. Accepter le nom qui nous a été donné c’est faire un pas vers l’acceptation du nom de l’autre.|couper{180}
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Des stages du vendredi après-midi
Exercice sur la perspective travail d’élève Bonjour à toutes et tous, ce mail pour vous faire part de mes réflexions quant aux stages du vendredi après-midi. Parlons d’abord de cette tristesse que j’éprouve de ne voir que peu de personnes assidues. Évidemment je comprends que tous vous avez un emploi du temps, des aléas, des empêchements, que ces stages ne représentent probablement pas une priorité pour chacun de vous. Dans ce cas cela m’entraîne bien sûr à m’interroger sur mon propre engagement à les dispenser, à vous accompagner. N’est-ce pas de l’ordre du Don Quichotte en guerre contre les moulins à vent. C’est ce que je me dis parfois. vendredi dernier notamment, quatre personnes seulement dont trois appartenant au bureau... je pourrais ne rien dire évidemment, la boucler et me contenter de venir quelque soit le nombre de participants. Considérer qu’il ne s’agit que d’un job parmis d’autres. Empocher mon chèque et vaquer ensuite à mes occupations sans vouloir rien éprouver de spécial. Mais pas mon genre. Je connais parfaitement cette manière de faire. Trop. D’ailleurs j’ai démissionné de deux MJC dernièrement pour ne pas être contraint à revenir dans un tel fonctionnement. J’aime enseigner, j’aime partager, ce n’est pas une affaire pécuniaire seulement , c’est une vraie vocation. Et je n’aime pas m’ennuyer tout comme vous certainement. De plus j’ai voulu offrir la chance au plus grand nombre en n’exigeant pas des sommes importantes à l’association. En me disant ainsi tous ceux qui veulent le pourront. Mais je crois que c’est oublier la nature humaine qui n’accorde de prix qu’à ce qui est cher voire inabordable. Enseigner pour moi ne peut se distinguer d’un engagement politique. L’art, et plus spécifiquement la peinture accessible à toutes et tous n’est peut-être qu’utopie. Mais j’insiste pour continuer à croire en cette utopie. Ceci pour évoquer le ressenti personnel. Ensuite peut-être me trouvez vous bien exigeant. Car après tout possible que ces heures partagées ne soient pour vous rien de plus qu’un passe- temps, un loisir. Et donc à ce moment là il suffirait de venir chacun avec son travail en cours quelqu’il soit pour que je me contente de donner des conseils et ne plus proposer de thèmes. Ce qui a mon avis serait moins « porteur » moins amusant aussi pour le groupe. Chacun dans son coin à peindre au sein d’un groupe des choses sans lien ne crée justement pas de liens. Peut-être certains trouvent-ils ces thèmes difficiles, hors de portée, ennuyeux car hermétiques à leurs goûts habituels. Mais mangez vous toujours la même chose à chacun de vos repas ? Ne variez- vous pas les mets comme la manière de les cuisiner. Ce que j’essaie de vous proposer dans ces stages ce ne sont que des points de vue variés sur la peinture. Et aussi, je l’ai souvent répété, je n’aurais pas la prétention de vous conduire vers des chefs d’œuvre réalisés en quatre heures ni même en huit ou douze. Je ne cherche évidemment pas à vous ennuyer. Et si cela paraît difficile ou bizarre ou ce que vous voudrez dire la dessus, l’expérience nous a prouvé qu’à chacun de ces stages nous fûmes tous étonnés des résultats, favorablement étonnés. Enfin c’est ce que j’en ai perçu. Mais peut-être ne suis-je pas objectif. Et dans ce cas à vous me le dire. Je n’aimerais pas que l’on consomme un stage de peinture comme on consomme une tranche de jambon, voyez-vous. Interrogez vous aussi sur ce point et sur les raisons qui vous conduisent chacun à nous rejoindre. Mon expérience de la peinture devrait-elle se résumer en un mot ce ne serait pas la technique, le talent, ni même l’envie que j’utiliserais alors mais le mot régularité. Sans régularité aucun progrès possible, sans la constance dans cette régularité. Et je voudrais aussi que vous y pensiez quand vous trouvez des raisons des excuses pour ne pas venir à ces stages. Chacun de vous à sa place ici. Ce n’est pas une affaire de niveau, d’habileté, juste se décider, effectuer un choix, et sauter le pas ensuite. Si vous désirez que l’on en parle ensemble nous pouvons programmer une réunion spéciale des adhérents au groupe, vous pourrez vous exprimer et toutes critiques toute observation sera bonne à prendre de mon côté comme j’espère que ce mail sera considéré également. Il n’y a pas de verticalité entre vous et moi, élèves, stagiaires et professeur, laissons cela à la porte avant de se retrouver. Voilà j’ai dit ce que j’avais à dire, à vous de vous exprimer, je suis disponible vendredi prochain 21 octobre après-midi, si toutefois la salle nous est ouverte car nous entrons en période de vacances scolaires et ne nous verrons pas durant deux ou trois semaines. Le temps pour chacun de réfléchir à la validité de ces stages, de décider d’y participer ou non, sans peur de l’énoncer clairement.|couper{180}
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Association
Que serait la fleur sans la tige qui la soutient et l’offre A quoi servirait la tige sans la rotation des pétales qui l’entraîne à s’endurcir à ployer se redresser tenir Le grand secret de leur intimité Association dans le cœur de la saison Le temps d’une fête d’un spectacle Une joie une gaité farouche Une célébration|couper{180}
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Économie
Basé uniquement sur la peur, l’illusion du lendemain.|couper{180}
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Cheminement
Mâle et femelle femme et homme Toi et moi Nous. Un Peu de bon sens comme de folie|couper{180}
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D’os et de chair
Étonnamment la confusion nouvelle distingue de plus en plus l’os de la chair. Pour encore moins saisir leur raison d’être. La refuser. Et tant de voix vantent désormais l’une ou l’un en vain. c’est oublier la création, l’origine. Comment la chair est ôtée de la chair puis se remplace encore par de la chair. La chair est vie, elle n’est que mouvement. L’os reste à son rôle d’os, sa position de roc et d’axe, il ne bouge pas d’un iota. Et pourtant il ne peut se reconnaître sans la chair, comme la chair se flétrit sans l’os. Rien de plus grotesque que ces squelettes s’essayant à danser le tango.|couper{180}
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Plus que le ridicule
l’inutile, qui, une fois atteint, ne propose plus rien d’autre que lui-même. On voudrait faire marche arrière, revenir à l’innocence, revenir au ridicule, leur abondance, hélas il est déjà trop tard. L’aiguille des boussoles s’affole. Le mieux sans doute est-il de jeter par dessus bord tous ces outils désuets de vieille navigation. Se fier seulement, résolument, à la lumière glacée des étoiles|couper{180}
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générosité
Apprend-t’on a être généreux, je crois que non. Comme on n’apprend pas non plus à être artiste. On l’est depuis l’origine ou pas. Cependant que de posséder une pareille nature est souvent un fardeau, du moins si je me souviens encore de la jeunesse. C’est tellement rare la générosité vraie que parfois on se prend à douter de la posséder pour de vrai. Malgré les définitions données par les dictionnaires, dans lesquelles les autres ne cessent de clignoter, ma propre définition me semble fort éloignée du commun. Être généreux ce n’est certainement pas se plier en quatre pour les autres. C’est bien plus que quatre, et c’est en soi-même en premier lieu qu’on plie. Puis l’autre n’est pas un individu mais la vie toute entière et sous quelque forme qu’elle puisse apparaître.faire en toute circonstance contre mauvaise fortune bon cœur n’est pas de l’ordre de la naïveté passé un certain âge. Dans mon souvenir la naïveté consiste surtout à remettre en question le fait d’être généreux pour obtenir quelque chose en retour. Parvenir enfin à être généreux comme il se doit, pour rien, parce que c’est comme cela que l’on se sent au mieux, connecté à l’existence. Être généreux c’est être opportuniste dans le bon sens du terme, s’intéresser au moindre événement non par profit ou intérêt mais seulement pour lui donner une importance. Refuser coûte que coûte le banal et sa fatigue. Dire ce que l’on pense quand on le pense et qu’importe la réception, au diable les calculs les stratégies, les intérêts. Enfant on ne sait pas vraiment que faire de cette générosité , elle paraît tellement naturelle que l’on a du mal à saisir pourquoi tout le monde ne bénéficie pas de cette qualité. Pire avec l’éducation, on la considère souvent comme une sorte de danger, de risque, un défaut. Pourquoi les gens ont tellement peur d’être généreux. Il semble évident que tout le monde l’ait été un jour tout au fond de soi. Mais sans attention, sans lutte pour la conserver elle finit par être semblable à un fossile prisonnier d’un morceau de résine, d’ambre, perdu dans un recoin obscur du cœur ou de l’âme. La générosité n’attend pas de médaille, de récompense, car le seul fait de s’exprimer sans crainte est déjà sa récompense. Mais que de chemin à effectuer pour trouver enfin le sentier dont l’aridité parfois peut terroriser, afin de pouvoir continuer de plus en plus dépouillé à l’exprimer. Aucun doute que la générosité mène à ce dénuement comme à une étape obligée et sans laquelle elle s’offrirait au risque de s’admirer. Ici se produit la traversée du miroir avec encore l’angoisse de ne rien trouver au delà de celui-ci. Et évidemment cet effroi est un désir et le désir crée la réalité de ce néant désiré. Autre étape obligatoire, semblable à une mort vécue dans le vif. Dans l’obscurité, l’aveuglement total, la perte quasi absolue des pensés et des sens , plus rien pour s’accrocher, la générosité nous met encore une fois à l’épreuve, mais ce faisant elle nous guide nous enseigne à quel point tout ce que l’on pense être est illusion. Elle qui est tout fait de nous un rien, table rase. L’ennui, la solitude extrême constituent alors l’alliage de l’athanor dans lequel la transmutation peut enfin s’opérer. Dans cette étape la notion de temps n’existe plus. Dix ans, vingt, trente peuvent passer sans même que l’on s’aperçoive qu’ils passent. Une image de graine enfouie profondément dans le sol, une image de la patience et de l’attente sans rien attendre que ce qui de toutes façons arrivera. La fragilité et en même temps la magnifique force habitant la nouvelle pousse s’élançant au travers l’ombre aveugle, vers la lumière. Apte à crever en douceur tout obstacle même le béton, l’asphalte des villes. La générosité de la mort comme de la vie ne font qu’une et l’on en prend conscience. Cependant que le monde n’a pas changé d’un iota. C’est toujours le même monde. Le monde qui s’effraie à chaque instant de ce qu’il peut perdre ou gagner pour tenter exister. On comprend sans doute d’autant mieux la douleur du monde, son recours à l’ignorance, à la violence et la solitude de tous ces êtres vivant la séparation que l’on a du traverser soi-même la peur toute entière comme un rêve nocturne et ce par générosité car rien d’aussi puissant ne saurait le permettre. Apprend t’on à être généreux je crois que non, ce ne peut être une intention de départ mais simplement un constat que l’on construit peu à peu. Au début de bric et de broc et que le feu de la générosité se charge de sculpter de polir avec les années. Et dans cette logique, ce manifeste, une question encore comme une nouvelle étape à franchir. Lorsqu’on observe comment certains usent de la générosité pour leur intérêt personnel, comment ils trompent les autres, deviennent des gurus, asservissent les autres au lieu de les rendre libres. Difficile de ne pas s’insurger presque aussitôt et frontale ment contre de telles déviances envers la générosité, difficile de supporter sans broncher ce que l’on peut considérer comme une insulte à l’intelligence de la vie. Peut-être est-ce encore un pas de plus à franchir, cette fois du côté de l’ésotérisme, se laisser pénétrer par l’intuition que c’est encore un effet de la générosité que de l’accepter le plus calmement possible. que l’infini de la générosité ne peut se prolonger que par chaque achèvement égoïste. Que l’égoïsme comme l’ignorance, sont les briques d’un monument s’élevant sans relâche vers l’altitude infinie du rêve, un rêve, ce rêve que rêve la générosité.|couper{180}
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Des nouvelles de l’Eden
Tu veux une pomme, c’est autorisé durant le jeûne. Et hop je me casse une dent comme de bien entendu. Elle rit. Et moi j’ai l’air d’un con avec mon trou béant. Mais je ris aussi par réflexe. La malediction des pommes, comme la malediction tout court, notre ordinaire. L’automne flirte encore avec l’été. Les saisons se mélangent comme ici se mélangent fou-rire et larmes. On ne sait plus trop sur quel pied danser. Et puis la petite dame est arrivée aujourd’hui avec sa valise, je ne l’avais pas revue de quelques semaines, mais quelques semaines à cet âge... impression qu’elle se dessèche comme un fruit sec de plus en plus rapidement. Mais ce qui me stupéfie c’est sa voix enfantine, un grelot clair qui envahit la cuisine. Qu’importe ce qu’elle dit, juste le son de sa voix, son rire. Elle oublie tout ce qu’elle dit du reste, et le répète comme s’il s’agissait d’une première fois. L’émerveillement des enfants qui découvrent la possibilité de faire du bruit avec leur bouche. L’exaspération de mon épouse quand elle répète. La peur, la tristesse, un peu de culpabilité aussi, tout ca dans tu l’as déjà dit maman . Tandis que je romps le pain en lui offrant d’en prendre un morceau. Il est d’hier mais il est encore mou, elle est comme moi, plus trop de dents pour croquer mordre déchirer. Saucisson cuit purée faire maison. Pas trop difficile à ingurgiter. je ne sais pas si je vais pouvoir tenir la semaine me glisse mon épouse presque à haute voix comme si elle voulait que la petite dame l’entende. L’entendrait-elle d’ailleurs quelques instants plus tard ce serait oublié. Cet effroi que les choses glissent dans l’oubli, le néant. Que tout effort soit vain en apparence puisque plus rien n’est retenu sauf une vague silhouette générale, une configuration de l’habituel qui semble se réactiver par moment seulement. Nous déjeunons silencieusement ou presque. J’y retrouve un peu de ma propre enfance, l’ambiance si pesante des repas pris à la cuisine lorsque tout allait si mal. Tout ce qui s’échange en silence dans le bruit de fourchettes de couteau de verre qu’on vide ou rempli. Puis soudain vous m’en avez trop donné je ne pourrai tout avaler le grelot reprend son espace. Tentative sans doute de rompre ce silence. Il y a quelque chose de fascinant dans la vieillesse comme dans la maladie, cette lutte pour continuer de vouloir paraître, avoir une tenue quand à peu près tout se barre en sucette. Une supra conscience sans doute de ne pas vouloir montrer sa misère, la dévastation causée par les années le travail, élever les enfants, enterrer son homme et ne plus savoir vraiment où il gît désormais. L’année dernière elle se rendait encore seule au cimetière de Caluire. Deux bons kilomètres au moins qu’elle franchissait alerte. Alors que désormais on l’a surpris à ne plus savoir où se situe la boulangerie à deux pas. Est-ce à gauche, à droite impossible de se souvenir. Dans l’atelier je la vois arriver sur le seuil oh mais comme c’est beau ce que vous faites elle dit, grelot dans l’atelier tremblement des toiles d’araignées. Elle jette soudain son dévolu sur un des petits formats sur lesquels je peine. Je vais vous acheter celui-là, elle dit, je l’adore on dirait qu’ils dansent. Vous savez j’adorais tellement danser. Mon mari lui ne dansait jamais il ne savait pas. La lumière entrait à flot par les baies vitrées, mon épouse est entrée elle aussi, elle l’écoutait. Nous nous étions arrêtés tous les trois devant le tableau posé sur un chevalet. Et tout à coup cette phrase dans ma tête sans doute saugrenue comme toujours, des nouvelles de l’Eden m’arrivaient par flots en même temps que des rires d’enfants et quelques grelots dans le lointain|couper{180}
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photofictions #07| quelque chose de moi sans moi.
Lire en premier lieu la note écrite sur la consigne ou pas, peu importe. On peut aussi la lire après coup. Car ici la chronologie, l’ordre ne possèdent plus rien de semblable avec les mots d’ordre ordinaires. Partons de cette note écrite à chaud. Finalement quelle différence entre une photographie de moi ou un texte écrit de ma main. Les deux participent d’une même fiction nommée pour les besoins du texte final moi ou je. Et cette main qui écrit ces lignes nouvelles au dessus des anciennes à qui appartient-elle. Comment remonter aux influences qui lui auront permises, autorisées, de s’inventer soudain autonomie. Ce que ça dit de « moi », aucune importance. en revanche ce que cela convoque dans l’acte d’écrire c’est sur cela qui faut plisser les yeux, prendre du recul. Des choses nous traversent, des souvenirs, une mémoire à laquelle on peut choisir de croire ou non, d’en douter, serait-ce un minimum, des idées, les a t’on inventées sûrement pas, les idées s’attachent à l’air du temps n’en sont que le rebut. Volonté alors de trouver une idée neuve entre dans la catégorie du toupet, de l’exagération, la démesure quand ce n’est pas celle de de l’erreur et du péché dans son étymologie d’origine. Et puis les émotions bien sur qui jouent le rôle de combustible de départ mais qui n’ont guère d’autre valeur que combustible. Le problème à résoudre quel est-il donc sinon celui du désordre, du chaos, du mélange encore une fois. Quand tout se retrouve confondu, quand plus rien ne sépare le moyen de sa finalité, l’arbre, la branche, le fruit. L’imagination a désormais tout envahi puisque chacun pense avoir une opinion sur à peu près tout. Tout le monde mange l’arbre et le fruit sans établir la moindre distinction. Et tout le monde qui est-ce sinon ce moi ce je. Que l’ignorance soit le terreau depuis quoi celle-ci ne cesse de prendre racine et projeter ses stolons. Seule une poignée d’initiés tient les ficelles de cette ignorance, la transmute en pseudo connaissance, en savoir. La cohorte des intermédiaires ensuite pour répercuter tous les mots d’ordre soufflés aux quatre points cardinaux. Et la misère. Toujours la même, invariable. Même l’opposition à ces idées, déjà prévues dans le plan général de cette guerre sans merci menée par les profiteurs. Les exploiteurs, les maîtres de notre monde. Outils eux aussi sinon à quoi serviraient-ils. A quoi sert donc l’écriture, que ce soit la mienne encore une fois peu importe, sinon à tenter d’opérer une séparation. À réparer quelque chose de brisé par l’apparent consensus, ce merdier sur lequel elle ne cesse de se briser, encore et encore de s’acharner. ( et qui éprouve la brisure sinon l’écriture elle-même sans doute et non la main qui agit sur les touches du clavier ) comme un pivert ne cesse de taper sur l’écorce de l’arbre pour en extraire sa subsistance. Le pivert n’est pas fou il ne mange pas de l’arbre mais de l’un de ses fruits, d’une de ses finalités qui est d’abriter les insectes sous son écorce. Pour écrire il faut d’abord écrire. Une phrase simple en apparence mais qui sitôt que l’on s’interroge sur cette simplicité crée l’image d’un relief escarpé. Écrire normalement de façon scolaire en premier lieu tel qu’appris suffisamment longtemps pour sentir que cette forme scolaire ne convient pas, ne convient plus. Quelle se trahit elle-même en épousant un consensus. Le fait de prendre conscience de cette trahison. Qui en prend conscience vraiment encore une fois, celui qui écrit, la main, le souffle, le rythme, l’oreille. Cette féminité invisible au début dans la pratique d’une écriture ordinaire formatée, il se peut aussi que le changement provienne d’elle. Non pas une question de genre mais de principe. Le principe féminin comme le principe d’où naissent les idées à ne pas confondre avec la matérialisation de ces principes dans l’encre noire, le nombre de caractères, la ligne, le mot. Est-ce que moi a quelque chose à voir en tant qu’aveugle avec le principe sinon se retrouver exactement au même niveau que tous les objets, c’est à dire en tant que conséquence. L’écriture comme travail du principe en lui-même et sur lui-même amenant simultanément dans ce qu’on nomme une durée mais qui n’est aussi elle aussi qu’un moyen, la matérialisation d’un écart que l’écriture ne cesse de créer aussi vis à vis d’elle-même. Encore une fois la notion de recul. Et peut-être si j’associe à la peinture encore une fois, ce que veut l’écriture est du même ordre qu’elle, la peinture, c’est à dire que l’on s’y plie, que l’on ne s’y oppose pas, qu’on ne cherche pas non plus à en extraire du fruit quand elle n’est qu’arbre en croissance. Du fruit c’est à dire de l’intérêt personnel et qui aussitôt goûté recréerait l’abime. Écriture et féminité l’arbre et le fruit toujours l’éternelle histoire , pour que l’homme chute sur terre et fasse sa malediction tandis que la femme dont il est dit qu’elle est cause indirecte de son malheur le suive tout en restant partiellement dans l’Eden. Une frustration existentielle éprouvée par la femme, et qui se matérialise dans l’écriture dont le principe est lui resté dans un éden spirituel. La femme, l’écriture « déplacée » et dont la conscience est si aiguë de son déplacement qu’elle désordonne l’ordinaire puisque l’ordre de l’ordinaire est le même que celui de la malediction masculine, n’est issu que de cette malediction.|couper{180}