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l’agacement

Ce qui m'agace m'apprend ce dont je ne veux pas, ce que je ne veux plus. Ce qui m'agace m'appartient encore, brille une dernière fois d'un éclat triste ou saugrenu avant de disparaitre dans le néant, dans le vide dans lequel je préfère résider. Ce qui m'agace me met en mouvement pour que je me satisfasse, jouisse de l'immobile. Et parfois le vide, l'immobile m'agacent aussi sans que je ne puisse trouver d'issue. Alors j'écris.|couper{180}

l'agacement

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Audience

Dans quelle mesure tout ce que l'on fait ou dit désormais aurait-il besoin d'une audience. Et à quoi sert de publier systématiquement tous les textes que j'écris à part vouloir me libérer de leur contenu et retrouver le vide, seul lieu rassurant, apaisant. Cela me saute aux yeux en ce moment, et bien sûr me révolte. Cette éternelle révolte contre moi-même. Contre cette part de moi-même qui obéit sans prendre de recul à certaines influences de l'époque, d'une mode. A des engouements. Comme si c'était encore une tentative vouée d'avance à l'échec de pénétrer dans un monde dans lequel je n'ai jamais voulu vraiment entrer. Qui viscéralement provoque le doute, l'effroi, une désespérance. Mais tentative renouvelée que j'effectue malgré tout pour voir jusqu'où ça mène. Toute l'histoire de ma vie en quelques mots. Dans le fond je pense que j'aurais du être vraiment prof. Enseigner une matière précise à des élèves, bénéficier d'une audience dans un cadre bien déterminé. Je m'en serais certainement dégouté plus rapidement. Puis je serais passé à autre chose débarrassé une bonne fois pour toute de cette injonction intérieure. Le problème de l'audience c'est que cela rappelle trop une forme ancienne de mendicité. Demander audience à un seigneur, à un fonctionnaire pour exposer des griefs ou implorer je ne sais quoi, dans l'espoir surtout d'être écouté, entendu. En gros il est ici question de justice et de son contraire l'injustice. De s'en remettre à une entité qui aurait ainsi pouvoir de décider ce qui est juste ou injuste, ou bien ou mal, ou vrai ou faux. Ersatz de divinité. Comme le dit un dicton populaire il vaut mieux s'adresser directement à Dieu qu'à ses saints. Et qui peut donc être Dieu dans cette affaire, où le chercher, où le trouver. Certainement pas à l'extérieur, pas dans une audience. Plus précisément dans un effort continue de rectitude, d'impeccabilité envers soi-même. Une géométrie sacrée, une divine proportion. Mais avant cela peut-être était-il impératif de calculer le circonférence de la Terre. D'errer d'un pôle à l'autre. De connaitre ses limites comme celle des audiences réelles ou imaginaires.|couper{180}

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précision

Une envie ou un besoin. Peindre de façon précise, écrire précis. Encore une façon de lâcher du lest. De ne pas s’égarer de trop. De ne plus s’égarer du tout. Éviter l’évitement. Et il y a une façon pour chacun d’atteindre à la précision. Ne pas copier ou imiter une précision avec laquelle on imagine avoir une affinité. Ne rien imaginer. Être là et affronter les obstacles, faire de son mieux. Ne pas comparer. Quand sait-on que l’on a été précis du mieux que l’on pouvait. Une éclaircie éminemment personnelle avant tout. Ne pas se fier aux dires, compliments ou critiques. La précision ne regarde que soi. Comme la vérité et les mensonges, on le sait très bien, on ne sait même que ça, même si on fait semblant de ne pas le savoir.|couper{180}

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légendes et autres vies édulcorées

Bien sûr comme beaucoup, commencé par la vie des saints. Jacques de Voragine et la légende dorée. Mais difficile d’y croire vraiment. J’avais déjà été frappé par les fameux éclairs de lucidité, chers à Raymond Carver. A quinze ans j’étais comme ça. A douze j’avais lu la collection complète des Rougon- Macquart. Un pari. Une varicelle me cloîtrant à la maison. Il faut vraiment vouloir y croire à ces vies édulcorées. Sans doute une bonne dose de malheur à avaler en perspective avant d’accéder à cette resucée de naïveté. Quant aux vies d’artistes, d’écrivains, quasiment rien. On ne sait comment ils mangent, gagne leur pain et ce durant de longues années. Puis la découverte de John Fante, demande à la poussière, m’a requinqué. Mais pas encore suffisamment. C’est la lecture du Tropique du cancer de Miller qui m’a révélé ce que je présupposais déjà. Que l’on puisse écrire d’une façon aussi triviale et magnifique sur tant de sujets dont on ne parle jamais fut un nouveau coup de tonnerre, une révélation. Sauf que même ça est encore de la littérature avec tous les guillemets et artifices que ce mot me suggère immédiatement. Et aujourd’hui je lis les feux de Carver. Son histoire où il se retrouve à devoir faire cinq machines à linge en même temps pour aller chercher ensuite ses gamins et les habiller pour qu’ils partent. Pas de sèche-linge disponible et la rage l’impuissance qu’il ressent à cet instant précisément. Et ce constat du fardeau de la responsabilité. Il le dit avec un tel accent de sincérité, dans un tel dénuement... peut-être que si j’avais lu « les feux » à 20 ans au lieu de Miller ma vie en aurait été changée du tout au tout. Fait deux autres petits tableaux. Comme Carver ses nouvelles, parce que pas de taille pour autre chose, pas suffisamment de capacité de concentration ou d’attention.|couper{180}

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rédemption

Écrit un long texte ce matin. Une chronologie d’événements marquants. Le mouvement, l’enchaînement des faits quel en est le moteur, la cause, sinon toujours l’espoir obstiné d’une redemption. Qu’une redemption puisse arriver surtout de l’ extérieur, par hasard, au moment même où on feint de s’y attendre le moins. Un sale petit jeu de gamin. Parvenir à se relire, à découvrir à quel point on dérape, on se ment. Peut-être un désir inavoué qui se mélange à celui d’écrire. Le fait de prétendre utiliser un personnage, un narrateur. Le risque de croire à ses propres mensonges ou a de nouveaux et qu’on inventerait dans l’unique but, le même toujours, d’une rédemption. C’est à dire plus simplement, d’obtenir le droit d’exister tel que l’on est. Même ces quelques mots sont sujets au doute. Quelle est la part de sincérité, la part de fiction qu’ils contiennent, et est-ce si important vraiment de la déceler. Le rapport étroit qu’entretiennent peinture et écriture en ce moment. Une recherche qui se résume à se rendre directement au but. Quel but ? Un objet fini, texte ou tableau dont la fréquence globale ne produise aucune fausse note. N’est-ce pas encore une illusion, et puis-je vraiment compter sur mon sens de l’harmonie pour me mêler de musique. Par contre le silence m’est familier, j’arrive à en déceler de plus en plus de nuances. Arrêter de peindre, d’écrire quand le silence se modifie. Surtout quand il produit une mélodie connue. Un tube diffusé en boucle.|couper{180}

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dépendance

Avoine sauvage La dépendance est un lien naturel dans la nature. L’interdépendance crée un équilibre et cet équilibre est rendu précaire par notre présence. Par notre avidité notamment et notre goût à répéter sans relâche les mêmes actions dans l’illusion qu’elles puissent ainsi fournir le même résultat. Bien sûr on oublie volontiers la part de recherche et développement, la quantité incommensurable d’échecs traversée avant d’obtenir tel ou tel résultat. L’avidité n’attend qu’une impression de ce résultat pour se jeter dessus, en fabriquer règles et dogmes. L’avidité dans son aveuglement crée ainsi sa propre perte. L’avoine sauvage possède deux filaments, sorte d’antennes à l’extrémité de la graine. Lorsque le temps est venu, celui de la reproduction, la graine tombe à terre. Le jour la chaleur rétracte les filaments, la nuit ils se déplient. On peut ainsi observer des graines qui se mettent à marcher grâce à ces pattes bizarres pour aller en quête d’un lieu propice où elles pourront croître, se développer, devenir de nouvelles plantes. Qu’avons-nous déduit de cette observation... qu’il était peu pratique de cultiver des plantes qui se baladent un peu partout sur la terre. Nous avons donc sélectionné des graines dont les filaments étaient plus petits ou inexistants. Puis nous les avons alignées dans des sillons à perte de vue. Nous avons inventé le blé et beaucoup d’autres nouvelles semences exactement de la même façon. Une sélection pour obtenir toujours le même résultat. Des récoltes abondantes. Nous avons créé aussi une dépendance nouvelle ainsi entre ces plantes et nous-mêmes au dépend d’anciennes relations existantes bien avant nous.Des espèces d’insectes ont muté, ou ont disparu au profit de nouvelles qui n’entretiennent plus les mêmes relations avec les plantes endémiques. Nous avons modifié tout un système d’échange multi-millénaire pour répondre à notre besoin, pire au profit d’une poignée. Faisons- nous partie de la nature. Bien sûr que oui. Notre inconscience est la même que celle des abeilles qui butinent les fleurs pour récolter leur pollen et qui en même temps perpétuent leur existence. Il semble cependant que la plante dont l’antériorité précède celle des insectes ait à son bénéfice une bien plus grande part de recherche et développement, que ses stratégies pour survivre soient plus anciennes que n’importe quel être vivant sur la planète. Ainsi il n’est pas idiot d’imaginer que les plantes soient encore en ce moment même en train d’élaborer des stratégies pour nous utiliser nous et notre avidité à notre insu. Ainsi par exemple cette idée de récolter les graines de tous les végétaux soit-disant en voie d’extinction. Stockées désormais dans plusieurs endroits de la planète dans des silos. Dans l’attente du moment propice à germer de nouveau... est-ce une idée humaine uniquement, ou bien une suggestion provenant de bien plus loin, du cœur et de l’esprit des végétaux eux-mêmes... Examiner les dépendances que l’on entretient avec notre milieu notre entourage, nos proches. Elles ont toutes une « bonne » raison d’exister, des plus agréables aux nauséabondes. Croire que l’on peut en extraire un sens uniquement grâce à la raison, à l’aide de nos pensées, d’une morale, et même de nos émois, semble appartenir au domaine de la fantaisie. Sans doute faudrait-il remonter à l’inouïe solitude du silex ou du granit cherchant à s’extraire d’une forme, simple grain de sable ou falaise pour appréhender un millionième de sens quant à l’éclat leur désir d’échanger avec leur l’environnement.|couper{180}

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Sans forme ni figure

Chaos jaune « L’homme qui voyage et ne connaît pas encore la ville qui l’attend sur sa route se demande comment seront le palais du roi, la caserne, le moulin, le théâtre, le bazar. Dans chaque ville de l’empire, chaque édifice est différent et a une place particulière : mais à peine l’étranger arrive-t-il dans la ville inconnue et jette-t-il un regard sur cette pomme de pin de pagodes, de mansardes et de granges, suivant les capricieux dessins des canaux, des jardins et des tas d’immondices, que tout aussitôt il y reconnaît les palais des princes, les temples des grands-prêtres, l’auberge, la prison, les bas-fonds. Ainsi – dit-on – se confirme l’hypothèse selon laquelle tout homme a dans sa tête une ville qui n’est faite que de différences, une ville sans forme ni figures, et les villes particulières la remplissent. » Extrait de Les villes invisibles Calvino, Italo Si on remplace la ville par la peinture n’est-ce pas la même chose. Tout peintre a dans sa tête une peinture qui n’est faite que de différence, une peinture sans forme ni figures et les peintures particulières, celles qu’il voit en dehors de lui-même, y compris ses propres productions, la remplissent. Par bonheur la plupart des peintres sont inconscients de cet état de fait. Mais il suffit d’être soudain mis en relation avec cette découverte, de découvrir la présence en soi de cette peinture sans forme ni figure pour que la série des catastrophes s’enchaîne. Et qu’est-ce que la catastrophe sinon la mise en place obscure, la plupart du temps, d’une série d’actions contradictoires menant au chaos. La destruction d’une idée d’ordre, de logique, qui mène toujours au même résultat. La question qui pourrait alors venir, mais on peut l’anticiper, l’ordre existe-t’il avant le chaos, un ordre qui n’a rien à voir avec ce qu’on nomme communément l’ordre, avec ce que moi en tant que peintre je nomme l’ordre, ou bien le chaos n’a t’il aucun ascendant, aucune cause. La Tora donne une réponse dans le livre du commencement, le Bereshit. Mal traduit en latin et encore pire avec Louis Segond. Au commencement etc… non. Il y a déjà eut quelque chose avant ce commencement. non le chaos, un autre ou plusieurs commencements, mais qui, pour des raisons impénétrables, en provoque d’autres encore et encore. L’écriture par exemple telle que je l’appréhende au même titre que la peinture nécessite d’aller ainsi de commencement en commencement. L’infini nécessite d’aller de la même façon. L’infini une longue chaîne de commencements qui s’achèvent sur de nouveaux etc. Idée de titre pour un recueil : « le livre des commencements »|couper{180}

Sans forme ni figure

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Le peintre qui voulait peindre rien.

Vais-je avoir des enfants ? C'est la question la plus posée à Cell-ion depuis sa création en 2017. Intelligence augmentée, la machine d'aide à l'indécision va vous aider dans vos choix, mais pas forcément comme vous pourriez l'imaginer. La machine est le fruit d'une collaboration entre chercheurs du CNRS, ingénieurs et artiste, avec comme principale motivation, créer la machine ultime qui puisse répondre à toutes les questions en prenant comme postulat de départ le travail de Gödel et Lorentz. Le peintre tentait d’abolir sa capacité à établir des différences. Durant des années il alla ainsi d’échec en échec. Pas un seul tableau où la différence ne surgisse pas. Différence de matière, différence de couleur, différence de nuance. A chaque fois surtout lorsqu’il qu’il piaffait de contentement, qu’il sentait le but proche, celui-ci s’évanouissait, une première différence s’affichait soudain qu’il n’avait pas vue, puis une autre et encore une autre... la différence produisait seule sa propre abondance. À côté de cela la peinture dans son ensemble sombrait dans l’invisible peu à peu. Malgré tous les mouvements, toutes les tentatives effectués par les peintres pour tenter de surnager, de se rendre visibles... par l’exhibition de leurs différences, le peintre tentait toujours de ne pas perdre de vue celle-ci. Mais la peinture devenait comme l’une de ces grandes métropoles modernes, elle disparaissait, s’évanouissait peu à peu au profit des particularités que tout à chacun voulait lui coller dessus. Il y avait bien eu quelques tentatives, quelques peintres avaient essayé d’alerter l’opinion, clairvoyants d’une catastrophe silencieuse à venir. Mais ils avaient été rejetés à la marge considérés comme quantité négligeable. La vérité est qu’on ne change pas ainsi la vision d’une opinion publique puisque cette vision a été fabriquée pour de bonnes raisons. L’éloge de la différence, de la particularité nécessaire pour imprimer dans les esprits l’illusion des hiérarchies, du bien et du mal, du beau et du laid avait été mise en place depuis tant d’années qu’elle était désormais devenue une compétence inconsciente des foules. D’instinct on savait s’appuyer sur la moindre différence pour fabriquer un jugement. Se ranger dans un camp ou dans un autre. Pérorer sur la peinture, y aller bon train de la glose et de l’exégèse. Mais au final la catastrophe était là, une uniformité, sorte de carapace désormais inviolable qui recouvrait la peinture comme une couche épaisse de vernis au travers de laquelle ne s’agitait plus que des souvenirs, des réminiscences, des reproductions de reproductions, un infini plagiat. Pour se rendre dans le lieu de la peinture, songeait le peintre, peut-être fallait-il abandonner ce qui de tout temps avait été décrété lui appartenir intimement. Rejeter tout ce qui jusque là avait été considéré comme outils nécessaires pour la produire. Était-ce nécessaire d’avoir autant de pinceaux, de tubes de couleurs, de toiles de formats divers... durant des années le peintre tenta d’abord de réduire ce nombre d’outils. À la fin il ne lui resta plus qu’un seul pinceau, un seul tube de couleur et une seule toile. Au bout du millième monochrome effectué ainsi, la différence se voyait toujours comme un nez au milieu d’une figure. Alors il décida de se séparer de son dernier pinceau, de son dernier tube de couleur, et des mille monochromes qu’il avait réalisé sur la même toile, chaque fois effaçant le précédant. Désormais il se tenait seul au milieu d’une grande pièce vide. Il contemplait les murs blancs, il ne voyait plus que ce blanc. Dans un moment d’euphorie il fit appel à un peintre en bâtiment pour que celui-ci repeigne tout en noir. Et durant quelques mois encore il plissa les yeux en observant les murs noirs. Mais il percevait encore des différences, selon le moment de la journée la lumière créait de la différence. Éreinté, désespéré, le peintre subit à nouveau une nouvelle poussée d’euphorie. Il devait se crever les yeux. Ce qu’il fit aussitôt. Mais même en étant aveugle, ce qu’il projetait du plus profond de son aveuglement possédait encore quelques différences, quelques nuances. A bout de souffle il pu toutefois une dernière fois s’enthousiasmer pour une ultime idée. Il dépêcha un gamin pour que celui-ci aille lui chercher une corde et le paya grassement pour installer ensuite le nécessaire pour une pendaison réussie. Vas-y maintenant retire la chaise dit-il au gamin tu pourras prendre tout l’argent qui reste dans mes poches. Le gamin ne se fit pas prier. le peintre senti le vide sous ses pieds, puis il sombra dans l’inconscience totale que lui avait procuré à la fois le choc et l’étranglement du noeud coulant. Il était en train de mourir . quelle différence cela pouvait-il faire puisque la vie ne lui permettait pas d’atteindre à l’invisible, à la peinture... peut-être que la mort lui offrirait enfin ce qu’il cherchait. Quand il se rendit compte qu’il établissait encore une différence entre la mort et la vie, il était trop tard. Cependant il parvint tout de même à percevoir simultanément toutes les possibilités qu’il n’avait pas exploitées pour parvenir à son but. Pour approcher ce qu’il nommait depuis toujours la peinture il existait désormais mille possibilités, mais il compris aussi, dans le même temps, qu’il lui était nécessaire d’être rien, de parvenir à cet état de vide, de néant, de mort pour éprouver ce grouillement incroyable de vie qui résidait au fond de lui -même. Enfin l’aboutissement de toute une vie se réalisait pour le payer de tant d’efforts. Quand les pompiers vinrent pour le décrocher ils furent étonnés de voir pour la toute première fois de leur carrière un pendu souriant, un pendu béat. Un journaliste à l’affût d’un bon article et qui trainait dans le coin s’intéressa a l’affaire. L’article paru dans les journaux locaux, en cinquième page. Puis un autre journaliste un parisien, un jour maussade, un jour où l’inspiration manquait, feuilleta le même journal et tomba sur l’article. Il effectua des recherches, rencontra la veuve du peintre, eut des rapports intimes avec celle-ci qui ne se fit pas prier ensuite pour lui donner accès à l’œuvre du peintre.... le journaliste se frotta les mains il avait de quoi faire un papier complet. D’autant qu’il découvrit le journal du peintre qui relatait dans le menu tous les affres de son calvaire pictural. Il trouva un bon titre. « Le peintre qui voulait peindre le rien » Puis il alla brandir son article dans le bureau du rédacteur chef qui le lu puis le jeta aussitôt à la corbeille. Aucun intérêt pour nos lecteur mon cher. Revoyez votre copie. Google ne laissera aucune chance à ce genre de ramassis de conneries. En hommage à Grégoire Falque, autrefois nommé le Délesteur, assassiné par Google. Dont je viens d’avoir tout juste des nouvelles par mail ( coucou Grégoire, vais faire le nécessaire pour les anciens liens ;) ) voici le lien de son nouveau site https://www.arseneca.com/account/etude-de-cas-pour-ne-rien-acheter/|couper{180}

Le peintre qui voulait peindre rien.

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Avant, après

« le voyageur doit reconnaître que la magnificence et la prospérité de Maurillia maintenant qu’elle est devenue une métropole, si on les compare à ce qu’était la vieille Maurillia provinciale, ne compensent pas une certaine grâce perdue, laquelle cependant ne peut se goûter qu’à présent sur les vieilles cartes postales, tandis qu’auparavant, avec sous les yeux la Maurillia provinciale, on ne voyait à vrai dire rien de cette grâce, et on en verrait aujourd’hui moins que rien, si Maurillia était restée telle quelle, et en tout état de cause la métropole a cet attrait supplémentaire, qu’au travers de ce qu’elle est devenue on peut repenser avec nostalgie à ce qu’elle était. » Extrait de Les villes invisibles Calvino, Italo Idem pour un état sans douleur et un état avec douleur. Que ce soit une rage de dent, une entorse à la cheville, l’ensemble, cet accablement fortuit. l’état souffrant n’incite t’il pas à rêver tout à coup de pouvoir retrouver l’état précédent. On ne prend jamais suffisamment la mesure du bonheur de ne rien ressentir de fâcheux. Et aussitôt sorti de chez le dentiste, de l’hôpital, tout recommence exactement comme avant. On trouve sujets à se plaindre à maugréer, on oublie. Se souvenir, oublier, l’alternance… une façon de ne pas voir l’immanence. C’est quoi, l’imminence, un petit poisson passe, un plus gros le mange. Cela se passe à chaque instant. Pas de quoi fouetter un chat. Mieux, snober l’immanence, s’en foutre. Plaisir de triturer une dent qui fait mal.|couper{180}

Avant, après

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L’épaisseur

Détail d’une toile, réalisée dans une ancienne phase épaisseur. (Vendue) Des tourmentes, la peinture en produit régulièrement Pour un petit moment de bonheur des avalanches de doutes. Il faut s’y faire. C’est un échange qui s’effectue, une histoire de vases communicants. On paie le prix sans broncher quand on est en forme, quand on se sent solide, quand on se souvient du deal. Quand on est plus vulnérable le trou de mémoire nous aspire. Régulièrement, la hantise du manque d’épaisseur de mes peintures revient. Je travaille souvent par couches fines, progressives, je tire la peinture à son maximum par dégoût du gâchis. Par économie aussi probablement encore que je ne me reconnaisse pas dans la typologie du radin. Peut-être est-ce plus de l’hésitation sans en avoir l’air. Un manque de confiance dans le geste qui pourrait se prolonger si la charge du pinceau était suffisante. Un empêchement. Mais en ce moment quelque chose est en train de changer. Le fait de m’abstenir de faire comme avant. De changer mon fusil d’épaule, de ne plus utiliser tous ces diluants me parait d’une part bien plus confortable, pratique, et, enfin, la matière vient naturellement. Sans pour autant gâcher. Je n’utilise pas vraiment des tonnes de peinture, beaucoup moins que si j’utilisais un couteau. Encore que ma pratique du couteau est très économe aussi. Le revers au final est ce manque de relief, de générosité de la peinture. Je ne sais pas si c’est un engouement passager ou une réelle trouée. Je fais des aller retour sans arrêt depuis que je peins avec le lisse et le rugueux, le précaire et la générosité, la couleur et le sobre. A chaque fois je me sens tiraillé par ces couples de mots. Mon côté lunatique, ou encore le refus obstiné de vouloir prendre une décision une bonne fois pour toutes. Je ne saurais vraiment le dire. En ce moment c’est donc la phase épaisseur. Mais ce que j’observe c’est une luminosité supplémentaire qu’il n’y a pas dans les tableaux « lisses » la lumière réagit autrement et ajoute comme une clarté indéfinissable à chaque nouveau tableau que je peins ainsi directement en pâte avec mon petit pinceau. Une clarté qui n’est pas du a l’ajout d’huile non plus, il n’y a pas de brillance artificielle. C’est à la fois plus brut, et plus lumineux. Plus quelque chose. C’est vers ce plus quelque chose que j’éprouve le besoin de me rendre avec de moins en moins de moyen. Maigrir, me rédimer, pour enfin donner cette épaisseur à la peinture.|couper{180}

L'épaisseur

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Bleu de céruléum

Les règles existent, même si de moins en moins de personnes s’en soucient, ou passent le plus clair de leur temps à les contourner par profit, par intérêt égoïste. En peinture aussi il y a quelques règles. On peut parfois les remette en question, ne pas les appliquer bêtement. Ainsi cette règle de ne pas appliquer directement sur la toile la couleur qui sort du tube. une règle que j’applique bêtement depuis des années. Je cherchais une ombre qui ne soit pas bouchée sur un tableau que je reprends presque 40 ans après… une toile que m’avait inspiré le souvenir de ma grand-mère maternelle. De mémoire, sans photographie. C’est d’ailleurs un stage que je propose parfois. Peindre un membre de sa famille, un proche, de mémoire uniquement. Bref. J’avais ce tube de bleu de céruléum, je l’ai pressé et j’ai directement pioché dans la couleur pure pour la placer sur les ombres de la toile. Je travaille toujours sans aucun médium avec mon petit pinceau ce qui m’oblige à prendre le temps, à tirer la peinture mais pas trop, il faut souvent recharger le pinceau. Et la soudain, l’émotion provoquée par la beauté du bleu pur sur les couches antérieures noires. J’ai pensé à Matisse, c’est dans mon esprit la même émotion que j’avais éprouvée en regardant ses toiles, le bleu de la danse notamment. Le jaune est venu ensuite, le contraste du jaune et du bleu. J’ai juste ajouté un peu de blanc dans le jaune pour qu’il n’envahisse pas toute la toile. Il y a de nombreuses erreurs dans ce tableau, un aspect naïf. je ne sais pas encore si je les corrigerai. Pas bien important de corriger ça et là, un trait, une ombre, une lumière, pour que ce soit plus ressemblant. Le sujet est un prétexte au placement des couleurs. Que ce soit figuratif ou pas je reviens toujours à cela finalement. Créer une atmosphère, une ambiance par les couleurs essentiellement. Le fait de se diriger vers une économie de moyens de plus en plus serrée, d’essayer d’aller au plus simple après toutes les complications traversées. Dans les textes aussi probablement. Moins de choses. Des règles simples à appliquer parce qu’on sait pourquoi on les a crées. Pourquoi reprendre cette toile soudain… sans doute le texte écrit sur Marengo y est-il pour quelque chose, et aussi le séjour de la petite dame, ma belle-mère, ces quelques jours à l’écouter ressasser ses souvenirs d’enfant. La fragilité, la vulnérabilité, novembre. Et aussi le décès de la mère d’une de mes élèves, 102 ans comme Soulages. J’ai été réparer une imprimante chez elle. Elle était à la fois triste et soulagée par cette disparition. Triste et soulagé de mon côté d’abandonner ces règles qui finalement proposent plus d’entraves de difficultés inutiles par rapport à ce que l’on veut vraiment faire ou dire. Faire avec ce que l’on a. Il y a des années que je tourne autour de cette idée, abandonnée plusieurs fois, en raison de tout un tas d’excuses que l’on se donne à soi-même pour justement ne pas rentrer dans le dur, dans le véritable travail. Sans doute en raison surtout de la peur d’y parvenir, mais parvenir à quoi finalement… une notoriété, plus d’argent, toutes ces choses que l’on connaît déjà plus ou moins et qui nous éloignent souvent de ce qui se produit entre la couleur et soi. Qui nous prive de l’aptitude surtout à creuser cette relation, de s’y enfouir totalement, quelqu’en soit le risque. Grand-mère, huile sur toile en cours|couper{180}

Bleu de céruléum

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lieu commun

Les lieux communs m’emmerdaient énormément lorsque j’étais jeune. Le seul fait que quelqu’un se plante devant moi et ne trouve rien d’autre à me dire que il fait beau ou il pleut me flanquait presque aussitôt dans une rogne intérieure. Que ne ne montrais pas car j’ai été bien élevé. Enfin, plus tard j’ai exprimé cette rage, je répondais du tac au tac merde ou ta gueule et je tournais les talons. Plus tard encore après avoir été bien seul, j’ai revisité cette histoire de lieu commun. Je crois qu’il m’arrive même de me dire il fait beau ou il pleut à moi-même quand je ne sais pas quoi me dire. On évolue.|couper{180}

lieu commun