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notes sur #photofictions#07

Plus orienté fiction. Mais tout n’est-il pas fiction... surtout lorsqu’on imagine sincérité et vérité. Prendre une image de soi, et écrire une fiction à partir d’elle. Délimiter la frontière entre la sphère intime et ce qui est publiable. Le cœur de la difficulté. S’inspirer de Pierre Michon, notamment de son Rimbaud le frère ouvrage dans lequel le frère justement n’apparaît jamais. Lecture de quelques lignes, suffisante pour comprendre l’art de la prestidigitation. L’artifice et l’art, la frontière, aussi difficile de la déceler qu’entre fiction et réalité. Sauf si on connaît bien Rimbaud et qu’on perçoit justement ça et là son rythme et son souffle, des morceaux entiers, un plagiat habilement utilisé. J’avais repéré la filouterie de Pierre Michon plusieurs fois déjà. Lors d’entretiens sur YouTube. Cette grande fragilité derrière son langage admirable. Je n’osais le dire, mais voilà c’est fait. Ce qui ne signifie pas du tout que cette fragilité ou cette roublardise issue de celle-ci le déconsidère, tout au contraire. Peut-être même aura t’il joui d’un malin plaisir à exhiber cette roublardise en la dissimulant aux grenouilles de bénitier derrière une langue si choisie. Donc une constellation Rimbaldienne dont le topic est de parler d’un frère qui jamais ne vient sous la plume. Un bel attrape-mouche. La subversivité d’un tel ouvrage, au demeurant salutaire pour les plus jeunes. Alors que toujours je reste lié à l’intention première. Quel intérêt ? Et bien sûrement une commande et tous les empêchements qui vont avec. Puis l’urgence, la trouvaille et le job à livrer. Suffisamment habile, intelligent, c’est à dire flattant l’intelligence d’un éditeur qui s’imagine à son degré comprendre alors que possible rien. Qui a t’il donc comme solitude comme rage, comme haine de l’intelligence justement derrière tout cela ... la même que la mienne puisque je la reconnais. Puisqu’en miroir je ne fais toujours que de parler de moi. Parler de Rimbaud ou plutôt du frère absent dans l’ouvrage, un véritable exercice d’équilibriste. Qui peut en mettre plein la vue. Un nuage d’encre. Et hop je file. Christian Botanlski ensuite, un peintre qui ne peignait plus guère. Connu pour ses accumulations photographiques, un des plus grands artistes contemporains. Il n’a pas écouté Breton « vous êtes gentil ne devenez pas artiste... » qu’un gentil s’efforce de vouloir devenir méchant aussi cela me parle. Mais devient- on artiste pour comprendre la méchanceté voilà une bonne question. Cette méchanceté on peut évidemment l’apprendre un peu partout, mais pourquoi atteint-elle ce degré via l’art. Sans doute parce qu’on finit par comprendre que la gentillesse repose sur la peur. Et que la méchanceté est une forme de libération. Pour autant la méchanceté peut prendre tant de formes lorsqu’elle se lie à l’intelligence, sans doute l’art est il le lieu et l’espace où elle peut enfin s’épanouir comme une fleur, à ce moment on ne dit plus méchanceté on dit génie, ou artiste puisque dans l’opinion des officionados c’est synonyme. Reste que Botanlski est d’origine juive ce qui aussitôt me ramène à l’enseignement de la Tora. Pour savoir ce que veux dire la Tora il faut lire la Tora. Ce qui a l’air d’être un poncif autant que la fiction ne se situerait que dans notre seule imagination. Qu’il puisse y avoir frontière entre imaginaire et réalité. Mais si mince vraiment qu’il faut vraiment lire la Tora pour la percevoir. Pour accepter en premier lieu que l’on croit savoir et qu’on ne sait rien. Que tout texte est probablement à plusieurs niveaux car issu d’une oralité perdue. Que la Tora fut écrite dans une époque appartenant à un mode de pensée prophétique et que nous pensons désormais chrétien qu’on l’accepte ou pas. Cette différence de mode de pensée et toutes les interprétations que l’on commet ainsi envers une pseudo réalité, elle ne cesse jamais de s’effectuer parce qu’il nous manque un mode d’emploi, des règles. Pour comprendre Botanlski il faut lire la Tora. Et saisir que la chronologie et l’ordre, ne sont pas la chronologie et l’ordre. Qu’ils sont autre chose. Qu’il s’agit de réparation et que nous sommes encore au septième jour, le fameux jour du repos et que c’est à chacun de nous d’agir, nous les créatures. Il y a donc une action chez Botanlski en faveur de cette réparation dont tout philosophe ou artiste est en charge, qu’il le sache ou pas. Interroger la sphère de l’intime en relation avec une autre qu’on ne peut contraindre au seul terme de publique. Une sphère métaphysique. C’est cela cette friction éprouvée lorsque je vois une œuvre de Botanlski. Sans doute parce que ma pensée est de complexion juive également. Je regarde une œuvre de Botanlski et ça me dépasse. Tout comme me dépasse à première lecture le tout premier verset du Bereshit de la Tora. Et le but n’est pas de comprendre en premier mieux mais de lire et ce faisant enfin accepter le fait de n’y comprendre goutte. Admettons que je parte d’une photographie ancienne ou récente de moi-même comme la consigne le demande, la lecture sera aussi semblable au premier verset du Bereshit. Je devrais aussitôt appliquer cette règle première que je ne sais rien de ce que je vois. Qu’il me faut examiner chaque détail et l’interroger pour saisir son sens premier. Ce nœud papillon par exemple dont on m’a affublé, cette raie sur le côté, ce petit gilet de gamin propret... est-ce un vœu du photographe, de mes parents, les conditions d’une mode appartenant à une époque entre 1960 et 1965, que sais-je de toutes ces choses sinon qu’elles sont supputations, produites presqu’aussitôt par mon imagination comme ma mémoire, autant dire des choses vulgaires, séculaires, installées dans une temporalité bien précise. Rien à voir avec qui je suis à cette époque probablement, ni qui je suis actuellement. Juste des supputations. Il faut à nouveau ouvrir la Tora et ânonner chaque mot le laisser pénétrer dans la profondeur de l’être pour avoir une chance si mince soit-elle d’en distinguer un sens qui ne soit pas pure fiction. Une parole vraie.|couper{180}

notes sur #photofictions#07

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ce que ça m’apprend

Second dimanche de permanence à la tour d’Orlienas. Le recul encore et toujours. Boulot ou habitude de peintre, réflexe. Ce que disent les gens sur ces visages imaginaires. Souvent le mot tristesse revient qui me replace aussitôt dans une proximité avec une des formes les plus aiguës de la honte en moi. Celle justement d’exhiber tristesse ou souffrance.Comme si à mon insu, j’avais peint ma tristesse profonde, congénitale sur ces toiles. En recevoir l’impression en premier lieu ainsi m’a fait vaciller. Il aura fallu que je puise dans toute la panoplie habituelle de réflexes, dont justement le recul pour montrer bonne figure, rester fair play. En fait assez peu l’ont exprimé clairement mais suffisamment pour que ce peu envahisse tout. Pour que cela empoisonne la vision globale que je porte sur cette exposition. Toujours cette habitude enfantine de tout voir en noir sitôt qu’un nuage passe. Dans un second temps l’expérience des expos, ce que les gens disent lors de celles-ci, pratiquer aussi ce recul pour observer l’entièreté du tableau. Combien de personnes ont parlé de tristesse sur l’ensemble des visiteurs, sans doute pas plus de deux ou trois sur une centaine en tout. Mais le fait que mon épouse m’ait déjà donné son ressenti de nombreuses fois sur ce qu’elle éprouvait à l’achèvement de chacun de ces tableaux doit jouer pour beaucoup dans cette réception. N’étais-je pas déjà parti des l’origine avec ce soucis de dépasser cette honte ressentie à chaque réflexion. C’est un combat quotidien de dépasser l’avis des autres sur la peinture, surtout si l’autre est le plus proche. Parfois je me demande si ce verdict de tristesse perçue je ne fais pas tout pour le déclencher inconsciemment sitôt que j’imagine, peins l’un de ces visages. C’est la même chose avec le mot « banal » ou « pas terrible ». Des mots qui ne semblent attendre qu’un écho provenant de l’extérieur pour réactiver de vieilles luttes en mon for intérieur. La perception de la tristesse, de la banalité, du pas terrible contiendrait en creux d’autres mots proches de l’espoir, de l’attente, d’une norme contre laquelle j’ai toujours été en guerre. Ainsi l’ancien maire qui entre dans la salle d’exposition fait un tour rapide, très proche du tour du propriétaire, et qui au moment de disparaître me lance un « ce n’est pas très gai ce que vous faites » En suis-je vraiment meurtri ? Pas vraiment. L’homme m’est antipathique immédiatement avant même d’entrer, de prononcer un seul mot. Je l’ai vu arriver sur un vélo électrique, observé sa façon de le garer soigneusement, puis une fois que sa silhouette est parvenue à ma hauteur, cet air hautain dont ne peuvent se départir les gens gonflés de leur propre idée d’importance. Y aurais-je perçu déjà que cette idée d’importance serait mitoyenne de sa propre idée du triste et du gai. La gaité, ce que ça peut bien être pour un ancien maire battu aux dernières élections. D’ailleurs rien en lui n’inspire la joie de vivre. Voici ma propre idée sur le visiteur, probablement aussi erronée que la sienne vis à vis de la tristesse. « Ce n’est pas très gai ce que vous faites » je cherche dans mon souvenir pour savoir si une fois j’ai eut ce culot de balancer ça à un artiste ou même, à un de mes élèves. Mais non, aucun souvenir de ce genre. Sans doute parce que je travaille depuis si longtemps désormais sur mes impressions premières à partir de mes peintures. Que la tristesse, la joie, tout comme laideur et beauté ne sont que des impressions souvent à dépasser au profit de l’équilibre, de la composition, de la gamme de couleurs, d’une proportion de gris, que l’ambiance globale d’une toile surtout si elle déclenche tristesse ou banalité sera d’autant plus à creuser. De la même façon que je perçois à contrario souvent dans les codifications affichées de la gaité comme de l’extraordinaire, une inquiétude, parfois même une morbidité . Une inversion de valeurs qui sans doute est en moi depuis le tout début. Une inversion repérée de si multiples fois. A commencer par ces « je t’aime » souvent suivis de claques ou de tannées dans l’univers familial. Comment ce qui dérange en soi peut-il se réduire soudain dans un réflexe verbal, le mot triste, gai, beau, laid a toujours été une énigme sans vraiment l’être. Le manque d’habitude d’aller creuser en soi et de trouver d’autres mots certainement, d’aller chercher surtout ses mots à soi, en non pas à chaque fois rabâcher des clichés pour se défausser. C’est pour cela que j’écris, c’est cela le vrai but, car je ne me considère pas différent de toutes ces personnes. N’ai- je pas aussi ce même genre de réflexe dans maints domaines dans lesquels je reste béotien. Qu’un garagiste par exemple me montre un devis salé pour une réparation à effectuer ne déclenche t’il pas aussitôt le réflexe de me sentir couillonné, est-ce que par défense je ne m’en remets pas moi aussi à ce cliché du garagiste véreux ? Écrire pour mettre les choses à plat, les examiner dans une autre dimension du temps que l’immédiateté. Encore ce recul qu’offre l’écriture. Puis la journée s’est peu à peu éclairée. Le nombre de visites, les conversations engagées avec quelques-uns ont chassé les ombres du matin. La migraine qui ne me quitte pas depuis plusieurs jours m’a laissé tranquille. Migraine qui provient sans doute plus que je veux bien y accorder d’importance de toutes ces interrogations concernant cette exposition, ajoutées aux soucis réguliers que dispense la contingence. L’après-midi une embellie. Rencontre avec une femme et son mari suite à un post sur un groupe privé Facebook annonçant cette expo. Une collègue de l’atelier d’écriture en ligne. J’avais espéré que d’autres viennent, des lyonnais ou lyonnaises mais c’est la seule qui se sera déplacée. Une conversation qui s’engage naturellement entrecoupée par l’arrivée de quelques élèves anciens ou actuels. Tout un réseau de conversations qui s’entrecroisent, finalement tout le monde discute ensemble. C’est aussi cela une exposition des gens qui se rencontrent et discutent ensemble, qui se mêlent à la conversation comme si converser était à la fois naturel mais pas seulement, permettait aussi de partager l’émotion, de se désensevelir quelques instant de nos solitudes souvent muettes, et tournant en boucle. Et dire aussi l’énergie qu’on retrouve à l’issue de ces rencontres ces conversations, je me rends compte que beaucoup moins fatigué que dimanche passé, plus de migraine du tout, le chemin du retour effectué sans hâte, le plaisir un peu trouble des chèques rangés dans mon portefeuille, trace des quelques tableaux vendus et dont je réserve la surprise à mon épouse. Puis la pensée que ces toiles se retrouvent chez des personnes avec qui je peux éprouver des affinités m’apaise encore. Sensation d’avoir fait le job, que je peux encore le faire malgré tous les sales moments traversés. Et puis dans la nuit qui se pose sur la ville les quelques pas que j’ai encore à effectuer pour rejoindre le domicile, le souvenir de cette femme veuve dont l’époux fut peintre. Elle m’a montré sur son téléphone portable les toiles. Essentiellement des paysages. Elle ne sait que faire vraiment de tout cela, les donner à la famille, les vendre... ce qu’il peut se passer après l’aventure de peindre ce qu’il peut advenir du travail, j’y ai repensé durant ces quelques centaines de mètres. Mais j’avais l’impression d’être beaucoup plus clair avec moi-même, j’ai chassé de mon esprit les images de vide grenier qui me venaient encore comme un réflexe. L’important ce n’est vraiment pas la postérité du travail. C’est l’immédiateté de tout ce que déclenche la peinture au moment où je l’effectue, tout ce qu’elle déclenche chez l’autre quelqu’il soit et qu’importe finalement ce qu’il en dit ou pas. Quelque chose se passe on ne saurait dire quoi vraiment et c’est sans doute très bien comme ça.|couper{180}

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Petit tout petit, les formats

Un peu comme je me sens en ce moment techniques mixtes sur bois|couper{180}

Petit tout petit, les formats

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Récits en kit

À la façon d’IKEA. Des pièces dans un carton, mais extrêmement bien emballées, une feuille avec l’inventaire de tous les morceaux du récit à assembler. un plan écrit en chinois. Bien sûr on ne parle pas ici le chinois. En prime une idée vague de modèle, juste la couverture neutre d’un livre. Le livre n’a jamais existé il n’est qu’à l’état de slogan. Il est à construire, il est proteiforme. Beaucoup deviendront fous à l’étape de déchiffrage du plan. Et tous ceux qui, par un mystérieux hasard, une chance insensée et des années de labeur acharné y parviendront deviendront muets. Ils ne raconteront plus d’histoires à haute voix. Plus jamais. Cependant qu’ils n’auront plus qu’une obsession, la date de parution de la nouvelle version des « récits en kit » à construire soi-même.|couper{180}

Récits en kit

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Gentlemen et sorcières

Un gentleman c’est quelqu’un qui sait jouer de la cornemuse mais qui ne le montre pas. La sorcière est une femme et j’ai bien peur que pour moi la définition ne s’arrête qu’à cela. Cependant que j’observe de plus en plus aujourd’hui cette nécessité qui frappe certaines de le clamer haut et fort peut-être tout bonnement afin de mieux s’en convaincre. C’est que les temps changent si vite. Avant être femme c’était être épouse, mère, grand-mère, pas beaucoup de choix à part quelques velléités d’adultère. Le gentleman et la sorcière donc… deux modèles deux moules dont sortent des armées de nouveaux clones… Entre les deux un fossé creusé par qui par quoi. sans doute ce besoin d’être identifié coûte que coûte, le creusement d’un ressentiment confondu souvent avec l’hystérie. Cette peur, ce désir que provoque encore à notre époque l’hystérie. Très puritaine, anglo-saxonne. Problème réglé hâtivement par de dédain, voire le mépris. Ce qui est digne de respect d’admiration d’un côté cependant me paraît tout aussi dérisoire désormais que la compassion crée par les mots d’ordre, les slogans hurlés à tue-tête. Le malheur d’être et de ne rien savoir en faire sauf s’opposer pour tenter d’exister. J’ai toujours eu un penchant pour les sorcières ce qui m’aura conduit ensuite vers les gentlemen avec un peu moins de morgue. Sans pour autant être affolé par l’envie d’en devenir un. Explorer à chaque fois la chose et son contraire pour tenter de se fabriquer la moindre idée. Puis une fois que l’on comprend à quoi servent les idées, les prendre avec des pincettes, les examiner avec la patience, la minutie d’un entomologiste.|couper{180}

Gentlemen et sorcières

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A quoi peut encore servir l’ironie

Desproges Je lis un truc rigolo, non, ironique. Distraction. Le sentiment que j’en retire ensuite… je me demande. Possible que cela ne soit qu’un problème de fréquence. On est sur une certaine fréquence et tout à coup paf on retombe plus bas. Pourquoi dit-on plus bas sinon pour dire que nous étions plus haut voilà tout. Mais bon on est humain, on est comme ça, il faut bien faire avec, et dire plus bas si le ressenti nous mène vers la boue. La boue ce n’est pas la merde encore. Soyons raisonnables, un peu de respect pour tout ce qui se cache dans nos actions désinvoltes. Je n’apprécie plus beaucoup l’ironie c’est un fait. Surtout parce qu’elle ne me sert plus à rien je crois. Sauf parfois pour impulser un mouvement quand je m’ennuie un peu trop en société. Un peu de provocation, bousculer le consensus. Guère plus. Et même maintenant je toise le consensus sans ciller comme je regarderais un bégonia, un chrysanthème, une pierre tombale avec mon patronyme gravé dessus.|couper{180}

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ne pas vouloir réussir

Baphomet Il est possible de mettre autant d’effort, d’énergie, de régularité, de constance à ne pas réussir quoique ce soit que de le réussir. La satisfaction qu’on en retire dans un cas comme l’autre est très proche. Et ce malgré l’aspect souvent effrayant avec laquelle surgit la satisfaction de ne jamais rien réussir. Elle vient à rebours de l’amertume comme la satisfaction de réussir provoque toujours chez moi après coup, après l’ivresse, la joie, une montagne de doutes. Peut-être qu’un esprit aiguisé verrait sans effort une relation étroite entre le doute et l’amertume. Une relation intime. Une relation comme il peut y en avoir une indéniablement entre la joie et le soulagement. Les ruptures sentimentales, notamment, enseignent beaucoup sur ces relations sémantiques, si étranges apparaissent-t’elles aux profanes. Car malgré toutes les mimiques provoquées par la déception, la trahison, la colère, le désespoir, la rancune, le pardon, presque tout converge, si l’on reste vigilant, vers le soulagement. Se libérer de l’attachement à l’autre, à ce mensonge que l’on fabrique finalement et qui ne cesse d’alourdir chacun de nos pas dans le quotidien, n’est-ce pas un réel soulagement ? Certains rêves nous expliquent ce genre de boulet que nous traînons ainsi. Qui n’a pas été surpris d’avoir envie de s’enfuir d’une sale situation, de vouloir prendre ses jambes à son coup et d’être horrifié de ne pouvoir faire que du sur-place. Au réveil on ne se souvient jamais que de ce désagrément, cette amertume éprouvée. Mais si l’on arrive avec un peu de patience à reconstituer le rêve dans son entièreté on verra qu’après l’amertume il se passe autre chose. C’est dans ce moment étrange durant lequel nous effectuons le voyage de retour depuis nos territoires oniriques vers la veille que réside ce secret. Un secret dont notre personnalité ne veut surtout pas entendre parler. Sans doute parce qu’il n’est pas encore temps de le dévoiler tout simplement. Parce que le film n’en est qu’à la première bobine, que le réalisateur ménage son suspens.Possible que la terre bascule de temps en temps d’un pôle l’autre. Possible que nombre de phénomènes incompréhensibles pour l’être humain ne viennent que de là. Des inversions dont on ne sait si elles sont volontaires ou accidentelles. Cependant ce phénomène existe bel et bien nous le savons désormais. Que les choses, toutes les choses peuvent s’inverser. La réussite comme l’échec font partie du même mouvement qui crée les étoiles et les trous noirs. Pourtant ce qui nous empêche de changer notre point de vue, de l’inverser, ne change pas sur le même tempo que celui de l’univers. Nous sommes désespérément lents, balourds à saisir la subtilité des souffles de l’invisible car beaucoup trop obsédés par le visible et plus encore par le paraître. Il y a sur le fronton de l’église Saint-Merry à Paris, un personnage étrange sculpté par un inconnu. Beaucoup le confondent avec le diable ou satan. Sans doute que ce genre de statues est crée pour cela. Le commanditaire ne cherchant qu’à apeurer les ignorants pour mieux les gouverner, leur trouver miraculeusement des solutions à tous les problèmes. En fait rien à voir avec le démon. Il s’agit de la figure du Baphomet, ou de l’hermaphrodite si l’on veut pour résumer. symbole alchimique. La rumeur rapporte que les chevaliers du Temple vénéraient ce symbole et qu’en cela ils ne pouvaient être que diaboliques. La raison véritable est qu’ils avaient fini par devenir un état dans l’état, qu’ils étaient devenus gênant pour l’Eglise, et aussi que celle-ci toujours avide d’amasser des richesses lorgnait sur leur fameux trésor dont elle désirait s’emparer. Ici aussi les choses se seront inversées quelque part dans le temps. Ce qui est sensé guider s’égare, ce qui s’égare devient soudain lueur. Le mot Baphomet d’ailleurs est un terme provenant d’un très ancien système de codage arabe et dont les grecs connaissaient l’usage, pour l’avoir traduit en « Sophia » qui signifie la sagesse. Certains auteurs versés dans l’élucidation souvent oiseuse des traités d’alchimie attribuent à la figure du Baphomet celle d’Hermes, Mercure, enfin du grand maître des transformations et de la métallurgie. Nécessité étrange encore d’ajouter du compliqué pour créer un sentier difficile vers le simple. Pas sur le même tempo que l’univers c’est à redire, comme patauds et lourds, pas bien finaude notre humanité. Et en même temps n’est ce pas des défauts qu’on se souvient le plus, qui nous émeuvent tout à coup lorsque les êtres aimés ont disparu.|couper{180}

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Vous aimez Lovecraft ?

Je l’avais lu jeune, trop ? Non. Que comprendre à ces récits de fiction vers 15 ou 16 ans ? Guère plus sans doute qu’à ceux d’Edgar Allan Poe, Jean Rey, Huysmans, Maupassant, Borges, et tant d’autres dont les ouvrages me seront passés entre les mains à cette époque. D’ailleurs vouloir comprendre n’est-ce pas une pathologie d’adulte ? Non, le frisson, c’était cela la priorité. Confortablement installé sous les draps et l’édredon- pas encore la mode de la couette-dévorer toutes ces pages et se faire peur, s’amuser à se faire peur. Comprendre on verrait plus tard. On avait suffisamment compris de l’horreur, de l’épouvante et de l’effroi dans la vraie vie. Lire pour s’amuser à avoir la chair de poule ,un divertissement à côté. Lovecraft me semblait plus énigmatique que n’importe quel autre auteur. La profusion de détails, et dans de nombreux domaines, le tour parfois alambiqué de son écriture, la difficulté à identifier aussi le véritable narrateur de ses récits , tous ces obstacles qui me faisaient souvent tomber des mains les livres d’autres auteurs et parmis lesquels de bien plus prestigieux, aiguisaient au contraire mon obstination à poursuivre la lecture de ses textes. Lovecraft. Temps béni de la lecture. Temps béni où l’on ne cherche pas à comprendre au delà des couches superficielles du récit. La frayeur qu’on y éprouve provient autant de ce qu’on y devine mais qu’on rejette en marge, que de la fiction elle-même. On préfère apprendre la réalité par la fiction. Les chocs en sont atténués, ne touchent pas notre fragilité de plein fouet comme un geste violent, une humiliation, une lâcheté ou une faiblesse adulte peut contenir de brutalité. Lovecraft. Quelque chose d’extrêmement attendrissant, derrière le sérieux affiché, parfois meme drôle au moment où l’on s’y attendra le moins. Comme un copain dans le fond, un vrai copain, j’ai toujours un mal de chien à dire ami à cet âge là déjà. Et tu vois il revient des années plus tard et au moment où sans doute tu t’y attendais le moins. Je viens enfin de découvrir la prononciation exacte du mot Cthulhu. Drôlement content. Il aurait fallu me voir mercredi soir au volant de ma Twingo. Je l’ai prononcé une bonne vingtaine de fois à la suite Cthulhu ! Non je ne suis pas fou. Ou plutôt si aller je le suis, complètement fou comme Dali du chocolat. Je suis toqué des montagnes de la folie, de l’appel du rrrrtuhlu dites le r guttural, comme rrrrlass, rrrrota du fond de gorge. Enfin bref je vous refile le lien si vous voulez goûter à un peu de folie pour vous évader de ce monde désespérément sérieux et sage. je vous laisse d’ailleurs car j’ai pas encore fini… 1h40 ça se savoure , à mon âge ça ne s’avale pas, ne s’avale plus. https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4274|couper{180}

Vous aimez Lovecraft ?

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Fonds

Je pense aux fonds en peignant. Je ne sais pas trop pourquoi. Enfin si quand même. Des fonds, pour payer les factures qui pleuvent en tous sens. Toucher des fonds, toucher le fond, encore une affaire de point de vue et de choix. Pas vraiment de premier plan. Normal aucun plan ne vient, que du fond à perte de vue.|couper{180}

Fonds

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creuser profond

Je ne possède aucun outil pour briser les murs qui m’entourent. La seule chose possible est de creuser le sol de terre battue de ma cellule . Peut-être n’y trouverai-je aucune autre issue que de passer le temps, tromper l’ennui. Je ne me souviens plus depuis combien de temps je suis enfermé ici ni pourquoi. Quel crime ai-je pu commettre pour être relégué dans cette pièce sombre et humide sans jamais voir quiconque pas même le visage d’un mes geôliers. Aucune idée du temps qu’il fait dehors. Il n’y a pas d’ouverture sur les murs par laquelle je pourrais savoir s’il s’agit simplement du jour ou de la nuit. Je ne vois plus non plus les saisons passer autrement que par la température de l’air son hygrométrie, glaciale dans ce que je suppose être l’hiver, torride dans ce que crois être l’été. Les demi saisons ne sont sans doute que ces périodes de trêve durant lesquelles mon corps est soulagé par le relâchement d’une résistance acharnée à laquelle mon esprit s’oblige pour continuer à se survivre. Je dors beaucoup durant ces périodes plus clémentes. Et bien sûr je rêve. C’est d’ailleurs durant l’un de ces rêves que je me suis vu comme si j’étais un parfait inconnu en train de creuser le sol à mains nues. Et comme c’est étrange les rêves je parvenais à comprendre que le but n’était pas de trouver une issue véritable à cette activité absurde, mais simplement qu’elle lui offrait prétexte à s’occuper les mains, à passer le temps différemment que terrorisé par cette absurde situation. Passer le temps, c’est cela, de façon à ce que les périodes de veille d’ailleurs extrêmement courtes permettent à cet homme de posséder la sensation si infime soit-elle d’exister, de se survivre. Presque tout de suite j’ai compris la folie de mon entreprise et j’en ai malgré tout cherché la logique. Ainsi cela fait déjà des jours que j’ingurgite la terre que j’extirpe pour que nul ne sache que je suis en ce moment même en train de fomenter ce projet dérisoire m’évader, disparaître dans ce trou que je prends soin de recouvrir au moment où la fatigue me terrasse en replaçant par dessus la paillasse sur laquelle je dors. Avaler de la terre n’est rien d’autre qu’une habitude à créer. Les premiers jours je fus terrassé par des maux d’estomac, mais j’ai serré les dents. Une détermination singulière absolument sans faille, à poursuivre cette folie, me servi durant une bonne dizaine de jours d’unique appui et ce malgré les douleurs terribles qui montaient de mon bas-ventre. Néanmoins Je continuais malgré tout à avaler de la terre et des cailloux par poignées. En prenant soin qu’aucune trace de ces étranges repas ne fussent visibles ni sur moi, ni sur mon visage ni sur mes vêtements ni sur le sol de ma cellule. Puis peu à peu mon palais et mon organisme s’habituèrent à cette nourriture. De temps à autre j’avalais aussi quelques organismes vivants cachés dans la poignée de terre . Je pu ainsi distinguer leur goût leur saveur avec le temps. Le lombric par exemple possède une dominante basique alors que le mille-pattes est plus acide. Et ainsi le simple fait de distinguer le goût de ces êtres au milieu de la terre, de les sentir remuer sur la langue, de faire éclater leurs misérables corps sous la dent me procure un véritable plaisir, une embellie au plus profond de la noirceur dans laquelle on m’avait relégué. D’ailleurs je me rendis compte peu à peu que la profusion de ces lombrics m’indiquait aussi contre toute attente quelques indices quant à la position géographique supposée de la prison. Parmi cette population de vers annélides les haplotzxida étaient en surnombre ce qui pouvait indiquer, quoique je ne fusse qu’un piètre geodrilologue, que j’étais quelque part en zone tropicale. Bientôt la curiosité s’ajouta donc comme une nouvelle couche de motivation dans mon esprit. Même si je continuais à creuser le sol de plus en plus profondément sans espoir véritable, découvrir le goût de tel ou tel nouveau spécimen suffit bientôt comme unique but à mon activité et à la façon d’exploiter ces journées sans devenir fou. Creuser profond, de plus en plus me procurait une l’illusion proche d’une réalité. Celle de remonter le cours du temps en engloutissant ses habitants nichés dans chacune des nouvelles strates que les mains exhumaient avant de les portées par poignées à mes lèvres. Mon odorat aussi s’affina singulièrement. Quelques mois ou années après j’avais autant de nez qu’un nez de parfumeur. Je pouvais reconnaître non seulement l’odeur de mes lombrics mais aussi celle des plantes, et surtout celle des grands arbres probablement monumentaux qui vivaient là bien avant l’apparition de l’homme dans cette région et probablement sur la surface entière de notre planète. Devenir fou était mon obsession avant même de commencer ma folle entreprise. Mais ce que je découvris au fur et à mesure de ma progression vers l’enfer dépassait tout ce que je n’avais jamais pu me permettre d’imaginer. C’était comme si tout ce dont je me nourrissais à mains nues me prenait soudain en pitié ou en totale aversion le doute subsiste encore sur ce point. Tout une connaissance scellée aux vivants me parvenait ainsi directement du pays des morts, de civilisations oubliées, d’êtres totalement étrangers à nos mœurs actuels et si confortables qu’on ne songerait guère à en changer, et encore moins à les abandonner. Ainsi au fur et à mesure où mes mains fouillaient le sous-sol de la prison je vis qu’elles se transformaient de plus en plus qu’elles devenaient semblables à des pattes de taupe. Et plus la connaissance s’infiltrait dans ma cervelle, mon corps, mon esprit, moins j’y voyais clair, peu à peu je fus atteint de cécité, une sorte d’indifférence au décor qui m’entourait. Cependant de façon paradoxale je me découvris des capacités inconnues jusqu’alors pour me mouvoir, repérer ma position dans l’espace et vaquer à mes occupations habituelles et réduites.|couper{180}

creuser profond

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Note d’intention

Désormais François Bon propose un rendez-vous zoom aux auteurs qui désirent parler au groupe de leurs travaux. Je crois qu’il faut être abonné au Patreon pour pouvoir y assister. Et pour les auteurs qui veulent participer, le préliminaire obligé est de rédiger une note d’intention. C’est très bien car le simple fait de se pencher sur la rédaction d’une telle note temporise les candidatures, les filtres par elles-mêmes. Cela me ramène immédiatement à la fameuse « démarche artistique » et bien sûr à l’horreur ancienne du « projet professionnel » par bravade je serais tenté d’écrire plutôt une note de « non-intention ». De faire la liste de toutes les intentions dont je suis désormais dépourvu en matière d’écriture. Une clownerie de plus. Et donc en même temps quelque chose de tout à fait sérieux, d’exigeant. Peut-être un travail préalable à effectuer en amont de n’importe quel type d’intention justement. Le fait de réduire ainsi l’intention à quelques phrases simples non seulement compréhensibles par soi et pour les autres, sûrement un bon exercice en perspective. Car j’ai l’intention de participer, et cette intention me semble à la fois autant désirable que suspecte. Toujours ce même tremblement sur le qui veut quoi et pourquoi. Lien vers le site de FB|couper{180}

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Agrégat

Ce qui s’agrège par le temps, les échanges, les choses lues ou entendues autour d’un mot. Ce qui nous vient spontanément à l’esprit lorsqu’on voit ou entend à nouveau le mot. « Race » par exemple. Ici se côtoient Rimbaud, Annie Ernaux , les nazis, les turcs, les arméniens, le pur, l’impur, les maîtres , les esclaves les seigneurs, les serfs, les vilains, les juifs, les tsiganes, les épagneuls et les siamois. Et si l’on prend ensuite chacun des mots et leurs agrégats, que l’on observe chacun des agrégats dont ils sont eux aussi constitués, on s’interroge. On s’interroge c’est à dire qu’ une part impersonnelle se distingue soudain en nous-mêmes pour observer. C’est peut-être de cet impersonnel que surgit l’écriture finalement. Et cette difficulté à m’approprier véritablement chaque texte que « j’écris ». En tous cas la relecture pourrait atténuer ce malaise si toutefois je prenais au sérieux cette relecture. Si je n’oubliais pas en m’appuyant naïvement sur ce sérieux d’où viennent ces textes. La solution serait alors de ne pas relire du tout ce que j’ai pratiqué souvent. De se situer comme intermédiaire conscient et détaché, conscient de son irrémédiable inconscience, de ce qui ainsi s’écrit. Être passeur. Encore que pas tout à fait certain que le « je »n’invente pas une telle stratégie pour continuer à se maintenir par ruse.|couper{180}

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