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voilà, te voilà, maintenant.
Voilà te voilà maintenant à Paris en ce mois de novembre, un homme se tient là immobile à contempler les fenêtres éclairées au haut d’une facade. C’est la nuit le dernier métro file vers son hangar dans une lumière d’ambre. Et toi tu vois cet homme à la mine maussade. Tu lui dirais bien quelque chose mais non tu entres dans ce bar ici juste à l’angle et tu t’assois pour mieux encore le voir, éclairé de temps à autre par les phares jaunes automobiles. Pauvre amoureux déçu, encore un incompris. Et en avalant ton bourbon tu ris. Voilà te voilà maintenant à Naples. Un homme descend du train, il arrive de Paris son sac sur l’épaule, il cherche son chemin vers la sortie. Juste derrière lui la mort est une belle femme ondulante et froide aux ongles rouges qu’ elle enchaple en soufflant sur ses doigts des haleines de forge, d’enfer. La lumière pénètre à flot avale l’homme et sa fileuse, dans le brouhaha de la ville les vespas passent filent et hurlent, filles aux jambes nues assises à califourchon sur le cuir et le Skaï à l’arrière, impérieuse envie, soudaine, d’un fort café amer. Voilà te voilà aujourd’hui à Prague, pont Charles, nuit de la saint sylvestre. Un homme boit jusqu’à la lie sa coupe de champagne, puis la pose sur le petit muret. Il regarde la foule regroupée ici et là entre staré mesto et Mala Strana en dessous coule toujours cette eau noire où se reflète la lueur froide de la lune. Un homme a posé son verre, il ressemble à Franz Kafka. Voilà te voilà encore dans cette nuit si froide de novembre où tu marches le long des quais, des graachts d’Amsterdam. Plus aucune lueur aux façades, une étrange ville qui le jour ressemble à un jouet, toutes ces maisons de poupées. Un homme marche derrière toi et parvenu à ta hauteur il te demande du feu. Dans la lueur du briquet que tu lui tends et qu’il bat tu te dis merde mais c’est Vincent et son oreille coupée. Voilà te voilà encore entre gouffres et sommets pas très loin du lac, tu marches encore la nuit c’est presque déjà le matin, un lundi matin à Lausanne. Tu vois la silhouette de cet homme qui entre sous un porche, une fenêtre est allumée au Rez de chaussée de cet immeuble, tu t’approches. Des gens sont là assis en tailleur, l’inconnu que tu a aperçu les rejoint et s’assoit face à l’un des murs. Une femme âgée tient une sorte de gong dans les mains dont tu entends soudain le,son en même temps,que sonne l’heure au clocher voisin. Voilà te voilà désormais sur une route bordée de collines douces, tu marches et sur les côtés les silhouettes de grands arbres se tiennent silencieux. Puis le vent se lève et joue avec leurs lanières tu reconnais l’odeur des eucalyptus. La lune bondit à travers les nues et tu vois la bas une silhouette sur une crête. C’est cette femme qui vient de dépasser la trentaine et qui n’a pas d’enfant. Chaque nuit elle vient là sur la colline pour attendre cet étranger qui lui avait promis tant de promesses. Elle hurle et le maudit puis ses gémissement s’ atténuent dans les claquements des lanières qui soudain s’amplifient. Voilà te voilà encore dans cette ville où il faut monter et descendre, que l’on apprend à arpenter a pas mesurés Le pont d’ Eiffel au dessus du Douro une immense masse d’ombre, rien ne bouge, et puis tu aperçois un homme assit sur le quai qui écrit à la lueur chiche d’un réverbère. Tu aimerais bien savoir ce qu’il écrit sur son carnet mais tu t’empêches de l’aborder. Tu restes ainsi jusqu’au matin a l’observer jusqu’à ce que les premiers rayons de la lumière dévorent tous les rêves que tu as pu t’inventer durant la nuit. Puis soudain tu lèves les yeux au ciel, la lune et le soleil. Événement rare, présage d’une étrange journée.|couper{180}
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laisse-moi
Technique mixte sur panneau de bois 20x20 Laisse-moi tranquille, laisse-moi fumer autant que je le veux, laisse-moi être con autant que je le peux, laisse-moi être triste quand j’ai besoin de l’être, laisse-moi rire de la tristesse si soudain j’en ai envie, laisse-moi manger des frites avec de la mayonnaise bien grasse, laisse-moi si je n’ai pas faim, laisse-moi si je crois qu’il fait nuit alors que c’est le jour, laisse-moi le doute, laisse-moi la question, laisse-moi aussi mes réponses toutes faites, les lieux communs mes clichés, laisse-moi respirer profondément, prendre ce moment ce bol d’air cet instant laisse-moi dire des conneries, laisse-moi être fou, laisse-moi boire tout mon saoul, laisse-moi revivre les orgies, mes erreurs, ma culpabilité, laisse-moi me réchauffer les mains sous ta jupe, laisse-moi refuser si je n’ai pas envie, laisse-moi te pardonner de tellement m’aimer, laisse-moi rire quand tu montes sur tes grands chevaux, laisse-moi pleurer tranquille quand tu dors si paisiblement près de moi. Laisse-moi perdre mes illusions laisse-moi m’inventer des histoires à dormir debout, laisse-moi reprendre encore un autre verre, laisse-moi te dire laisse-moi laisse-moi dessiner des châteaux en Espagne, des forteresses ridicules.|couper{180}
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ce ver qui ronge nos cœurs
Essai de matière, acrylique et pâte de structure sur panneau de bois 20x20. Accepter la réalité en tant qu’une partie de la réalité, ce point de vue est lié à un désir très ancien. La connaissance comme foi et non simple croyance. La certitude désormais que je ne pourrai jamais avoir accès qu’à l’apparence seulement de cette réalité. Qu’une partie me restera toujours inaccessible. Cette limite enfin acceptée. Mais je suis incapable d’expliquer un tel désir. Il est là en moi comme une graine semée au plus profond de mon cœur. Je n’ai aucune prise sur ce désir sinon de le suivre. Avec le temps la graine a éclaté, quelque chose s’en exprime, un ver et ce ver je çrois pouvoir dire qu’il ne se passe pas une seule journée pas une seule seconde sans qu’il ne ronge mon cœur, qu’il s’en nourrit voracement. Ce ver, Il est cet enfant qui me lie à ma responsabilité permanente de le nourrir.|couper{180}
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des fréquentations
Dans ce mot, fréquentation, il y aurait à la fois fréquence et tentation. À la fois une sorte de mouvement qui serait presque immédiatement stoppé par une peur irrationnelle. Celle d’être pris dans ce mouvement et de ne pas pouvoir m’en dépêtrer ensuite. C’est la raison que je trouve comme Picasso trouve en non cherche, à mon peu de fréquentations. Mon côté ours. Je ne cherche pas la compagnie. Mais je sais la trouver si j’en éprouve la nécessité, le besoin. Souvent par la fréquentation des livres, et en échangeant quelques commentaires sur le net. Il y a aussi la fréquentation de mon épouse et de ma chatte, mise à part cela pas grand chose d’autre. Je ne me souviens plus de l’auteur de ce propos qui déclare que nous sommes la résultante des cinq personnes que nous fréquentons régulièrement. Il y a du vrai probablement. Quand je fréquentais des prostituées, que j’écoutais leurs propos avec mon camarade Richard qui leur tirait les tarots, j’éprouvais bien plus souvent qu’aujourd’hui l’envie de me rendre à l’église, de me faire pardonner de je ne sais quel péché commis. Quand je fréquentais des imprimeurs j’étais obnubilé par l’importance des repères, par l’opacité des encres, le poisseux, et les vieux murs. Quand je fréquentais uniquement les bouquins, j’étais voué du matin au soir au hasard des découvertes dans les multiples bibliothèques où je me rendais. Quand je fréquentais des cons j’étais con, etc etc. Ce propos est finalement pertinent. Choisir ses fréquentations peut-être d’une importance capitale. A condition que cette importance soit calibrée par un but à atteindre ce qui me manqua régulièrement. Et puis je m’imagine mal me dire je vais fréquenter un tel pour avoir une chance d’arriver à cela. C’est l’homme que je suis que j’ai toujours été. Et cette vision ne fut pas une sinécure. Car si j’observe attentivement, froidement les comportements désormais je peux comprendre que je suis non seulement un ours mais aussi un idéaliste indecrottable. Je suis le genre d’homme capable d’envoyer un message et à livrer le fond de ma pensée ou de mon cœur sans même mesurer les conséquences que cela peut produire sur autrui. Et ensuite je suis tout autant capable de m’étonner de ne pas recevoir de réponse. Quoique désormais je trouve beaucoup plus de plaisir à envoyer des messages que d’en recevoir. C’est un fait. Enfin je comprends aussi qu’une bonne partie du mystère revêtant toute « réussite » ne tient guère que dans un seul mot : le réseau. Un réseau que l’on commencerait à construire jeune et qui s’étofferait au fur et à mesure des années. Un réseau à qui l’on enverrait aussi les « bons » messages. Pas n’importe quelle pensée qui vous traverse l’esprit. Bref tout un art auquel il est nécessaire de s’exercer une vie entière. Jamais je n’ai désiré entretenir de réseau. J’ai traversé la vie allant de sphères en sphères et je n’ai pratiquement jamais conservé de liens avec les personnes rencontrées. Sans doute est-ce dû à cette sensation permanente de n’être que de passage ici-bas. Et aussi le poids de l’exil, tout un héritage qui m’a appris qu’un jour ou l’autre il est possible de devoir tout perdre pour se reconstruire dans un ailleurs. Que l’on n’a pas la possibilité de rester lié sinon par une nostalgie absolument létale à tout ce que l’on a cru être ou avoir, comme aux personnes nous entourant dans une existence qu’on ne retrouvera jamais plus. Vivre ainsi sur le fil comme un moineau voilà ce qui est inscrit dans mon ADN. Vouloir le changer, le modifier serait remettre en question tout l’effort de mes ancêtres, ne plus vouloir appartenir à cette famille imaginaire, changer totalement de film. Il en résulte une atmosphère, sorte d’aura attachée à qui je suis peu engageante pour la plupart des gens que je croise. Les gens sentent ça plus qu’ils ne peuvent vraiment l’expliquer. On ne cherche donc pas non plus à me fréquenter principalement en raison de cette aura. Cette carapace que j’ai mise en place plus ou moins consciemment comme d’autres passent leurs temps à tisser des réseaux. Possible qu’en tant qu’artiste je sois handicapé par cette réticence concernant le mot fréquentations. Mais chaque fois que j’ai essayé quelle déception, toujours eut l’impression d’être hors jeu. C’est le bon mot car tout cela finalement n’est qu’un jeu. Et moi j’aime jouer de moins en moins avec le temps.|couper{180}
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importance du contexte.
S’appuyer seulement sur les faits, sur l’action, ce que je fais ordinairement afin de pousser l’imagination, c’est tailler souvent une portion du réel détachée d’un contexte. Difficile pour un lecteur lambda de s’y retrouver, un lecteur qui ne tomberait que sur un seul texte. Sans doute trop proche de la chronique. Encore qu’il y ait des chroniques très bien faites dans lesquelles le contexte ne soit pas oublié. Possible aussi que tout l’attrait d’un journal ou d’un carnet soit aussi ces paragraphes, ces fragments ajoutés les uns aux autres dans lesquels le contexte ne soit pas visible au lecteur. Mais qu’il se devine par l’accumulation justement de ces fragments. Il faut tenir compte de l’intelligence du lecteur par défaut. Il faut parce que ça me rassure. Mais en réalité sûrement pas. Il y a des codes dont on ne peut faire abstraction pour que l’absorption dans le récit fonctionne « normalement ». Penser au cinéma, aux genres. On va voir tel type de film parce qu’on sait d’avance le genre que l’on apprécie. Si on ne retrouve pas les codes que l’on connaît inconsciemment on se retrouve déçu. A moins que le réalisateur ne joue justement sur ces codes, qu’il les détourne et ce faisant nous réjouisse encore plus. Tarantino par exemple. Il est une règle habituelle de placer le protagoniste principal d’un film en premier lieu dans son quotidien jusqu’à ce qu’un élément déclencheur modifie ce quotidien. Scènes tranquilles, on place le décor, l’environnement, des actions familières, puis paf un couac. Le quotidien d’un tueur à gages par exemple n’est pas le même que le vendeur d’encyclopédies en porte à porte. Mais désormais tous ces films produits sur un système de canevas, des plans calqués tous sur un même modèle, insupportable. Il suffit de prendre un chronomètre et de visionner les films pour comprendre ce fameux plan. Tant de minutes prévues avant l’apparition du fameux élément déclencheur, puis tant d’autres avant le premier rebondissement, alternance des moments de calme et des moments d’action, combien de minutes encore pour arriver à la scène de cul, et combien d’autres pour péniblement parvenir au climax. Le même film finalement. On change juste l’emballage. Et c’est pareil pour les séries. Pour les bouquins aussi, tout ce qui de près ou de loin touche au genre, à un genre formaté quelqu’il soit. D’où mon agacement chronique face au genre et par conséquence au fameux contexte. Mais pas d’autre solution cependant pour les auteurs qui veulent écrire pour pouvoir bouffer. Entrer dans ce moule. Ce qui me fait songer à tout le luxe que je possède de ne pas avoir besoin de publier mes écrits pour en vivre. Et aussi comment aurais-je fait si les circonstances m’avaient conduit à ne pas vouloir trouver d’autre solution que celle d’écrire pour vivre. Pourtant j’écris pour vivre d’une certaine façon. Je veux dire que je ne peux plus m’en passer désormais. Qu’une seule journée sans avoir écrit une phrase est pour moi une journée fichue. Il y a vivre et vivre. Il y a aussi beaucoup d’orgueil derrière tout cela.|couper{180}
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carnet 04
5h03. Ce qui vient aussitôt le réveil. Un exercice qui m’est familier. Mais étrangement alors que j’ai lu la proposition hier soir peu avant de m’endormir, une absence totale d’attention au réveil. Il faut dire que j’ai été réveillé par des voix de l’autre côté de la cloison. Un homme criait à une femme sale pute et on entendait la femme pleurer. Mon épouse était réveillée elle aussi. J’ai regardé le radio réveil pour lire l’heure, 4h29 du matin. Impossible de me rendormir. Ensuite le rituel m’a conduit à la cafetière, puis à l’atelier où j’ai allumé ma première cigarette, et réfléchi à cette nouvelle page de carnet. Ce genre de texte, les moments où on est encore à moitié endormi, pas encore tout à fait dans la réalité que l’on recomposera très rapidement par la suite, je me heurte à un problème en y pensant. Où les retrouver. Ce qui met encore une fois l’accent sur l’une de mes difficultés majeures : l’organisation pratique de ce blog. Il aurait fallu que je place un mot clef pour pouvoir effectuer ce genre de recherche par la suite. Ce qui entraîne aussi cette pensée qu’il est temps de tout relire, et sans doute aussi de réécrire, chose que je me suis interdit de faire jusqu’ici. Tout simplement par que je ne trouvais pas de motivation suffisante pour le faire. Mais une configuration de petits événements semble désormais s’être mise en place pour m’indiquer que le moment est venu. La lecture d’un texte dans lequel Carver évoque sa rencontre avec John Gardner, son prof d’écriture à l’université. Ce qu’il en retire. Et aussi cette pensée qu’écrire ainsi, jour après jour, sans jamais rien désirer publier est une sorte de faux-fuyant. La pensée de plus en plus quotidienne que je pourrais claquer sans prévenir est là elle aussi bien sur. Et dans ce cas, si toutefois mes proches désiraient mettre le nez dans mon ordinateur comment leur faciliter la tâche. Cette pensée aussi qu’une atmosphère très particulière me préviendrait lorsque le moment sera venu. Qu’il me serait possible de lire les signes juste le matin même. Récurrence de cette pensée ou désir. Donc une exploration commence, et ce billet reste ouvert jusqu’à ce soir 18h pour jouer le jeu. J’ajouterai ce que je suis parvenu à désensevelir du magma. Moment où l’on sort d’un rêve, le même qui revient au fur et à mesure des années : titre du texte « à la niche » Autre texte titre « les idées claires » juste le début La toute première fois où je me suis trouvé confronté à ce genre d’exercice, ces phrases qui arrivent on ne sait d’où au réveil, Kafka ou Paul Bowles. Plutôt le second dans la lecture « d’un thé au Sahara » 6h23 découverte d’un autre texte faisant référence au même rêve une tentative théâtrale Et aussi celui-ci miracle du dodormil La difficulté de se relire. Quelque chose de désagréable surgit presque aussitôt à la lecture de certains textes. Le ton principalement avec lequel ils ont été écrits. Le fait de ne plus s’y reconnaître des jours, des mois, des années après. Mais pourquoi faudrait-il s’y reconnaître. Plutôt considérer qu’ils ont été écrits par un autre. Peu importe que cet autre soit un type distingué, un voyou, un débile, un écrivain de pacotille, une brute épaisse. Il faut repenser l’effort des débuts , celui nécessaire pour inscrire sur le papier le traitement de texte quoique ce soit. Respecter cela. Ensuite chercher à comprendre pourquoi ça ne colle pas avec la perception du jour. Et en quoi cette perception prévaudrait tout à coup sur une autre. Se serait-on soudain amélioré. Ou bien n’est-ce encore qu’une nécessaire illusion afin de continuer. 7h52. Je ne supporte pas de me dire c’est raté. Mais je me le dis régulièrement. Comme on gratte une croûte. Retrouver une plaie à vif. Ainsi par exemple cet exercice. Il est raté. Ensuite je me demande pourquoi est-ce que tu dis ça et je commence à louvoyer. J’adore ce mot Louvoyer. Quelle est cette compagne qui l’utilisait à mon égard sans égard. Peut-être bien toujours la même. Le fait de ne pas être loupé. Elle ne me loupait pas. Tu passes ton temps à louvoyer. Normal pour un loup ai-je envie de rétorquer aujourd’hui. Donc j’ai encore une possibilité de rattrapage si je fais une sieste. C’est ce que moi j’appelle louvoyer. Chacun sa définition. 9h15. Un souvenir qui arrive comme une mouche dans la bière. J’étais très jeune, avant mes 10 ans et mes parents m’avaient envoyé en colonie de vacances à Bourg d’Oisans en montagne. Première fois que j’avais la possibilité de monter sur des skis. Je n’ai jamais réitéré depuis lors. La monitrice nous avait réunit dans une salle assez vaste pour que nous nous présentions chacun notre tour. Quand vint mon tour je ne sais pas ce qui m’a pris j’ai dit je suis Clemenceau. Le mot me plaisait mieux que mon vrai nom je crois. Et puis je croyais que tout cela n’était qu’une sorte de jeu que c’était pour rire. D’ailleurs tout le monde a rit. Sauf moi. 9h58. Ce que cache le sourire merci à la lectrice, au lecteur à qui l’a fait remonter dans la file des textes lus ce jour. 10h39. Cet exercice entre rien et rien on peut tout à fait le faire dans un autre cadre. Une tartine de pain frais et une barre de chocolat, et hop même chose. Cette dérive soudaine qui surgit avec le goût, la saveur. Si puissante que la pensée en est pour un temps anesthésiée. Se relire. On croit souvent, enfin moi je crois, que c’est pour aller vers moi plus clairement. Pour s’empêcher de biaiser. Mais aller vers moi cela pourrait tout à fait dire dire aller vers l’autre. c’est juste atteindre à une fréquence particulière où ce que l’on nomme particularité s’évanouit.|couper{180}
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Extrait de lecture
« Je pense à Balzac en bonnet de nuit après trente heures à sa table de travail, la trogne fumante, la chemise collée à ses cuisses velues tandis qu’il se gratte, s’attarde devant la fenêtre ouverte. Dehors, sur les boulevards, les mains blanches et grasses des créanciers caressent moustaches et lavallières, de jeunes dames rêvent à Chateaubriand et se promènent au bras des jeunes hommes, pendant que des fiacres vides passent en cahotant, puant le cuir et la graisse d’essieu. Tel un énorme percheron, Balzac bâille, s’ébroue, marche d’un pas lourd jusqu’aux cabinets et, écartant les pans de sa robe de chambre, dirige un jet de pisse majestueux sur le seau de toilette d’époque romantique. La brise soulève le rideau en guipure. Attends ! Une dernière scène avant d’aller dormir. Le cerveau bouillonnant, il retourne à sa table – la plume, l’encrier, les feuillets épars. » Extrait de Les feux CARVER Raymond|couper{180}
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De toute éternité
Il y a les faits et puis il y a la mémoire des faits. Le risque de confondre les deux, d’en extraire une conclusion, une réalité, est un piège dans lequel nous tombons tous. Toutes les opinions que nous fabriquerons ensuite, seront pour la plupart totalement erronées. C’est ainsi que l’on invente son histoire, sa légende, tant que personne toutefois ne se met en travers et nous prouve à quel point nous avons fait fausse route. Et c’est parfois une chance, une bénédiction de rencontrer cette personne. Encore que la pilule soit difficile à avaler, il y aura un avant et un après elle. C’est un peu comme un accident de la circulation, si on ne s’en sort pas indemne, le simple fait de se sentir malgré tout en vie peut aider à amortir tous les chocs. On peut même éprouver de la gratitude si l’émotion nous déborde. Et ce n’est pas plus idiot que de se plaindre ensuite toute une vie d’un instant d’inattention de quelques millisecondes. Toute rencontre véritable nous modifie qu’on le veuille ou non. Rencontrer l’autre, le rencontrer vraiment c’est se rencontrer soi-même sous un angle inédit. Quel genre de type j’étais en arrivant à Paris je crois que j’ai honte de m’en souvenir vraiment. J’avais choisi un petit hôtel avec le premier pécule que j’avais gagné à 16 ans en jouant de la guitare dans les rues. « L’hôtel des mauvais garçons » ça ne s’invente pas. Ne vérifiez pas sur Google, vous ne le trouverez pas, du moins en tant qu’hôtel c’est désormais un restaurant. Mais pas étonnant, je vous parle de l’année 1976. Et désormais nous sommes de moins en moins nombreux à avoir connu ces années là. 1976, le gouvernement Chirac, l’année où le PCF après le PCE, Parti communiste espagnol, lors de son vingt deuxième congres renonce à l’appellation « dictature du prolétariat » et se rapproche même du « gaullisme » débordant soudain la fameuse « union de la gauche ». 1976 l’année où le service d’ordre de la CGT s’en prend à des féministes dans les défilés syndicaux. 1976 l’année du casse de Spagiarri. 1976 l’année de l’augmentation de l’impôt sécheresse qui entraînera la démission de Chirac. 1976, L’année même où je m’étais amouraché de cette fille militante à la ligue communiste révolutionnaire, ce qui m’avait valu de participer à bon nombre de manifs, de payer ma toute première cotisation, et de me casser la voix à gueuler des slogans dont je n’avais pas grand chose à foutre. Mais l’ambiance nous emporte, on ne peut rien contre l’ambiance, surtout pas à 16 ans. D’ailleurs c’est sur ces entrefaites que le conflit naquit presque aussitôt avec mon père. Un conflit larvé qui ne cherchait qu’une bonne occasion pour que nous crevions enfin cet abcès. Ce fut un dimanche le jour des côtes de bœufs saignantes et des pommes de terre rôties que nous nous empoignâmes Moi gueulant sale bourgeois lui me rétorquant petit con de gauchiste. Ma mère au milieu tentant d’attirer en vain notre attention sur la tendreté de la viande, ma mère toujours habile à tenter de désamorcer les tragédies, les créant même parfois pour jouir du plaisir de les désamorcer. Ce fut à la seconde bouchée qu’il se leva, me saisit par le colbac et me traîna de la cuisine à la porte d’entrée de la maison. La chienne boxer que nous avions à cet époque était couchée dans l’entrée et nous toisa soudain d’un œil très triste. La porte s’ouvrit, nous étions au début de l’automne. Quelques jours avant la rentrée scolaire. Puisque tu veux faire la révolution va donc la faire en dehors de chez moi m’a dit mon père calmement, il m’a flanqué dehors et m’a refermé la porte au nez. Sur quoi aussi sec j’ai réouvert cette putain de porte, suis monté à l’étage pour me faire un sac de vêtements, quelques bricoles et ma guitare, et en redescendant j’ai tout de même mis mes chaussures, des Clark dont le bout commençait à bailler. Des godasses de gauchiste disait mon vieux à chaque fois qu’il regardait mes pieds. Bref j’étais paré, je pouvais désormais dire : puisque c’est comme ça, pas prêt de me revoir. Et j’ai claqué la lourde bien fort pour bien marquer le coup. Ensuite je crois que simultanément deux émotions s’affrontaient en moi, d’une part un soulagement inouï d’avoir osé me barrer comme ça si facilement, et de l’autre déjà une forme de regret en me préparant à affronter l’inconnu qui s’étendait devant moi. Malgré tout c’était un beau jour, l’un de ces dimanches ensoleillés où l’on n’à pas envie de rester dans la pénombre d’une maison à regarder la télé, un de ces dimanches où l’on n’éprouve nulle envie de digérer de longues heures des repas trop riches, un de ces dimanches où l’ennui nous saisit sans qu’on y prenne vraiment garde. J’avais réussi ce jour là à rompre l’ennui. De quoi serais-je encore capable par la suite, aucune idée, et c’était cette partie aventureuse de moi qui trouvait cela excitant tandis qu’une déjà, sur la route menant vers la gare, me serinait de remonter vers la maison familiale pour m’excuser. Ces moments je ne sais pas si je les ai inventés ou si je les ai véritablement vécus ainsi. Peut-être y aurait-il un ou deux détails à modifier, peut-être que finalement ce n’était pas des côtés de bœuf ce jour là, peut-être était-ce le fameux bœuf bourguignon spécialité de mon vieux qui lorsque la lubie le prenait se levait aux aurores pour nous le mitonner. Le vieux et la bouffe. Mon Dieu j’en arrivais parfois à vomir rien que d’y penser des années plus tard. Mais j’appris aussi que faire la cuisine pour les autres ce n’est pas seulement affaire de nourriture c’est aussi une manière d’aimer quand on n’en possède pas vraiment d’autres Une manière évidemment souvent égoïste, surtout chez mon père, mais qui donc n’a pas de défaut sur cette terre, et surtout ce sont justement tous ces défauts qui font que nous replongeons dans ces parties de nous, elles font tellement partie de nous qu’on les croirait être là de toute éternité.|couper{180}
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Pathos
Un vieux mot grec devenu synonyme de n’importe quoi. Mais justement il n’y a que ça de bon le n’importe quoi non. Ce qui n’empêche nullement l’agacement premier de surgir comme un beau diable de sa boîte. Tu lis un texte, le pathos te saute à la gorge, tu voudrais zapper. Premier réflexe. Faut s’accrocher tout au contraire. Mesurer l’écart. Toujours mesurer l’écart. Ne pas confondre avec s’écarter. Ce qu’on apprend de soi quand on se retrouve confronté à cette gêne. C’est comme découvrir un furoncle sur un beau cul. Cela ne colle pas avec l’imaginaire. Pas plus qu’avec la réalité que l’on est toujours tenté de désirer. Le pathos joue un rôle déclencheur, provoque un déclic, clic clac à un instant T dans cette bouillie de pensées dans laquelle nous ne cessons jamais de patauger. Ce que provoque le pathos, d’abord cette sensation pénible de déjà-vu, de trop vu, quelque chose qui flotterait à la surface, un genre de liquide graisseux, oléagineux, masquant la limpidité rêvée d’une eau qui selon le sens accordé aux choses naturelles devrait couler de source. Mais le son perçut éveille quelque chose d’inédit qui ne vient pas. Pire, qui remet en question notre souhait d’inédit. On s’attend à prendre de l’altitude et on retombe au sol comme une merde. Voilà ce que j’apprécie peu a priori dans le pathos. Mais je ne suis pas un homme d’à priori. Enfin je m’efforce d’en sortir le plus souvent qu’il m’est donné d’y penser, puis de pouvoir effectuer un effort pour y parvenir. Parfois il y a meme un sacré décalage entre le moment où je me dis merde quel pathos, et le commencement de cet effort pour me remettre en question. Je crois que c’est lié aux propriétés intrinsèques de la naïveté. On n’est jamais aussi naïf que lorsqu’on refuse la naïveté. Quand on imagine être doté d’une lucidité. Il n’y aurait certainement pas de pathos sans cette pseudo lucidité. Cependant à bien me souvenir de tout ce que j’ai vu et pensé à l’âge de cinq ans n’était-ce pas justement contre cette prétendue lucidité des adultes que je combattais. Qu’une part de moi n’a jamais cessé de combattre. Le pathos, autrement dit ce déversement brouillon d’un état d’âme, cela fait partie du travail d’écrire que de s’obliger à le relire. À chercher ses tenants et aboutissants, à en extraire une sorte de quintessence. Parfois il suffit de peigner le texte, le débarrasser de ses pellicules, de ses poux, de ses lentes, de tous les empêchements mis en place pour le rendre illisible. Pas forcément trop bien peigné. Mais clair déjà. Et pour atteindre à cette clarté prendre le pathos à bras le corps. Le secouer comme un prunier. Dis moi clairement le nom de ton putain de fruit bordel. Ne surtout pas aller selon sa pente. Résister, tenir bon. Malheureusement le pathos est un peu comme le diable. On croit qu’il a disparu, que l’on en a fini avec lui et soudain on s’aperçoit qu’il revient à la charge là où on l’attend toujours le moins. Que depuis notre lucidité on est justement en train de nager en plein pathos. Une solution serait d’en rire si ça ne faisait pas grincer des dents ou pleurer. Mais non, revenir à l’aspect pratique, terre à terre, d’abord se rendre chez le dentiste, régler le foutu problème du sourire.|couper{180}
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carnet 03
Proposition du jour : « Je voudrais qu’on s’en tienne mentalement à la proposition précédente, Si loin, si loin, et qu’on se la remémore : fragment de réalité aux limites du souvenir conscient, qui restait lacunaire, incomplet, mais a surnagé dans la journée d’hier comme étant cela qu’on avait à attraper, respecter dans sa fragilité et son incomplétude, et rapporter là des deux mains dans le présent, palpitant et vibrant. C’était un souvenir comme sans bords, scène ou sensation ou objet, il est ambivalent : il donne accès à son contexte, on peut le franchir comme une porte pour atteindre à ce contexte, ou bien le détacher de son contexte pour en faire ce fragment de langage, le restituer ici et maintenant comme poétique. Mais une poétique qui aurait conservé ce caractère d’être « sans bords ». Alors, une fois refixée en nous cette démarche, et si on l’utilisait pour décrypter une nuance, un fragment, du réel même ? Non pas un exercice d’observation, mais se saisir, dans le réel traversé cette journée-ci, d’un détail de même sorte, un détail qui soit sans bords. C’est passé presque inaperçu, fenêtre éclairée dans la nuit, ou vitrine, ou visage. Derrière la vitre d’une voiture, ou au coin d’une rue. Une maison ou un balcon, et le temps d’un millième de seconde l’impulsion à y aller voir de plus près, ou l’illusion qu’on aurait pu franchir ou entrer. « Il aurait fallu ». Si on avait eu le temps de. Si on avait eu la permission de. Et bien sûr qu’on ne l’a pas. Bien sûr que même la peau la plus coriace du réel, du présent, inclut ces points de fissure ou de porosité. Ou d’appel tout simplement : fragment de réel qui aurait désiré qu’on s’y arrête, et on ne l’a pas fait. Est-ce que cela fait sens, de rester dans cet « il aurait fallu », dans cet « on aurait dû », et rapporter là, à la surface du texte, sans plus de justification ni de contextualisation ni d’explication, ce tout petit point du réel qui nous semblait « traversable » ? Et c’était si fugace, tellement à distance. Comment aurions-nous pu nous rendre à cet appel ? La réalité complexe traversée dans le temps que scandent ces propositions, l’appréhender non pas comme descriptible, mais comme potentialité d’exploration. Se projeter dans cette fissure ou cette porosité, cela serait fiction. Ramener là, dans une note, cette potentialité même, et on aura d’une part ce petit fragment fragile de réel, mais en tant qu’il est traversable, en tant qu’il recèle de la fiction. Nous, ici, parce que c’est le carnet et pas la fiction, on s’en tient à ce petit fragment. Et nul doute que l’ambivalence y sera présente, rémanente. » 00:02. Il aurait fallu, mais pas assez de temps, pas suffisamment d’audace, pas assez de curiosité, pas assez de confiance, pas assez de volonté, pas assez de concentration, d’attention, ignorant tout encore de la valeur du fugace, du sans-bord, pas suffisamment intelligent, pas encore assez grand, encore trop perméable, peut-être aussi trop occupé à me débattre avec moi-même, à éprouver cette peur irrationnelle de l’autre reflet permanent du désir tout aussi irrationnel, à me tenir perpétuellement ailleurs qu’ici, nourrissant tellement d’espoir pour des chimères, tout entier ramassé dans une idée d’attraper, de saisir, de posséder, aveuglé à force d’être arc-bouté dans l’obsession de voir, il aurait fallu tellement d’atouts que je me disais ne pas posséder. Et c’est exactement ainsi que j’ai laissé filer une vie presque entière à me demander ce qu’il aurait fallu que je possède vraiment pour ne plus jamais me demander ce qu’il aurait fallu que je possède. 00:36. Il aurait fallu que je lui dise la vérité, c’est à dire ce que je ressentais véritablement, c’est à dire une indifférence chronique quant à ses gesticulations, le ton souvent trop aigu de sa voix et qui me rappelait à ma propre idée de la fausseté, qu’elle était ce triste reflet de moi-même, insupportable reflet, caricature grotesque qui me revenait comme un boomerang en plein cœur. L’indifférence était le seul refuge que j’avais trouvé comme possibilité de quiétude, de sécurité, d’unité. Si soudain j’avais lâché prise, que je tente de faire un seul pas au-delà de cette forteresse, ma dispersion eut été absolument totale, j’aurais alors eu la sensation d’exploser en une myriade de morceaux de fragments qu’aucune force au monde n’aurait jamais pu recoller. Le pire est que je ne garde presque aucun souvenir des raisons qui m’ont poussé à cette époque vers cette indifférence, cette cruauté. Elle avait le don de déclencher cet agacement que je considérais comme une agression, un danger capable de remettre en question toute la structure de l’édifice encore fragile de ce que j’ai peine à nommer ma personnalité. Ses observations ironiques qu’elle avait coutume d’énoncer avec cette fausse naïveté qui la caractérise encore dans mon souvenir, ses observations sur la maturité nécessaire, indispensable pour écrire, elle les lâchait comme des bombes, en passant, se foutant totalement de savoir ce qu’elles pouvaient déclencher chez l’orgueilleux que j’étais. C’est à dire des ravages inouïs, des réponses d’une perspicacité irréfutable, implacable quant à la plupart des doutes que je nourrissais en secret. La hantise autant que le désir qu’on me mette le grappin dessus. La hantise que l’on m’achève autant que l’on me redonne la possibilité de vivre. J’étais probablement aussi timbré qu’elle. Derrière la façade de ce jeu amoureux que nous nous efforcions de jouer, impossible de ne pas voir les enjeux. Le surnaturel ne fut jamais aussi présent que lors de cet été 1989. Il ne fut surtout présent que parce que je l’´appelais depuis des années, parce que j’avais fait tout ce qu’il m’était humainement possible de faire pour qu’il surgisse soudain, concrètement dans ma vie. Elle incarnait l’ Autre. Et ce que je nomme encore surnaturel aujourd’hui n’est sans doute rien d’autre que le saut dans le vide exigeant bravoure ou bêtise pour l’effectuer. Se donner tout entier à l’autre. L’expérience acquise du sujet m’avait conduit à conclure à l’ineptie, à une impossibilité ontologique. Rien de plus encombrant que de recevoir autant, et de ne rien savoir en faire, de rester tétanisé par l’offrande, avant de s’appuyer sur ce qu’il faut bien nommer la réalité pour s’en sortir. Cette réalité est celle éprouvée des mes premiers jours, mes toutes premières respirations. Un ennui absolu. Je peux comprendre que le fait d’être né avant terme fut l’une des cartes reçues avec laquelle il fallait faire avec. Ces quelques semaines, mois, isolé derrière les vitres d’une couveuse. Ce peut être la raison principale, rationnelle. La raison pour laquelle l’autre est installé sur un piédestal. L’autre qui passe en coup de vent. On éprouve sa présence au moment même où il tourne les talons. Une frustration créant le socle, le piédestal, comme le rejet, l’envie de meurtre, le désespoir causé par la totale dissolution alors que l’on espérait au contraire se réunir. Les va et vient incessant de l’autre. Un objet insaisissable que l’on ébauche par petites douleurs régulières, une torture lente mais efficace. Et bien sûr on est inconscient de cette construction. On remplace l’inconscience par la tristesse, la colère, le désespoir, l’ennui, la rage. Alors qu’on ignore encore la définition précise des mots. On s’appuie sur les émotions innommables encore. Elles laissent d’indélébiles empreintes. A terme impossible de dire si le bien ou le mal est fait. Mais aussitôt que la solitude est présente la couveuse se recrée irrémédiablement. Sans doute parce qu’elle offre aussi un bénéfice malgré tous les déboires, l’acrimonie qu’on en conserve comme principal. La solitude développe l’imagination. Il aurait fallu que je comprenne à quel point l’histoire, toujours la même se répéterait. Comme une mélodie allant d’octave en octave. Apprendre à détecter qu’il s’agit de la même chose à chaque fois représentée sur un ton, une fréquence différente. Le crescendo n’existerait que pour créer la nécessaire douleur accompagnant la lucidité. L’installation, au sens artistique de l’Autre comme sommet et gouffre. Comme extase et affre, un insécable. Enfer et paradis réunis dans la figure de l’altérité. Il aurait fallu continuer la marche, se perdre en forêt encore plus souvent, traverser des champs s’étendant à perte de vue sans âme qui vive. Se rapprocher de la nature. Ne pas la lâcher. Pénétrer la nature des arbres, trouver leurs noms imprononçables. Pas faute d’avoir essayer. Mais essayer insuffisamment réduit l’effort à rien, l’annule de façon irréversible. Sensation pénible d’avoir à chaque fois tout à reprendre depuis le début. Sensation de s’obliger à s’en remettre à une ignorance fondamentale. Essentielle. Une injonction intérieure irrépressible de devoir tout reprendre à partir de ce rien vers lequel la nécessité du retour semble impérieuse. Je n’ai jamais su faire autrement. Déborder du cadre de l’exercice. Une impudeur. Une impolitesse. Une erreur. Un péché. Tout ce que je demande toujours implicitement à mes élèves. Tout ce que j’ai toujours demandé aussi à l’amitié. Tout ce que j’ai toujours demandé à mes compagnes. Déborder. Peut-être pour me rejoindre dans ce débordement incessant. Cette navigation sans sextant. Ce refus acharné de toute destination associée au familier, à cette prison que représente la familiarité. Familiarité synonyme de débauche, d’une autre version mortifère du laisser-aller le débordement en contrepoint du laisser aller. Le *on s’en fout* pour contrer le *il aurait fallu.* déborder comme vivre. Il aurait fallu que je lui dise clairement à quel point le goût de ce rouge à lèvres, ce putain de « Rouge Baiser » faisait surgir en moi le dégoût de tout le trompe- couillon dont elle s’obligeait à s’enduire pour créer une image d’elle qui ne collait pas. Car au fond je la voyais, je la voyais clairement, je ne voyais qu’elle. elle était cette petite sauvageonne, cet être aussi ruiné par les hasards et que le discernement me présentait comme un reflet de qui je suis, qui j’ai toujours été. Je me souviens, un seul verre d’eau m’aurait suffit pour que j’étanche toutes les versions de ma soif. Pour que le mot inextinguible disparaisse à jamais de mon vocabulaire. C’était là toute mon ignorance de l’autre, femme ou homme, aussi prisonnier que je l’étais encore d’un monde d’images, de stéréotypes, de schémas. Cependant que j’étais incapable de prendre suffisamment d’altitude, de tolérer, d’accompagner doucement. Tranquillement. Ma tranquillité ne le supportait pas encore. Et surtout il aurait fallu que je trouve la foutue balance pour peser le pour et le contre. Avoir raison ou être en paix. 4h35. Il aurait fallu que je me taise. Que je n’ajoute pas de la peine à la peine. Mais ce fut plus fort que moi. J’en avais marre, ras le bol, d’être un vieux sage. Je devins un vieux fou, pour voir ce que ça fait, pour changer de crémerie. 4h44. Il aurait fallu suivre ma première impression, mon intuition. Acheter coûte que coûte cette boîte vide de cigares. Panther. À la place j’ai craqué mon billet pour une belle boîte de peintures. A l’intérieur des fiasques en métal, des flacons de médium encore pleins, de vieux tubes de couleurs à l’huile extra fines. 10 euros l’ensemble. Ma mère de mémoire possédait une boîte semblable. Pas retrouvée non plus lors du déménagement. 12h19. Il aurait fallu trouver des formules encore plus simples pour expliquer aux élèves le but de l’exercice de ce matin. Ne les trouvant pas je leur ai fait un dessin peinture. Acrylique sur papier format 21x29,7 cm 16h. Il aurait fallu que je pense à ce format plus tôt au cours de ce blog. En fait j’y avais songé en lisant l’excellent blog de Thierry Crouzet et ses carnets. Mais il est beaucoup plus costaud que je ne le suis en code informatique. Et puis je suis privé d’accès FTP étant donné qu’en novice j’ai pris un hébergement là où je ne recommanderai jamais désormais de le prendre. Lu le texte sur le pragmatisme de William James. J’aurais du vivre dans ces années là, on se serait rencontrés et sans doute bien appréciés. Mais aussi il aurait fallu que je sois vieux, qu’on ne m’enrôle pas dans la boucherie de 14-18. Encore que mourir jeune à condition d’avoir pu écrire quelques textes résumant l’essentiel, est-ce plus intéressant que de vivre vieux sans avoir rien fichu, ça se discute. Comme ce doit modifier l’écriture une bonne fois pour toute en tous cas. Tous ces écrivains qui sont parvenus à se survivre ensuite… à quel prix… évidemment Céline, Apollinaire. Bon il faut que j’arrête ce carnet pour aujourd’hui, je commence à raconter vraiment des conneries.|couper{180}
import
le manque
Assoiffé, affamé, RIEN ne saurait cependant remplir le manque. Et si surgit l’impression d’une satiété, elle n’est jamais que passagère. Alors prendre la chose au sérieux. Tenter de combler le manque. Par l’excès. Étudier chaque possibilité d’excès l’une après l’autre, scientifiquement. Parvenir à la conclusion qu’il faudra rebrousser chemin tant la déception est vaste. Vaste comme ce gouffre toujours présent, intact. Déception et manque font bon ménage. Puis s’assoir un moment dans l’éternité. Pas trouvé de figuier, mais un vieux réverbère bouffé ça et là par du vert de gris. La Seine noire, les bateaux mouches irréels. Des étrangers me font un petit signe de la main. Peine à saisir leur joie, je ne réponds pas. Muré dans le manque la moindre joie est une écorchure. Même palper la peau nue, un corps qui frémit sous la caresse, un corps qui sera toujours un corps étranger. Le manque n’est-ce pas l’évidence de l’écart magistral. Qu’un sein même pétri ne sera jamais le sein, pire que chaque fois qu’on s’en saisit on l’éloigne encore plus loin. Rebrousser chemin, tête basse, épaules voûtées, s’intéresser au pas que l’on fait, uniquement à ça. Un pas après l’autre. Et tout à coup l’idée surgit, le manque est partagé. Tout le monde est en affaire avec lui. Le manque un dealer cosmique. S’agit ensuite de savoir si on veut continuer la drogue, si on veut se donner les moyens de se sevrer. Refuser la tétine. Bouder la cuillerée pour maman, pour papa, s’en foutre. Devenir buté face à toute possibilité de combler. Vomir à la simple idée de la satiété. Vomir c’est retrouver de l’énergie. Se débarrasser d’un paquet de toxines. S’appuyer seulement sur le corps, en apprendre le langage, les limites, elles sont toujours extrêmement singulières. Uniques. Les refus du corps pour se débarrasser des pensées d’avoir, d’obtenir. Désintoxication pénible mais salutaire. Puis la pauvreté comme une feuille d’automne qui arrive dans la paume sans prévenir. La douce caresse de l’abandon, ce frémissement, ce tremblement. N’est-t’on pas comblé par l’événement, comblé comme jamais. Le train s’arrête. Pauvreté à tous les étages. Un Disneyland a l’envers. Gratuité totale des attractions. La main d’un homme qui se pose sur les cheveux d’un enfant juste là, à quelques mètres devant vous... vous sentez. Vous êtes rassasié. La manque est parti faire un tour au diable vauvert .|couper{180}
import
certitude
La réalité et la fiction ne peuvent se passer l’une de l’autre. Le mensonge naît d’une interrogation quant à la réalité, sur la notion de limites que l’on associe comme synonyme du mot réalité. Le mensonge serait alors une exploration des limites. Le mensonge n’aurait pas grand chose à voir avec la morale. L’amour ne connaît pas de règle entendu hier. L’amour et le mensonge. Une double exploration à première vue, mais que je suspecte ce matin de n’en faire qu’une. Et puis qu’advient-il d’un homme qui se retrouve certain d’une certitude. Que la plupart de nos actes, de nos pensées, de nos émotions ne sont que des fictions, autrement dit des mensonges nécessaires pour augmenter le périmètre d’une réalité trop étriquée pour nous tous. Association quasi permanente entre le mot artiste et le mot menteur. Alors que désormais les mot sincérité, authentique, participent à un langage de douaniers. Un texte encore de Ferré, « poètes vos papiers »... https://youtu.be/CDlB3VJz35E|couper{180}